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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 octobre 2001
(Séance de 11 heures 45)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité et de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité et de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, dont la commission est saisie pour avis.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a tout d'abord remercié la Commission de l'avoir invitée à présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Les caractéristiques principales de ce « budget social » sont les suivantes :

- en 2001, l'ensemble des régimes de base représente une masse financière de plus de 300 milliards d'euros (1.975 milliards de francs), en droits constatés ;

- les prestations servies ont atteint 112 milliards d'euros (734 milliards de francs) pour la maladie, 7 milliards d'euros (46 milliards de francs), pour les accidents du travail, 128 milliards d'euros (841 milliards de francs) pour la vieillesse et 31 milliards d'euros (205 milliards de francs) pour la famille.

Cinq points doivent être mis en valeur : l'équilibre des comptes, une meilleure transparence, l'engagement de programmes pluriannuels pour garantir sur la durée l'avenir des politiques sociales, la création de nouveaux droits sociaux en 2002 ; enfin, la priorité donnée à la modernisation du système de soins.

S'agissant de l'équilibre des comptes, la période 1999-2002 fait apparaître une situation financière de l'ensemble des régimes de base globalement équilibrée, qui fait suite à une période de forts déséquilibres. Pour 2001, le régime général dégagera un excédent de plus d'un milliard d'euros (6,6 milliards de francs) en droits constatés et, pour 2002, un excédent du même ordre. Cet excédent résulte en premier lieu d'une politique de l'emploi volontariste. A cet égard, il faut souligner que le Gouvernement a tiré le meilleur parti possible de la conjoncture. Depuis 1997, la croissance économique a été plus rapide en France que dans la moyenne des États membres de l'Union européenne, alors qu'entre 1993 et 1996, elle était plus faible.

Naturellement, nous sommes aujourd'hui dans une période d'incertitudes accrues. Néanmoins, après un mois de juillet difficile et un deuxième trimestre assez terne, la consommation pour le mois d'août a été très dynamique. De même, le nombre de bénéficiaires du RMI continue de diminuer et les prix n'ont pas fait apparaître le « dérapage Euro », parfois prédit. Il faut donc se garder de tout excès de pessimisme, même si les conditions économiques aux États-Unis paraissent naturellement moins bonnes qu'il y a quelques mois.

Les comptes sociaux sont souvent accusés - parfois à juste titre - d'être complexes et de manquer de lisibilité ; le Gouvernement a engagé plusieurs actions pour en accroître la transparence. En 2002, est mise en _uvre une comptabilité en droits constatés, réforme réclamée depuis de nombreuses années par la Cour des comptes.

En 2001 et en 2002, les allégements de cotisations sociales pris en charge par le FOREC seront intégralement compensés aux régimes de sécurité sociale au moyen de recettes majoritairement fiscales, et, pour une partie limitée, prélevées sur les régimes sociaux.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 poursuivra le transfert à la branche famille, amorcé en 2001, de la charge des majorations de pensions, actuellement assumée par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), transfert qui assure la solidarité entre les générations.

En ce qui concerne les accidents du travail, les expertises menées, notamment dans le cadre du rapport Masse, soulignent l'existence d'une sous-déclaration. Comme dans le cas des maladies professionnelles, les accidents du travail feront l'objet d'une compensation à la branche maladie, sur la même base que celles utilisées pour évaluer la sous-reconnaissance des maladies professionnelles.

Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui vient d'être voté en première lecture par l'Assemblée nationale, instaure un débat parlementaire, avant chaque été, donc en amont du projet de loi de financement, sur les objectifs de notre politique de santé, dans une perspective pluriannuelle et prévoit la création du Haut Conseil en Santé, ce qui contribuera à mieux articuler les objectifs et le financement des dépenses de santé.

En troisième lieu, le Gouvernement poursuit des programmes pluriannuels pour garantir l'avenir des différentes politiques sociales. En matière de politique familiale, la nouvelle convention d'objectifs et de gestion signée avec la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) pour la période 2001-2004 prévoit une progression sans précédent de 6 milliards de francs en 4 ans des moyens du Fonds national d'action sociale, destinés à développer des actions en matière de petite enfance, de loisirs et de soutien aux initiatives locales.

En matière de retraite, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre en mars 2000, le Gouvernement poursuit l'abondement du Fonds de réserve pour les retraites, institué sous forme d'établissement public par la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. Le projet de loi de financement pour 2002 propose de porter, l'an prochain, la part de la contribution de 2 % des revenus du patrimoine affectée au fonds, de 50 %à 65 %. En 2002, le Fonds de réserve se verra également affecter la totalité du produit de l'attribution des licences de téléphonie mobile (UMTS). A cet égard, même s'il demeure une incertitude sur le montant de ces recettes, le Fonds de réserve disposera de plus de 152 milliards d'euros (1 000 milliards de francs) en 2020, conformément aux objectifs qui lui sont assignés.

S'agissant des personnes handicapées, le Gouvernement poursuit une politique de long terme : la réalisation des deux plans pluriannuels permettra ainsi, en 2002, la création de places pour les enfants les plus lourdement handicapés, le développement des moyens permettant l'intégration des jeunes handicapés, et la généralisation des « sites pour la vie autonome » sur tout le territoire en 2002 et 2003.

L'action en matière de santé publique s'inscrit, pour sa part, dans des programmes pluriannuels présentés, avec M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, lors de la conférence nationale de la santé en mars 2001 à Strasbourg. Parmi ceux-ci, doit être cité le plan national de lutte contre le cancer, d'une durée de cinq ans, qui mobilisera, en 2002, plus d'un milliard de francs supplémentaires.

En matière de politique hospitalière, un effort sans précédent a été engagé sur plusieurs années :

- le protocole du 14 mars 2000 a amélioré les conditions de travail, relancé les formations professionnelles ainsi que le dialogue social dans les établissements hospitaliers. 10 milliards de francs sur trois ans ont été affectés à ces objectifs ;

- le protocole de mars 2001 sur les filières professionnelles dans la fonction publique hospitalière apporte une revalorisation des cursus professionnels et des rémunérations. Il représente un effort de 2,2 milliards de francs avec une montée en charge des mesures programmées sur trois ans ;

- la réduction du temps de travail à l'hôpital (RTT) a des conséquences directes sur l'amélioration de la qualité de la prise en charge des usagers. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'accompagner par la création de 45 000 emplois dans les trois années qui viennent.

En quatrième lieu, le rétablissement des excédents des comptes sociaux permet d'améliorer, en 2002, la protection sociale de nos concitoyens. En matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, la question complexe, de la réparation intégrale, ouverte par le rapport du professeur Roland Masse doit maintenant faire l'objet d'une véritable expertise. C'est pourquoi a été confiée à M. Yahiel, Inspecteur général des affaires sociales, la présidence d'un groupe de travail réunissant l'ensemble des parties concernées : associations, professionnels, partenaires sociaux. Son rapport devrait être remis avant la fin du mois de mars 2002. Sans en attendre les résultats, le Gouvernement améliorera dès cette année la réparation allouée aux victimes : d'une part, le seuil ouvrant droit à l'accès au système dérogatoire de reconnaissance des maladies professionnelles sera abaissé de 66 % à 25 % ; d'autre part, un mécanisme d'indexation sera introduit pour les indemnités en capital versées aux victimes.

Le décret créant le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante sera publié dans les prochains jours. Il sera doté en 2001 d'un versement de la branche accidents du travail de 2,9 milliards de francs et, à titre provisionnel, de 500 millions de francs (76 millions d'euros) en 2002. Ces montants seront abondés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2001, par une dotation de l'État.

En matière de prestations familiales, la Conférence de la Famille du 11 juin a arrêté le principe de plusieurs mesures nouvelles, qui ont leur traduction dans ce projet de loi. Il s'agit de la création d'un congé paternel de deux semaines à la naissance d'un enfant. L'année 2002 verra également la poursuite de la réforme des barèmes des aides au logement, et en particulier l'atténuation des effets pervers de l'évaluation forfaitaire des ressources des jeunes de moins de vingt-cinq ans, ainsi que la dotation supplémentaire de 229 millions d'euros (1,5 milliard de francs) au Fonds d'investissement pour la petite enfance, qui permettra la création de 30 000 nouvelles places de crèches.

Pour les personnes âgées, le Gouvernement ouvre un nouveau droit : le droit à l'autonomie, avec la loi adoptée le 20 juillet 2001, relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Avec la création de cette allocation, l'effort du Gouvernement se développe autour de deux axes : le développement du maintien à domicile se poursuit par la création de services de soins à domicile dans le cadre d'un plan pluriannuel de 5 ans, à hauteur d'un milliard de francs ; la mise en _uvre d'un plan ambitieux pour les structures accueillant des personnes âgées dépendantes, portant , sur 5 ans, sur 6 milliards de francs de crédits supplémentaires permettra d'assurer la médicalisation de tous ces établissements.

En matière de retraites, la branche vieillesse, initialement en déficit, renoue avec les bénéfices et devrait afficher environ un milliard d'euros d'excédents en 2002. Ces excédents permettent d'associer les retraités aux fruits de la croissance. Pour 2002, le Gouvernement propose ainsi de revaloriser les pensions de 2,2 %, alors que l'inflation prévisionnelle est de 1,5 %. Cette hausse supplémentaire portera à 1,4 % le gain de pouvoir d'achat des retraités depuis 1997. Grâce à la suppression de la CRDS en 2001 pour les retraités non imposables, la hausse du pouvoir d'achat pour ces derniers s'élèvera sur la même période 1997-2002 à 1,9 %.

En dernier point, le Gouvernement accorde une priorité à la santé et aux soins de qualité pour tous les Français. En matière hospitalière, est poursuivie une politique qui prend en compte les innovations thérapeutiques et assure une meilleure adaptation du service public aux besoins des malades. En termes de moyens globaux, la dotation pour les hôpitaux augmentera de 3,6 % en 2002, hors effet RTT, contre 3,4 % en 2001 et 1,15 % en 1997, soit un triplement en 4 ans. En intégrant l'effet RTT, ce taux serait porté en 2002 à 4,8 %.

Un effort considérable est également prévu pour la prise en charge des dépenses hospitalières liées à l'arrivée de nouvelles molécules pour lutter contre le cancer ou la polyarthrite rhumatoïde : la dotation d'un milliard de francs pour 2001 sera abondée de 200 millions de francs supplémentaires. En outre, pour 2002, est prévue une enveloppe de 1,5 milliard de francs pour l'innovation thérapeutique, soit un total de 2,7 milliards de francs, qui financera en 2002 la prise en charge de ces traitements. L'accord du 4 avril 2001 a marqué la volonté de prendre pleinement en compte la situation sociale et économique des cliniques privées. En 2002, sera ainsi poursuivie la mise en _uvre des mesures de sécurité sanitaire, - face notamment aux risques liés au prion -, le renforcement de l'effort de remise à niveau des tarifs des maternités, ainsi que le plan pluriannuel de convergence des rémunérations des salariés des secteurs privé et public. Celles-ci s'avèrent encore trop différentes, notamment pour les infirmières, qui gagnent 30 % de moins que celles du secteur hospitalier public.

En matière de soins de ville, le Gouvernement a conduit depuis 1997 une politique qui a permis des améliorations importantes en matière d'optique, de prothèses externes et de dispositifs médicaux. Ce mouvement devrait être amplifié à l'occasion des discussions sur le projet de loi de financement, par exemple en matière d'optique pour les jeunes ou de prothèses auditives, notamment avec le remboursement de dispositifs stéréophoniques. De même, en matière de prévention dentaire, sera généralisé un examen de prévention pour deux classes d'âges, 6 et 12 ans.

Les dépenses de médicaments connaissent, pour leur part, une progression qui demeure rapide : + 7,7 % en 2001. Ce rythme s'est toutefois ralenti par rapport à l'année 2000, grâce aux premiers effets des mesures de baisses de prix. Les efforts ont porté, en premier lieu, sur le bon usage du médicament, par l'amélioration de l'information des patients et des prescripteurs. En second lieu, pour développer l'usage du générique, le projet de loi prévoit la possibilité de prescrire en dénomination commune internationale (DCI), et non plus uniquement en nom de marque. Parallèlement, des discussions sont en cours avec les pharmaciens afin de relancer leurs possibilités de substitution. Ces différentes mesures contribueront à atteindre l'objectif de 2,4 milliards de francs de baisses de prix, qui concerne principalement les spécialités dont le service médical rendu a été jugé insuffisant, ainsi que les médicaments déjà amortis.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement a retenu un objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2002 de 112,62 milliards d'euros en droits constatés (738,7 milliards de francs), en progression de 3,8 % par rapport aux dépenses de 2001. Il se compose de quatre éléments principaux :

- pour les hôpitaux, l'objectif est de 4,8 % ;

- pour les établissements médico-sociaux, il est également de 4,8 % ;

- pour les cliniques privées, un objectif de 3,5 %, supérieur de 0,2 point à celui de 2001 (et près de trois fois supérieur à ce qu'il était en 1997, soit 1,3 %), a été retenu ;

- l'objectif des dépenses de soins de ville a été fixé à 3 %, comme l'an passé.

La fixation des objectifs financiers, doit s'accompagner d'une démarche de dialogue avec l'ensemble des partenaires du système de santé. A cette fin, a été nommée une mission de concertation dont les propositions ont été examinées lors de la réunion du 12 juillet avec les professionnels, les caisses et les partenaires sociaux, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler un « nouveau Grenelle de la Santé ». Certaines propositions devraient pouvoir entrer en vigueur rapidement : création de l'observatoire de la démographie et des métiers ; mise en place de dispositifs d'appui à l'installation de médecins et d'infirmières dans les zones rurales et, parfois, urbaines ; mise en place de financement pérennes et d'une harmonisation des procédures au niveau régional pour soutenir le développement des réseaux ; création d'un Haut conseil de santé.

En conclusion, le projet de loi de financement pour 2002 s'inscrit dans le prolongement des priorités du Gouvernement et reflète son engagement à la fois en faveur de la rigueur dans la gestion des comptes sociaux et dans le souci d'agir toujours mieux en faveur des plus faibles et des plus fragiles de nos concitoyens.

Après avoir indiqué que la branche famille de la sécurité sociale était en excédent pour la troisième année consécutive, alors que le gouvernement précédent l'avait laissée en déficit de 14 milliards de francs, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a exposé les principaux éléments de la politique familiale.

Le projet de loi de financement garantit le pouvoir d'achat des prestations familiales, puisqu'il prévoit de revaloriser la base mensuelle des allocations familiales de 2,1 %,ce qui représente une charge de 500 millions d'euros en 2002. Il assure aussi la consolidation des ressources de la branche famille, ce qui garantit la visibilité nécessaire au développement de la politique d'action sociale des caisses. Au titre de la solidarité intergénérationnelle, le projet retient le versement en 2002 d'un montant de 762 millions d'euros au profit du Fonds de réserve des retraites. De plus, il détermine la contribution de la CNAF au FSV, au titre du financement des majorations de pensions pour enfants. Pour 2002, la fraction est fixée à 30 % soit 473 millions d'euros.

Le projet de loi traduit aussi la mise en _uvre des décisions de la conférence de la famille du 11 juin 2001. À cet égard, on peut citer : le statut législatif du congé de paternité, l'abondement du Fonds d'investissement pour la petite enfance de 229 millions d'euros pour l'accueil de la petite enfance, l'augmentation de 242 millions d'euros du Fonds national d'action sociale de la CNAF permettant notamment de développer les activités périscolaires des enfants et des adolescents, la réforme de l'allocation d'éducation spéciale pour les enfants handicapés qui permettra de mieux tenir compte de la diversité des situations, la réforme des aides au logement, qui garantira l'égalité de traitement entre les différents types de revenus afin d'éviter les trappes à inactivité.

Plusieurs dispositifs vont dans le sens de l'égalité parentale, notamment s'agissant du congé de paternité, de la garde alternée, de l'autorité parentale ou de la médiation familiale. Il faut encourager la conciliation entre le temps de travail et le temps familial.

La Ministre a enfin évoqué la mise en _uvre pratique de l'insaisissabilité effective des minima sociaux prévus par la loi de lutte contre les exclusions, qui reposera sur une séparation informatique des fonds sur les comptes bancaires, la mobilisation des Caisses d'allocations familiales pour l'accès au droit, l'allocation d'éducation spéciale ainsi que l'encadrement législatif de la publicité pour le crédit à la consommation, qui sera proposé dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, afin d'éviter la spirale du surendettement. Si la France affiche un taux de fécondité en 2000 parmi les plus élevés d'Europe, comme l'INED vient de le constater, et l'augmentation des naissances la plus élevée depuis 20 ans, c'est en partie grâce à la politique familiale qui est menée depuis quelques années. Celle-ci a pour objectif le respect de la liberté des femmes et le souci que tous les enfants désirés puissent naître.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, après avoir félicité le Gouvernement pour le rétablissement des comptes de la sécurité sociale, qui autorise des politiques novatrices, s'est interrogé sur la possibilité de simplifier les flux de financement de la sécurité sociale qui sont sans cesse modifiés, en supprimant l'affectation préalable des recettes et en créant un fonds intermédiaire destinataire de l'ensemble des ressources. En effet, les mécanismes actuels d'affectation sont beaucoup trop complexes.

Quels sont les avantages de la gestion du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales (FOREC) par le FSV ? Quels sont les effets du plan de maîtrise des dépenses de médicaments annoncé le 7 juin dernier ? Comment se met en place le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ? Quelles seront les règles prudentielles régissant le Fonds de réserve des retraites ? Quel bilan tirer du Fonds d'investissement pour les crèches ? Quel est l'impact financier du congé paternité ?

Le Président Henri Emmanuelli a souhaité connaître le coût net d'un départ à la retraite à taux plein de la totalité des personnes âgées de moins de 60 ans ayant cotisé 40 années, étant entendu que nombre de ces personnes bénéficient déjà de mesures de pré-retraite. Par ailleurs, pourquoi le décret d'application du Fonds de promotion de l'information médicale théorique, doté de 120 millions de ressources annuelles en 2001, n'est-il toujours pas paru ? D'où provient l'information dont les prescripteurs disposent ? Quel jugement peut-on porter sur la sécurité de la mise sur le marché des médicaments ? Si on se réfère aux propos tenus par le professeur Abenhaïm au colloque de Bordeaux, les tests ne prennent peut-être pas en compte des échantillons suffisamment large de population.

En réponse, Mme Elisabeth Guigou a apporté les précisions suivantes :

- l'opacité des circuits de financements est ancienne. La solution proposée par le Rapporteur serait naturellement une source de simplification, mais elle risquerait de conduire à la déresponsabilisation des gestionnaires, qui pourraient puiser dans un seul fonds. Elle est néanmoins intéressante et fait partie des possibilités actuellement à l'étude ;

- le directeur du FSV sera aussi directeur du FOREC afin que cet organisme puisse bénéficier de la technicité acquise dans la gestion du FSV ;

- en ce qui concerne la politique du médicament, des discussions sont actuellement en cours au niveau régional pour parvenir rapidement à des accords sur les pratiques de bon usage et les interactions médicamenteuses. Par ailleurs, une meilleure régulation de la publicité est recherchée à travers l'augmentation de la progressivité de la taxe sur la publicité, au-delà d'un certain seuil. L'observatoire des prescriptions poursuit son étude sur les bonnes pratiques tandis que la promotion des génériques va être accélérée : une campagne d'information sera menée au début de l'année 2002 ; la prescription en dénomination commune internationale (DCI) sera rendue possible ; les procédures d'inscription vont être simplifiées et des discussions sont en cours avec les pharmaciens sur cette question. L'objectif de ces mesures est de faire baisser les prix d'environ 2,4 milliards de francs. Les médicaments à faible service médical rendu verront leur niveau de remboursement diminué et le bon usage des médicaments va être favorisé dans les établissements de santé. L'augmentation du poste médicaments a été moins forte en 2001 (+ 7,7%) qu'en 2000 (11 %) ;

- un décret précisera prochainement les règles prudentielles de placement du fonds de réserve des retraites. Le décret fixant la composition du Comité est déjà paru, ce qui devrait permettre la mise en place du fonds avant la fin 2001 ;

- le nombre d'assurés de moins de 60 ans ayant cotisé 160 trimestres est évalué à 815.000 personnes. Leur permettre de partir à la retraite sans délai coûterait sans doute 30 milliards de francs en 2002.

La Ministre a enfin présenté ses excuses aux parlementaires pour le retard mis à répondre à certains questionnaires.

M. Philippe Auberger a rappelé que, désormais, les questionnaires ne transitent plus par la direction du budget.

M. Pierre Méhaignerie a demandé quel serait l'effet du retour à la fixation d'une retraite à taux plein à 160 trimestres de cotisations pour tous les assurés. Mme Elisabeth Guigou lui a indiqué que la question de la durée de cotisations faisait partie des éléments actuellement en discussion en vue de la future réforme des retraites et ne pouvait pas être traitée isolément.

Elle a ensuite précisé que le décret relatif au Fonds de promotion pour la l'information médicale et médico-économique, créé en 2000, était actuellement soumis pour avis au Conseil d'administration de la CNAM et pourrait paraître avant la fin du mois d'octobre.

M. Philippe Auberger a indiqué que l'équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2001 et 2002 était purement optique. Il repose en effet sur une croissance prévisionnelle de la masse salariale de 5,8 % en 2001 et 5 % en 2002. Or, la dernière note de l'INSEE, préparée avant les attentats du 11 septembre, prévoyait déjà une croissance de la masse salariale nettement moins forte en 2001. Pour réduire l'opacité du financement de la Sécurité sociale, il faut éviter que les prélèvements fiscaux soient affectés tantôt au budget général, tantôt au financement de la sécurité sociale. Il convient d'établir des règles précises d'affectation. En ce qui concerne le FOREC, comment le déficit de 2,7 milliards d'euros, prévu pour 2002, sera-t-il financé ? Il semble par ailleurs que le coût de la CMU soit plus élevé que prévu et que, conjugué au dépassement de l'ONDAM, il ait notamment pour conséquence une augmentation prochaine des cotisations des mutuelles. Enfin, il serait nécessaire de connaître le coût de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui devra être pris en charge par les conseils généraux.

Approuvant l'analyse de M. Philippe Auberger, M. Jacques Barrot a estimé avoir l'impression que le financement de la Sécurité sociale était assuré par la mobilisation de toutes les ressources disponibles au moment de son élaboration. On est loin de l'objectif pédagogique recherché à travers le vote des lois de financement. La Cour des comptes a d'ailleurs critiqué cette pratique pour le financement du FOREC. Il faut soit renoncer à l'affectation, comme le propose M. Jérôme Cahuzac, soit établir des règles claires et stables régissant l'affectation des ressources fiscales. En matière d'ONDAM, la prévision d'une croissance de 3,8 % est irréaliste alors qu'il a crû de 5 % en moyenne ces dernières années et que le passage aux 35 heures à l'hôpital entraînera la création de nouveaux emplois en 2002. Le financement du Fonds de réserve des retraites ne semble pas non plus assuré : comme pour le FSV, qui participe au financement de l'APA, ses ressources deviennent très aléatoires. Le financement de l'APA ne peut pas être assuré par les départements sans une participation suffisante de la Sécurité sociale. Or, la participation de l'assurance maladie prévue à hauteur de 6 milliards de francs sur cinq ans n'est pas suffisante. Alors que les maisons de retraite devront mettre en place leur nouvelle tarification sans attendre, une directive prévoit que l'assurance maladie ne participera pas au financement du dispositif tant que les conventions n'auront pas été signées. Les départements devront en revanche y participer dès le 1er janvier 2002. S'agissant de la branche vieillesse, le système des GIR5 et GIR6 aboutit à ce que les fonds d'action sociale ne payent pas les heures ménagères prévues. Le financement de ces heures ne pourra pas non plus être assuré sans un apport supplémentaire de la Sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Brard a souhaité connaître l'avis de la ministre sur la possibilité de supprimer la taxe sur les salaires dans les hôpitaux.

M. Augustin Bonrepaux a retenu les aspects positifs du projet de loi, avec l'équilibre de la sécurité sociale et la progression importante de 3,6 % de la dotation en faveur des hôpitaux, mais il a souhaité que le calcul intègre la réduction du temps de travail (RTT). Il s'est interrogé sur la mise en _uvre de la participation de l'État pour l'APA et sur la part des départements dans son financement. Il a, enfin, vivement protesté contre l'attitude discriminatoire de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), extrêmement sévère envers les établissements thermaux, alors qu'elle ne parvient pas à contrôler les congés de maladie. Il a appelé à une revalorisation urgente des tarifs des établissements thermaux dans la mesure où ces derniers sont confrontés à d'importants efforts d'investissement et que depuis 1997, les tarifs n'ont augmenté de 1 %. Il conviendrait, alors que la CNAM refuse d'augmenter ces tarifs, de s'interroger sur les effets médicaux et sanitaires des cures.

M. Pierre Forgues s'est associé aux propos de M. Augustin Bonrepaux sur le thermalisme. La CNAM serait plus avisée de contrôler les arrêts de maladie que la réalité des cures. Il a ensuite demandé dans quelle mesure la sécurité sociale contribuerait aux actions en faveur des personnes handicapées, si la contribution de l'État au financement de l'allocation de parent isolé serait suffisante. Il faut par ailleurs regretter qu'à la suite du rapport rédigé au nom de la mission d'évaluation et de contrôle, les COTOREP et les organismes de sécurité sociale coordonnent si peu leurs actions. Ceci est d'autant plus critiquable que les propositions de la MEC avaient réunies un très large consensus et étaient de nature à améliorer le fonctionnement des COTOREP. Il a enfin demandé si la coordination gérontologique par les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) était soutenue par la sécurité sociale et comment la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) serait assurée en 2002.

M. Louis Mexandeau s'est inquiété des dispositifs relatifs aux plans sociaux. Si le Gouvernement envisage de prendre une mesure dans le cadre du texte de modernisation sociale, ceci ne suffira sans doute pas à compenser l'ensemble des conséquences souvent dramatiques de ces plans. La situation de Moulinex met en évidence l'acuité de ce problème.

Le Président Henri Emmanuelli a souligné qu'il n'est absolument pas satisfaisant à propos du thermalisme, de ne pas avoir de réponse des services du ministère. Les élus ont le sentiment d'être dans une situation d'incertitude totale. Il a ensuite demandé dans quelle mesure les départements seraient associés à la RTT dans les hôpitaux.

Mme Elisabeth Guigou, Ministre des affaires sociales, a apporté les réponses suivantes :

- à l'évidence les prévisions de recettes 2002 sont incertaines, mais l'année 2001 a permis d'engranger des recettes supplémentaires grâce à la diminution du chômage. Au demeurant, les prévisions d'évolution de la masse salariale sont pour l'instant confirmées pour 2001;

- les comptes du FOREC affichent un déficit de 18 milliards de francs, mais ce déficit sera compensé par des recettes fiscales supplémentaires ;

- sur 102 milliards de francs de dépenses consacrées à la RTT, 67,4 milliards de francs proviennent des allégements salariaux des dispositifs dus à l'initiative de M. Alain Juppé ou de M. Gilles de Robien ;

- pour ce qui concerne l'ONDAM, l'augmentation de 4,8 % de l'enveloppe hospitalière inclut 1,2  % au titre de la RTT. Les recrutements seront opérés sur trois ans. Ainsi, en 2002, 12 500 personnes seront embauchées. Le fonds de réserve pour les retraites sera bien alimenté grâce aux excédents du FSV et à l'apport des revenus issus de la vente des licences UMTS. La montée en charge est conforme aux prévisions ;

- les plans tripartites pour la mise en place de l'APA interviendront rapidement ;

- le nombre de CLIC sera de 140 à la fin de l'année et de 300 à la fin de 2002 ;

- l'effort demandé aux conseils généraux pour financer l'APA est de 2,5 milliards de francs, mais en contrepartie ceux-ci pourront réaliser des économies substantielles.

MM. Jacques Barrot et Charles de Courson ont déclaré ne par partager cette analyse. M. Augustin Bonrepaux a souhaité connaître les modalités de participation de l'État.

Mme Elisabeth Guigou a indiqué qu'il conviendra de préciser rapidement la réponse du Gouvernement sur ce point, et qu'en outre, s'agissant du thermalisme, elle insisterait auprès de la CNAM pour que les normes sanitaires soient définies avant la fin de l'année. La suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux n'est pas envisagée pour l'instant, mais on peut s'interroger sur la possibilité d'une baisse ciblée de la TVA sur les travaux d'investissement.

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