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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 26 octobre 1999
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président,

puis de M. Didier Boulaud, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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· Projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805) : Défense

Avis : Marine (M. Jean-Yves le Drian, rapporteur pour avis)

· Projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805) : Affaires étrangères

Avis : Affaires étrangères et Coopération (M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis)

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La Commission a tout d'abord examiné les crédits de la Marine pour 2000, sur le rapport de M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Le Drian a tout d'abord rappelé que le projet de budget pour 2000 prévoyait d'affecter 33,003 milliards de francs de crédits de paiement à la Marine, dont 12,897 milliards de francs pour le titre III et 20,106 milliards de francs pour les titres V et VI. Il a alors relevé qu'en crédits de paiement, après l'augmentation globale du budget de 1999 par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, la Marine subirait une diminution de 2,7 % de ses ressources, diminution plus forte que celle de l'ensemble du budget de la défense hors pensions (- 1,1 %). En outre, si la répartition entre les titres (près de 40 % pour le titre III et plus de 60 % pour les titres V et VI) avantageait les dépenses en capital dans la mesure où la Marine est essentiellement une armée d'équipement, l'évolution de ces deux catégories de dotations était particulièrement marquée.

Le rapporteur pour avis a souligné que les crédits de fonctionnement connaîtraient une quasi stabilisation en francs courants qui garantiraient l'annuité de la professionnalisation et une certaine amélioration des dotations de fonctionnement. Certaines difficultés demeureront cependant quant à la gestion des personnels et mériteront l'attention, comme l'équilibre entre les départs et les recrutements, l'accueil des personnels de la DCN qui a atteint ses limites ou l'insertion des engagés employés sur contrat court. Mais les tensions sur l'entretien programmé des matériels seront partiellement atténuées.

Le rapporteur pour avis a ensuite relevé que les dépenses en capital devraient subir une nette diminution, non seulement en termes de crédits de paiement (4,4 % en francs courants ou 5,2 % en francs constants) mais surtout d'autorisations de programmes (21,2 %). Tout en s'interrogeant sur la signification de ce phénomène, il s'est félicité dans un premier temps que le projet de budget accompagne la mise en service opérationnelle du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, à l'issue de sa traversée de longue durée au printemps prochain, ainsi que la poursuite du programme d'armements antiaériens PAAMS. Il s'est également réjoui que la mobilisation de près de 5,8 milliards de francs d'autorisations de programme permette la commande de la première frégate Horizon dans de bonnes conditions industrielles. Mais il a regretté, d'une part, que l'évolution de la part de la Marine dans le budget de la défense passe de 17,85 % à 17,56 % en loi de finances initiale, prolongeant ainsi une tendance décennale à l'érosion, d'autre part, que la réduction de près de quatre milliards de francs sur les autorisations de programmes n'hypothèque à terme, si elle se prolonge dans les budgets à venir, le renouvellement des équipements majeurs, en particulier les futures commandes des hélicoptères NH 90 ou des Rafale.

Le modèle que permet de financer le projet de budget pour 2000 correspond encore à celui qui a été déterminé il y a quatre ans et revu en 1998. Mais le décrochage des dotations budgétaires ne peut perdurer si la Marine veut rallier à l'échéance fixée ce modèle, fondé sur une réduction du format de 20 % en termes de bâtiments comme de personnels. Les incertitudes actuelles mériteront d'être levées lors de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.

M. Jean-Yves Le Drian a alors souhaité appeler l'attention de la Commission sur l'évolution de la DCN. Il a rappelé que, depuis quelques années, de nombreux efforts avaient déjà été entrepris pour moderniser les structures de la DCN (création de DCN International, séparation, désormais achevée, des services étatiques et des services industriels, rapatriement de la sous-traitance, plus récemment plan d'entreprise avec un projet comptable et financier qui devrait permettre de disposer dès 2001 d'outils comptables normalisés). Il a souligné que l'environnement de la DCN la poussait vers des évolutions plus accentuées, compte tenu des règles actuelles de gestion qui paraissaient non seulement, incompatibles avec une activité industrielle compétitive mais qui entravaient également la recherche d'alliances ou de partenariats comme le montrent les exemples de la construction de la plate-forme SFX à Brest ou de la réalisation du sous-marin Scorpène pour le Chili. Or les coopérations industrielles constituent la seule solution pour garantir à terme le développement des capacités technologiques indéniables de la DCN que les seules commandes de la Marine ne peuvent plus assurer.

L'annonce de la transformation de la DCN en service à compétence nationale (SCN) ne peut correspondre qu'à une étape intermédiaire vers une évolution ultérieure. Le statut de SCN ne modifie pas en effet le cadre juridique des activités et ne desserre pas les contraintes qui en résultent, la seule différence étant la séparation d'avec la DGA qui continuera à détenir un pouvoir de tutelle similaire à celui qu'elle exerce sur les industries d'armement. En outre, les conditions nécessaires au succès de la transformation ne semblent pas réunies. D'une part, la proposition de passage au statut de service à compétence nationale est insuffisante pour assurer aux différentes catégories de personnels que l'avenir de la DCN est garanti et pour les mobiliser sur un projet d'entreprise. D'autre part, le changement de comptabilité se heurte à de nombreuses difficultés. Enfin, le soutien du ministère de l'économie et des finances ne paraît pas acquis pour la recapitalisation de DCN International, l'application de la « directive réseaux » ou l'alliance privilégiée de la DCN avec un partenaire industriel.

Le rapporteur pour avis a indiqué qu'il préférerait le statut d'établissement public, car cette option aurait le mérite de donner un signal positif fort, en particulier en direction des personnels et des acteurs industriels européens et de préserver l'unité de la DCN. Il a considéré comme essentiel de fixer un objectif de changement par étapes de l'organisation de la DCN et d'engager des réformes profondes pour préserver son avenir en évitant que les éléments les plus dynamiques et les plus performants ne la quittent et en empêchant que les établissements ne perdent leurs compétences.

Il a précisé que si, jusqu'à une période récente, la DGA n'était pas favorable à de telles réformes dans la mesure où les conditions de leur succès ne paraissaient pas réunies (absence d'outil de pilotage dans l'entreprise et plan de charges en forte baisse notamment), des évolutions semblent davantage possibles aujourd'hui puisque la décroissance du plan de charges s'atténue, que la modernisation et l'adaptation du système de gestion seront réalisées en 2001 et que le format des effectifs cessera alors de diminuer pour se stabiliser à 13 000-14 000 personnes, l'activité de la DCN devant reprendre sur un rythme soutenu en raison des carénages de sous-marins nucléaires et de la construction des TCD de nouvelle génération. Il a néanmoins souligné qu'un « scénario catastrophe » n'était pas exclu au moment où de grands groupes européens se constituent au Royaume Uni et en Allemagne dans le domaine de la construction navale militaire. Le risque est réel que la DCN soit exclue de ce mouvement de restructuration et perde peu à peu ses savoir-faire.

En conclusion, le rapporteur pour avis a proposé de donner un avis favorable aux crédits consacrés à la Marine.

Exprimant sa convergence de vues avec le rapporteur sur le diagnostic et les pistes de réflexion concernant l'évolution des activités et des structures de la DCN, M. Bernard Cazeneuve a souhaité avoir confirmation du lancement de la construction du quatrième SNLE-NG, indispensable à la dissuasion, courant 2000. Il s'est également interrogé sur les dotations du projet de budget relatives au sous-marin d'attaque futur. Relevant enfin qu'un volume de 1,5 milliard de francs de crédits de paiement et de 1,8 milliard de francs d'autorisations de programme était destiné aux SNLE, il a demandé quelle serait la ventilation de ces ressources entre le lancement de la réalisation du quatrième SNLE-NG et le maintien en condition opérationnelle des autres sous-marins.

M. Jean-Yves Le Drian a indiqué que la commande du quatrième SNLE-NG était bien prévue en 2000 afin de permettre l'entrée de ce bâtiment en service actif en juillet 2008. Il a par ailleurs précisé que le sous-marin d'attaque futur bénéficiait de l'inscription de 134 millions de francs d'autorisations de programmes et de 65 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 2000.

Estimant le projet de budget de la Marine peu satisfaisant, M. René Galy-Dejean a déclaré que le groupe RPR ne pouvait, en conséquence, le voter. S'agissant de l'avenir de la DCN, il a souligné que l'expérience des chantiers de l'Atlantique, société à capitaux privés, montrait que des conditions de fonctionnement adaptées à une activité industrielle permettaient de faire valoir les compétences de personnels hautement qualifiés. Il a exprimé le v_u que la DCN puisse évoluer favorablement en s'affranchissant des contraintes administratives inadaptées qui pèsent sur elle.

M. Jean-Yves Le Drian a souligné que la situation des chantiers de l'Atlantique qui avaient développé leur activité en se spécialisant dans la production de bateaux de croisière à forte valeur ajoutée ou de navires marchands de haute technologie ne pouvait se comparer à celle de la DCN. Il a tenu à préciser qu'il n'était pas inquiet à propos des savoir-faire de la DCN, estimant que les difficultés qu'elle connaissait trouvaient essentiellement leur origine dans l'inadaptation des règles du code des marchés publics, dans la non recapitalisation de DCN International et dans l'impossibilité de diversifier les recrutements en personnels formés aux besoins d'une activité commerciale. Il en a conclu qu'un assouplissement des règles de fonctionnement actuelles constituerait déjà en soi une avancée. Il a néanmoins regretté que certaines administrations de l'Etat ne partagent pas sa foi en l'avenir de la DCN et freinent certains acquis, comme l'illustre l'absence d'effets d'un arbitrage interministériel en faveur de l'application du régime de la directive « réseaux » à la DCN.

Après avoir indiqué qu'il partageait de nombreuses conclusions du rapporteur pour avis, M. Loïc Bouvard a précisé qu'il consacrerait une large partie de son avis budgétaire sur les comptes spéciaux du trésor à la DCN. Ayant constaté, à l'occasion d'un entretien avec le Directeur de la DCN, l'étendue des réformes entreprises ainsi que leurs insuffisances, il a souhaité que la convergence des observations du rapporteur spécial des crédits militaires de la Commission des Finances avec celles du rapporteur pour avis des crédits de la Marine et celles qu'il serait lui-même amené à formuler dans son avis sur les comptes spéciaux du trésor encourage une modernisation plus ambitieuse des structures de l'entreprise. Regrettant que le statut de la DCN constitue un handicap pour la conclusion de contrats à l'exportation comme celui concernant les sous-marins portugais, en cours de négociation, il a déploré que l'organisation administrative de l'entreprise la place en dehors des restructurations du secteur de la construction navale militaire à l'échelle européenne, malgré les efforts qu'elle a consentis pour améliorer ses règles comptables et résorber ses sureffectifs. S'inquiétant par ailleurs de la forte diminution des crédits du projet de budget de la Marine affectés au titre V, il a indiqué que le groupe UDF ne pouvait le voter en l'état.

M. Jean-Yves Le Drian a tenu à préciser qu'il préconisait la transformation de la DCN en établissement public industriel et commercial afin de rompre avec son statut d'administration sans pour autant envisager sa privatisation.

M. Jean-Noël Kerdraon a estimé indispensable que la commande du NTCD intervienne dès le second semestre 2000 tant en raison des besoins de la Marine que de la nécessité d'accompagner l'évolution de la DCN et notamment de l'établissement de Brest. Evoquant l'échec des chantiers du Havre, société à capitaux privés, il a souligné que les difficultés de la DCN ne pouvaient pas être exclusivement imputées à son statut mais qu'elles tenaient aussi à ses liens avec son principal client, l'Etat. Rappelant que des mesures positives avaient été prises afin d'améliorer la connaissance des coûts et d'adapter le format de la DCN aux besoins de l'Etat, il a estimé que cette entreprise avait besoin d'une dynamique, d'une meilleure capacité de réaction, de progrès de productivité et non d'une révolution. Prenant l'exemple de l'établissement de Lorient, tourné vers les marchés d'exportation qui, malgré les contraintes de son statut, a su maintenir son plan de charge, il a considéré que les évolutions nécessaires demandaient du temps. Il a estimé en conséquence que le statut d'établissement public industriel et commercial ne constituait peut-être pas la bonne réponse aux difficultés de la DCN. Préconisant l'humilité dans l'analyse de la situation et la recherche des remèdes, il a fait valoir qu'une réforme hâtive pouvait conduire à l'échec, comme l'avait démontré le cas du Groupement Industriel des Armements Terrestres (GIAT).

Partageant la préoccupation de M. Jean-Noël Kerdraon concernant la diminution de l'ordre de deux millions d'heures de travail du plan de charge prévisionnel de l'établissement de Brest, et s'inquiétant de l'accompagnement social de cette diminution,
M. Jean-Yves Le Drian
a précisé que la commande du premier NTCD n'interviendrait en 2000 qu'à condition que les autorisations de programme disponibles soient abondées en cours d'exercice. Il a récusé les comparaisons entre le GIAT et la DCN en soulignant les adaptations opérées par cette dernière en matière d'effectifs ainsi que ses perspectives de chiffre d'affaires au-delà de 2001, sur un marché mondial porteur contrairement à celui des armements terrestres.

Compte tenu notamment du défi de l'intégration des systèmes d'armes aux plates-formes, il a jugé indispensable d'assouplir les règles juridiques régissant l'activité de la DCN. Après avoir rappelé le succès de la transformation de la Poste en établissement public à l'initiative du Président Paul Quilès, alors Ministre des Postes, des Télécommunications et de l'Espace, il a souligné que le refus de toute réforme profonde risquait de confiner à terme la DCN au seul rôle de l'entretien de la flotte.

M. Jean-Noël Kerdraon a fait observer que les seules mesures d'âge permettant le départ à la retraite à 52 ans ne suffiraient pas à faire passer les effectifs de la DCN de 17 500 à 12 500 et précisé que le plan de charge du site de Brest était de 6,5 millions d'heures en 1999, les prévisions pour 2000 s'établissant initialement à 3,5 millions d'heures mais ayant été portées à 4 millions d'heures en raison des travaux à réaliser sur le porte-avions, l'objectif étant d'arriver à 5 millions d'heures.

Se demandant si le manque de souplesse des statuts de la DCN était bien la cause principale de ses difficultés à l'exportation, M. Robert Gaïa a estimé qu'en revanche elle négligeait trop les fonctions relatives à la gestion et aux ressources humaines, en ne les confiant pas à des professionnels de ces métiers. Il a fait remarquer qu'il était trop facile d'évoquer la rigidité des statuts pour expliquer toutes les dérives.

Convenant qu'il était difficile à une administration de s'insérer directement dans la concurrence internationale, il a estimé que les réformes, pour rester compréhensibles par le personnel, devraient prendre appui sur la recapitalisation de DCN International, faute de quoi les perspectives d'exportation se fermeraient à terme pour la DCN. A ce propos, il s'est inquiété, au regard de l'avenir de la DCN, des efforts actuellement déployés par une entreprise comme Thomson CSF pour trouver à l'étranger des partenaires constructeurs de plates-formes navales.

M. Bernard Cazeneuve a alors fait part de ses doutes sur la possibilité d'obtenir du Gouvernement la recapitalisation de DCN International sans évolution concomitante de la DCN vers des structures plus aptes à la compétition.

M. Robert Gaïa a, pour sa part, remarqué qu'il appartenait précisément à l'Assemblée nationale et à sa Commission de la Défense de formuler les propositions les plus propres à faciliter les évolutions de la DCN.

M. Jean-Yves Le Drian a estimé que la perspective de constituer un groupe qui soit à la fois « plateformier » et « intégrateur de systèmes d'armes » rendait encore plus urgente une réforme de la DCN, lui permettant de nouer les relations de partenariat nécessaires.

M. Michel Voisin, estimant peu satisfaisants les résultats de l'activité d'exportation de la construction navale militaire française et jugeant qu'ils contrastaient avec les succès d'autres pays comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, a considéré que les causes devaient en être recherchées dans la trop grande rigidité des procédures françaises.

Il s'est également interrogé sur la cohérence entre la commande d'un seul NTCD en 2000 avec les objectifs fixés par la loi de programmation en matière de projection des forces.

M. Jean-Yves Le Drian a fait valoir que les bâtiments que la France présentait à l'exportation étaient de grande qualité, comme en témoignaient les contrats récemment conclus, mais a insisté sur l'inadaptation des instruments de gestion de l'activité d'exportation.

M. Jean Michel s'est interrogé sur la réalité des insuffisances du budget de la Marine en matière d'autorisations de programme, le ministère des Finances lui ayant indiqué, en sa qualité de rapporteur pour avis des crédits d'équipement, que les services de la Défense disposaient d'environ 43 milliards de francs d'autorisations de programme déléguées mais non affectées.

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La Commission a ensuite examiné les crédits des Affaires étrangères pour 2000, sur le rapport de M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis.

Après avoir précisé que, comme l'an dernier, les développements de son rapport pour avis sur le budget du ministère des Affaires étrangères s'attacheraient à traiter de l'ensemble des aspects de sécurité et de défense de la politique étrangère de la France, M. Bernard Cazeneuve a choisi de concentrer son propos sur la coopération militaire et de défense.

Il a fait remarquer qu'il y a deux ans, la mission militaire de coopération entretenait au sein du ministère de la Coopération des relations désuètes avec les pays d'Afrique sub-saharienne, qui mobilisaient tous les moyens disponibles, sans lien avec les actions que pouvait conduire dans la même région le ministère de la Défense au moyen des forces prépositionnées, comme le rapport de la mission de la mission d'information sur le Rwanda l'avait fait apparaître. Au ministère des Affaires étrangères, la coopération militaire générale était isolée et réduite à des budgets de misère, qui représentaient une faible part de celle entretenue avec les pays du « champ ». L'ensemble apparaissait tout à fait en décalage par rapport au statut international de la France et à ses engagements en Europe et dans le monde.

Le rapporteur pour avis a alors exposé qu'après les premières mesures prises l'an dernier, l'intégration des structures autonomes de la coopération au sein du ministère des Affaires étrangères se déroulait dans de bonnes conditions et promettait une réorientation de la politique de coopération militaire et de défense vers une présence française plus efficace et plus diversifiée. D'abord, l'ancienne mission militaire de coopération et la sous-direction de l'aide militaire du ministère des Affaires étrangères ont été fusionnées au sein d'une nouvelle direction de la coopération militaire et de défense, la DCMD. Gage de l'intégration de la coopération militaire et de défense dans l'action générale du ministère, la DCMD est l'une des quatre directions de la direction générale des affaires politiques et de sécurité. Par ailleurs, les liens de la DCMD avec le ministère de la Défense sont institutionnalisés, conformément à une demande formulée par la mission d'information sur le Rwanda, puisque son nouveau directeur est un officier général et qu'elle intervient désormais systématiquement en commun avec les états-majors sur les projets de coopération engagés.

M. Bernard Cazeneuve a souligné que, pour la deuxième année consécutive, les crédits de la coopération militaire et de défense étaient intégralement reconduits en francs courants. Les missions ont été reformulées et déclinées par zones géographiques différenciées et les moyens réorientés. Pour la deuxième année consécutive, la règle fixée en Conseil de défense en 1998 aux termes de laquelle 3 % au moins des crédits doivent être chaque année redéployés au profit de la coopération en dehors de l'ancienne zone du « champ » est effectivement appliquée. Les crédits consacrés à ces pays passent ainsi de 86,1 millions de francs en 1998 à 132,3 millions de francs en 2000, augmentant de plus de la moitié. Ils représentent désormais 21 % des crédits réservés aux pays de « l'ex-champ » contre 17 % en 1999 et 12 % en 1998. Cette évolution touche toutes les actions de coopération : envoi de coopérants, formation, aide directe.

M. Bernard Cazeneuve a alors détaillé le changement de caractère des actions menées. Le rôle des coopérants militaires est désormais conçu comme un rôle d'appui, ce qui entraîne la diminution de leur nombre. Au 1er janvier 2000, ils devraient n'être plus que 427, contre plus de 570 l'an dernier. Les effectifs de coopérants dans les pays n'appartenant pas à l'ancien « champ » restent globalement stables, autour d'une soixantaine. En conséquence, le nombre de coopérants dans les anciens « pays du champ » passera de 506 au 1er janvier 1999 à 366 au 1er janvier 2000, soit une diminution du quart, cette diminution étant cependant due pour moitié à la suspension de la coopération avec les Comores, le Niger et la Mauritanie. Plus aucune mission locale n'atteint les 40 membres, ce qui garantit l'absence d'intervention des militaires français dans le commandement des armées des pays concernés. La diminution du nombre des coopérants militaires dans les anciens « pays du champ » est compensée désormais par le recours systématique aux forces prépositionnées ou de souveraineté, solution demandée depuis longtemps, y compris pour servir d'appui, dans le cadre du projet RECAMP, à des coopérations entre les armées africaines destinées à favoriser la stabilité régionale. Pour les mêmes raisons, les crédits nouveaux qui sont affectés aux pays n'appartenant pas à l'ancien « champ » sont d'abord consacrés à des missions d'experts de courte durée.

Dans la nouvelle définition de la politique de coopération militaire et de défense, la formation tient un rôle central. Les crédits qui y sont consacrés passent de 157 millions de francs à 163 millions de francs. Les crédits destinés aux pays n'appartenant pas à l'ancien « champ » en représentent désormais plus du tiers. En 1999, plus de 2 000 places de stage ont été offertes à des militaires étrangers originaires de plus de 100 pays, dont 1 717 en France et 415 en Afrique dans des écoles nationales à vocation régionale (ENVR), véritables écoles de formation militaire françaises décentralisées. L'offre globale est ainsi en hausse de près de 20 %. Parmi les premiers pays bénéficiaires figurent le Maroc, la Tunisie, le Liban, le Tchad, le Bénin, mais aussi, fait nouveau, la Pologne et l'Egypte.

4 millions de francs sont réservés à des programmes de formation multilatéraux relevant du Partenariat pour la Paix de l'Alliance atlantique.

Le développement des ENVR permet d'accroître le nombre des stagiaires africains formés avec l'assistance de la France. En 1999, dix écoles de ce type fonctionnent en Afrique : au total, plus de 600 stagiaires, dont des ressortissants de pays de l'Afrique non francophone, devraient y être formés en 2000. La France affecte 127 coopérants militaires dans les écoles militaires. Ils représentent désormais plus du quart des coopérants militaires, et un budget de l'ordre d'une centaine de millions de francs.

M. Bernard Cazeneuve a souligné que la DCMD avait également comme priorité le développement de la coopération en matière de Gendarmerie ; en 1999, 238 stagiaires de 40 pays, dont 60 officiers appelés à exercer des responsabilités importantes, auront été formés en France dans les écoles de gendarmerie.

Le rapporteur pour avis a conclu que la France s'engageait enfin dans une coopération militaire en cohérence avec ses orientations politiques internationales, en répartissant mieux son assistance dans le monde, et en la renforçant dans les pays du Partenariat pour la Paix. Il a précisé que cette réorientation avait des conséquences directes sur le développement de l'identité européenne de sécurité et de défense, par les actions qu'elle permettait désormais de développer à la fois dans le cadre du Partenariat de la Paix et dans un cadre bilatéral avec des pays ayant récemment adhéré à l'OTAN comme la Pologne, ou demandant à y adhérer, comme la Roumanie ainsi qu'avec nos partenaires européens plus anciens.

Il a ajouté qu'en Afrique, cette réorientation avait des effets salutaires en associant mieux le ministère de la Défense aux actions de coopération militaire et de défense et en favorisant les coopérations régionales, facteurs de paix. Il a estimé qu'elle devait être poursuivie, notamment en ce qui concerne les pays de l'Asie du sud-est et de l'Amérique du sud. Il a néanmoins considéré que les efforts faits devaient être salués et que les résultats, notamment en Europe, étaient d'ores et déjà tangibles.

Soulignant que le projet de budget permettait une réorganisation positive et salutaire de la coopération en faveur des pays n'appartenant pas à l'ancien « champ » tout en donnant les moyens d'une reconfiguration des interventions dans les pays qui en relevaient antérieurement, sans désengagement, il a proposé à la Commission de la Défense de donner un avis favorable aux crédits des affaires étrangères pour 2000.

M. Michel Voisin s'est tout d'abord félicité que les remarques qu'il avait formulées lors des précédents débats budgétaires sur les stages de formation des militaires étrangers aient été prises en considération. Puis il a souhaité avoir des précisions, d'une part, sur les aides directes en matériels, d'autre part, sur le niveau de la coopération militaire en Centrafrique et au Tchad.

M. Bernard Cazeneuve a précisé que les crédits affectés aux aides en matériel étaient réorientés et faisaient l'objet d'une nouvelle présentation. Alors qu'en 1998, 180 millions de francs avaient été consacrés à ces aides, le projet de loi de finances pour 1999 a différencié les aides en matériels proprement dites, pour un montant de 172 millions de francs, et les aides à la réalisation d'investissements, pour 8 millions de francs. Le projet de loi de finances pour 2000 envisage d'affecter 172 millions de francs d'aide aux pays de l'ancien « champ », 3,8 millions de francs aux pays « hors champ », et de reconduire la dotation de 8 millions de francs en faveur des investissements dont 3 millions de francs pour les pays situés « hors champ ».

Il a également précisé que la mission de coopération militaire et de défense au Tchad comprenait 55 personnes en 1998, 46 en 1999, et que ce nombre serait ramené à 35 en 2000. Il a indiqué qu'une évolution comparable était constatée en République centrafricaine puisque les effectifs de la mission de coopération militaire et de défense, d'un niveau de 59 en 1998 et 28 en 1999, y décroîtront à 18 au cours du prochain exercice.

M. Michel Voisin a considéré que le groupe UDF ne pourrait pas se prononcer sur les crédits du ministère des Affaires étrangères puisque seuls ceux consacrés à la coopération militaire et de défense venaient d'être analysés.

Le rapporteur pour avis a expliqué qu'il n'avait présenté oralement que les crédits de la coopération militaire et de défense dans la mesure où les autres dotations du ministère des Affaires étrangères intéressant la défense seraient évoqués dans le cadre du débat budgétaire tenu en présence du Ministre par la Commission des Affaires étrangères lors de sa séance du 4 novembre, ouverte à la presse et au public.

M. Didier Boulaud, Président, a indiqué que le vote de l'avis sur les crédits du ministère des Affaires étrangères aurait lieu lors de la séance de la Commission de la Défense le 3 novembre.


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