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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 27 octobre 1999
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Didier Boulaud, Vice Président,
puis de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

pages

· Projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805) : Défense

Avis : Services communs (M. Michel Meylan, rapporteur pour avis)

Espace, Communications et Renseignement (M. Bernard Grasset,
rapporteur pour avis)

Armée de l'Air (M. Yann Galut, rapporteur pour avis)

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La Commission a tout d'abord examiné les crédits du ministère de la Défense pour 2000 consacrés aux services communs, sur le rapport de M. Michel Meylan, rapporteur pour avis.

M. Michel Meylan a souhaité faire porter l'analyse de l'adaptation des services communs du ministère de la Défense à la transformation des Armées sur quatre de ces services : la Délégation générale pour l'Armement, le Service de Santé, le Service des Essences et la Délégation à l'Information et à la Communication de la Défense.

Il a, en premier lieu, relevé que la réforme de la DGA se mettait progressivement en place, non sans mal d'ailleurs. Ainsi, l'installation du nouvel outil informatique nécessaire à la modernisation de la gestion des programmes s'est traduite par un arrêt total des engagements et des paiements pendant quelques semaines au début de l'année 1999. Au 30 juin 1999, le montant des mandatements n'atteignait que 25 % du niveau total de 1998. Il a rappelé, à cet égard, que l'an dernier déjà, les réformes internes de la DGA avaient perturbé l'exécution du budget d'équipement en cours de gestion, sans toutefois en remettre le résultat final en cause. Il a espéré que, de même, en 1999, le retard des mandatements serait comblé d'ici à la fin du présent exercice, faisant observer qu'il serait pour le moins préoccupant que la consommation des crédits d'équipement militaire subisse les aléas d'une réforme administrative.

Abordant la question de la rénovation des liens avec l'industrie de l'armement, il a rappelé que la DGA souhaitait suivre désormais une politique de mise en concurrence systématique Il s'est cependant interrogé sur la réalité de l'application de ce principe, à l'heure où les concentrations se multiplient dans le secteur de l'armement, relevant que la DGA reconnaissait d'ailleurs elle-même que 80 % des marchés étaient notifiés sans mise en concurrence préalable. Il a estimé que la vraie question était, en ce domaine, celle de la sous-traitance, la DGA ayant la responsabilité de maintenir un tissu industriel viable et diversifié. A ce propos, il a exprimé le souhait que la DGA applique rapidement son projet de faire du plan d'acquisition des sous-équipements par les grandes entreprises l'un des critères de choix des candidats dans la notification des marchés.

Il a rappelé que la poursuite de la politique de commandes globales traduisait également la rénovation des liens entre la DGA et les industriels de l'armement et fait observer que la montée en puissance de ce système était très nette : alors qu'en 1997, les commandes globales ont représenté 9,7 milliards de francs, elles se sont élevées à 12,5 milliards de francs en 1998. Pour 1999, ce montant est déjà atteint et la DGA vise, au total, un montant de 20,2 milliards de francs d'ici à la fin de l'année, soit plus du tiers de l'ensemble des engagements réalisés. Il s'est félicité de la poursuite de cette démarche, génératrice d'économies importantes pour l'Etat et qui permet aux industriels de disposer d'une vision de long terme. Il a toutefois rappelé qu'elle supposait l'ouverture d'un niveau d'autorisations de programme suffisant en loi de finances initiale.

Le rapporteur pour avis a ensuite examiné le bilan que l'on pouvait établir des mesures déjà mises en _uvre, à ce stade de la réforme de la DGA, en fondant son analyse sur l'évolution de son coût d'intervention. Il a indiqué qu'il ne s'appuierait pas, pour ce faire, sur l'examen des dotations budgétaires de la DGA dans le projet de loi de finances pour 2000, tout en relevant qu'elles représentaient pourtant des montants importants, avec 2,8 milliards de francs pour le titre III et 11,6 milliards de francs pour les titres V et VI. Il a en effet considéré que ces crédits n'étaient pas représentatifs du coût de la DGA puisqu'ils incluaient non seulement des crédits qu'elle consomme pour ses propres besoins mais également des crédits qui sont utilisés dans l'intérêt des armées.

Il a ajouté que la modification du périmètre du titre III dans le projet de loi de finances pour 2000 rendrait l'analyse de l'évolution du poste de rémunérations et de charges sociales moins pertinente encore dans l'avenir, 3,6 milliards de francs, correspondant aux rémunérations des effectifs civils de la DGA, ayant été transférés vers le budget de la Direction de la Fonction militaire et du Personnel civil du ministère de la Défense. Il a souligné qu'il serait désormais très difficile en conséquence de suivre l'évolution de ce poste de dépenses dont la baisse est pourtant un indicateur de la réussite de la réforme. A ce propos, il a relevé que, suite à un alourdissement des cotisations patronales, il s'agissait d'une catégorie de coûts qui ne connaissait pas de réduction dans le projet de budget, contrairement aux années précédentes.

S'agissant de l'évolution du coût d'intervention de la DGA, c'est-à-dire du coût de ce service administratif pour le système de défense, M. Michel Meylan a jugé qu'il représentait un indicateur de suivi beaucoup plus intéressant, même s'il a souligné que l'analyse de son évolution n'était pas facile du fait de la redéfinition de son périmètre. Il a indiqué que le nouveau mode de calcul de ce coût d'intervention conduisait à une revalorisation de 500 millions de francs environ en 1998, ce qui portait son niveau global à 7,1 milliards de francs, et non à 6,6 milliards de francs. Il a indiqué que l'objectif visé pour 1999 était de 6,8 milliards de francs, soit une diminution de 5 % par rapport à 1998 et de 15 % par rapport à 1996.

Il a relevé que la marge de man_uvre sur les dépenses de fonctionnement courant semblant de plus en plus étroite, l'effort devrait porter, dans les années à venir, essentiellement sur les rémunérations et charges sociales, qui comptent pour plus de 60 % dans le total du coût d'intervention. Il a jugé que la Direction des Centres d'Expertise et d'Essais, qui contribue pour 60 % au coût d'intervention total de la DGA, devrait connaître les évolutions les plus importantes. Il a posé, à cet égard, la question de l'avenir du régime juridique de cet organisme, se demandant si, à terme, son statut de service administratif serait compatible avec les nouveaux modes de fonctionnement qu'on tentait d'y introduire, fondés sur les notions de compétitivité et de culture du client. Il a estimé en définitive que cette question, qui rejoint celle du périmètre optimal de la DGA, ne pourrait pas être esquivée.

Le rapporteur pour avis a par ailleurs relevé que le traité instaurant l'OCCAR, organisme conjoint de coopération en matière d'armement, que la DGA avait largement contribué à créer, était en attente d'approbation par les parlements français, italien, allemand et britannique et a souhaité que, conformément aux échéances prévues, sa ratification intervienne en 2000 afin que l'OCCAR puisse disposer au plus vite d'une capacité contractuelle propre.

Evoquant ensuite le Service de Santé des armées, M. Michel Meylan a relevé que la baisse de ses effectifs, entamée en 1997, se poursuivait et qu'il existait des tensions sur le recrutement des médecins des armées. Il a indiqué que ces tensions risquaient de s'aggraver avec la disparition des derniers médecins issus du contingent, et avec les difficultés rencontrées dans le recrutement sur titres de médecins diplômés, rapidement opérationnels.

Après avoir rappelé la participation, au cours des douze derniers mois, du Service de Santé à toutes les opérations extérieures conduites par les armées, et indiqué que ce soutien a nécessité en moyenne près de 300 personnels médicaux et paramédicaux, il a regretté les répercussions de leur non-remplacement sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers.

Le rapporteur pour avis a alors indiqué que le budget du Service de Santé pour 2000 s'élevait dans le projet de loi de finances à 1,7 milliard de francs, en diminution de 8,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999, et que, si les crédits de paiement du titre V étaient légèrement réduits de 2,8 %, il n'en résulterait pas d'ajournement ni de ralentissement des opérations programmées. Il a également relevé que les crédits du titre III enregistraient une baisse de 9,5 %, due à la réduction des dépenses de fonctionnement et d'alimentation.

Examinant ensuite l'activité du Service des Essences, il a indiqué qu'elle avait été marquée en 1998 par une hausse de 5 % des cessions de produits pétroliers aux armées ainsi que par la constitution de stocks importants, et rappelé la participation importante et systématique du service au soutien pétrolier des forces en opérations extérieures, principalement en ex-Yougoslavie.

Il a indiqué que le budget total du Service des Essences s'élevait dans le projet de loi de finances pour 2000 à 565 millions de francs, en augmentation de 0,7 %, en raison notamment du recrutement de 75 militaires du rang en remplacement des appelés. Il a jugé que la baisse de 3,7 % du titre V, si elle venait à perdurer, risquait de retarder certaines opérations pourtant obligatoires, comme les travaux de mise en conformité des installations pétrolières classées, le soutien des forces projetées nécessitant des moyens de plus en plus importants.

Le rapporteur pour avis a regretté que les surcoûts élevés induits par la participation aux opérations extérieures des services de soutien que sont les services de santé et des essences, ne soient pas pris en compte dans le projet de budget, malgré la poursuite de cette participation en 2000.

Il a mentionné enfin la Délégation à l'Information et à la Communication de la Défense (DICOD), créée en 1998 en remplacement du SIRPA. Il a rappelé que cet organisme, dirigé par un délégué civil, relevait directement du Ministre de la Défense, dont il a pour mission de conduire la politique générale d'information et de communication. Il a indiqué que le budget de fonctionnement et d'infrastructure de la délégation -hors rémunérations et charges sociales- s'élevait, dans le projet de loi de finances pour 2000, à 74 millions de francs, en augmentation de 18,8 %. Il a observé que cette hausse était entièrement due au paiement du premier semestre du marché public d'édition passé par la DICOD pour ses publications.

En conclusion de son exposé, le rapporteur pour avis a déclaré qu'il s'abstiendrait lors du vote sur les crédits des services communs du ministère de la Défense.

M. Guy-Michel Chauveau a souhaité que la Commission se saisisse pour avis du projet de loi tendant à autoriser la ratification de l'accord instituant l'OCCAR. Il a également demandé quels assouplissements pourraient être apportés à titre transitoire aux conditions d'élargissement de cet organisme, certains pays candidats redoutant la suppression immédiate de la règle du « juste retour industriel ».

Après que M. Michel Meylan eut rappelé que les Pays-Bas négociaient leur intégration dans l'OCCAR, le Président Paul Quilès a souligné l'importance de la création de cet organisme pour la construction de l'Europe de la Défense. Observant par ailleurs que la crise du Kosovo avait fait apparaître le besoin d'une nouvelle approche de la communication dans le contexte actuel de médiatisation intense, tant au niveau de l'OTAN qu'au sein du ministère français de la Défense, il a estimé que la réflexion engagée en ce domaine par la DICOD méritait d'être poursuivie.

M. Bernard Grasset a considéré que la profusion de publications émanant du ministère de la Défense montrait que la politique de communication des armées n'était pas encore parfaitement définie et s'est interrogé sur son adaptation aux besoins.

Le Président Paul Quilès a souligné que les militaires eux-mêmes convenaient que leur style de communication était à renouveler.

M. Jean-Noël Kerdraon, évoquant les propos du rapporteur pour avis sur la nécessité de mettre les industries de défense en concurrence, s'est inquiété de la lourdeur des procédures de la DGA et de ses conséquences sur le ralentissement des programmes. Souhaitant que la Commission puisse vérifier le montant des autorisations de programme disponibles pour les armées mais non affectées, il s'est demandé s'il n'y avait pas de liaison directe entre le montant de ce stock et les modes d'intervention de la DGA.

M. Michel Meylan a observé que la nécessaire mise en place de nouveaux outils informatiques à la DGA avait retardé le déroulement de certains programmes d'équipement.

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La Commission a ensuite examiné les crédits du ministère de la Défense pour 2000, consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement, sur le rapport de M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis.

M. Bernard Grasset a estimé que le récent conflit du Kosovo avait illustré la pertinence d'une politique spatiale volontariste. Plus que jamais, l'accès à l'espace, la maîtrise des communications et de l'information s'étaient révélés être des atouts indispensables à l'indépendance de la France puisque, sans la mise en _uvre du satellite d'observation optique Hélios, les responsables politiques et militaires français n'auraient pas pesé de la même manière sur l'appréciation de la situation ainsi que sur la conduite des opérations de l'Alliance atlantique.

Le rapporteur pour avis a rappelé que, pour parvenir à cette maturité technique et opérationnelle, la France avait longtemps consenti un effort budgétaire sans équivalent en Europe. A l'appui de ce constat, il a indiqué que les dotations annuelles avaient dépassé le chiffre symbole de 4 milliards de francs courants dans les lois de finances initiales pour 1993, 1995 et 1996 et que la programmation militaire, qui reste une référence pour 1997-2002, avait prévu 20,7 milliards de francs (valeur 1995) pour assurer la réalisation des programmes spatiaux militaires.

M. Bernard Grasset a alors exprimé ses inquiétudes face à l'inversion de cette tendance depuis deux ans, le projet de budget pour 2000 accentuant les inflexions amorcées en 1998. Il a souligné à cet égard que les dotations demandées pour l'espace militaire prenaient plus que leur part de la diminution globale des ressources de la Défense dans le projet de budget. Les crédits de paiement affectés aux dépenses d'équipement dans le domaine de l'Espace connaissaient une baisse de 15,26 %, contre 3,54 % pour l'ensemble des titres V et VI de la Défense. Quant aux autorisations de programme leur réduction atteignait 23,78 %, par contraste avec leur augmentation globale de 1,7 % pour les titres V et VI du budget de la Défense. Il a attiré l'attention de la Commission sur le fait que cette tendance, si elle se poursuivait, conduirait à une rupture contraire aux ambitions françaises dans le domaine spatial.

Présentant plus en détail le projet de budget, le rapporteur pour avis a regretté une nouvelle imputation des dotations duales sur les crédits spatiaux demandés pour 2000. Indiquant que ce transfert, essentiellement destiné au CNES, s'élevait à 1,5 milliard de francs en autorisations de programme et crédits de paiement, il a rappelé qu'il entrait en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire qui avait exclu toute contribution du ministère de la Défense au budget civil de recherche-développement (BCRD). Il a précisé à ce sujet que seulement 75 des 900 millions de francs inscrits au titre de la recherche duale dans la loi de finances initiale pour 1999 avaient financé des études d'intérêt militaire en matière de haute résolution stéréo et d'optique embarquée sur SPOT-V, le reste constituant principalement un appoint pur et simple au budget du CNES.

M. Bernard Grasset a cependant ajouté que plusieurs indicateurs budgétaires montraient que le cadre retenu par le projet de budget pour 2000 préservait l'avenir tout en consolidant les acquis dans le domaine de l'espace militaire. Il a ainsi souligné que le niveau des dotations du projet de budget pour 2000 restait proche des prévisions de la programmation militaire et que le montant des crédits de paiement consacrés à la recherche amont connaissait une hausse de 8 %. Il s'est également félicité de l'augmentation du taux de consommation des crédits de l'Espace.

M. Bernard Grasset a en outre observé que, même redimensionné, le projet de budget pour 2000 permettait d'assurer la continuité des programmes spatiaux majeurs. Il a relevé à cet égard que la France apparaissait comme le seul pays européen qui maintenait un niveau d'engagement financier conséquent en faveur de l'Espace. En effet, depuis qu'elle avait été confrontée aux défections allemande sur le programme Hélios II et britannique pour la réalisation du satellite successeur de Syracuse et Skynet (Trimilsatcom), la France était contrainte d'assumer seule la poursuite et le renouvellement des programmes majeurs définis par le plan pluriannuel spatial militaire. Il a souligné que l'enjeu était d'importance à un moment où les Etats-Unis affichaient leur ambition de dominer tous les créneaux du domaine spatial d'ici 2005, alors que, dans le même temps, plusieurs pays asiatiques confirmaient leur aptitude à concurrencer à terme les programmes européens.

Reconnaissant que les pays européens n'étaient pas totalement inactifs puisqu'ils avaient doté l'Agence Spatiale Européenne des moyens suffisants pour adapter Ariane V à la concurrence et pour engager une réflexion sur Galiléosat, système de navigation par satellites équivalent au GPS américain et au Glonass russe, le rapporteur pour avis a souligné que la coopération européenne dans le domaine de l'espace militaire restait insuffisante alors même que sa nécessité avait été mise en exergue par le conflit du Kosovo.

Considérant qu'un bref aperçu du déroulement des programmes spatiaux majeurs donnait la mesure de ce problème, il a tout d'abord remarqué qu'aucune participation des partenaires italien et espagnol n'était acquise à ce jour pour le financement d'Hélios II, alors même qu'Hélios I-A arrivait en fin de vie. Constatant que la politique de rigueur budgétaire en Allemagne obérait pour l'instant toute perspective de participation de ce pays au programme, il en a déduit que la France devait assumer un financement qui mobilisait près de la moitié du total des crédits de paiement destinés à l'Espace pour 2000, soit 1,112 milliard de francs.

M. Bernard Grasset a ensuite indiqué que le système de télécommunications militaires spatiales Syracuse II, reposant sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom II, devait lui aussi faire l'objet d'une relève dès 2002-2003. Rappelant que la Grande-Bretagne, privilégiant une solution nationale, s'était retirée du projet Trimilsatcom le 12 août 1998 en raison de considérations industrielles et de ses différences d'approche sur le recours aux techniques EHF, il s'est félicité que la France n'ait pas pour autant renoncé à une coopération avec l'Allemagne. Précisant que l'accord de cette dernière n'était pas encore acquis et que, par conséquent, notre pays devra vraisemblablement réaliser un satellite sous maîtrise d'_uvre nationale dans l'intervalle, il a indiqué que 307 millions de francs de crédits de paiement étaient inscrits dans le projet de budget pour 2000 afin que se poursuivent les études de faisabilité.

Relevant enfin que le système d'observation radar faisait à nouveau l'objet d'un intérêt croissant de la part de l'Allemagne et de l'Italie qui ont mené des études assez approfondies à ce sujet, il a estimé que la maturité croissante du concept de petit satellite radar rendait le coût d'acquisition d'un tel système bien plus abordable que les prévisions de la loi de programmation militaire ne le laissaient initialement envisager. Indiquant que le ministère de la Défense avait engagé la réalisation d'un démonstrateur d'ici 2002, il s'est prononcé en faveur d'une coopération sur la base de participations budgétaires croisées avec le programme Hélios II. Attirant l'attention de la Commission sur le fait que l'Italie était dès à présent susceptible de se rallier à un projet de cette nature, il n'a pas exclu que la fusion annoncée entre DASA et Aérospatiale-Matra puisse également inciter l'Allemagne à s'engager avec la France dans un programme auquel l'entreprise issue de cette fusion serait partie prenante.

Mais au-delà de ces grands programmes, le rapporteur pour avis a souhaité mentionner la poursuite des efforts de la France dans les programmes de cohérence ainsi que de l'écoute électromagnétique, le second micro-satellite scientifique Clémentine devant être lancé avec Hélios I-B d'ici à la fin de 1999. Il s'est félicité de l'attention accordée à cet aspect de la politique spatiale française qui, bien que moins visible, n'en est pas moins important.

Abordant ensuite les programmes relatifs au renseignement de théâtre, il a estimé qu'une fois encore le conflit du Kosovo avait été révélateur de l'efficacité des moyens mis en _uvre, notamment en ce qui concerne les systèmes de recueil à vocation tactique. Citant plus particulièrement le programme héliporté de surveillance du champ de bataille Horizon, il a insisté sur sa fiabilité opérationnelle, alors même que le prototype n'avait pas fini ses tests expérimentaux ainsi que sur sa complémentarité avec le système américain JSTARS. Il a ajouté que les drones avaient également fait la preuve de leurs qualités pour un coût très modéré. Si deux CL 289 et trois Crécerelle parmi les dix-sept drones français engagés au Kosovo avaient été perdus, deux d'entre eux avaient été détruits en raison de problèmes à l'atterrissage. Il s'est néanmoins étonné que le projet de budget pour 2000 ne prévoie pas le renouvellement des vecteurs perdus et s'est déclaré favorable à un accroissement de l'effort budgétaire de recherche-développement en faveur de ces systèmes, eu égard à leur potentiel.

S'agissant des communications militaires, il a souligné avec satisfaction le traitement budgétaire relativement privilégié de ce domaine essentiel, indiquant notamment que l'introduction du nouveau système de transmission MBTA dans l'armée de l'Air se traduisait par une forte augmentation de l'enveloppe des autorisations de programme qui s'élevaient pour 2000 à 680 millions de francs contre 25 millions de francs inscrits dans le budget voté de 1999, ainsi que par une croissance importante des crédits de paiement, qui passent de 290 millions de francs pour la loi de finances pour 1999 à 423,5 millions de francs dans le projet de budget pour 2000. Il s'est réjoui que l'armée de Terre bénéficie elle aussi de cette priorité puisque 903,7 millions de francs d'autorisations de programme et 639 millions de francs de crédits de paiement étaient affectés aux systèmes d'information, de télécommunications et de commandement. Il a également remarqué que la Marine bénéficiait d'un abondement sensible des dotations destinées à son équipement en matière de systèmes de télécommunications et d'espace, les autorisations de programme demandées à ce titre s'élevant dans le projet de budget pour 2000 à 284,5 millions de francs alors que les crédits de paiement progressaient à 281,8 millions de francs.

En conclusion, M. Bernard Grasset a qualifié le projet de budget pour 2000 de globalement redimensionné. Tout en estimant que les difficultés liées aux coopérations invitaient à réfléchir sur la volonté réelle de nos partenaires européens à acquérir une véritable autonomie d'appréciation dans la prévention et l'analyse des crises, il a considéré que le conflit du Kosovo était source d'enseignements trop récents pour recevoir une traduction budgétaire immédiate. Doutant que la France puisse faire l'économie de coopérations sans remettre en cause ses ambitions, il a invité le ministère de la Défense à poursuivre ses efforts de manière à rallier nos partenaires européens à certains de nos projets et à participer en retour à certains des leurs. Il a fait valoir que cette démarche participait à l'émergence d'une identité européenne de sécurité et de défense.

Le rapporteur a enfin souhaité indiquer à la Commission que le Directeur de la Direction du Renseignement militaire n'avait pas donné suite à ses demandes de rencontre qui n'avaient pour objet que de tirer les conclusions du conflit du Kosovo en matière de renseignement. Il s'est étonné de cette méconnaissance de la mission constitutionnelle d'information et de contrôle de l'action du pouvoir exécutif qui incombe au Parlement.

Le Président Paul Quilès a regretté que le projet de budget pour 2000 prévoie une diminution des autorisations de programme et des crédits de paiement en faveur de l'Espace après les opérations du conflit du Kosovo qui avaient au contraire souligné le rôle fondamental des moyens de renseignement spatial et l'écart de capacité entre l'Europe et les Etats-Unis en ce domaine. Il a également indiqué que les industriels avaient récemment expliqué devant la mission d'information sur le conflit du Kosovo l'intérêt spécifique des drones pour la conduite des opérations d'observation et de renseignement. D'autres auditions de la Commission avaient livré des informations concordantes. Il s'est alors demandé pourquoi il n'était pas prévu de remplacer les drones qui avaient été perdus lors du conflit du Kosovo.

M. Guy-Michel Chauveau s'est demandé dans quelle mesure le plan prospectif à trente ans de la DGA consacré à la recherche-développement allait être adapté en fonction des leçons tirées des opérations militaires récentes. Il a souhaité savoir si le programme Hélios II ne pouvait pas tirer parti de la création de la société ASTRIUM. Il s'est enfin interrogé sur les financements européens dont pourraient bénéficier les programmes spatiaux présentant un intérêt pour la Défense.

M. Robert Poujade, après avoir félicité le rapporteur pour avis de la qualité de son exposé, a considéré que l'analyse des crédits consacrés à l'Espace faisait non seulement apparaître les difficultés de la coopération mais également des manques graves dans les dotations budgétaires. Il a précisé que le groupe RPR, ne comprenant pas que les leçons du conflit du Kosovo n'aient pas été tirées sur le plan budgétaire, ne pourrait pas donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Bernard Grasset a considéré qu'il devenait de plus en plus difficile de justifier la baisse des crédits de l'Espace par les incertitudes de la coopération, notamment avec le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Il a regretté que le succès des drones français n'ait pas été suffisamment pris en compte dans le projet de budget. Il a également rappelé qu'aucun pays européen ne pouvait mener seul un programme spatial alors que les Etats-Unis proposaient toutes sortes de satellites « sur étagère ». Enfin, après avoir souligné que, pour tirer des enseignements militaires pertinents du conflit du Kosovo, il fallait du temps, il a estimé qu'il ne pourrait y avoir de véritable Europe de la Défense tant qu'il n'y aurait pas de coopération européenne dans le domaine du renseignement et de l'espace militaire.

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La Commission a enfin examiné les crédits du ministère de la Défense pour 2000 consacrés à l'armée de l'Air, sur le rapport de M. Yann Galut, rapporteur pour avis.

M. Yann Galut a d'abord indiqué que le projet de budget de l'armée de l'Air pour 2000 s'élevait à 34,5 milliards de francs, soit une diminution de 3,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999, les évolutions du titre III et du titre V étant contrastées puisque le titre III, fixé à 15,7 milliards de francs, connaît une légère augmentation, de 0,8 %, tandis que le titre V est en diminution, de 6,9 % pour les crédits de paiement, avec 18,8 milliards de francs, et de 10,3 % pour les autorisations de programme, avec 18,2 milliards de francs.

Il a ensuite souligné que le titre III était marqué par l'achèvement de la professionnalisation. Fin 2000 les effectifs de l'armée de l'Air seront, à 1 % près, ceux prévus par la loi de programmation au terme du processus de professionnalisation. Les appelés, qui ne seront plus que 5 938, représenteront, en 2000, 8 % du personnel, alors que leur nombre s'élevait en 1996 à 32 000, soit plus du tiers des effectifs, et à 10 000 en 1999.

Il a ajouté que l'achèvement réussi du grand mouvement de remplacement des appelés permettait d'ores et déjà à l'armée de l'Air de procéder aux ajustements nécessités par une armée de professionnels, comme les transformations de postes de sous-officiers en emplois de militaires du rang, au nombre de 270 cette année, pour tenir compte des qualifications effectives des postes. L'armée de l'Air développait également le recours à la sous-traitance dans les zones où elle n'arrivait pas à recruter le nombre de personnels civils qui lui était attribué, par gage réversible des postes budgétaires correspondants.

Le rapporteur pour avis a ensuite exposé que, pour la première fois, mis à part les opérations extérieures, le budget de fonctionnement était construit en équilibre dès le 1er janvier, alors que, traditionnellement, cet équilibre n'était trouvé qu'à l'occasion du collectif de fin d'année. Avec un montant de 1,63 milliard de francs, les crédits de fonctionnement étaient, dans le projet de budget en hausse de 12,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Ces moyens supplémentaires permettront notamment à l'armée de l'Air d'accroître sa participation aux grands exercices internationaux, dont le conflit du Kosovo a illustré le caractère indispensable pour une participation efficace aux opérations interalliées.

M. Yann Galut a ajouté qu'il conviendra cependant d'être vigilant sur la question du carburant opérationnel, dans la mesure où il n'est pas exclu, eu égard au caractère erratique des cours du dollar et du pétrole, que l'hypothèse retenue en ce domaine s'avère trop optimiste.

Le rapporteur pour avis a également souligné que, alors que l'arme aérienne a été la seule utilisée au cours du conflit du Kosovo, l'armée de l'Air n'est à l'origine que de 17 % des surcoûts financés par le récent décret d'avance. Après avoir souligné que le coût de maintenance des avions de l'armée de l'Air était nettement inférieur à celui des appareils de nos partenaires, il a relevé les anomalies provoquées par le système des primes pour participation aux opérations extérieures. Ces primes sont accordées en fonction de la durée de stationnement sur zone d'opération. Or, des appareils de l'armée de l'Air décollaient de France lors du conflit du Kosovo, soit pour des missions de coordination ou de contrôle, comme les Awacs basés à Avord, soit pour des missions de reconnaissance tactique en zone hostile, comme les Mirage F1 C R. Le rapporteur pour avis a estimé que le dispositif de primes pour participation aux opérations extérieures devait être revu pour mieux tenir compte de l'organisation et des spécificités de l'arme aérienne.

Le rapporteur pour avis a ensuite exposé que la participation française aux opérations du Kosovo avait mis en lumière la bonne orientation de la politique d'équipement de l'armée de l'Air.

Les Mirage 2000 D, pourtant optimisés pour l'attaque à très basse altitude et très grande vitesse, ont montré leur grande souplesse d'utilisation puisqu'ils ont accompli avec succès leurs missions selon les protocoles OTAN, c'est-à-dire à moyenne altitude.

En matière de défense aérienne, si les Mirage 2000-RDI ne sont pas apparus à la pointe opérationnelle des appareils de la coalition, ils ont cependant eu les capacités suffisantes pour prendre leur part de missions. Surtout, il est apparu que leur version rénovée, le Mirage 2000-5, figurait parmi les meilleurs appareils, en raison notamment de sa capacité multicible et de son équipement de reconnaissance de cible non coopérative (NCTR).

S'agissant des munitions, le conflit a fait apparaître que l'armement futur de référence était le système de tir de précision sur coordonnées géographiques. A l'heure actuelle, seuls les Etats-Unis en disposent. Cependant la France n'est pas réellement prise au dépourvu, puisque l'AASM (Armement air-sol modulaire) qui correspond à ce besoin est en cours de développement et que son entrée en service est prévue à partir de 2004.

Enfin, le rapporteur pour avis a souligné la valeur des capacités françaises en matière de renseignement, en particulier dans le domaine tactique puisque les Mirage F1 CR sont dotés de capacités à la fois optiques, infrarouges et électromagnétiques. Il a, à ce propos, indiqué que l'armée de l'Air avait effectué 20 % des missions de renseignement tactique lors des opérations, ce qui témoignait du degré de confiance dont elle bénéficiait.

Par ailleurs, les opérations du Kosovo valident le choix du Rafale comme avion d'armes futur de l'armée de l'Air, en raison notamment de sa polyvalence et de ses moindres besoins de ravitaillement en vol.

On a pu noter que l'armée de l'Air ne disposait pas de missiles antiradar et de systèmes de brouillage actifs. En réalité c'est parce qu'un autre choix, plus économique, avait été fait, de doter chaque avion d'une capacité propre d'autoprotection. Cette protection s'est avérée très efficace.

Au bout du compte, l'armée de l'Air n'a rencontré que des difficultés d'ajustement, auxquelles il a été possible de remédier dès les premières semaines du conflit, telles que le nombre d'abord limité de pods de désignation laser mis à disposition ou l'inadaptation provisoire des Mirage 2000 D à l'emport de bombes de 250 kilos.

Le rapporteur pour avis a alors considéré qu'en matière d'équipement la question n'était donc pas tant celle des orientations retenues que du volume des moyens. Il a rappelé à ce propos que le Général Jean Rannou, Chef d'état-major de l'armée de l'Air, venait, au cours de sa dernière audition, de souligner devant la Commission la diminution des autorisations de programme prévue par le projet de budget et qu'il avait relevé le paradoxe consistant à confier un rôle grandissant à l'arme aérienne comme outil de gestion des crises et des conflits, puisque pour la première fois la victoire a été obtenue sans engagement terrestre, par l'action des seuls aviateurs, tout en accordant aux crédits d'équipement de l'armée de l'Air une place relativement limitée au sein de l'effort de défense en comparaison d'alliés comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Le rapporteur pour avis a alors fait observer que la diminution des autorisations de programme avait obligé à reporter la deuxième commande groupée d'avions Rafale et que le futur avion de transport militaire n'était toujours pas financé.

Il a cependant fait valoir qu'il ne s'agissait pas là de l'équipement actuel de l'armée de l'Air, mais de son équipement futur, et qu'un contexte nouveau apparaissait à la suite de l'expérience du Kosovo et des évolutions de l'Europe de la défense, marquées notamment par les restructurations et les concentrations de l'industrie aéronautique et d'électronique militaire, ainsi que par les efforts de mise en commun de moyens, notamment dans le cadre du Groupe aérien européen.

Rappelant que le Premier Ministre venait d'annoncer, lors de son discours annuel devant l'IHEDN, le lancement prochain des travaux de préparation de la nouvelle loi de programmation militaire, « une loi de programmation qui donne corps à nos priorités nationales tout en contribuant à la construction d'un outil de défense européen », il a estimé que c'est dans le cadre de ces travaux que devra prendre place l'indispensable réflexion sur le rôle de l'arme aérienne, sur la nature et le volume des équipements nécessaires à l'armée de l'Air, et donc sur son budget futur d'équipement.

En conclusion, il a proposé à la Commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'armée de l'Air pour 2000, après avoir fait valoir que ces crédits permettaient les livraisons et les commandes prévues par la loi de programmation, modifiée par la revue des programmes, tout en assurant des moyens de fonctionnement reconnus comme satisfaisants.

Relevant que le rapporteur avait qualifié le projet de budget de l'armée de l'Air pour 2000 de contrasté, M. Robert Poujade a estimé qu'il n'était pas à la mesure des efforts remarquables effectués par cette armée, tant en matière de professionnalisation que de sous-traitance ou de rationalisation de son format. Si les crédits du titre III paraissaient tout juste suffisants pour assurer le fonctionnement de l'armée de l'Air, le niveau des dotations du titre V était, quant à lui, beaucoup plus préoccupant. Il en a déduit que le projet de budget de l'armée de l'Air pour l'année 2000 pouvait être considéré au mieux comme un budget d'attente, au pire comme un budget d'imprévision. Exprimant son inquiétude, eu égard au rôle joué par l'armée de l'Air lors du conflit du Kosovo et aux missions qu'elle peut être amenée à accomplir à l'avenir, il a indiqué que le groupe RPR ne pouvait voter les crédits demandés en l'état.

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