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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 44

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 juillet 2000
(Séance de 16 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense

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La Commission a entendu M. Alain Richard, Ministre de la Défense.

Le Président Paul Quilès a tout d'abord fait remarquer que la consommation des crédits de paiement des titres V et VI n'avait pas été très dynamique en 1999, malgré un niveau d'engagements encourageant (plus de 85 milliards de francs), puisqu'elle s'était située un peu en dessous de 70 milliards de francs. Reconnaissant les difficultés objectives liées aux procédures d'acquisition des équipements, au moment même où le ministère réformait ses techniques de gestion financière pour les rendre plus lisibles et plus efficaces, il a exprimé néanmoins le v_u que des progrès rapides soient accomplis dans la voie d'une meilleure consommation des crédits, étant donné l'importance des besoins de modernisation des forces. Il a alors demandé au Ministre de faire le point sur les dépenses d'équipement militaire.

Il a également interrogé le Ministre sur la situation du titre III, où des tensions persistent, ne serait-ce que pour le financement des opérations extérieures. Il lui a en particulier demandé d'indiquer à la Commission comment pourrait être, par exemple, géré un engagement français au Liban, en termes de crédits mais aussi de personnel.

Rappelant qu'en abordant la présidence de l'Union européenne, la France était confrontée à la tâche difficile de donner corps à la politique commune de sécurité et de défense (PCSD), il a exposé qu'il s'agirait d'abord de traduire l'objectif global de capacités d'Helsinki en une évaluation précise des besoins militaires et de la contribution de chacun des Etats membres. Il a ajouté qu'il serait nécessaire à cette fin d'établir très prochainement un catalogue de forces, de le confronter avec la réalité et de fixer en conséquence, dès novembre prochain, la contribution de chacun des Etats membres. Il faudra ensuite réunir les conditions de la mise en place, sous la présidence suédoise, d'un mécanisme de suivi et de contrôle du respect des engagements pris.

Après avoir observé que la décision de mettre en _uvre le programme qu'il venait de décrire s'était heurtée à l'obstacle, opposé par certains partenaires, d'une définition préalable des relations entre l'Union européenne et l'OTAN, il a précisé que quatre groupes de travail, réunissant des représentants des deux organisations avaient été créés pour remédier à cette difficulté : le premier de ces groupes porte sur les arrangements de sécurité. Le deuxième traite de la coordination des actions de mise en _uvre de l'objectif d'Helsinki avec les procédures de l'OTAN. Il examinera les conditions du recours à l'expertise de l'OTAN, mais devra aussi, sans doute, aborder la question de l'harmonisation de la démarche européenne avec les processus de planification des forces établis par l'Alliance. Le troisième groupe de travail concerne la mise en place des procédures permettant à l'Union européenne d'utiliser les capacités de l'OTAN pour une action où l'Alliance ne serait pas engagée en tant que telle, aux termes des arrangements dits « Berlin plus ». Quant au quatrième groupe de travail, il est chargé d'étudier les relations permanentes à établir ultérieurement entre l'Union européenne et l'OTAN. Le Président Paul Quilès a alors demandé au Ministre son point de vue sur la contribution à attendre de chacun de ces quatre groupes et souligné en particulier l'urgence d'une réglementation de sécurité au sein de l'Union, un « secret de l'Union européenne » lui paraissant indispensable pour que celle-ci exerce ses missions militaires.

Le Président Paul Quilès a ensuite évoqué les autres grandes questions qui se poseront à la présidence française :  celle de l'association des Etats dits « Etats tiers » (Etats européens membres de l'OTAN et Etats candidats à l'adhésion à l'Union européenne) et celle de la configuration définitive des organes politico-militaires de l'Union. Il s'est félicité que les conclusions du Conseil de Feira soient favorables sans ambiguïté à l'autonomie de décision de l'Union européenne, tout en relevant que la Turquie avait exprimé son mécontentement sur ce point. S'agissant de la configuration des organes politico-militaires de l'Union, il a souhaité qu'elle soit à la fois claire et efficace. Il a également souligné la nécessité de veiller à la cohérence de la chaîne de décision militaire de l'Union et à sa coordination avec les nouveaux mécanismes de gestion civile des crises, dont il reste à présent à assurer le fonctionnement effectif.

Faisant enfin observer qu'à l'issue de la conférence d'engagement de capacités, l'Union européenne devra définir un chemin critique pour se doter des moyens militaires qui lui permettraient, si nécessaire, de gérer une crise seule, dans trois types de scénarios, aide humanitaire, maintien de la paix classique, mais aussi et surtout rétablissement de la paix par la force, le Président Paul Quilès a fait valoir que la programmation militaire à venir ne pourrait pas ignorer ce processus. S'interrogeant sur la conciliation des dimensions nationale et européenne de la programmation militaire, il s'est déclaré favorable à une programmation de transition, par exemple de trois années, sur une période qui pourrait couvrir les années 2002 à 2004, pour permettre le passage d'une programmation strictement nationale à une programmation intégrant les nécessités de la construction de l'Europe de la défense.

S'agissant de la situation budgétaire, M. Alain Richard, Ministre de la Défense, a souligné la convergence de ses analyses avec celles présentées par M. François Lamy dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999 et dans sa communication à la Commission sur l'exécution des crédits militaires en 1998 et 1999.

Il a précisé qu'en ce qui concerne le titre III, les principales divergences entre prévisions et réalisations tenaient d'une part aux crédits d'indemnités de personnel, dont le montant pourrait donner lieu à un « rebasage » dans le prochain projet de loi de finances, et d'autre part au coût, par nature imprévisible mais dont le mode de calcul a posteriori était à présent bien établi, des opérations extérieures lancées en cours d'année.

S'agissant des crédits de paiement consacrés à l'équipement militaire, il a indiqué qu'après une diminution en 1998, représentant la part du ministère dans l'effort financier nécessaire au passage à la monnaie unique, les dotations disponibles avaient été relevées en 1999, à la suite des conclusions de la revue de programmes, pour atteindre 86 milliards de francs. Il a cependant observé que leur consommation n'avait pas évolué en conséquence, puisque les dépenses d'équipement ne s'étaient établies en 1999 qu'à 68,9 milliards de francs avant transferts au CEA et au CNES et à 76,6 milliards de francs après ces transferts.

Exprimant son accord avec les conclusions de M. François Lamy, il a, pour une large part, attribué cette situation à deux facteurs : une baisse des engagements en 1995 et 1996, dont les effets se faisaient encore sentir sur le montant des contrats payés en 1999, et des difficultés d'adaptation ponctuelles créées par les nouvelles procédures, la déconcentration des paiements ayant, par exemple, pu surprendre les services de certains trésoriers-payeurs généraux et les liaisons informatiques ayant dû être ajustées. Il a aussi souligné l'incidence sur la consommation des crédits de l'abandon de plusieurs programmes en coopération européenne, comme le programme de frégate Horizon associant la France, l'Italie et le Royaume-Uni, le programme de satellites de communications militaires ou le programme de véhicule blindé de commandement et d'infanterie (VBCI). Il a enfin observé que les procédures de mise en concurrence, facteur de réduction des coûts, pouvaient également nécessiter un certain allongement des délais. Le Ministre de la Défense a toutefois fait valoir à ce propos que la Commission spéciale des marchés du ministère de la Défense n'avait rejeté qu'une partie infime des contrats dont elle s'était saisie, et que l'essentiel des délais était donc lié à la consultation des entreprises et à l'analyse de leurs offres.

Il a ajouté qu'eu égard au rodage, désormais largement achevé, des nouvelles procédures, au meilleur déroulement des programmes européens actuels et à une dotation en crédits de paiement qui s'établissait, en loi de finances initiale, à 83 milliards de francs pour 2000 au lieu de 86 milliards de francs pour 1999, le taux de consommation pour l'exercice en cours devrait faire apparaître une nette amélioration. Il a indiqué à ce propos qu'un niveau de consommation de 82 milliards de francs était envisageable en 2000 pour les crédits de paiement des titres V et VI.

Evoquant alors les engagements, il a précisé que, pour la troisième année consécutive, ils seraient en 2000 supérieurs à 80 milliards de francs, après avoir atteint 91 milliards de francs en 1999. Il a ajouté que ce rythme d'engagement correspondait à un niveau annuel de paiement de l'ordre de 85 milliards de francs.

Abordant ensuite la question des opérations extérieures, le Ministre de la Défense a exposé qu'avec des dépenses à ce titre de 4,5 milliards de francs, dont une part non négligeable en équipement, en raison de l'engagement des forces aériennes, 1999 avait été une année marquante. Il a toutefois fait remarquer que ce montant, plus faible que celui préalablement prévu, témoignait de l'effort consenti en matière de contrôle des dépenses. Il a indiqué qu'en 2000, l'absence d'engagements armés devrait permettre si elle se confirme une réduction sensible des surcoûts d'opérations extérieures.

Il a exposé qu'en 2000, la seule action nouvelle envisagée concernait le Liban, à la suite de l'annonce du retrait israélien du Liban Sud. Il a souligné que ce retrait avait été accéléré, d'abord sous la pression de l'opinion israélienne, puis en raison de l'affaissement rapide de l'Armée du Liban Sud, mais qu'il correspondait aussi à un engagement électoral du Premier ministre israélien.

Il a alors indiqué qu'à partir du moment où le retrait était devenu certain, un dialogue s'était engagé entre la France et l'ONU.

Dans le courant du mois de juin, le DOMP a finalement constaté que le mandat de la FINUL, ainsi que son effectif, qui peut être porté à 5 600 hommes, correspondaient aux besoins, seule la répartition des personnels entre les différentes spécialités et la nature de leurs équipements nécessitant des ajustements, de manière notamment à accroître le nombre des démineurs et à améliorer la dotation de la force en moyens de détection de tirs.

Le Ministre de la Défense a indiqué que, sur ces bases, d'autres pays, pays d'Europe du Nord ou Ukraine notamment, avaient proposé leur concours. Dans ces conditions, la France n'envisage ni d'accroître sa part au sein de la force, ni d'y revendiquer une fonction de commandement.

Il a ajouté qu'en conséquence, l'évolution de la situation au Liban n'aurait pas d'incidence sensible sur les crédits du titre III.

Le Ministre de la Défense a enfin fait observer que la professionnalisation progressive des armées rendait également plus facile la réalisation des missions d'intervention, le niveau des forces opérationnelles susceptibles d'être engagées sur des théâtres extérieurs s'étant accru de 6 000 à 7 000 militaires par rapport à 1999, tandis que des opérations menées en France pendant l'hiver (tempête, participation au plan Polmar) étaient venues à terme, libérant ainsi les personnels qui y avaient été affectés.

Abordant les objectifs de la présidence française de l'Union européenne en matière de PCSD, M. Alain Richard a souligné le progrès qu'avait constitué la définition au Conseil d'Helsinki, en décembre 1999, d'un objectif de forces global recouvrant des capacités nationales et collectives. Il a fait valoir qu'au cours du processus de réalisation de cet objectif, l'Union européenne devait établir des relations ouvertes et pragmatiques avec l'Alliance atlantique. Il a rappelé que la décision, prise dans cet esprit, de créer les quatre groupes de travail mentionnés par le Président Paul Quilès bénéficiait des réflexions préalables menées dans un cadre bilatéral franco-britannique. Le groupe de travail chargé de la coordination des actions de mise en _uvre de l'objectif d'Helsinki avec les procédures de l'Alliance permettra de faire appel à l'expertise de l'organisation militaire intégrée sur un mandat défini par l'Union européenne elle-même. L'Union européenne se réservera en ce domaine toute liberté de décision et d'appréciation des résultats des travaux de l'OTAN.

Le sommet de Feira a permis d'élaborer un compromis sur les modes d'association à la PCSD des alliés européens non membres de l'Union européenne et des candidats à l'Union européenne. Ce compromis, qui préserve l'autonomie de décision de l'Union européenne, n'a pas satisfait la Turquie avec laquelle il est nécessaire de développer le dialogue politique. La Turquie est cependant restée isolée au sein de l'Alliance atlantique.

Le Ministre de la Défense a alors indiqué que le catalogue de forces à établir en vue de la réalisation de l'objectif d'Helsinki devrait être approuvé par les chefs d'état-major à la fin du mois de juillet. Quant à la conférence d'engagement de capacités, prévue pour le 20 novembre prochain, elle permettra de coordonner les contributions des différents Etats membres.

Le Ministre a alors fait observer que cet exercice ferait apparaître des insuffisances d'effectifs dans certaines spécialités mais surtout des lacunes dans les capacités collectives. Il sera alors nécessaire d'établir une liste des capacités à compléter et de recueillir les contributions nationales permettant de combler ces manques.

Le Ministre a souligné à ce propos que l'objectif d'Helsinki de maintenir une force européenne de 50 à 60 000 hommes pendant un an sur le théâtre d'opérations nécessiterait sans doute la mise en place, à côté de l'ARRC et de l'Eurocorps, d'un troisième état-major européen du niveau d'un corps d'armée, ce qui pourrait conduire certains pays de l'Union européenne à proposer leur contribution à cet effet.

Evoquant les organes politico-militaires de l'Union européenne, M. Alain Richard s'est félicité que leur mise en place définitive ne nécessite pas de révision préalable des traités, comme l'ont confirmé les services juridiques du Conseil. Dans le cadre des traités actuels, le Comité politique et de sécurité n'aura toutefois qu'une compétence de préparation et d'application des décisions du Conseil Affaires générales. Il ne pourra recevoir de ce Conseil que des délégations temporaires et limitées, suffisantes néanmoins pour qu'il soit en mesure de jouer un rôle actif en cas de besoin. Le Ministre a par ailleurs estimé souhaitable que l'assemblée parlementaire de l'UEO conserve son rôle actuel de forum de discussion, associant des représentants des parlements des pays européens de l'Alliance non membres de l'Union européenne et des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Il a également indiqué que le centre d'analyse satellitaire de Torrejòn ainsi que l'Institut européen de sécurité pourront être transférés de l'UEO à l'Union européenne par accord entre les deux organisations.

M. Alain Richard a alors relevé que plusieurs facteurs entretenaient en Europe une dynamique favorable à la PCSD : la convergence des décisions politiques en matière de sécurité ; le parallélisme des évolutions des armées vers une capacité de projection considérablement renforcée ; la professionnalisation des forces (Italie, Espagne) ou l'accroissement marqué de la composante professionnelle en leur sein (Allemagne) ; le regroupement en grande partie achevé des industries de défense ; l'arrivée à maturité de grands programmes d'armement communs (hélicoptères Tigre et NH90, frégates franco-italiennes Horizon, avions de transport futurs, missiles Meteor, projet spatial franco-allemand, ...) ; le caractère soutenu et durable de la croissance économique qui facilite les restructurations industrielles et le maintien, sinon l'augmentation des budgets militaires.

Le Ministre a enfin exprimé le v_u que les Commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière de Défense nationale constituent des lieux d'échanges et de débats sur la prochaine loi de programmation militaire et bénéficient des travaux préparatoires effectués en ce domaine par les états-majors. Il a estimé que la dimension européenne ne pourrait pleinement être prise en compte dans la future programmation qu'après le constat des déficits de capacités de l'Union européenne par rapport à l'objectif global d'Helsinki. Il a également relevé l'intérêt de l'Allemagne pour la démarche française de programmation militaire et souligné que la coopération franco-allemande, notamment en matière d'armement, pourrait servir de base à des perspectives pluriannuelles communes d'équipement des forces.

M. Jean-Noël Kerdraon a fait ressortir les importantes évolutions que connaît la DCN depuis 14 mois avec la discussion du plan d'entreprise, l'application de la loi sur la réduction et l'aménagement du temps de travail et le rapprochement de DCN International avec Thomson-CSF. Il a alors demandé au Ministre de faire le point sur l'élaboration des mesures d'assouplissement des règles de passation des marchés publics, destinées à permettre à la DCN de fonctionner dans de meilleures conditions économiques. Il a également interrogé le Ministre sur les perspectives d'évolution des effectifs de l'entreprise (l'objectif initial de 12 500 personnes devant être porté à 13 200). Puis, s'agissant du programme de NTCD, il a demandé des précisions sur la définition du bâtiment, l'échéancier de sa fabrication et les conditions industrielles de sa fabrication, qui intéresse à la fois les sites de Saint-Nazaire et de Brest.

M. François Lamy a demandé au Ministre de la Défense si les dépassements des prévisions de dépenses de la loi de finances initiale, constatés sur le titre III en1998 et 1999, pouvaient être considérés comme des incidents de parcours, liés notamment à des difficultés temporaires du processus de professionnalisation, ou s'ils étaient dus à une sous-estimation des besoins dans la loi de programmation militaire. Il s'est également inquiété de la consolidation de la zone de confiance de Mitrovica. Enfin, il s'est interrogé sur la réalité des manifestations en France du « syndrome de la guerre du Golfe », dont la presse s'est fait l'écho dernièrement, et a demandé au Ministre quelles informations il pouvait apporter sur ce sujet.

M. Jean Briane s'est demandé s'il n'était pas souhaitable, pour l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, de tenir compte des perspectives ouvertes par la construction de l'Europe de la défense. Il a également interrogé le Ministre sur le rôle futur de l'assemblée parlementaire de l'UEO, demandant si elle devait rester un simple forum de discussion sur la défense européenne ou si elle pouvait exercer une forme de contrôle sur la politique commune de sécurité et de défense de l'Union européenne.

M. Robert Poujade a souhaité connaître les réponses que le Ministre de la Défense pouvait apporter à la « mini-crise » ou plutôt aux inquiétudes récemment apparues dans l'armée de Terre en raison de certaines difficultés de recrutement et des risques de tensions liés à la fin de la conscription.

M. Bernard Grasset a fait part de ses interrogations sur la situation de « surchauffe », réelle ou supposée, qu'est susceptible de connaître l'armée de Terre en raison d'une large utilisation de ses soldats pour des tâches de nature civile, alors qu'elle traverse une phase de réorganisation profonde, due à sa professionnalisation, et qu'elle est engagée dans de nombreuses opérations extérieures. Il s'est demandé si cette situation n'était pas préjudiciable à la formation et à l'entraînement de ses personnels.

Le Président Paul Quilès a souhaité connaître l'avis du Ministre sur la décision récente de l'assemblée de l'UEO de se constituer en « assemblée européenne intérimaire de la sécurité et de la défense », se demandant si cette assemblée était en mesure d'assurer, comme elle en a l'ambition, un réel contrôle démocratique sur la politique commune de sécurité et de défense ou si d'autres formules n'étaient pas également envisageables, comme la constitution d'une assemblée formée de délégations ad hoc des parlements des seuls Etats membres de l'Union européenne.

Estimant par ailleurs que le développement de la politique commune de sécurité et de défense ne manquerait pas faire apparaître, à terme, la nécessité d'une doctrine proprement européenne du recours à la force militaire, distincte de celle de l'OTAN, il s'est demandé s'il ne convenait pas d'élaborer, dès à présent, les premiers éléments de cette doctrine en mettant rapidement en chantier un Livre Blanc européen de la Défense.

M. Georges Lemoine a interrogé M. Alain Richard pour savoir si la Gendarmerie était en mesure de participer à un éventuel renforcement de la police internationale au Kosovo.

Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'objectif d'amener les effectifs de la DCN à 13 200 personnes fin 2002 est maintenu. Il correspond à un équilibre économique sur la base des projections d'activité retenues. Les sureffectifs actuels ne sont pas dus à un manque d'activité mais sont liés au maintien de fonctions d'équipementier au sein de la DCN. Bien qu'ils n'engendrent pas de pertes économiques importantes, il est essentiel de les résorber, de manière à conduire la DCN vers une situation d'équilibre financier sain, puis d'en faire une entreprise potentiellement profitable ;

- le décret d'adaptation du code des marchés publics aux spécificités de la DCN sera publié au cours de l'été ;

- la négociation du contrat que doivent passer la DCN et les Chantiers de l'Atlantique pour la construction de deux NTCD est en voie d'achèvement. Il est de l'intérêt des deux entreprises de s'associer. Le partage de la charge de travail entre Saint-Nazaire et Brest tiendra compte des besoins spécifiques de chacun des deux sites ;

- l'écart observé sur le titre III entre les prévisions de dépenses et les réalisations est lié essentiellement aux difficultés d'évaluation du montant des indemnités versées aux personnels militaires, l'estimation des rémunérations de base ayant été correctement effectuée. Des différences sensibles subsistent entre les armées et les catégories de personnels, comme l'a fait ressortir un rapport récent du contrôle général des armées qui a formulé des propositions d'harmonisation. Mais une réduction des disparités nécessite que les représentants des personnels militaires acceptent de s'y associer ;

- l'institution d'une zone de confiance à Mitrovica résulte d'un choix de la MINUK dont l'application fait encore l'objet de négociations. Le développement de cette initiative suppose en tout état de cause l'acceptation des représentants des deux communautés. Il est à noter par ailleurs que. des milliers de réfugiés albanophones ou serbophones reviennent actuellement au Kosovo, pour des raisons qui tiennent aux rythmes saisonniers d'activités, notamment scolaires. Ces réfugiés se répartissent toutefois, en règle générale, dans des zones de peuplement homogène où ils retrouvent leur communauté ;

- en ce qui concerne le « syndrome de la guerre du Golfe », il faut souligner que le code des pensions militaires d'invalidité prend en compte de manière satisfaisante les présomptions d'imputabilité au service. Aucune affection liée à l'intervention des forces françaises dans le Golfe n'a été identifiée, une trentaine de personnes seulement alléguant aujourd'hui des troubles, sur les milliers de militaires ayant servi au cours du conflit. ;

- les perspectives de mise en _uvre de la politique commune de sécurité et de défense (PCSD) font entrer la politique française d'équipement militaire dans une phase de transition. Les programmes répondant à un besoin défini dans le cadre de la PCSD devront être identifiés comme tels et faire l'objet d'un traitement spécifique. ;

- l'assemblée de l'UEO constitue aujourd'hui un forum utile qui associe l'ensemble des parlements des pays européens concernés par la PCSD, au delà du cercle de l'Union européenne ; il pourrait être dommageable que les parlements nationaux soient privés des éléments d'appréciation qu'offre ce forum, au profit d'une présentation exclusive de la PCSD par leur gouvernement, sachant que par ailleurs le contrôle politique de l'Europe de la défense ne peut passer par les institutions supranationales du premier pilier ;

- la professionnalisation s'opère conformément aux prévisions, non seulement en termes quantitatifs mais aussi en termes de niveau de sélection. La proportion d'emplois civils non pourvus, actuellement de 11 %, devrait diminuer en fin d'année. La proportion d'emplois d'appelés non pourvus devrait, elle, rester stable mais elle est peu élevée. En réalité, le sentiment de tension apparu au premier trimestre 2000 dans l'armée de Terre est sans doute dû à deux facteurs, l'application, à des régiments qui ne le connaissaient pas, du système des compagnies tournantes, en mission extérieure pour 4 mois, et la participation, particulièrement contraignante, à la lutte contre les conséquences des tempêtes et au plan Polmar. Des accords ont été conclus avec le ministère de l'Intérieur pour permettre le réexamen régulier de la participation des armées au plan Vigipirate, de façon à en limiter autant que possible la charge pour les personnels ;

- les nombreuses missions assignées notamment à l'armée de Terre n'ont pas eu de conséquences sur la formation initiale, qui n'a pas dû être réduite pour y faire face. Les formations des personnels civils en cours de carrière paraissent en revanche insuffisantes par rapport à celles dont bénéficient les officiers. Cette observation vaut également pour la formation des sous-officiers, notamment des sous-officiers de Gendarmerie, pour lesquels une formation continue paraît indispensable ;

- la réflexion sur les premiers éléments d'une doctrine commune aux pays de l'Union européenne en matière de sécurité et de défense a déjà commencé parmi les militaires et les diplomates qui élaborent progressivement une culture de défense européenne. Cette réflexion les amène, par exemple, à s'interroger sur la référence à l'ONU dans les actions de maintien de la paix que l'Union européenne pourrait être amenée à conduire ou sur les relations à établir entre l'Europe de la défense et l'Europe communautaire, notamment pour la mise en _uvre des actions civilo-militaires ;

- l'idée d'un exercice global de réflexion sur les missions et les moyens de l'Europe de la défense, qui prendrait la forme d'un « Livre Blanc » européen fait son chemin. On peut en revanche s'interroger sur l'opportunité d'engager dès aujourd'hui le débat sur ses grandes orientations ;

- l'importance prise par les tâches de police dans les opérations de maintien de la paix a conduit à plusieurs types de décisions. Au Kosovo, la MINUK a entrepris de former des policiers locaux ; toutefois les conséquences de cette politique ne peuvent pas être perçues immédiatement, la durée de formation étant de 4 mois. Lors du Conseil de Feira, l'Union européenne a décidé de constituer une force de 5 000 policiers disponible pour des missions internationales. Cette décision doit favoriser la formation, au sein de la police, d'une culture de la projection. Elle permet d'envisager un rééquilibrage, entre la police et la Gendarmerie, des tâches d'aide au rétablissement de l'ordre public dans le cadre des missions de maintien de la paix. Dans cette optique, il conviendra cependant de former en France les forces de police aux missions internationales. En tout état de cause, la participation aux opérations extérieures restera un élément marginal dans la détermination du format de la Gendarmerie, eu égard à l'ampleur de ses tâches sur le territoire national.


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