ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DES FINANCES,
DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
COMPTE RENDU N° 55
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mardi 26 mai 1998
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président
SOMMAIRE
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Table ronde sur la situation économique et les perspectives budgétaires pour 1999 avec MM. Christian de Boissieu, Professeur à lUniversité Paris I, Jean-Paul Fitoussi, Président de lOffice français des conjonctures économiques et André Gauron, Conseiller référendaire à la Cour des comptes
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La commission des Finances, de lÉconomie générale et du Plan a procédé à laudition de MM. Christian de Boissieu, Professeur à lUniversité Paris I, Jean-Paul Fitoussi, Président de lOffice français des conjonctures économiques et André Gauron, Conseiller référendaire à la Cour des comptes, sur la situation économique et les perspectives budgétaires pour 1999.
Le Président Augustin Bonrepaux, accueillant les intervenants, a rappelé que la table ronde à laquelle ils avaient accepté de participer faisait partie des travaux par lesquels la commission des Finances, à son initiative, préparait, autour du débat dorientation budgétaire, la discussion sur les choix économiques et fiscaux du budget de 1999.
Évoquant le relatif optimisme dont témoignent les analyses conjoncturelles de la plupart des économistes, il a noté le net développement des investissements des entreprises françaises, les conditions satisfaisantes de la mise en place de leuro et les signes encourageants apparaissant dans lévolution de lemploi. Il a estimé que lamélioration probable de la conjoncture aurait un effet bénéfique sur les recettes publiques. Il a relevé, en contrepoint, les inquiétudes persistantes que faisait peser sur les échanges mondiaux la crise de lAsie du Sud-Est, immédiatement et, par ses effets sur la compétitivité de nos produits, à moyen terme.
Il a, en conséquence, demandé aux intervenants quelle appréciation ils portaient sur lévolution de la conjoncture, sur ses répercussions sur les grands équilibres des finances publiques et sur les marges de manoeuvre que cette tendance favorable pouvait donner aux pouvoirs publics en vue du soutien à lemploi et de la réforme fiscale ?
M. Christian de Boissieu a indiqué que la conjoncture se caractérisait par une reprise de la croissance économique quil évaluait, à peu près comme le Gouvernement, à un peu moins de 3 % en 1998. Il a ajouté que le véritable débat portait sur les prévisions pour lannée 1999, pour laquelle lensemble des instituts de conjoncture prévoyait une croissance un peu plus faible, denviron 2,7 %.
Il a déclaré que, dans ce contexte, le débat sur les marges de manuvre en matière budgétaire était crucial. Il a rappelé que la demande intérieure, prenant le relais sur les exportations pour soutenir la croissance, avait des conséquences non négligeables sur les rentrées fiscales, notamment celles de la TVA. Cependant, il a préféré ne pas annoncer une croissance supérieure à 3 % pour les quatre prochaines années, compte tenu de la situation du Japon, enfant malade de léconomie mondiale, et du ralentissement de la croissance observé aux États-Unis. Il a considéré que la dégringolade du yen était inquiétante et pouvait avoir de graves conséquences si les Japonais envisageaient de liquider les créances quils détenaient sur le marché américain, dans la mesure où leur retrait provoquerait une baisse du dollar, susceptible daccroître le déficit extérieur des États-Unis, dun montant de 13 milliards de dollars en mars 1998. Il a ajouté que la descente du dollar à 5,80 francs, voire 5,70 francs, ne serait pas catastrophique, mais fragiliserait la reprise de la croissance en Europe. Il a, enfin, fait observer quen dépit de lévolution de la demande intérieure, une hésitation demeurait sur linvestissement productif des entreprises, dont la croissance réelle, compte tenu de la crise asiatique et de limpact des 35 heures, risquait dêtre très en retrait, de plus de 10 % en volume, par rapport aux projets dinvestissement. Il a souligné que si le niveau de la consommation des ménages était satisfaisant et si le chômage était en réduction, certes lente, mais progressive, il nétait pas possible, dans ces conditions, de prévoir le taux de la croissance effectif de linvestissement productif.
Sinterrogeant sur les conséquences de la situation conjoncturelle sur léquilibre des finances publiques et les choix de politique budgétaire et fiscale, il a souhaité que les dividendes fiscaux, liés à la reprise économique, notamment en matière de TVA, soient utilisés pour revenir à un niveau de déficits publics conforme aux critères de Maastricht, cest-à-dire un peu inférieur à 2 %, sans toutefois chercher à atteindre lobjectif de 0 %, comme le suggéraient les Allemands dans les négociations sur le pacte de stabilité. Il a ajouté que, si lon retenait lhypothèse dun déficit public proche de 2 %, il faudrait toutefois garder présent à lesprit les exigences découlant de lapplication du pacte de stabilité, lorsque souvrirait la prochaine phase de récession. Il a par ailleurs exprimé lespoir que la politique monétaire de la Banque centrale européenne soit accommodante, cest-à-dire quelle ne se lance pas dans une politique agressive de taux dintérêt. Il a également insisté sur le fait que le débat relatif à lutilisation des dividendes de la croissance devait également porter sur la répartition de ces derniers entre les budgets de lÉtat, des collectivités locales et de la sécurité sociale.
Se prononçant pour le principe dune baisse des prélèvements obligatoires, qui avait atteint, en France, un niveau excessif, il a déclaré que la marge en matière de réduction des impôts était faible, et quil fallait se rappeler lexpérience de ladministration Reagan, qui avait insuffisamment maîtrisé le décalage entre la baisse des impôts et ses effets positifs. Il a estimé, par conséquent, important de bien gérer dans le temps la décrue nécessaire de ces prélèvements obligatoires en France. Il a enfin considéré que le débat sur la baisse des impôts ne pouvait être séparé des propositions formulées par le commissaire européen Mario Monti en faveur de lharmonisation fiscale au niveau européen. Il a redouté que la mise en uvre de ces orientations ne se heurte à lexigence de lunanimité en matière fiscale et aux divergences entre la France et lAllemagne. Il a au demeurant jugé inévitable, avec le passage à leuro, une réduction de lécart actuel entre les taux le plus élevé et le plus faible de TVA, qui est actuellement denviron 10 points, et considéré quune harmonisation fiscale par le bas était hautement probable. Il a dit redouter un scénario de concurrence fiscale sauvage où lharmonisation serait dictée davantage par le marché que par des décisions politiques et qui entraînerait une baisse substantielle de recettes mettant en cause le financement des fonctions régaliennes de lÉtat. Il a conclu en appelant de ses vux un débat, à léchelle européenne, sur la réforme des dépenses publiques à moyen terme.
M. Jean-Paul Fitoussi a confirmé que les perspectives de léconomie française étaient très bonnes, et que, si lon pouvait avoir une hésitation pour les années à venir, lannée 1999 se présentait avec quasiment les mêmes tendances que 1998. Il a indiqué quil ne voyait aucun facteur, que ce soit la crise asiatique ou la conjoncture américaine, susceptible dinterrompre ce processus, parce que la mise en place de leuro renforcerait lunité du marché européen, et quen 1999, lévolution conjoncturelle dépendrait avant tout de lévolution de la consommation et de linvestissement. Il a souligné que leuro accroîtrait les marges de manuvre en matière monétaire, et que, désormais, le taux de change du dollar dépendrait autant de la politique monétaire de la Banque centrale européenne que des orientations de la Réserve fédérale américaine.
M. Jean-Paul Fitoussi a en outre attribué le retour à des conditions économiques favorables à larrêt des politiques monétaires restrictives que les pays européens avaient conduites au début des années 1990 et des politiques budgétaires également menées au cours des trois dernières années par ces pays pour satisfaire les critères de convergence définis par le Traité de Maastricht. Il a jugé que les économies européennes avaient été presquaussi affaiblies que léconomie japonaise létait actuellement, avec des taux de croissance avoisinant à peine 1,3 à 1,6 %. Il a estimé que, recouvrant désormais une part importante de leur souveraineté monétaire, les gouvernements des États de lUnion européenne se trouveraient moins paralysés par la surveillance des marchés financiers.
Se demandant si le développement de la croissance serait suffisant pour régler le problème du chômage, il a exprimé la crainte de voir, comme à de nombreuses reprises par le passé, lévolution conjoncturelle favorable du taux de chômage émousser la volonté politique de lutter contre lui. Il a déploré que laugmentation continue, à travers la succession des cycles conjoncturels, du nombre de demandeurs demploi révèle la tendance des sociétés occidentales à admettre de manière tacite un taux de chômage élevé. Il sest réjoui de voir, en Europe, les gouvernements adopter désormais une attitude différente, en décidant daffecter partiellement les gains du retour à la croissance économique à la diminution du chômage, mais il a regretté que ce choix se fasse avec une certaine prudence, car conjugué avec une politique de réduction du déficit budgétaire, alors que lon assistait au maintien dun chômage de masse et dune épargne abondante. Il a relevé que rares étaient les augures qui prédisaient une réduction de plus de trois points du taux de chômage et que la plupart envisageaient de voir la France aborder la prochaine phase de récession avec un taux de chômage avoisinant 10 %, rappelant que le FMI évaluait ce taux, pour 1999, à 11,3%. Il en a conclu que toutes les politiques budgétaires européennes étaient fondées implicitement sur la persistance dun chômage de masse. Il a estimé que limpératif de la baisse du chômage méritait de consentir à une baisse de recettes fiscales et à une augmentation transitoire des déficits publics, qui aurait des effets bénéfiques sur lemploi.
Réfutant largument selon lequel laggravation du déficit budgétaire entraînerait lalourdissement de la dette publique au détriment des générations futures, M. JeanPaul Fitoussi a notamment fait valoir que la précarité de la situation des parents alourdissait dès aujourdhui la situation de ces générations. Il a également souligné que largument tiré du risque de durcissement de la Banque centrale européenne dans la conduite de la politique monétaire nétait pas pertinente, puisque cette Banque devrait aussi tenir compte, dans ce cas, des réactions des autorités monétaires américaines. Il sest prononcé, par ailleurs, en faveur dune réduction sélective des prélèvements obligatoires portant sur le travail, dont les simulations réalisées par lOFCE montraient les effets bénéfiques sur la croissance. Il a, enfin, rappelé que léconomie européenne était un espace ouvert, stimulant la concurrence et que rarement autant de conditions avaient été réunies pour bénéficier dune croissance de longue durée.
M. André Gauron, après avoir mentionné les points daccord qui existaient entre économistes à propos de lamélioration de la conjoncture et de lamorce dun recul du chômage, a estimé que lenjeu principal était de faire reculer durablement le chômage, ce qui, comme le montrait lexemple comparé des ÉtatsUnis et de lEurope, impliquait une croissance soutenue, et ce pendant plusieurs années. Il a donc passé en revue les instruments de la politique économique qui pourraient renforcer durablement la croissance.
En premier lieu, il sest interrogé sur ce que lon pouvait attendre de leuro. Rappelant la stabilité des taux de change des principales monnaies européennes entre elles depuis quelques années, il a considéré que linstauration de leuro napporterait rien en soi au cours des dixhuit prochains mois ; il a cependant concédé quil existait une certaine incertitude sur les taux dintérêt, rien toutefois ne devant vraisemblablement intervenir avant les élections législatives en Allemagne. Il a ajouté que la principale incertitude continuait de résider dans lévolution du dollar et du yen, au regard tout à la fois du risque déclatement de la bulle financière aux ÉtatsUnis et des conséquences de la crise asiatique ; il a rappelé toutefois que la création de leuro avait justement pour objet de permettre à lEurope de résister aux fluctuations du dollar.
En second lieu, il a évoqué les conditions dune croissance durable à travers la politique budgétaire. Il a déclaré quil fallait avant tout accélérer linvestissement. À cet égard, il a observé que la stabilisation des dépenses militaires présentait un certain intérêt, tandis que pourrait être également envisagée une relance de la politique du logement, par exemple, par un relèvement des plafonds de prêts autorisés par les plans dépargne logement, afin que les classes moyennes puissent de nouveau accéder plus aisément à la propriété. Il a cependant souligné que lenjeu essentiel était linvestissement productif et, à ce titre, la capacité de créer des entreprises, puisque le développement des entreprises en réseau faisait de la création dentreprise le principal instrument de la croissance des entreprises ; il a observé que la difficulté à créer plus dentreprises nétait pas propre à la France mais se rencontrait dans lensemble des pays européens où elle résultait tout à la fois de léducation, de la culture et de la fiscalité. Il a donc plaidé pour une fluidification du marché du capital risque (afin que les investisseurs puissent se dégager facilement), ce qui supposait linstauration dun marché européen, non compartimenté, et donc une harmonisation européenne a priori de la fiscalité du capital risque, laquelle éviterait davoir à réaliser ultérieurement une difficile harmonisation a posteriori.
Il a également recommandé de réorienter lépargne vers linvestissement, ce qui devait conduire à donner la priorité à la réduction des déficits publics et au désendettement de lÉtat. Il a rappelé que les marges budgétaires avaient été par le passé trop souvent absorbées par les charges dintérêts et a estimé que la conjoncture actuelle permettait dengager un cercle vertueux conduisant à la diminution de ces charges, diminution qui devrait être accélérée par une gestion plus flexible de la dette publique par le Trésor, à la manière des anglosaxons. Il a conclu, sur ce point, que la réduction préalable des déficits publics pouvait apparaître comme un détour de la politique économique, mais un détour indispensable pour consolider linvestissement privé tout en dégageant des marges de manoeuvre budgétaires à lavenir.
En troisième lieu, il sest demandé sil était possible, à budget constant, de redéployer la dépense publique pour mieux soutenir la croissance. À cet égard, il a condamné la poursuite de la politique dallégement du coût du travail non qualifié. Il a souligné que la compétition économique se jouait désormais sur les emplois qualifiés, lesquels étaient les seuls susceptibles de renforcer la croissance, saccompagnaient demplois non qualifiés et généraient du pouvoir dachat (et donc dautres emplois). Évoquant les perspectives de réforme fiscale, il a observé quune réforme fiscale, pour être acceptée, impliquait des pertes de recettes ; il a donc estimé que les près de 60 milliards de francs consacrés par lÉtat à lallégement du coût du travail non qualifié pourraient être réaffectés à la réforme fiscale, laquelle devrait comporter deux chantiers : la fiscalité locale, en particulier la taxe dhabitation et la taxe professionnelle, ainsi que la réforme des cotisations sociales versées par les employeurs. Sur cette dernière question, il a indiqué que les autres pays européens sorientaient moins vers lallégement spécifique des charges sur les bas salaires, que sur des mesures de simplification, comme le guichet unique de perception, ou des mesures de report généralisé vers dautres ressources, comme en France la CSG.
Après avoir noté les appréciations convergentes et positives des trois orateurs sur le rythme soutenu de la croissance économique, M. Didier Migaud, Rapporteur général, sest dabord interrogé sur léventualité dun retournement des marchés dactions et ses conséquences sur léconomie française. Il sest ensuite demandé si toutes les conséquences de lintroduction de leuro avaient été prises en compte, notamment son impact sur les problèmes demploi. Il a déploré que les exposés des trois économistes, qui se sont limités à des idées générales, aient laissé leurs auditeurs sur leur faim et leur a demandé de formuler davantage de propositions concrètes. Abordant les questions de politique budgétaire, il a souhaité notamment recueillir des propositions plus précises à propos de laffectation des dépenses publiques, de leur rigidité et des redéploiements souhaitables. Il sest interrogé sur la différence entre le rythme de croissance du PIB et celui des recettes fiscales. Se déclarant étonné par les évaluations de deux des orateurs fixant à un niveau de 10 % le taux de chômage incompressible, il leur a demandé de se placer dans la situation du ministre des Finances pour exposer quelles mesures urgentes ils prendraient en cette qualité pour diminuer ce chiffre.
Répondant au Rapporteur général, M. Christian de Boissieu a tout dabord estimé que les marchés boursiers arrêteraient probablement bientôt de battre quotidiennement leurs records, mais que, grâce aux futurs excédents du budget fédéral américain et à labsence de menaces inflationnistes, le scénario dune croissance à 3 % était tout à fait compatible avec léventualité de plusieurs corrections boursières durant les prochains mois. Il a ensuite jugé que lintroduction de leuro, à court terme, conduirait à une accélération des corrections de sureffectifs dans certains secteurs mais aurait, à moyen terme, des effets bénéfiques. Quant aux orientations de politique budgétaire, il a déclaré que la réduction du déficit public à un niveau denviron 2 % pourrait donner la possibilité de procéder, dans un deuxième temps, à une baisse ciblée de certains impôts. Il a expliqué que la relève de la demande extérieure par la demande intérieure conduirait à une accélération des rentrées fiscales.
M. Jean-Paul Fitoussi a estimé très probable une baisse maîtrisée des marchés dactions, en indiquant que ce risque était intégré dans les prévisions économiques de lOFCE. Il a jugé que lintroduction de leuro, dans un contexte de faible croissance, conduirait à la multiplication des restructurations et à des pertes demplois. Il a rappelé que dans la zone euro, la stabilité des taux dintérêt et ses effets stimulants sur les autres pays membres rendaient particulièrement efficaces les politiques de relance budgétaire. Après avoir souligné la nécessité dune période dapprentissage quant à lusage de loutil de politique économique représenté par leuro, il a indiqué que son introduction aurait un effet expansionniste grâce à la baisse des taux dintérêt qui bénéficierait particulièrement aux pays du Sud de lEurope. Il sest ensuite prononcé pour une baisse des cotisations sociales salariales qui, par des mécanismes doffre et de demande, aurait un effet positif sur la croissance économique.
M. André Gauron a dabord estimé que limportance du risque de krach financier dépendrait de la capacité de leuro à éviter une certaine propagation de facteurs négatifs extérieurs. Abordant les problèmes liés à lintroduction de leuro, il a jugé que les marchés financiers considéreraient avec un très grand intérêt le niveau de la dette publique européenne, évalué à environ 80 % du PIB, qui exigera une plus grande coordination des banques centrales et des trésors nationaux dans la politique de refinancement. Dans ce contexte, il a considéré peu réaliste et incompatible avec le pacte de stabilité une politique daccroissement de déficits quil faudrait, au contraire, sattacher à réduire. A ce sujet, rappelant la structure des dépenses de lÉtat, il a indiqué que les marges de manuvres éventuelles se trouvaient dans la réduction de la charge de la dette et dans le redéploiement des interventions économiques, plutôt que dans laction sur des dépenses de personnel globalement stables et sur des dépenses de capital et dinterventions sociales en décroissance régulière. Il a enfin souligné la nécessité de deux réformes, celle de la fiscalité locale qui nest pas envisageable sans une diminution des recettes correspondantes, éventuellement compensée par lÉtat, et celle des cotisations sociales des employeurs. Il a estimé que le choix de la priorité entre ces deux réformes relevait de la responsabilité du politique.
M. JeanJacques Jegou a tout dabord interrogé M. André Gauron sur les modalités de la répercussion de la baisse des cotisations sociales à la charge de lemployeur sur les salaires directs. Lui répondant immédiatement, M. André Gauron a indiqué que la France accordait une large place à la négociation salariale et que lentrée en vigueur des 35 heures entraînerait vraisemblablement une remise à plat du SMIC et des charges pesant sur les salaires.
M. JeanJacques Jegou a ensuite déploré le caractère apaisant des premières analyses relatives à la crise asiatique et sest interrogé sur la sortie de crise du Japon alors que lun des experts avait affirmé que lEurope avait été aussi malade que le Japon. Il a remarqué que si lEurope avait surmonté cette crise il en irait plus difficilement du Japon qui avait développé une forme déconomie plus dangereuse.
En sa qualité de membre de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, M. JeanJacques Jegou a regretté le montant considérable de liquidités disponibles mais non utilisées, en partie en raison de la garantie accordée par lÉtat sur les fonds dépargne, alors que des besoins importants apparaissaient dans le domaine du logement, social ou intermédiaire, ou pour la politique de la ville.
Reprenant laffirmation de lun des experts selon laquelle la croissance profitait à quelquesuns, il sest enfin demandé si les chômeurs de longue durée, souvent peu qualifiés, pouvaient profiter de la reprise et quels étaient les moyens de remettre ces personnes sur le marché du travail sinon par un abaissement des charges.
M. Philippe Auberger a fait part de sa déception devant ce débat qui navait abordé aucun sujet dimportance. Il a considéré que la priorité reconnue à la réduction du déficit budgétaire et à la stabilisation de la dette nempêchait pas une réflexion sur une utilisation du reliquat des fruits de la croissance. Il sest déclaré stupéfait par les suggestions de baisse de la fiscalité locale alors que la majorité actuellement au pouvoir avait fortement critiqué, lors de la campagne électorale de 1997, la hausse de la TVA décidée par le précédent gouvernement et avait solennellement promis de la réduire dès que les circonstances le permettraient. Il a évoqué le silence total de la majorité actuelle sur ce sujet qui ne grandissait pas la fonction politique dans le pays alors que les électeurs étaient en droit dexiger le respect de la parole donnée.
M. Philippe Auberger a ensuite relevé que lexcès dépargne constaté par les uns et les autres nétait quapparent puisque le problème du financement des retraites par répartition nétait pas réglé pour les années à venir. Il a précisé que la conception européenne de lendettement public était à cet égard illusoire puisquelle ne prenait pas en compte ce besoin de financement alors que des études françaises qui lavait intégré concluaient à un endettement de notre pays de lordre de 200 % du PIB, et non de 60 % comme cela est le plus souvent avancé.
Enfin, il a vivement regretté que le traitement du chômage de longue durée nait pas été prévu dans le projet de loi relatif à lexclusion actuellement en discussion devant le Parlement alors que celuici constituait une des causes principales de lexclusion.
Après avoir évoqué son éblouissement devant les dissertations brillantes des macroéconomistes, M. Gérard Saumade a déploré loubli des hommes et de leurs capacités de réaction ou de refus alors que lexemple indonésien nous démontrait en ce moment même limportance de ce paramètre.
Il a constaté que la France, prise en tant quentité macroéconomique, navait jamais été aussi riche quà lheure actuelle mais quelle navait jamais compté non plus autant de pauvres, ce qui était aussi le cas des ÉtatsUnis et de la GrandeBretagne et ce qui lui rappelait la loi de concentration définie au XIXème siècle par Ricardo et Marx.
Il sest ensuite interrogé sur la véritable signification de la réduction du déficit budgétaire en se demandant si elle se traduirait par un transfert de charges de lÉtat vers les collectivités territoriales qui assumaient pourtant lessentiel de linvestissement public. Sagissant de la réduction des dépenses publiques, il a souhaité savoir concrètement sil pouvait sagir des dépenses déducation. Actuellement chargé dune mission sur lenseignement technologique par le ministre de lÉducation, il a pris lexemple de lune de ses propositions qui consisterait, dans un souci dharmonisation européenne, à allonger dun an les cursus en instituts universitaires de technologie, et se traduirait par un coût supplémentaire.
Il a regretté que les différents responsables des budgets publics considèrent ces fonds comme leur propriété et non pas celle de la Nation, sans jamais envisager leur globalité et déventuels redéploiements dun budget à lautre ce qui ne favorisait pas lallocation optimale des ressources. À ce titre, il a pris lexemple de certaines entreprises publiques, comme La Poste et la SNCF, qui réduisaient leur personnel même si des besoins nétaient pas satisfaits, notamment en matière de sécurité, alors que dans le même temps les financements publics dindemnisation des chômeurs augmentaient de manière importante.
Sagissant, enfin, du processus de création dentreprises, il a évoqué lexemple de la région italienne dEmilieRomagne qui sétait distinguée par un dynamisme de la création de PME et par un taux de chômage de lordre de 5 %.
M. Pierre Méhaignerie a relevé que les divergences entre les membres de la commission des Finances nétaient pas moindres que celles des experts, ce qui rendait la synthèse difficile. Sessayant toutefois à cet exercice, il a mis laccent sur la crainte, apparue au cours du débat, de voir limportance des dividendes fiscaux attendus dune reprise de la croissance, retarder, comme en 1988, les réformes structurelles nécessaires telles que celle des retraites du secteur public. Il a noté le relatif accord sur la baisse du déficit et de lendettement et il a estimé quen cas de marge de manoeuvre supplémentaire, la priorité devrait aller à un allégement des charges sur les bas salaires dans un souci conjoint defficacité et de justice.
Il a enfin rappelé quen matière de fiscalité locale, lÉtat avait apporté davantage aux collectivités territoriales quil ne leur avait repris, que la marge de dépenses de cellesci était relativement élevée par rapport aux autres pays européens et que la réforme prioritaire devrait être dinstituer une péréquation nationale de taxe professionnelle.
Répondant aux différents intervenants, M. Christian de Boissieu a fait part de son inquiétude devant la crise japonaise. Il a rappelé que le Japon venait dannoncer son septième programme de relance en six ans, et a émis des doutes sur lefficacité de tels plans, compte tenu des méthodes de décisions politiques et administratives dans ce pays. Il a cependant estimé que la crise japonaise ne devrait pas avoir des conséquences directes sur léconomie européenne, et quelle ne devrait se faire sentir en Europe quau travers de ses éventuels effets aux États-Unis. Revenant sur la TVA, il a insisté sur le fait que lécart entre le taux allemand et le taux français lui semblait peu compatible avec la mise en place de leuro, et que lactuelle reprise de la consommation constituait un argument pour ne pas baisser la TVA.
M. Jean-Paul Fitoussi a précisé, à son tour, quil avait eu recours à la comparaison entre lEurope et le Japon pour montrer que ces deux zones avaient eu des performances économiques équivalentes au cours des premières années de lactuelle décennie. Il a, dautre part, considéré que les chômeurs pouvaient profiter de la croissance dans la mesure où cette dernière créait des emplois et accélérait la rotation des embauches. Il a cependant fait remarquer que le chômage constituait, davantage quun état, un processus affectant, au-delà des chômeurs, non seulement lensemble des personnes fragilisées ou en situation précaire, écartées des fruits de la croissance, mais aussi les salariés dont la hausse du pouvoir dachat avait été limitée. Il a, par ailleurs, observé que la croissance était devenue plus riche en emplois, les 3 % prévus pour 1998 devant créer 370.000 emplois, hors effet des 35 heures, alors quil fallait, il y a 20 ans, 4 % de croissance pour obtenir un tel résultat. Il a également fait valoir que la lutte contre le chômage était au centre des analyses macro-économiques, et que, faute davoir lutté contre ce fléau dès son apparition, on sétait accommodé dun taux de chômage structurellement élevé. Il a enfin estimé que, compte tenu de la faiblesse de linflation, il nétait pas urgent de baisser le taux de la TVA.
Tout en reconnaissant la nécessité de maintenir les mesures spécifiques destinées au chômeurs de longue durée, M. André Gauron a fait observer que ces mesures ne devaient pas être confondues avec les allégements de charges sur les bas salaires dont il a estimé que linefficacité avait été révélée par la pratique. Il a, par ailleurs, fait part de ses doutes sur lefficacité dune baisse de la TVA dont les effets risquaient dêtre dilués. Partageant le souci exprimé par M. Gérard Saumade de considérer les finances publiques dans leur totalité, il a rappelé que lexamen de lévolution de lensemble du budget montrait que les postes qui avaient le plus augmenté, comme la charge de la dette ou les interventions économiques, ne correspondaient pas aux dépenses prioritaires. Sassociant, enfin, aux inquiétudes des autres intervenants devant les conséquences de la crise du sud-est asiatique, il a fait remarquer quelle avait révélé limportance du « hors bilan » dans la gestion des entreprises de la zone et sest demandé si les bilans des banques et des grandes entreprises européennes donnaient une image fidèle des risques inhérents à leurs investissements sur un marché où elles interviennent constamment.
fpfp
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