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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 21

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 décembre 1999
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport de la mission d'information sur le conflit Kosovo (M. François Lamy, rapporteur)


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M. François Lamy, rapporteur, a présenté à la Commission le rapport de la mission d'information de cette dernière sur le conflit du Kosovo.

M. François Lamy s'est attaché à présenter les conclusions de sept mois de travaux de la mission, étayées par 13 auditions, un grand nombre d'entretiens particuliers avec des responsables militaires témoins du déroulement du conflit, des déplacements au siège de l'OTAN à Bruxelles, au quartier général des forces alliées à Mons, en Macédoine et à deux reprises au Kosovo. Il a plus particulièrement évoqué quatre thèmes structurant l'analyse du rapport et a détaché pour chacun d'entre eux, les principales conclusions auxquelles la mission d'information était parvenue.

Précisant que le premier de ces thèmes consistait à se demander si le conflit du Kosovo était inévitable, il a indiqué que, pour répondre à cette interrogation, le rapport tentait d'éclaircir les processus diplomatiques à l'_uvre jusqu'à l'engagement militaire de l'OTAN, le 23 mars 1999. Il a fait valoir que les belligérants avaient bénéficié d'occasions réelles d'aboutir à une solution politique négociée puisque dès 1997, les Ministres allemand et français des Affaires étrangères avaient averti le Président Slobodan Milosevic des conséquences prévisibles de son obstination à ne pas rétablir les droits culturels et civiques de la population kosovare d'origine albanaise, supprimés en 1989.

Soulignant que les Etats-Unis ne s'étaient fortement impliqués dans la recherche d'une solution politique qu'à partir du printemps 1998, lorsque les attentats de l'armée de libération du Kosovo (UCK) et la répression de la police serbe s'intensifiaient, il précisé que l'échec des négociations bilatérales entre le Président yougoslave et Ibrahim Rugova, « Président » clandestinement élu par les Kosovars d'origine albanaise avait conduit les ambassadeurs américains, Richard Holbrooke et Christopher Hill, à présenter aux parties, au cours de plusieurs missions de bons offices, trois projets de statut intérimaire pour le Kosovo. Les membres du Groupe de contact avaient validé le dernier de ces projets en décembre 1998, avant de convoquer les belligérants à la Conférence de Rambouillet.

Le rapporteur a observé que la partie serbe a rejeté le volet militaire des accords, qui ne lui avait été présenté qu'à Rambouillet, alors même qu'il différait peu de celui des accords de Dayton et que les Etats-Unis ainsi que les autres Etats membres du Groupe de contact étaient prêts à l'aménager. Il a souligné que l'intransigeance de Slobodan Milosevic avait ainsi conduit à l'échec du processus diplomatique. Le recours à la force est alors devenu inévitable. En premier lieu, la stabilité de la région, déjà précaire, risquait d'être mise à mal par le réveil des tensions ethniques en Macédoine et en Bosnie. En second lieu, l'émigration de 170 000 réfugiés kosovars et le déplacement de 230 000 personnes à l'intérieur du Kosovo constituaient un motif humanitaire suffisant pour réagir. Enfin, la crédibilité de l'OTAN, qui avait menacé de recourir à la force pour permettre le règlement du conflit en cas d'échec des négociations, était en cause.

M. François Lamy a ensuite présenté le deuxième thème du rapport, relatif aux choix opérationnels retenus. Rappelant que la pertinence du choix stratégique inédit d'une intervention aérienne publiquement présentée dès les premiers jours comme exclusive de tout soutien terrestre avait donné lieu à contestation, il s'est interrogé sur l'appréciation, initialement optimiste, des effets des premières frappes de la part de l'OTAN et de ses pays membres.

Rappelant que l'intervention alliée avait à l'origine pour objectif d'obliger le Président Milosevic à revenir à la table de négociation, il a observé que son but avait ensuite consisté à le forcer à accepter sans conditions le plan euro-américain. Il a estimé que la stratégie avait été retenue en fonction de ces orientations politiques, la pression militaire devant s'intensifier par paliers successifs au cours des phases initialement planifiées.

Le rapporteur a considéré que les dirigeants politiques et certains responsables militaires de l'Alliance, se référant à l'exemple bosniaque de 1995, avaient pu supposer que quelques jours de frappes seraient suffisants, alors que, pour le Président yougoslave, la partie diplomatique n'était qu'un leurre visant à préparer au Kosovo une solution militaire conduisant soit à une partition de la province, soit à son « rééquilibrage ethnique ». Le pari d'une intervention aérienne qui supposait un résultat rapide, tout en permettant de minimiser les pertes et les dommages causés aux populations civiles, a conduit à écarter explicitement par avance toute option terrestre. Convenant que la géographie du Kosovo se prêtait mal à une entrée de forces terrestres dans un environnement « non permissif », il a souligné que les effectifs nécessaires et la probabilité de pertes importantes expliquaient la réticence des gouvernements à envisager cette hypothèse. Il a ajouté que son exclusion d'entrée de jeu avait facilité la tactique de dispersion de l'armée et des forces spéciales serbes, les frappes aériennes ne les empêchant pas, par ailleurs, de mener leur guerre contre l'UCK et les populations civiles albanophones.

Il s'est alors demandé si, dans l'hypothèse où Slobodan Milosevic n'aurait pas cédé au début du mois de juin, il aurait été possible de poursuivre les bombardements pendant des mois supplémentaires sans résultats probants. Il a souligné néanmoins que l'engagement d'une offensive terrestre aurait été perçu comme un changement majeur de stratégie et, à ce titre, aurait fragilisé fortement l'Alliance.

Il a estimé enfin que les opérations aériennes n'avaient été qu'une des causes du succès, auquel avaient également contribué d'importants facteurs extérieurs, tels que l'attitude de la Russie à l'égard de la politique serbe, l'inculpation des principaux dirigeants yougoslaves par le tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie ou encore le soutien au sol apporté par l'UCK. Qualifiant l'opération « Force alliée » de pari stratégique risqué, il a conclu que le mode d'intervention retenu par l'OTAN ne semblait pas constituer un modèle pour le règlement des crises à venir.

Présentant le troisième thème du rapport d'information, M. François Lamy a considéré que le conflit du Kosovo imposait aussi une réflexion dépassant le cadre de la politique militaire pour envisager comment les démocraties modernes peuvent faire face à la guerre et comment, en pareil cas, elles peuvent satisfaire aux exigences de légitimité et de légalité qui les caractérisent. Il a évoqué à cet égard trois domaines où des réformes lui paraissaient nécessaires.

Il a d'abord relevé que les Nations Unies qui, en dehors du cas d'agression par un pays tiers, disposent pourtant seules du pouvoir d'autoriser une intervention armée contre un Etat souverain, n'avaient joué qu'un rôle secondaire dans la gestion de la crise du Kosovo au moment du déclenchement de l'action militaire de l'OTAN. L'absence de mandat du Conseil de sécurité avait soulevé de nombreuses interrogations sur la base juridique de l'intervention. Toutefois, la réintégration de l'ONU, et plus particulièrement du Conseil de sécurité, dans le processus de sortie de crise avait contribué de manière décisive au succès de l'Alliance.

Par ailleurs, alors que son approbation est de nature à renforcer la légitimité de l'usage de la force, le Parlement a seulement été informé des opérations menées dans le cadre du conflit du Kosovo par le Premier ministre et les Ministres de la Défense et des Affaires étrangères à l'occasion de questions écrites et orales, d'auditions en Commission et de deux déclarations du Gouvernement. Le rapporteur a, à ce propos, regretté que le Parlement n'ait pas été en mesure de se prononcer avant l'intervention militaire.

Il a enfin souligné que les démocraties alliées comme l'OTAN étaient soumises à une exigence de transparence bien plus forte que le pouvoir yougoslave. Cette asymétrie était susceptible d'avoir influencé les choix stratégiques de l'Alliance, la gestion des opinions publiques n'étant sans doute pas étrangère au souci d'exposer les forces au minimum de risques et à l'affichage d'une stratégie excluant explicitement toute intervention terrestre.

Le rapporteur s'est alors prononcé en faveur d'une réforme de la composition du Conseil de sécurité de l'ONU, afin de donner plus de légitimité à ses décisions, et d'une modification des modalités d'usage du droit de veto par ses membres permanents dans le but d'éviter sa paralysie. Il a également préconisé une révision de l'article 35 de la Constitution, en vue d'introduire une procédure d'approbation parlementaire des interventions extérieures impliquant les forces françaises.

Abordant le quatrième thème du rapport, M. François Lamy a souligné que le conflit du Kosovo était porteur d'enseignements proprement militaires concernant non seulement les équipements et les systèmes de forces, mais également la professionnalisation des armées et le mode de financement des coûts occasionnés par les opérations extérieures.

Après avoir rappelé que la guerre du Golfe avait révélé des insuffisances notoires dans les équipements et la préparation des forces, il a salué les efforts menés par les armées depuis le début des années 90, tant sur le plan de la professionnalisation des personnels que sur celui de la modernisation de leurs armements. Il a estimé que, sans ces adaptations, les forces n'auraient pas pu accomplir leurs missions dans de bonnes conditions opérationnelles ni permettre à la France de tenir le rang de premier contributeur européen de l'Alliance en matériels et en moyens humains lors de la crise du Kosovo.

Il a toutefois mis l'accent sur le fait que l'intégration plus que satisfaisante des forces françaises dans l'OTAN ne devait pas faire oublier la domination des Etats-Unis à tous les échelons de la chaîne de commandement et au niveau des forces aériennes engagées. Il a estimé à ce propos que le choix de la stratégie aérienne et la volonté d'éviter au maximum les pertes humaines avaient renforcé cette suprématie, les Etats-Unis étant seuls en mesure de mettre en _uvre la plupart des missiles de croisière ou armements de grande précision tout temps à distance de sécurité, tels que les munitions à guidage GPS.

Dressant par ailleurs un bilan positif des équipements utilisés par les unités françaises, notamment du Mirage 2000 D, ainsi que des nouveaux programmes de production de missiles de croisière et d'armements à guidage par satellite et soulignant l'intérêt de la présence du groupe aéronaval sur un théâtre d'opérations, il a néanmoins relevé plusieurs insuffisances dans les systèmes de communication et de commandement ainsi que dans la préparation et la restitution des missions ou le renseignement. Il a également soulevé la question du niveau des stocks d'armement et de la politique d'acquisition des munitions. Après avoir remarqué que la proximité du théâtre avait évité des difficultés en matière de logistique et de transport comme en matière de relève des unités, il s'est prononcé en faveur du programme d'avion de transport futur et d'un achèvement dans les meilleures conditions de la période de transition dans la professionnalisation des armées.

En conclusion, M. François Lamy a qualifié le conflit du Kosovo d'expérience atypique qu'il serait sans doute hâtif de considérer comme le précédent d'une nouvelle forme d'intervention internationale dans le règlement des crises. Il a considéré que l'opération « Force alliée » ne remettait en cause ni la responsabilité primordiale du Conseil de sécurité de l'ONU dans le rétablissement de la paix, ni la dimension terrestre de toute intervention militaire. Il a également souligné que, quels que soient les progrès de la technologie, toute action armée présentait des risques graves, la contrainte de limitation des pertes s'appliquant d'abord aux forces menant l'opération de rétablissement de la paix. Il s'est par ailleurs félicité que, sur le plan institutionnel, l'Europe de la défense commence enfin à prendre corps, après la révélation de ses carences au cours du conflit du Kosovo et a souligné les efforts qui devraient être prochainement consentis par la France en faveur de la projection des forces, du renseignement et des munitions intelligentes, de manière à satisfaire aux besoins manifestés dans la conduite des opérations.

Après avoir souligné la logique de l'architecture du rapport d'information, le Président Paul Quilès a fait valoir que le conflit était devenu inévitable une fois l'échec des négociations de Rambouillet-Kléber constaté. Il a par ailleurs estimé que l'absence d'ambiguïté stratégique due à l'annonce par les Alliés qu'ils ne mèneraient en aucun cas d'offensive terrestre avait permis aux forces yougoslaves de mieux faire face aux frappes aériennes.

S'agissant de la réaction des démocraties face à la guerre, le Président Paul Quilès a considéré que le conflit du Kosovo avait mis en lumière la nécessité d'une réforme de l'ONU, de manière à permettre au Conseil de sécurité de remplir efficacement sa fonction d'instance de légitimité pour les opérations de rétablissement de la paix. Après avoir relevé que la médiatisation extrême des événements avait donné aux images, retransmises notamment par la télévision, un pouvoir de justification de l'intervention, il a estimé que la médiation du Parlement lui aurait conféré une légitimité démocratique incontestable et regretté que la France ne dispose pas de procédure permettant cette médiation, contrairement à la pratique des autres grandes démocraties.

Enfin, il a souligné que le conflit avait servi de révélateur des mécanismes réels de fonctionnement de l'OTAN et du poids prépondérant des Etats-Unis à l'intérieur de cette organisation, ce qui n'était sans doute pas étranger aux décisions prises par les Européens en matière de défense lors du récent sommet d'Helsinki. Il a noté à ce propos que la position de la France en dehors de l'organisation militaire intégrée ne l'avait pas empêchée d'exercer, dans la conduite du conflit, une influence due à l'importance de sa contribution militaire.

M. Arthur Paecht a estimé que le rapport contribuait à faire prendre conscience à l'opinion publique que tout conflit se déroulant sur le continent européen ou à ses portes nous concernait. Il a par ailleurs considéré que l'absence d'autorisation des frappes aériennes par le Conseil de sécurité des Nations Unies avait affaibli leur légitimité, ce qui imposait une réflexion sur l'évolution nécessaire du Conseil de sécurité et en particulier sur sa composition et sur le droit de veto, héritage historique d'une situation dépassée.

Il a insisté sur le fait que, tout autant que l'Alliance atlantique, l'Union européenne aurait à l'avenir besoin de la légitimité que pouvait seul accorder le Conseil de sécurité de l'ONU si elle décidait d'intervenir militairement dans le cadre d'une gestion de crise. Puis, après avoir observé que le fonctionnement de l'OTAN n'avait pas été dépourvu d'efficacité, M. Arthur Paecht a estimé que la prépondérance des Etats-Unis au sein de cette organisation ne serait pas indéfinie. Il a en conséquence souligné la nécessité de la faire évoluer pour permettre à l'Europe d'y jouer un plus grand rôle et pour préciser les conditions de ses éventuelles interventions.

Evoquant ensuite les conséquences du sommet d'Helsinki, M. Arthur Paecht a estimé que la constitution du futur corps d'intervention européen supposait une négociation entre l'Union européenne et l'OTAN. Il lui est apparu essentiel qu'un accord entre les deux organisations permette d'établir entre elles des relations claires et transparentes en vue d'une gestion concertée des crises et d'une politique harmonisée d'équipement.

Revenant sur la situation de quasi-rupture de stock qu'avait connue la France dans le domaine des munitions pendant le conflit, il a souligné les inconvénients, tant au regard de leur disponibilité que de leur adaptation aux besoins européens, de l'achat de ce type d'armement aux Américains, et plaidé pour un accroissement de l'effort budgétaire en faveur des programmes correspondants, récusant la notion de programme majeur ou mineur.

Il a considéré que le terme de guerre qualifiait mieux les opérations menées dans le cadre de la crise du Kosovo que ceux d'intervention extérieure ou de frappes aériennes. A cet égard, il a jugé qu'il n'était pas convenable que le pouvoir exécutif n'ait pas préalablement consulté le Parlement, contrairement à l'obligation morale qu'il avait de le faire.

M. Michel Voisin s'est interrogé sur l'évolution de la nature de l'OTAN qui, de défensive à l'origine, semblait être devenue offensive, cette organisation paraissant s'arroger un droit d'ingérence. Après s'être inquiété des problèmes juridiques posés par une telle évolution, il a interrogé le rapporteur sur les conclusions de la mission de l'OSCE, rappelant qu'elles faisaient état d'une concomitance entre l'intensification des exactions commises par les troupes serbes au Kosovo et le début des frappes aériennes.

M. Robert Poujade a jugé que, sans apporter d'enseignements révolutionnaires, la guerre du Kosovo avait été l'occasion, pour l'opinion publique, de mieux comprendre les nouvelles données stratégiques. Il a également estimé qu'elle devrait inciter à concevoir la défense européenne non seulement en termes techniques, mais également à partir d'une définition claire de ses fins et de ses moyens. Il a, en outre, souligné qu'elle posait la question de la gestion d'une alliance en temps de guerre, évoquant les propos de Foch sur la difficulté de conduire une coalition. Sur le plan pratique, il a fait observer que deux interrogations vitales pour notre politique de défense mais auxquelles il n'était toujours pas répondu de manière satisfaisante, en découlaient : d'une part, le conflit du Kosovo conduit à s'interroger sur les moyens dont la France serait susceptible de manquer en cas d'intervention de longue durée, notamment en matière de munitions ou d'effectifs ; d'autre part, il invite à la réflexion sur les perspectives de projection des forces sur des théâtres lointains et sur les capacités de la France à y faire face.

M. Jean-Claude Sandrier a indiqué que le groupe communiste ne pouvait pas approuver le rapport de la mission d'information sur le conflit du Kosovo, étant donné qu'il concluait au caractère inévitable et à la légitimité de l'intervention de l'OTAN. Il a fait observer sur ce point que la guerre actuellement menée en Tchétchénie par les autorités russes sans que les pays occidentaux interviennent illustrait toute l'ambiguïté d'une politique de sécurité qui s'oriente vers un traitement militaire des crises. Après avoir précisé qu'il ne portait pas de jugement sur cette non-intervention, il s'est interrogé sur les critères en fonction desquels les pays occidentaux décident d'entreprendre des actions militaires pour défendre des valeurs dans certains pays, alors qu'ils y renoncent dans d'autres. Il a estimé que seule une politique de sécurité, de paix et de défense des droits de l'homme intégrant les dimensions politiques, économiques, sociales et culturelles des crises et renforçant les organisations internationales qui ont vocation à les traiter permettrait de prévenir efficacement les conflits.

Revenant au conflit du Kosovo, s'il a jugé incontestable l'écrasante responsabilité de Slobodan Milosevic dans les événements qui se sont déroulés dans cette province, il a cependant considéré qu'elle ne rendait pas nécessaire l'intervention de l'OTAN. Il s'est élevé contre l'affirmation selon laquelle la guerre était inévitable, rappelant que l'ensemble du processus avait été géré hors de l'ONU et, plus encore, dans le cadre de l'OTAN, organisation militaire dominée par les Etats-Unis, ce qui avait compliqué le travail diplomatique. Il a par ailleurs relevé que la Russie avait été exclue de ce processus.

De même, il a mis en doute la légitimité d'une intervention militaire qui s'était déroulée sans mandat de l'ONU et avait été menée par une alliance qui s'était autoproclamée représentante de la communauté internationale.

Il a, en revanche, approuvé l'utilisation du terme de guerre pour qualifier les événements qui s'étaient déroulés au Kosovo, regrettant que le Parlement n'ait pas été consulté, que ce soit en vertu des dispositions de l'article 35 de la Constitution ou sous la forme d'un engagement de responsabilité du Gouvernement, comme lors du conflit du Golfe.

Enfin, jugeant que toutes les conséquences de la guerre du Kosovo n'avaient pas été analysées, il a estimé nécessaire de faire le point sur ce sujet d'ici à un ou deux ans soulignant que, malgré l'intervention de l'OTAN, le conflit bosniaque n'avait toujours pas reçu de véritable solution.

M. Jean-Claude Sandrier a ajouté que le conflit avait montré les lacunes de l'organisation de la sécurité internationale et estimé que, dans le prolongement d'un texte signé aussi bien par le Président Paul Quilès que par lui-même, il fallait travailler à donner à l'ONU les moyens de représenter effectivement la communauté internationale.

S'agissant de la coopération militaire européenne, il a considéré que, autant son développement ne suscitait pas de difficultés pour le groupe communiste, autant la définition d'une politique européenne de sécurité et de défense sur la base de l'expérience du conflit du Kosovo n'apparaissait pas comme la meilleure démarche, les questions qui devaient être abordées devant plutôt porter sur les objectifs politiques, les circonstances et les motifs des interventions, les mandats à donner à la capacité militaire européenne, son degré d'autonomie par rapport aux Etats-Unis et son articulation avec la défense nationale de chacun des pays membres.

Le Président Paul Quilès a estimé qu'il n'était pas si sûr que les orientations du rapport soient en désaccord avec la plupart des positions exposées par M. Jean-Claude Sandrier. Il a d'abord souligné que l'appréciation selon laquelle la guerre avait été inévitable n'avait pas été portée dans l'absolu mais au vu du déroulement et de l'échec du processus de négociation qui l'avait précédée. S'agissant du contournement de l'ONU, il a fait observer que le mode de fonctionnement du Conseil de sécurité n'avait pas permis de résoudre la crise et que les initiatives prises, qu'il s'agisse de la première démarche franco-allemande, puis de celles du Groupe de contact et du G8, avaient d'abord eu pour but, eu égard à ce blocage, dû notamment à la certitude d'un veto russe, d'éviter un règlement par la seule puissance américaine. La question a, en revanche, été posée devant le Conseil de sécurité dès que l'évolution de la position russe l'a permis.

Il a conclu que les modalités de règlement de la crise avaient montré l'inadaptation actuelle du système de sécurité international à la prévention et à la gestion des crises et que celui-ci devait donc être réformé.

Après avoir félicité les membres de la mission et tout particulièrement le rapporteur et le président pour la qualité de leur rapport, M. Guy-Michel Chauveau a mis l'accent sur le fait que la prévention des conflits en Europe passait d'abord par des actions économiques, diplomatiques et culturelles, conduites très en amont du déclenchement des crises. Il s'est ensuite interrogé sur une forme d'absence de l'autorité politique au profit des autorités militaires dans les tout premiers jours du déclenchement de l'action de l'OTAN et sur le défaut d'anticipation à la fin du conflit des difficultés juridiques et des problèmes de sécurité qu'il avait fallu traiter dans l'urgence lors de la mise en place de la KFOR. A ce propos, il a estimé que la future politique européenne de sécurité et de défense devrait à l'avenir comporter une composante civile, notamment en matière de police, les pays européens disposant au Kosovo d'un nombre de formateurs très inférieur à celui qu'alignaient les Etats-Unis.

Le rapporteur a répondu qu'on avait en effet l'impression que, alors que la phase diplomatique avait été conduite aussi loin que possible, de même que la planification militaire, les pays de l'OTAN s'étaient trouvés, au soir de l'échec des négociations devant une sorte de vide et contraints en quelque sorte de déclencher les frappes principalement pour maintenir la crédibilité de leur engagement et de leur détermination.

Rappelant la volonté très claire des autorités serbes de régler le conflit du Kosovo par d'importants déplacements de populations, M. François Lamy a confirmé, en accord avec le rapport de l'OSCE, que les exactions s'étaient effectivement amplifiées dans les premiers jours ayant suivi le début des frappes aériennes alliées, mais qu'on ne pouvait pas pour autant prétendre que l'OTAN en était responsable.

Il a considéré que l'intervention alliée n'avait peut-être pas été strictement légale au regard du droit international, mais qu'elle pouvait être considérée comme légitime sur le plan moral et politique.

M. Robert Poujade a estimé que le conflit du Kosovo avait mis en évidence la limite de nos capacités d'intervention militaire dans la durée et dans l'espace, conséquence directe de la réduction du format de nos armées.

M. François Lamy a considéré que ces limites étaient inhérentes à la période de transition que connaissaient les armées françaises dont les capacités seraient fortement améliorées à partir de 2002. Il a par ailleurs rappelé que le Ministre de la Défense, interrogé sur ce sujet à l'Assemblée nationale lors de la discussion budgétaire, avait indiqué qu'une seconde intervention terrestre d'un volume comparable à celle de la KFOR, bien que difficile à organiser, aurait été techniquement possible.

La Commission de la Défense a alors autorisé la publication du rapport de la mission d'information sur le conflit du Kosovo conformément à l'article 145 du Règlement.

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