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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 20

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 8 novembre 2001
(Séance de 15 heures 00)

Présidence de M. Jean-Louis Dumont, Doyen d'âge

SOMMAIRE

 

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- Examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262)

· Aménagement du Territoire

· Transports aériens et météorologie et budget annexe de l'aviation civile ; puis vote sur les services communs de l'Équipement, des Transports et du Logement

· Poste et Télécommunications

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La Commission a poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262).

La Commission a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Alain Rodet, Rapporteur spécial, les crédits de l'Aménagement du territoire.

Le Rapporteur spécial a jugé le budget de l'aménagement du territoire pour 2002 satisfaisant, puisque les crédits atteignent 285,37 millions d'euros (1.871,90 millions de francs), en augmentation de 6,8 %. Sans doute le montant global des crédits apparaît-il relativement faible puisqu'il ne représente que 0,09 % du montant total des crédits destinés aux opérations à caractère définitif de l'État. Cependant, il convient de le replacer au sein de l'ensemble des concours financiers en faveur de l'aménagement du territoire. En effet, les autres départements ministériels participent aussi à la politique d'aménagement du territoire. Il faut également tenir compte des dépenses fiscales et des crédits communautaires. On peut alors estimer, pour 2002, l'ensemble des moyens financiers consacrés à la politique d'aménagement du territoire à 11,8 milliards d'euros (77,4 milliards de francs) pour les dépenses ordinaires et les dépenses en capital.

Les moyens des services du budget de l'aménagement du territoire proprement dits sont en diminution de 25,1 %, mais cette baisse s'explique largement par la débudgétisation consécutive à la création de l'Agence française pour les investissements internationaux. Cette création, par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, répond aux attentes plusieurs fois exprimées au sein de la Commission des finances. Elle met fin à des doublons coûteux et pas toujours efficaces.

Il convient de noter la relative stabilité des emplois, si l'on prend en compte la création de l'agence, qui conduit à regrouper en son sein les effectifs des bureaux de la DATAR à l'étranger. La DATAR conserve toutefois une représentation permanente à Bruxelles. Le projet de loi de finances prévoit un effectif budgétaire total de 123 personnes, sept emplois étant créés au profit des commissariats de massifs.

Le Rapporteur spécial a renvoyé à son rapport écrit pour une description complète du nouveau régime de la prime d'aménagement du territoire, telle que réformée par le décret n° 2001-312 du 11 avril 2001, complété par deux arrêtés du 1er juin 2001.

Les crédits destinés à la prime suivent une orientation positive, tant en autorisations de programme (+ 8,7 %) qu'en crédits de paiement (+ 33,33 %). Après les années 2000 et 2001, qui correspondent à une période de rénovation du dispositif d'aide à la localisation des activités, il s'agit d'une évolution favorable.

Les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, qui comportent deux sections - l'une générale, dont les dotations sont engagées ou déléguées en fonction de décisions interministérielles, l'autre locale, déconcentrée au niveau des préfets de région - subissent une réorientation importante, puisque les subventions de fonctionnement diminuent au profit des subventions d'investissement. Les premières données relatives au taux de consommation des crédits de paiement destinés aux subventions d'investissement en 2001 laissent d'ailleurs entrevoir une nette amélioration de celui-ci.

S'agissant des autres instruments financiers prévus par la loi n° 95-115 du 4 février 1995, ne relevant pas du fascicule budgétaire de l'aménagement du territoire, il convient de noter que le Fonds de gestion de l'espace rural n'est plus doté de crédits, que le Fonds de gestion des milieux naturels concerne essentiellement l'environnement, mais que le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien est doté de mesures nouvelles, au titre de sa section « transports aériens ». Ces crédits devraient compléter les reports, qui sont au demeurant traditionnels sur ce compte spécial du Trésor. Le Fonds national de développement des entreprises devrait, quant à lui, bénéficier des mêmes participations budgétaires et extra-budgétaires que l'an passé.

Le Rapporteur spécial a souligné la qualité et la rapidité des réponses au questionnaire qu'il avait adressé au début de l'été au ministère, puis il a achevé son propos en souhaitant que la Commission des finances manifeste, par une observation, ses préoccupations relatives à l'organisation des outils administratifs de traitement des restructurations industrielles. La crise engendrée par l'affaire Moulinex, en Basse-Normandie, doit susciter une réaction.

M. Yves Deniaud a relevé que si les crédits augmentaient, c'était après une année 2001 marquée par leur forte baisse, et qu'au total le budget de l'aménagement du territoire n'atteignait pas 1 0/00 du budget de l'État. Il a craint que la création de l'Agence française pour les investissements internationaux ne constitue in fine un amoindrissement des moyens de la DATAR. Il s'agit là, en effet, d'un nouveau micro-organisme. Or, la création de nouvelles micro-structures conduit, en général, au développement de nouvelles hiérarchies administratives et à des frais supplémentaires, au détriment de l'action opérationnelle.

Si les taux de consommation de crédits s'améliorent, c'est une bonne chose et cela répond aux préoccupations maintes fois exprimées en Commission des finances. Il n'en reste pas moins que les crédits européens restent, eux, notoirement sous-consommés, surtout au regard des autres pays. Pourtant, les crédits communautaires sont faits pour être consommés. S'agissant des fonds de la loi de 1995, il convient de regretter la disparition du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le ministère de l'économie et des finances ayant fait main basse sur ses moyens, à savoir le produit des taxes sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés et sur les concessionnaires d'autoroutes, qui alimentaient le compte spécial du Trésor.

M. Yves Deniaud a ensuite approuvé la proposition d'observation du Rapporteur spécial, en estimant nécessaire une restructuration de la DATAR. Celle-ci doit, en effet, se tenir prête à l'urgence telle que celle manifestée lors de la catastrophe de l'usine AZF de Toulouse.

M. Jean-Louis Dumont, Président, a prolongé cette remarque en s'interrogeant sur l'efficacité de la DATAR. Il a jugé que celle-ci se comportait trop comme un « petit club parisien » autosatisfait et méprisant le terrain. Ayant eu à connaître des effets des restructurations industrielles en Lorraine, il a souhaité témoigner du manque de dynamisme de la délégation. Pourtant, la mise en place d'un véritable instrument d'accueil des entreprises, au service du terrain, est indispensable.

M. Alain Rodet, Rapporteur spécial, a déclaré ne pas partager l'avis de M. Yves Deniaud sur l'Agence française pour les investissements internationaux. Il s'agit là d'une structure utile qui répond à un souci de rationalisation. Il faut rappeler que les investissements étrangers on créé plus de 120.000 emplois en quatre ans. L'agence a donc un rôle essentiel à jouer.

Les problèmes récurrents de consommation de crédits doivent être reliés à la mise en place des nouveaux outils contractuels. Il est normal que la première année d'exécution des nouveaux contrats de plan 2000-2006 soit celle d'une montée en puissance de la consommation des crédits. Il faut aussi observer qu'un certain nombre de présidents de régions ont affiché des ambitions qui ne se réalisent pas toujours dans des projets concrets.

S'agissant du tissu industriel toulousain, il ne faut pas attribuer à la DATAR des responsabilités qu'elle n'a pas. Le Gouvernement a, en tout cas, dégagé des moyens supplémentaires en faveur de Toulouse.

La DATAR a aujourd'hui des tâches aussi nombreuses que variées. Elle suit les politiques structurelles communautaires et effectue de nombreux travaux de prospective. On peut alors regretter qu'elle ne s'attaque pas suffisamment aux urgences du moment. Dans cette perspective, la création de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire, dont le coût annuel s'élève à près de 3 millions de francs, paraît une incongruité. Les élus de terrain réclament plus d'action et de coordination.

M. Jean-Louis Dumont, Président a rappelé que le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables avait fait l'objet de vives critiques de la part de M. Jean-Louis Idiart, dans un rapport concluant les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle consacrés à la politique autoroutière, en 1999. Il y avait relevé que le fonds ne finançait aucune politique spécifique et que son existence, en tant que compte d'affectation spéciale, ne se justifiait dès lors pas.

La Commission a ensuite adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits de l'aménagement du territoire et une observation relative à la nécessité de la création d'un organisme adapté au traitement des restructurations du tissu industriel national, au sein duquel la DATAR devrait pouvoir assurer l'indispensable coordination des différents services ministériels intéressés.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Gilbert Gantier, Rapporteur spécial, les crédits des Transports aériens et de la météorologie et le budget annexe de l'Aviation civile.

M. Gilbert Gantier, Rapporteur spécial, a indiqué que le budget de l'Aviation civile pour 2002 était présenté alors que le contexte économique de ce secteur entre dans une période d'incertitude.

L'année 2001 a vu la confirmation du pôle européen de l'aéronautique civile et militaire, avec la création d'EADS. Cette création est dans la ligne du soutien que les gouvernements ont maintenu en faveur de la construction aéronautique. Elle constitue également un gage d'avenir pour la mise en place de l'Airbus A380, prochain défi de l'industrie européenne. Les crédits de l'État permettent à la France de conserver un haut niveau technologique, qui assure le maintien de nos intérêts vitaux.

Les a priori idéologiques du gouvernement sur le secteur public sont en revanche dommageables à Air France. L'État actionnaire n'est en effet pas en mesure d'apporter les capitaux nécessaires à son développement. Air France n'a conservé son attractivité aux yeux de Delta Airlines que par son implantation à Roissy, seul aéroport européen à pouvoir envisager un doublement de sa capacité. Pourtant, rien ne justifie le maintien dans la sphère de l'État d'une entreprise qui ne remplit pas une mission de service public. La privatisation de la compagnie Air France procurerait les ressources qui lui manquent pour le développement et le renouvellement de sa flotte.

Le budget annexe de l'aviation civile (BAAC) s'établit à 1,41 milliard d'euros à comparer à 1,32 milliard d'euros en 2001. Le produit de la redevance de route était initialement évalué à 850,5 millions d'euros (5.578,91 millions de francs), soit une augmentation de 10,3 %. Celui des redevances pour services terminaux est établi à 188,8 millions d'euros (1.238,45 millions de francs), ce qui constitue une augmentation de 8 %. La diminution du trafic du transport aérien est, à l'évidence, susceptible de remettre en cause l'ensemble des recettes de l'aviation civile.

Il faut déplorer la confusion entre dépenses d'infrastructures et de sûreté, ainsi que le détournement de la vocation du Fonds d'intervention pour les aéroports et les transports aériens, qui finance de moins en moins les lignes d'intérêt régional. En matière fiscale, le Gouvernement se borne à accroître les taxes qui pèsent sur les passagers. Ces dernières atteignent désormais, sur les lignes intérieures, un quart du prix du billet. Un trajet aller et retour entre Paris et Marseille, revient ainsi environ à 88 euros, auxquels s'ajoutent 5 euros de TVA et 24 euros de taxes et redevances aériennes diverses.

Ce type de fiscalité n'est pas neutre au regard de l'organisation du transport aérien. Le concurrent principal du premier opérateur aérien français, à savoir Air France, n'est pas Air Liberté, mais le TGV. Chaque fois qu'une ligne TGV relie deux points en trois heures ou moins, le transport aérien perd entre 60 % et 80 % de son trafic. Si le prix est majoré par l'alourdissement des taxes, le trafic ne peut que s'effondrer.

En second lieu, ce système condamne les compagnies régionales et les petits aéroports qui se trouvent soit à proximité d'une gare de TGV, soit près d'un aéroport majeur. La rentabilité des petits aéronefs est moindre que celle des gros porteurs. Si le Gouvernement alourdit par de nouvelles taxes le coût de gestion des compagnies, celles-ci seront condamnées à disparaître ou à se muer en sous-traitants d'Air France. De plus, la cherté croissante du transport aérien met en cause la viabilité des aéroports "secondaires" dans la mesure où les passagers potentiels se dirigent également vers le TGV. Des aéroports comme Nîmes ou Béziers sont ainsi voués à l'inutilité, compte tenu de la proximité du train et de l'existence d'une plate -forme plus importante, à savoir Montpellier.

Le Rapporteur spécial a ensuite approuvé les mesures de soutien du Gouvernement aux compagnies aériennes en difficulté après les attentats du World Trade Center tout en regrettant la timidité de ces mesures. Il a enfin estimé que la construction d'un troisième aéroport dans le Bassin parisien ne correspond pas à une logique économique et qu'il faut, au contraire, développer la capacité du hub de Roissy.

Considérant que les crédits de l'Aviation civile pour 2002 ne sont pas à la hauteur des attentes des acteurs économiques de ce secteur, le Rapporteur spécial a, en conclusion, proposé le rejet des crédits.

M. Alain Rodet a déclaré ne pas partager l'avis du Rapporteur spécial sur la nécessité de privatiser Air France, lorsqu'on voit la situation de Swissair ou d'AOM. Il a ensuite souhaité des précisions sur la situation financière d'EADS, compte tenu de la commande d'Airbus faite par la compagnie « Emirates » et surtout sur le bilan de l'alliance entre Air France et Delta. Il a également appelé à un soutien au FIATA, gage d'un développement des liaisons vers la province, et s'est interrogé sur les tarifs des lignes régionales.

M. Gilbert Gantier, Rapporteur spécial, a considéré que l'éventuelle privatisation d'Air France n'était pas exclusive d'une politique consistant à soutenir la compagnie nationale. Celle-ci a d'ailleurs reçu dans le passé 20 milliards de francs d'apports en capital payés par le contribuable. Le mariage avec Delta est positif, les deux compagnies étant complémentaires dans la mesure où Delta dessert le marché intérieur américain tandis qu'Air France dispose d'un réseau international étendu. Il faut également souligner le bilan financier positif d'EADS qui représente 90.000 emplois dont 40.000 en France. Enfin, il faut développer le hub de Roissy, notamment en raison de la concurrence croissante de l'aéroport d'Amsterdam.

La Commission a adopté, contre l'avis du Rapporteur spécial, les crédits de l'Aviation civile, figurant à l'article 33 du projet de loi de finances. Puis elle a examiné ces mêmes crédits figurant à l'article 34, ainsi modifiés, et adopté deux amendements (amendements n° II-127 et II-128) du Rapporteur spécial tendant à modifier la nomenclature du budget annexe de l'Aviation civile afin de créer un chapitre individualisant les dépenses de sûreté. Puis elle a adopté les crédits inscrits à l'article 34 ainsi modifié.

La Commission ensuite a adopté les crédits des services communs de l'Équipement, des Transports et du Logement, compte tenu des votes qu'elle a précédemment émis.

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La Commission a enfin examiné sur le rapport de M. Edmond Hervé, Rapporteur spécial, les crédits de la Poste et des Télécommunications.

M. Edmond Hervé, Rapporteur spécial, a tout d'abord mentionné les principaux postes de ce budget : les moyens alloués au Groupe des écoles de télécommunications et la subvention à l'École nationale supérieure des postes et télécommunications, les crédits de fonctionnement et d'investissement de l'Agence nationale des fréquences radioélectriques, la subvention de l'État à divers organismes, dont la Poste, au titre du transport de presse, la participation au fonctionnement d'organisations internationales, et les moyens du service du médiateur postal, créé en 2002 pour répondre aux obligations communautaires de la France. Ce médiateur aura pour mission de rapprocher les usagers du service, et de régler les éventuels contentieux.

Les dotations budgétaires destinées aux actions relevant de la Poste et des télécommunications s'élèvent à 438,06 millions d'euros (2.873,49 millions de francs), soit une progression de 2,21 %. Entre 2000 et 2001, l'évolution n'avait atteint que 1,06 %, après + 4,16 % en 2000. Il faut souligner l'effort que cette norme de progression représente, si on la replace dans l'ensemble des crédits du secrétariat d'État à l'industrie. Au sein de ces crédits, on note que la dotation budgétaire de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) augmentera en 2002 de 4,91 % à 16,15 millions d'euros (105,94 millions de francs). Les crédits de personnel s'élèveront à 9,1 millions d'euros (59,69 millions de francs) contre 8,5 millions d'euros (55,76 millions de francs) en 2001 et 7,42 millions d'euros (48,67 millions de francs) en 2000. Les rémunérations principales (article 10) augmenteront de 7,1 %, les indemnités et allocations diverses (article 20) de 7,3 %, les cotisations sociales (article 30) de 7 % et les prestations sociales (article 40) de 5,7 %. On remarque que la part des indemnités représente presque la moitié de l'ensemble de la dotation, ce qui est bien trop élevé. De nombreux autres mauvais exemples de ce type existent d'ailleurs au sein de la fonctions publique en général. La subvention de fonctionnement de l'Agence nationale des fréquences radioélectriques augmentera de 823.224 euros (5,4 millions de francs), soit + 3,11 %, pour se monter à 27,29 millions d'euros (179,01 millions de francs), contre 26,47 millions d'euros (173,63 millions de francs) en 2001. Cette hausse traduit, pour l'essentiel, la revalorisation des rémunérations et les mesures nouvelles ainsi que la transformation de 6 emplois non budgétaires et la création d'une nouvelle implantation en Guadeloupe.

Le Groupe des écoles des télécommunications, un établissement public qui rassemble autour d'un service d'administration générale trois écoles - l'École nationale supérieure des télécommunications à Paris, l'École nationale supérieure des télécommunications de Bretagne et l'Institut national des télécommunications à Évry, recevra en 2002 une dotation globale de 89,87 millions d'euros (589,51 millions de francs), en hausse de 10,67 millions d'euros (70 millions de francs) soit 13,47 % par rapport à l'an dernier, après des augmentations de 4,04 % en 2001 et 7,62 % en 2000. Cette évolution tient à la revalorisation du point de la fonction publique, et à une augmentation des moyens alloués, pour 7,62 millions d'euros (50 millions de francs).

S'agissant plus particulièrement de La Poste, celle-ci accomplit des efforts d'adaptation particulièrement louables dans ses trois métiers que sont le courrier, le colis et les services financiers. Mais ses résultats dépendent fortement de la conjoncture. Il est donc très satisfaisant de noter la stabilité des tarifs de base de La Poste depuis 1997, qui n'a pas empêché le recrutement, sur la période, de 4.000 agents, le maintien de 17.000 points de contact et le soutien continu à 2 millions de titulaires de minima sociaux. À cette aune, les contestations de l'action de La Poste entendues durant l'été ne semblent pas fondées. En outre, puisque ces critiques se focalisaient sur ce point, il convient de rappeler que la mise en place des Commissions départementales de présence postale territoriale a eu lieu ; elles doivent désormais être mieux connues et davantage utilisées. De même, il existe depuis l'an dernier des conventions-types que les élus locaux peuvent conclure avec La Poste ; il faut souhaiter qu'elles se développent. De plus, la concertation entre élus, prestataires de service public et usagers pourrait s'enrichir grâce à la mise en place, localement, de « maisons de service public » où La Poste aurait toute sa place. Dans cette perspective, ses agents devront être toujours plus polyvalents ; par ailleurs, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, certains redéploiements permettraient une amélioration du service public. Enfin, le ministère prépare actuellement une circulaire sur les agences postales, qui permettra de mieux encore répondre au souci de présence postale territoriale.

Quant à la situation financière de l'établissement public « La Poste », deux observations doivent être formulées. Premièrement, son endettement atteint 2,522 milliards d'euros (16,54 milliards de francs), notamment du fait de charges indues que supporte La Poste - il s'agit des 434 millions d'euros (2,85 milliards de francs) que coûte à l'entreprise le soutien public au transport de presse. Or, des missions de service public, comme la présence territoriale, ne sont pas rémunérées ; elles devraient l'être. Il est donc normal que La Poste obtienne les moyens de développer une réelle politique immobilière, et de dynamiser ses activités de services financiers. Deuxièmement, la mise en place d'une véritable comptabilité analytique sera bénéfique à La Poste, ainsi qu'aux autorités chargées de son contrôle. Il est primordial que le régime juridique de chaque type d'activités soit clairement identifié. À cet égard, les efforts déployés, dans le cadre de l'évolution de la réglementation européenne, par le secrétaire d'État à l'industrie, M. Christian Pierret, lors du Conseil des ministres de l'Union européenne en charge des télécommunications du 15 octobre dernier, sont remarquables : il n'y aura pas de libéralisation totale du secteur postal à quelque échéance que ce soit, ni de libéralisation immédiate des services dits spéciaux ; en revanche, a été prévue une ouverture partielle et maîtrisée à la concurrence, en plusieurs étapes (2003 puis 2006). Il reviendra au Parlement de veiller au maintien d'un périmètre important de services réservés. Le contre-exemple de la Suède illustre parfaitement cette nécessité : dans ce pays où la libéralisation du secteur est totale, il existe désormais des aires géographiques de tarifs différenciés pour les entreprises, le prix du timbre a augmenté de 72 %, et les colis ne sont livrés à domicile que contre le paiement d'une taxe supplémentaire de l'ordre de 15 francs.

Enfin, la situation des personnels de La Poste mérite une grande attention, en particulier en termes de lutte contre la précarité.

Le secteur des télécommunications a connu des turbulences spéculatives dangereuses pour la santé des entreprises et pour l'emploi. C'est pourquoi il importe de garder à l'esprit quelques grandes orientations fondatrices. En premier lieu, la recherche et l'innovation dans le secteur doivent être encouragées ; le Réseau national de recherche en télécommunications remplit un rôle très important dans ce domaine. Ensuite, le projet de loi sur la société de l'information, qui est une excellente initiative, permettra à l'ensemble de la collectivité nationale de s'impliquer, et l'État devra y veiller. Enfin, le projet de décret associant les collectivités locales au déploiement des réseaux à haut débit est satisfaisant, et il devra faire l'objet d'une publicité appropriée.

La société anonyme « France Télécom » conserve une place éminente dans le secteur, en dépit d'une conjoncture volatile, qui nuit à son cours boursier. L'endettement de l'entreprise est certes élevé - il atteint 64,9 milliards d'euros, soit 425,72 milliards de francs -, mais il faut faire confiance à France Télécom pour le réduire, comme elle l'a annoncé, à 20 ou 30 milliards d'euros d'ici la fin 2003. La démarche adoptée est la bonne, qui consiste à céder une partie du patrimoine immobilier de la société et certains actifs mobiliers non stratégiques, pour 15 à 20 milliards d'euros. Ces objectifs sont parfaitement compatibles avec une politique tarifaire raisonnable, ce qui justifie les reproches adressés à France Télécom pour le maintien de coûts d'interconnexion trop élevés. Le rapport spécial contiendra d'ailleurs cette année, en annexe, la position critique exprimée par une association d'opérateurs privés. L'Autorité de régulation des télécommunications (ART) devrait mieux faire respecter ses décisions sur ce sujet.

En conclusion, M. Edmond Hervé, Rapporteur spécial, a salué l'effort fourni par le secrétariat d'État en termes de délais de réponse au questionnaire parlementaire, qui offre un heureux contraste par rapport à l'an dernier.

M. Alain Rodet a déclaré partager l'analyse du Rapporteur spécial sur La Poste. Les Commissions départementales de présence postale territoriale sont certes utiles, mais insuffisamment proches des élus locaux. La Poste se doit de ne pas diminuer son effort dans ce domaine. Par ailleurs, les services financiers qu'elle propose sont de grande qualité, fort utiles pour tous les épargnants, même modestes, y compris dans les quartiers difficiles où les banques sont absentes. Mais les directeurs départementaux de La Poste manquent de pouvoir dans ce domaine : il leur faut par exemple solliciter les collectivités locales pour obtenir une aide à l'installation de distributeurs automatiques de billets.

France Télécom a sans doute raison de se développer à l'étranger - il s'agit presque d'une obligation -, mais le marché français devrait rester son champ d'action privilégié. Le déploiement des réseaux à haut débit pour le mobile et le numérique le réclame, comme l'a montré le dernier Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire. Quant à la réalisation de certains actifs immobiliers de la société, elle se révélera certainement profitable à Paris, mais risque de créer des friches dans certaines villes de taille modeste. Enfin, il faut souhaiter l'amélioration de la situation financière de l'entreprise, pour qu'elle demeure un grand opérateur.

M. Gilbert Gantier a estimé que si La Poste représentait le type même du service public, celui-ci connaissait des limites. Un grand quotidien a ainsi opté pour un distributeur privé à Paris, qui lui revient moins cher et fonctionne plus efficacement, sans connaître de grève. Le service public, auquel il est essentiel d'être attaché d'une manière générale, s'agissant de l'activité postale, doit donc devenir plus compétitif dans le secteur particulier du transport de presse, et le coût annoncé par le Rapporteur spécial comme étant à la charge de La Poste en la matière paraît étonnamment élevé.

En réponse, M. Edmond Hervé, Rapporteur spécial, a apporté les précisions suivantes :

- en termes de présence postale, la géographie est le critère déterminant ; à titre d'exemple, en Espagne, seul un tiers du territoire est aménagé et habité, ce qui n'est pas du tout le cas de la France. La Poste est tout à fait capable de rivaliser avec des opérateurs privés, y compris dans les grandes agglomérations ; en revanche elle est irremplaçable dans les zones difficiles d'accès, comme les montagnes. L'observation critique relative à la charge indue que représente le coût du transport de presse revient chaque année, et la question mérité réflexion, car il en va de la liberté de la presse. Il faut repenser le système en termes de péréquation ;

- les liens entre élus et responsables locaux de La Poste varient beaucoup selon les départements. Le problème est ici plus vaste, il a trait à la grande difficulté que la France éprouve à mettre en _uvre une réelle déconcentration. Par ailleurs, les élus devraient davantage participer aux réunions de concertation avec les usagers ;

- les activités financières de La Poste rendent en effet de grands services, et beaucoup de critiques sur la présence postale ont oublié cette dimension de son action ;

- la mise en valeur du patrimoine immobilier vaut pour La Poste comme pour France Télécom. Il faudrait qu'en cette matière les préfets rapprochent ces deux entreprises des services des ministères (équipement, éducation nationale, défense...) qui pourraient réaliser à cette occasion des opérations immobilières au meilleur coût pour le contribuable.

M. Jean-Louis Dumont, Président, a souligné la qualité du maillage territorial de La Poste, très important pour le maintien de services financiers en milieu rural, qui constitue une forme de service public. M. Edmond Hervé, Rapporteur spécial, a précisé que tel était l'objet des schémas locaux de services collectifs, outils dont les élus devraient s'emparer davantage. Les « chartes de pays » proposées dans la Loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire de 1999 les y encouragent.

La Commission a ensuite adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la Poste et des télécommunications.

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