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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 42

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 février 2002
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du rapport d'information sur les budgets communautaires contracycliques (M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial)

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- Examen du rapport d'information sur l'ANVAR (M. Michel Destot, rapporteur spécial)

4

- Examen du rapport d'information sur le réseau diplomatique et le rôle des ambassadeurs (M. Yves Tavernier, rapporteur spécial)

- Information relative à la Commission

La Commission des Finances a tout d'abord procédé, en application de l'article 146 du Règlement, à l'examen du rapport d'information sur les budgets communautaires contracycliques, présenté par M. Gérard Fuchs, Rapporteur spécial des crédits des affaires européennes.

M. Gérard Fuchs, Rapporteur, a indiqué que l'économie mondiale venait de connaître durant les cinq dernières années une expansion économique continue, se traduisant par un recul notable du chômage. La France, grâce à une politique de soutien macro-économique à la demande, a connu des performances supérieures à celles de ses partenaires. Néanmoins, le chômage a repris ces derniers mois une pente ascendante, ce qui remet en lumière le caractère prioritaire de la lutte contre le chômage. Deux conceptions s'affrontent à cet égard. La première, d'essence libérale, vise à supprimer ce qu'elle considère comme des rigidités, prônant notamment le démantèlement du droit du travail ; l'autre, régulatrice, considère que le rôle de l'État demeure et qu'il y a place pour des politiques monétaire, budgétaire et macro-économique.

Le soutien à l'activité peut utiliser plusieurs voies. L'action sur les taux d'intérêt ne joue que sur le seul objectif de stabilité des prix et ne concerne donc pas l'objectif de baisse du chômage. En revanche, le soutien à la consommation privée et le maintien de la dépense publique peuvent être efficaces à condition que le chômage présente un caractère conjoncturel et qu'existent des capacités de production inemployées.

Le rapport a pour objet d'analyser les possibilités de mettre en _uvre, au niveau européen, une meilleure coordination des politiques économiques ainsi que de mettre en place un instrument de soutien à la conjoncture. Une telle politique paraît envisageable, le niveau pertinent d'action étant l'Europe, dans la mesure où la Communauté européenne est un espace économique cohérent mais faiblement ouvert, dont les échanges extérieurs représentent environ 8 à 10% du PIB, à comparer à 25% pour la France.

Actuellement, aucune action macro-économique ne peut être conduite au niveau européen. En application des Traités, le budget communautaire est obligatoirement voté en équilibre et il ne met en _uvre que les politiques communes. Les prêts de la Banque européenne de développement sont certes d'un montant considérable (35 milliards d'euros en 2001, soit un tiers du budget) mais ils n'ont pas un caractère conjoncturel. Le budget communautaire est exécuté, ces dernières années en excédent, mais ces excédents sont reversés aux États nationaux. Sur 10 milliards d'euros d'excédents, 7,5 ont été reversés.

Il paraît nécessaire d'établir de nouvelles règles de conduite de la politique économique communautaire. En cas de choc touchant l'ensemble des pays de la zone euro, la seule réponse pertinente paraît être une plus étroite coordination des politiques économiques. Cela signifie que le conseil des ministres de l'économie et des finances (ECOFIN) devra modifier ses règles de délibération et de décision. En cas de choc asymétrique, il serait utile que la Communauté dispose d'une ligne budgétaire explicite dont les crédits puissent être mis en _uvre rapidement. Ce fonds serait alimenté par des excédents du budget général des Communautés européennes et serait mis en _uvre par le Conseil, sur proposition de la Commission européenne et après avis du Parlement européen et des Commissions des Finances des Parlements nationaux. Le débat sur le montant passe, dans le temps, après celui qui porte sur le principe même de l'établissement du fonds.

Le Président Henri Emmanuelli s'est déclaré en accord avec les préconisations du rapport.

M. Pierre Forgues a souhaité savoir si les propositions du rapporteur étaient isolées ou si d'autres courants politiques dans d'autres pays de la Communauté les partageaient. Il s'est déclaré sceptique sur les possibilités dont dispose l'Union européenne pour mettre en _uvre rapidement des programmes de soutien, alors que le décaissement des crédits communautaires est extrêmement lent.

M. Gérard Saumade a fait siennes les remarques de M. Pierre Forgues, tout en jugeant le rapport exaltant dans ses finalités, mais inquiétant quant aux modalités de mise en _uvre des propositions. La plupart des pays européens seront loin d'être d'accord et il vaut sans doute mieux songer à l'utilisation des excédents budgétaires reversés aux États nationaux.

Le Président Henri Emmanuelli a rappelé certains points de l'intervention de M. Hans Eichel, ministre des finances de l'Allemagne fédérale, notamment quant aux liens entre la situation délicate de son pays et la baisse trop importante du budget de l'État. Il a cité le mot célèbre de Guillaume d'Orange Nassau : « Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer », à l'appui du travail de M. Gérard Fuchs.

En réponse aux intervenants, M. Gérard Fuchs, Rapporteur, a indiqué qu'il aurait approuvé les remarques de MM. Pierre Forgues et Gérard Saumade en 2001, mais que depuis plusieurs mois l'Allemagne fédérale connaît un choc économique et financier qui change sa perception de la politique macro-économique. Depuis le traité de Maastricht, l'Union européenne raisonne strictement en termes d'équilibre budgétaire et de stabilité des prix. Or, le chômage repart depuis un an et l'Allemagne est le pays le plus proche de la violation du pacte de stabilité. L'existence de ce pacte ne constitue pas une contrainte en soi. La seule contrainte est intellectuelle, dès lors que les responsables politiques ne raisonnent qu'en termes monétaires. Le débat sur la mise en _uvre d'une ligne budgétaire à caractère contracyclique a surtout une fonction idéologique destinée à lancer un débat sur la politique de l'emploi. Même si le rapport peut apparaître idéaliste, il vise à stimuler la réflexion. Dans l'histoire européenne, les chapitres sur l'équilibre budgétaire et sur la politique monétaire sont clos. Il faut ouvrir ceux de l'économie et de la lutte contre le chômage.

Le Président Henri Emmanuelli se référant aux propos de M. Hans Eïchel, a ajouté que l'existence d'un impôt européen n'était plus un sujet tabou en Allemagne. Cette idée doit être considérée comme intéressante, dès lors naturellement que cet impôt ne s'ajoute pas aux prélèvements nationaux.

La commission a ensuite approuvé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du rapport de M. Gérard Fuchs.

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La Commission a ensuite examiné, en application de l'article 146 du Règlement, le rapport d'information sur l'Anvar présenté par M. Michel Destot, Rapporteur spécial des crédits de l'industrie.

M. Michel Destot, Rapporteur, a tout d'abord rappelé qu'il y a deux ans, il présentait devant la Commission un rapport intitulé « Encourager l'innovation en France, moteur de la croissance et source de nouveaux emplois », et que la semaine dernière encore, il organisait à l'Assemblée nationale un colloque sur le même thème. C'est dans le cadre de ce bilan critique de la politique de l'innovation que s'inscrit le rapport sur l'Anvar. Au titre des aspects positifs du bilan, il faut mentionner, suite au rapport Guillaume de 1998 et à la loi de 1999 sur la recherche et l'innovation, impulsée par Dominique Strauss-Kahn, les progrès sensibles accomplis dans le domaine de l'ingénierie financière des projets, la création d'une vingtaine d'incubateurs, la mise en place de fonds d'amorçage en régions, le fort développement du capital-risque, et l'accroissement substantiel du soutien public à l'innovation (+ 42 % en trois ans). L'Anvar a également connu des progrès évidents.

La partie négative de ce bilan comprend trois aspects : en premier lieu, les comparaisons que l'on peut établir avec des pays aussi divers que les Pays-Bas, les États-Unis ou Israël, montrent que l'action menée en France est trop centralisée, ce qui nuit aux PME-PMI - pourtant les entreprises les plus créatrices d'emplois. Ensuite, le soutien public à l'innovation demeure trop exclusivement orienté vers les nouvelles technologies, alors que les secteurs de l'industrie traditionnelle méritent tout autant d'être encouragés à innover dans leur domaine. Enfin, l'innovation en France n'est pas assez sociale, et pas assez tournée vers la société.

Au sein de ce panorama, l'Anvar doit être considérée comme le « bras armé » de l'État en matière d'innovation sur tout le territoire. Établissement public à caractère industriel et commercial, l'Anvar dépend conjointement de trois ministères de tutelle : industrie, recherche, et PME. Elle gère, sur son budget propre de 217 millions d'euros ou pour le compte d'autres intervenants publics, 250 millions d'euros par an d'aides aux PME, laboratoires ou autres porteurs de projets. Depuis 1979, ce sont 61.000 projets qui ont bénéficié de ce soutien, pour un montant de 3,35 milliards d'euros. La dotation budgétaire de l'Agence a été préservée dans la loi de finances pour 2002, et c'est heureux. Au-delà, il est nécessaire de garantir à l'Anvar une dotation régulière, indépendante de la régulation budgétaire.

Le soutien de l'Anvar est très apprécié des PME-PMI, du fait de la notoriété et de la fiabilité de l'Agence comme gestionnaire de fonds publics, mais aussi grâce à l'efficacité et à la souplesse de sa gestion sur le terrain. Cependant, ce soutien, qui s'adresse aux entreprises comptant jusqu'à 100 salariés, mérite d'être étendu à la « classe creuse » des entreprises françaises de 100 à 200 salariés. D'autre part, l'atout de la proximité, qui est celui de l'Anvar, grâce à ses 25 délégations régionales, en fait manifestement l'organisme le mieux à même, localement, de remplir la fonction de « guichet unique » de l'aide à l'innovation, idée reprise tout récemment par le ministre de la Recherche, M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Or, cette idée a encore beaucoup de mal à progresser, notamment à cause de la réticence des DRIRE à la voir mise en _uvre.

Trois préconisations découlent de ces commentaires : il faut mettre en place concrètement la politique du guichet unique, sous l'égide de l'Anvar, du fait notamment de la forte complémentarité entre les aides de l'Agence et les procédures comme ATOUT ou le crédit d'impôt-recherche, gérées par d'autres. Il faut également réformer les relations entre l'Anvar et ses tutelles. Cette nécessité a été démontrée par les récentes tergiversations administratives qui ont eu lieu autour de l'expérimentation par l'Agence d'un soutien sous forme de bons de souscription d'actions (BSA), technique qui permet, bien mieux que les traditionnelles avances remboursables, de valoriser le capital public investi - si les BSA peuvent se traduire par des prises de participation - et d'effectuer un suivi des entreprises aidées. La réorganisation du dispositif de tutelle de l'Anvar pourrait prendre la forme d'un Conseil supérieur de l'innovation, où le Premier ministre et les ministres compétents pourraient donner les grandes impulsions, et trancher au niveau politique les points de débat qui ne sont aujourd'hui évoqués, dans le meilleur des cas, qu'au niveau des cabinets, au stade de la préparation du Conseil d'administration de l'Agence.

Il faut, enfin, renforcer le « club des agences de l'innovation » constitué avec les homologues de l'Anvar à l'échelle européenne, afin de trouver un levier supplémentaire, dont on peut attendre beaucoup et où la France a un rôle à jouer, à l'image de ce qu'elle accomplit, via la direction générale de l'Anvar, dans le cadre de l'initiative communautaire « Eurêka ».

Le Rapporteur a tenu, en conclusion, à rendre hommage au travail accompli par l'administrateur chargé de ce dossier.

M. Pierre Forgues, évoquant son expérience d'élu, a estimé que l'intervention concrète de l'Anvar était difficile à bien connaître et à apprécier. L'Anvar peut-elle prendre en charge des salaires ou des crédits de fonctionnement ? A-t-elle une action de conseil ?

M. Michel Destot, Rapporteur, a répondu que les circuits des aides de l'Anvar pouvaient, de l'extérieur, paraître complexes, mais que les entreprises les identifient parfaitement. Le soutien de l'Anvar est multiple : il peut couvrir aussi bien des aides au recrutement que le conseil aux entreprises.

M. Louis Mexandeau a dit son adhésion aux propos du Rapporteur spécial, mais a exprimé son profond scepticisme quant à l'efficacité des procédures d'aide à la création d'entreprise. Le désastre économique et social qu'a occasionné la fermeture des usines Moulinex est venu rappeler la très grande complexité des mécanismes d'intervention et la diversité des intervenants en matière de politique industrielle, qu'il s'agisse des filiales de la Caisse des dépôts, des DRIRE ou des services de la DATAR, qui, souvent, se renvoient les problèmes. Un guichet unique est donc une très bonne idée, à condition qu'on la mette effectivement en _uvre et qu'il soit le lieu de gestion de fonds ! Et cela est encore plus nécessaire dans le domaine de l'aide à la création d'entreprise, de haute technologie ou non. Les États-Unis eux-mêmes s'appuient largement sur les financements publics en la matière, notamment pour le soutien à l'innovation. En France, on voit bien les limites du processus de contractualisation et la complexité des circuits, alors que « des entreprises crèvent ». Il convient que l'aide à l'innovation ne se cantonne pas aux industries de pointe, que démarches et procédures soient simplifiées. M. Louis Mexandeau a souhaité, sur ce point, que le rapport comporte « un peu plus d'acide dans l'encre ».

M. Michel Destot, Rapporteur, a estimé que ces propos rejoignaient les siens. Même si Moulinex n'est pas STMicroelectronics, les chevauchements de compétences locales et les lourdeurs administratives qu'ils démontrent sont identiques. C'est bien pourquoi il faut avoir le courage politique de mettre en _uvre l'idée de guichet unique ; le rôle que joue l'Anvar localement, et en particulier les contrats qu'elle a conclus avec la quasi-totalité des Conseil régionaux, la qualifient pour revendiquer cette place centrale.

M. Gérard Saumade a tenu à appuyer ces préconisations, afin qu'il soit remédié à « l'émiettement des administrations », source d'inefficacité et de gaspillages de fonds publics.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport en application de l'article 146 du Règlement.

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La commission a enfin examiné, en application de l'article 146 du Règlement, le rapport d'information sur le réseau diplomatique et consulaire et le rôle des ambassadeurs, présenté par M. Yves Tavernier, rapporteur spécial des crédits des affaires étrangères.

Après avoir rappelé qu'il s'était efforcé de compléter régulièrement son rapport spécial par un rapport d'information sur un thème précis - les consulats et les services des visas en 1999, la francophonie en 2000 -, M. Yves Tavernier, Rapporteur, a relevé que deux critiques revenaient régulièrement à propos du budget des affaires étrangères : le réseau diplomatique et consulaire serait surdimensionné, la fonction et le rôle des ambassadeurs auraient perdu de leur importance et n'auraient pas été suffisamment modernisés. Cette critique atteint une particulière virulence dans une série d'articles parus dans Le Monde en avril 2001 dont il ressort que les ambassades seraient archaïques, sorte de « jurassic park » de l'administration française. Il convenait donc, pour les députés chargés d'adopter les crédits, d'examiner la justesse de ces reproches et de comprendre pourquoi des crédits importants étaient consacrés aux ambassades et aux consulats.

Le premier constat porte sur le décalage entre l'image de l'ambassadeur, grand organisateur de réceptions, et les réalités actuelles de son activité, caractérisée par une diversification croissante et une modernisation constante. Ce décalage nuit à la politique extérieure de la France, dès lors qu'il explique la réduction constante des moyens accordés au réseau - le ministère des affaires étrangères est le ministère qui a connu les plus fortes réductions d'effectifs ces dernières années - et la non-reconnaissance des progrès d'adaptation réellement accomplis - peu de services de l'État ont connu de manière concomitante une réforme de leurs procédures budgétaires et comptables, une déconcentration et une globalisation des crédits aussi poussées, un aménagement des carrières substantiel et une fusion de services telle que celle qui est intervenue avec l'ancien ministère de la coopération.

Le second constat concerne la justification de notre réseau d'ambassades le deuxième par sa taille derrière celui des États-Unis, et de consultats où il se situe juste après l'Italie. Des comparaisons précises avec nos partenaires européens et américain montrent que la vraie différence avec les autres réseaux porte sur le nombre important d'ambassades françaises dans le Maghreb et en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, il faut reconnaître les constantes modifications, durant les années quatre-vingt-dix, de la carte diplomatique et consulaire. Si des ajustements doivent encore être entrepris, en particulier en Europe occidentale, de nombreuses raisons justifient le maintien d'un réseau large et diversifié : affirmation d'une vocation à l'universalité, maintien du rang de la France dans le monde, qui justifie un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies et de quatrième actionnaire du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, rôle moteur dans la construction européenne, acteur majeur dans l'aide au développement, défense de la francophonie et de la diversité culturelle. Au regard de ces enjeux, la recherche de succédanés de représentation, tels que le recours à des consuls honoraires, non rétribués pour des tâches parfois lourdes au risque d'une confusion entre affaires privées et mission publique, n'apparaît pas satisfaisant.

Pour améliorer le fonctionnement de notre réseau diplomatique, plusieurs voies sont possibles : définition d'un classement précis des postes diplomatiques et consulaires qui détermine les moyens mis à leur disposition ; remise à plat du réseau dans l'Union européenne et rapprochement systématique avec nos partenaires dans les pays tiers ; mise en place d'une politique de communication plus offensive, qui passe par une intensification des relations avec le Parlement, une amélioration de la circulation de l'information au sein du réseau et par une ouverture sur l'université et les centres de recherches spécialisés, ainsi que par la diffusion du rapport de l'inspection générale des affaires étrangères, sur le modèle de ce qui se fait dans les pays étrangers. Par ailleurs, il conviendrait de faire jouer tout son rôle au comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger et d'inverser les mouvements de personnel en direction de l'administration centrale, qui tendent à dégarnir les postes à l'étranger. Enfin, la mise en place rapide d'indicateurs de résultats et d'outils de suivi de gestion répondrait de manière idoine aux exigences d'une gestion transparente. Dans son rapport avec le ministère des finances, le ministère des affaires étrangères éprouve des difficultés à faire entendre sa voix. Il adopte une attitude faite à la fois de contrition paralysante - le Quai d'Orsay se présente comme le meilleur élève en termes d'économies budgétaires - et de certitude quant au caractère « sacré » de sa mission - le Quai ne daigne pas toujours justifier ses dépenses. Ce débat stérile doit prendre fin.

Le président Henri Emmanuelli s'est déclaré critique à l'égard de la tonalité d'ensemble du rapport, qui justifie l'ampleur du réseau diplomatique et consulaire français -en particulier dans ses conclusions - et s'est interrogé sur le coût élevé du fonctionnement de ce réseau et la quantité de personnel qu'il mobilise. Il s'est également interrogé sur l'utilité réelle des ambassadeurs, à l'heure des communications instantanées et sans limite d'espace. Il a fait observer que, dans certains cas, les analyses fournies par les ambassadeurs avaient, rétrospectivement, sérieusement manqué de pertinence, comme en ce qui concerne la Côte d'Ivoire dans les années passées. Enfin, il a jugé utile de faire porter les efforts budgétaires sur des secteurs qui semblaient manquer réellement de moyens, comme cela avait été fait à l'occasion de la dernière loi de finances sous l'impulsion de la commission des Finances, s'agissant des crédits de fonctionnement, plutôt que de valider le réseau diplomatique comme le fait le rapport. En outre, le bras de fer entre le ministère du budget et les ministères dépensiers n'est pas propre aux affaires étrangères.

M. Didier Chouat s'est inquiété de la manière dont certains dossiers de demande de visas pouvaient être traités et des difficultés que certaines personnalités invitées éprouvaient à venir en France et sur les effets de la réforme de la coopération engagée en 1998, en particulier dans les pays qui relevaient, auparavant, du champ de compétence de l'ancien ministère de la coopération.

M. Alain Barrau a estimé qu'il apparaissait utile, dès lors que l'on souhaitait prendre des décisions de politique extérieure motivées, de disposer d'analyses indépendantes, qui ne soient pas entièrement dictées par la presse, les milieux d'affaires ou les communautés expatriées, et, ce, d'autant plus que la zone considérée était éloignée de la France. La défaillance de quelques uns ne doit pas servir à disqualifier l'ensemble de cette fonction d'information que remplissent les ambassades, de la même manière que le goût des mondanités de certains ne doit pas faire oublier les efforts de modernisation entrepris par ailleurs. En outre, si la France choisit de mener une politique universelle, comme le requiert son siège de membre permanent au Conseil de sécurité, elle doit pouvoir disposer des moyens nécessaires à cette fin. Enfin, la multiplication des actions communes avec ses partenaires de l'Union européenne peut constituer un moteur de modernisation décisif.

M. Pierre Forgues a relevé la nécessité d'établir, de manière précise, les raisons qui pourraient transformer le budget du ministère des affaires étrangères en budget prioritaire.

M. Yves Tavernier, Rapporteur, a fait observer que les moyens dans les services des visas ont pendant longtemps été réduits, ce qui avait conduit à multiplier les effectifs sans qualification, recrutés localement, à tel point que certains postes sensibles ne disposaient pas, jusqu'à récemment, de personnels de nationalité française. Il s'est dit en accord avec les propos d'Alain Barrau et a souligné que, si le ministère des affaires étrangères relève sans conteste d'une tradition aristocratique, les mentalités évoluent rapidement, comme en témoigne la création, en 2001, d'un Institut diplomatique. Désormais, les moyens ne doivent plus déterminer les objectifs et le budget des affaires étrangères doit retrouver une certaine ampleur, comparable à ce qu'il est dans de nombreux pays européens.

Le Président Henri Emmanuelli, maintenant les réserves de fond qu'il a manifestées, a indiqué qu'il s'abstiendrait sur la publication de ce rapport. La Commission a ensuite autorisé, conformément à l'article 146 du Règlement, la publication du rapport.

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Information relative à la Commission

Dans sa séance du 20 février 2002, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a désigné M. Maxime Gremetz, comme candidat titulaire, et M. Jérôme Cahuzac, comme candidat suppléant, pour siéger au conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites.

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