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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 56

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 27 mai 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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– Audition de M. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des comptes, sur les projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 (n° 33) et 1996 (n° 587)


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– Examen des projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 (n° 33) et 1996 (n° 587)(M. Didier Migaud, Rapporteur général)


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La Commission a procédé à l’audition M. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des comptes, accompagné de MM. François Logerot, Président de la première chambre de la Cour des comptes, et Bernard Cieutat, Conseiller maître à la Cour des comptes, sur les projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 (n° 33) et 1996 (n° 587).

Le Président Augustin Bonrepaux, accueillant M. Pierre Joxe, a rappelé l’intérêt particulier qu’il attachait à la collaboration entre la Cour des comptes et la commission des Finances dans l’exercice de ses prérogatives de contrôle budgétaire.

Il a ensuite évoqué les observations de la Cour sur la présentation budgétaire des rapports entre l’État et les collectivités locales. Après avoir souhaité des éclaircissements sur les modifications de nomenclature que la Cour estimait opportunes, il s’est demandé si l’assimilation pratique, faite par celle-ci, des prises en charge d’allégements d’impôts locaux à des subventions n’était pas un indice de l’inadéquation fondamentale des règles fiscales existantes.

Il s’est enquis des suites, déjà données ou en voie de l’être, aux critiques faites par la Cour contre la mauvaise lisibilité des dotations budgétaires de rémunérations principales et annexes et de charges de pension des fonctionnaires de l’État.

Enfin, il a relevé les craintes exprimées par la Cour à propos de la mauvaise qualité des procédures de gestion de l’endettement public par le Trésor et de leurs répercussions négatives sur la réduction de la dette propre de l’Établissement public de financement et de réalisation (EPFR), et interrogé le Premier Président de la Cour des comptes sur les mesures propres à mettre fin à cet état de fait.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes, a tout d’abord salué l’évolution constatée aujourd’hui par rapport à l’époque où les lois de règlement étaient votées dans l’indifférence générale, avec un retard de nombreuses années par rapport à la période d’exécution des budgets correspondants. Il a considéré que cette situation avait donné au Parlement un rôle nul, voire négatif, du fait de l’absence de lien entre l’exécution de la loi de finances la plus récente et la préparation du projet de loi de finances de l’année suivante, et de la certitude ainsi donnée aux gestionnaires qu’aucun compte ne leur sera demandé. Il s’est félicité de ce que l’application de l’article 13 de la loi portant règlement du budget de 1990 ait permis, à partir de 1992, de dissocier le rapport sur l’exécution de la loi de finances de la déclaration générale de conformité et mis ainsi la Cour des comptes en mesure de transmettre ce rapport d’exécution avant la fin du premier semestre de l’année suivante, et donc avant l’examen du prochain projet de loi de finances. Il a attribué ce progrès à la fois aux efforts de la Cour des comptes et aux effets de l’informatisation des services du ministère de l’Économie et des Finances. Il s’est félicité du raccourcissement corrélatif, d’un mois, de la période complémentaire durant laquelle il est possible de rattacher les opérations de recettes et de dépenses à l’exercice précédent, qui expire désormais le 7 février, et relevé que la publication du rapport de la Cour des comptes pouvait ainsi être avancée d’autant. Il s’est interrogé sur la possibilité d’abréger encore cette période de manière significative, l’idéal étant de parvenir, comme à Singapour, à arrêter les comptes publics en temps réel, le 1er janvier.

Évoquant la pratique des Parlements de nombreux pays de la partie Nord de l’Union européenne, caractérisée par une tradition de vigilance et de contrôle inquisitorial, il s’est plus particulièrement arrêté à l’exemple du « public account committee » placé auprès de la Chambre des communes. Il a exprimé l’espoir qu’avec le concours technique de la Cour des comptes et du ministère des Finances, la commission des Finances accroisse ses actions de contrôle, soulignant qu’elle répondrait en cela à l’attente de l’opinion publique de plus en plus soucieuse d’une gestion vigilante des ressources publiques et d’une évaluation attentive de l’efficacité de leur utilisation.

A propos des crédits de la Fonction publique, qui représentent environ 40 % du budget de l’État, il a indiqué que personne n’en avait aujourd’hui une connaissance fidèle et précise, les documents disponibles étant inexacts et grossièrement incomplets, et le système de rémunération des agents publics organisé pour être impénétrable. Faisant observer que le niveau réel de rémunération pouvait aller jusqu’au double de celui qui découlait de la grille théorique, il a exposé que la Cour des comptes, depuis trois ans, avait amorcé un travail d’éclaircissement dont les premiers résultats seraient disponibles à la fin de 1998 et qui permettraient de sortir d’une situation constitutive d’une particularité française. Il a cité, en contrepoint, l’exemple des Pays-Bas où il est possible d’avoir une connaissance exacte de ce qu’un fonctionnaire gagne à partir de son indice de rémunération.

M. Pierre Joxe a également appelé l’attention de la Commission sur la parution du rapport préliminaire sur l’exécution de la loi de finances de l’année antérieure au moment de la tenue du débat d’orientation budgétaire de l’année suivante. Il a annoncé qu’une première analyse de l’exécution du budget de 1997 était disponible depuis peu avant la publication du rapport complet de la Cour en juillet prochain. Il a estimé que le contrôle accru de l’exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale serait ainsi facilité.

M. Pierre Joxe a enfin présenté les perspectives d’évolution des tâches de contrôle budgétaire au cours des années à venir. Il a évoqué les pressions croissantes résultant, à cet égard, du passage à la monnaie unique, prévoyant que la coordination des politiques monétaires provoquerait certainement un mouvement d’harmonisation des politiques fiscales. Il a indiqué que la Cour des comptes se préparait à la coordination croissante entre les institutions européennes, qui deviendra de plus en plus nécessaire. Il a souhaité que la commission des Finances ne déçoive pas l’attente des magistrats de la Cour des comptes, très fortement mobilisés, en s’abstenant de solliciter sa capacité d’expertise et de description rigoureuse des finances publiques.

M. François Logerot, Président de la première chambre de la Cour des comptes, a souhaité dresser, plutôt qu’un exposé global des rapports de la Cour des comptes sur les budgets de 1995 et 1996, trois constats généraux : la traduction dans les comptes de l’État de l’amélioration relative de la situation budgétaire, la nécessité d’une transparence et d’une rigueur accrues dans la présentation des documents budgétaires et enfin, l’amélioration de l’information du Parlement sur l’exécution du budget de l’État.

M. François Logerot a tout d’abord illustré le constat d’amélioration de la situation budgétaire, en rappelant la diminution constante sur trois ans du déficit qui est passé de 421 milliards de francs, en 1994, à 338 milliards de francs en 1995 et 299 milliards de francs en 1996, et en faisant état pour le déficit du budget de 1997, d’une nouvelle diminution de l’ordre de 28 milliards de francs. Il a attribué ces résultats à la progression des recettes fiscales, au ralentissement de la charge de la dette lié à la diminution des taux d’intérêt, et à des améliorations occasionnelles, non renouvelables, du solde des opérations temporaires. Il a évoqué le ralentissement des dépenses de l’État hors charges de la dette, pour souligner que les efforts d’économie déjà consentis sur les dépenses de fonctionnement, certaines dépenses d’intervention et les dépenses d’investissement laissaient aux pouvoirs publics des marges de manœuvre plus étroites dans une dépense totale où la part des dépenses de personnel croissait.

M. François Logerot a ensuite énuméré les améliorations réalisées en direction de la transparence des opérations budgétaires et les progrès restant à accomplir. Au titre des améliorations, il a cité le nouveau mode de comptabilisation des recettes fiscales, qui distingue la part des impôts de l’État et celle des impôts locaux, la solution apportée par le projet de loi de règlement de 1995 au problème posé par l’écart de 18 milliards de francs constaté entre les comptes de l’État et ceux de la Poste, en raison du traitement des avoirs des titulaires de comptes chèques postaux.

Il a ensuite énuméré certains domaines où des progrès devraient être faits pour que les comptes de l’État reflètent davantage la réalité des opérations, voire respectent la légalité.

A ce titre, M. François Logerot a évoqué les prélèvements sur recettes, qui diminuent optiquement les masses budgétaires, en regrettant qu’ils ne répondent pas toujours aux règles posées par l’ordonnance organique sur les lois de finances et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel Il a également cité les dépenses de fonctionnement et de rémunérations accessoires des administrations financières non retracées dans les documents budgétaires, indiquant que les dépenses de fonctionnement matériel étaient actuellement réintégrées, comme le prévoit l’article 110 de la loi de finances pour 1996, mais que les dépenses de rémunérations persistaient à ne pas l’être, pas plus que les opérations extrabudgétaires relatives aux rémunérations accessoires de certains personnels des ministères de l’Équipement et de l’Agriculture.

Le Président de la première chambre a ensuite dénoncé la pratique persistante des reports de charges sur exercices antérieurs, qu’illustrent la réduction progressive de la subvention aux Charbonnages de France, source d’un endettement artificiel, et l’insuffisance des dotations à l’établissement de défaisance du Crédit lyonnais, qui a coûté à l’État 700 millions de francs de pénalités annuelles. Il a rappelé que ces reports provoquaient une réduction artificielle du déficit constaté. Il a également contesté la qualification inexacte de certaines dépenses, comme les remboursements annuels de la CADES à l’État, qui sont intégralement pris en compte, capital et intérêts confondus, dans les opérations budgétaires, alors que seules les dépenses d’intérêt sont de nature budgétaire, le remboursement du capital ayant le caractère d’opération de trésorerie. Il a enfin critiqué le financement, sous couvert de dotations en capital censées accroître les fonds propres des bénéficiaires, des dépenses courantes des entreprises publiques et des établissements de défaisance. Il a expliqué que de telles pratiques étaient encouragées par les critères prévus par le traité de Maastricht, qui écartent les dotations en capital du calcul des déficits publics.

M. François Logerot a enfin exposé les priorités que la Cour des comptes se donnait. A propos, tout d’abord, des dépenses de la fonction publique, il a noté la difficulté d’une appréciation réaliste de la situation en raison de la nature des opérations et de la matière première du contrôle, constituée par des dépenses largement automatisées, sans ordonnancement préalable, qui ne peuvent donc être appréhendées qu’au prix de longues et difficiles enquêtes sur pièces et sur place. Il a ensuite déclaré que la Cour des comptes s’était engagée à mieux contrôler les dépenses déconcentrées des services extérieurs de l’État, pour faire cesser ce qui apparaissait comme une relative inégalité de traitement avec les collectivités locales, soumises à un contrôle permanent par les Chambres régionales des comptes. Il a enfin souligné que la Cour des comptes s’attachait à mieux identifier les circuits de financement d’origine communautaire, en rappelant que les subventions européennes pour les opérations de l’État relevaient de son contrôle, tandis que celles concernant les collectivités locales ressortaient de la compétence des chambres régionales des comptes.

Le Président de la première chambre a conclu son propos en invitant les membres de la Commission à se reporter, pour le suivi des travaux de la Cour, non seulement aux rapports d’exécution de la loi de finances mais aussi au rapport public, aux rapports particuliers et aux référés définitifs.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, s’est félicité de la rapidité avec laquelle la Cour des Comptes avait apporté des réponses au questionnaire qu’il lui avait adressé, et présentait son rapport sur l’exécution des lois de finances. Il a souligné l’importance pour la Commission de disposer de ce dernier document pour 1997 avant le débat d’orientation budgétaire du mois de juin. Constatant que la réduction du déficit budgétaire s’effectuait à un rythme plus lent que sa dégradation antérieure, il s’est interrogé sur les marges de manœuvre qui demeuraient dans la politique budgétaire compte tenu de la rigidité des dépenses publiques. Il a, en second lieu, souhaité savoir si les résultats d’exécution des budgets de 1995, 1996 et 1997 étaient conformes à la volonté affichée par les gouvernements précédents de contenir les dépenses publiques. Mettant en question l’opportunité de faire porter l’effort de maîtrise des dépenses publiques sur les dépenses en capital utiles à l’investissement, il a demandé si des marges d’ajustement ne subsistaient pas plutôt sur les dépenses ordinaires.

Le Rapporteur général a demandé si la Cour des comptes avait, outre la réintégration progressive dans le budget de l’État des dépenses et des recettes indûment soustraites, d’autres propositions à faire pour améliorer la sincérité de la présentation du budget, pour mettre un terme aux pratiques comptables contestables, qu’elle dénonçait, et pour renforcer l’encadrement juridique de la pratique des reports de charges. Il s’est demandé si, compte tenu de leur importance, les mesures de régulation budgétaire étaient bien conformes aux règles posées par l’ordonnance organique relative aux lois de finances et s’il était exact qu’elles portaient plutôt sur les mesures nouvelles.

M. Didier Migaud s’est interrogé sur les causes de l’écart sensible constaté chaque année entre les prévisions des recettes de TVA et leur montant effectif et sur le rôle joué dans cet écart par les remboursements de TVA et par la fraude à la TVA intracommunautaire. Se référant à la circulaire du Premier ministre relative à la lutte contre la fraude au budget communautaire, il a souhaité savoir quelles interventions la Cour des comptes envisageait en la matière, notamment à propos de la mise en œuvre des fonds structurels. Il a enfin demandé au Premier président quels ministères faisaient l’objet des enquêtes actuelles de la Cour.

En réponse, M. Pierre Joxe a indiqué que le programme de travail de la Cour des comptes était fixé en toute indépendance par lui–même sur proposition des présidents de chambre. S’agissant du choix des ministères contrôlés, il a observé que la périodicité des contrôles dépendait des masses budgétaires en jeu, des risques de dérive et des résultats des contrôles antérieurs ; le retour des contrôles n’était donc pas aussi systématique que pour les collectivités locales, qui sont chacune contrôlée tous les quatre ou cinq ans par les chambres régionales des comptes. Il a ajouté qu’il avait décidé de contrôler certains ministères qui, jusqu’à présent, ne l’étaient pas, tels que la Justice et la Défense et que cette décision avait notamment conduit à la révision de la gestion de la Direction générale de l’armement. Il a également déclaré que certains ministères jusque–là contrôlés avec tact, comme celui des Finances, l’étaient plus méthodiquement, d’ailleurs avec la collaboration des administrations concernées, conscientes des contraintes européennes.

Il a rappelé, par ailleurs, qu’il existait, par définition, trois possibilités de dégager des marges de manoeuvre budgétaires : produire plus de recettes ; réduire les dépenses ; mieux gérer les fonds publics. Considérant que les deux premières ne pouvaient guère plus être mobilisées compte tenu du niveau des prélèvements obligatoires et de la rigidité de la dépense publique, il a appelé à une amélioration de la gestion publique et à un contrôle accru de la réalité de l’emploi des fonds aux fins décidées et de l’efficacité des dépenses, et observé que la plupart des parlements européens orientaient de plus en plus leurs activités en ce sens.

M. François Logerot, répondant en premier lieu sur le problème de la rigidité de la dépense publique, a atténué le pessimisme du constat, en mettant en lumière l’infléchissement de l’augmentation de la charge de la dette, passée de 14 % en 1994 à 1,2 % en 1997, et de celle des dépenses nettes hors dette, passée de 2,6 % en 1994 à 0,9 % en 1997 ; il a cependant rappelé que seule la réduction de la dette et, plus techniquement, le passage des taux d’intérêt sous le taux de croissance du PIB en valeur, permettraient une réelle maîtrise des charges d’intérêts.

Tout en reconnaissant la nécessité de laisser au Gouvernement une marge d’adaptation en cours de gestion, il a critiqué le recours massif à la régulation, parfois trois semaines seulement après le vote du budget, qui apparaissait comme une négation des votes du Parlement. Il a estimé que l’on pourrait concevoir d’autres instruments de régulation, qui seraient préalablement approuvés par le Parlement, en s’inspirant, par exemple, du fonds d’action conjoncturelle qui avait existé autrefois en matière d’investissements.

M. Bernard Cieutat, Conseiller maître à la Cour des comptes, a tout d’abord souligné la prudence des réflexions de la Cour des comptes sur la notion de sincérité budgétaire, l’objectif n’étant pas d’engager des procès d’intention vis–à–vis des gouvernements. Il a indiqué que la Cour veillait principalement à relever les opérations qui affectaient la clarté des comptes et du solde budgétaire présentés et à préserver la permanence des règles comptables, afin de permettre les comparaisons entre les exercices successifs. À ce titre, il a souhaité que les changements de nomenclature budgétaire apparaissent plus clairement dans la présentation du projet de loi de finances de l’année, qui devrait comporter des comparaisons à structure constante lorsque ces changements sont importants. S’agissant de la distinction entre les opérations budgétaires (prises en compte pour la détermination du solde budgétaire) et les opérations de trésorerie (non prises en compte), il a déclaré que la question posée par le Rapporteur général de la commission des Finances avait permis à la Cour de constater l’imprécision des dispositions législatives en vigueur, laquelle autorisait des interprétations contestables ; il a ainsi rappelé que la Cour considérait que les pertes sur emprunts devaient être assimilées à des charges d’intérêts prises en compte dans les dépenses et le solde budgétaires, tandis qu’a contrario la fraction du versement annuel de la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) à l’État représentative du remboursement en capital de la dette sociale reprise par l’État ne devrait pas être tenue pour une recette budgétaire contribuant à améliorer le solde budgétaire. Il a également appelé à une clarification du régime des dotations en capital aux entreprises publiques, qui ne devraient plus couvrir des charges courantes, ajoutant que cette clarification s’inscrirait dans un mouvement général déjà engagé par nos partenaires européens qui visait à rapprocher les règles de la comptabilité budgétaire de celles de la comptabilité patrimoniale des entreprises. Il a enfin mentionné le problème de clarté posé par les prélèvements sur recettes.

Il a pris comme exemple les dotations aux collectivités locales et a ainsi relevé la différence de traitement entre la dotation globale d’équipement, considérée comme une subvention dans le budget du ministère de l’intérieur, et la dotation globale de fonctionnement, assimilée à un prélèvement sur recettes.

M. François Logerot a ensuite souligné que la lisibilité et la sincérité des documents budgétaires reposaient sur les progrès effectués dans l’établissement d’une véritable comptabilité patrimoniale. Il a néanmoins rappelé que les particularités irréductibles de la comptabilité publique, comme l’autorisation budgétaire annuelle, restaient peu compatibles avec les concepts usuels de provisionnement et d’amortissement. Il a ensuite mis l’accent sur la nécessité d’une information précise sur les engagements « hors bilan » de l’État, les qualifiant de charges certaines au montant incertain. Il a ainsi cité le montant des pensions versées dans un avenir proche aux fonctionnaires et les engagements pris par l’État par l’intermédiaire des structures de defaisance, soulignant à ce sujet que personne à l’heure actuelle ne pouvait évaluer précisément les coûts de l’opération de defaisance du Crédit lyonnais.

Répondant au Rapporteur général, M. Bernard Cieutat a tout d’abord précisé que la Cour portait une grande attention à la résorption des retards de paiement aux fournisseurs de marchés publics, et qu’une amélioration sensible avait été constatée dans les ministères de la Recherche et de la Défense. Il a indiqué que le passage d’une comptabilité de caisse à une comptabilité en droits constatés permettrait d’accroître la transparence des comptes.

M. François Logerot a confirmé l’existence, en 1996, d’un écart négatif de 12 milliards de francs entre le montant des recettes effectives perçues au titre de la TVA par rapport aux prévisions. Il l’a expliqué par la désorganisation causée par les mouvements sociaux de la fin de l’année 1995, par l’introduction d’un nouveau logiciel de remboursement aux entreprises, par les difficultés dues à la hausse du taux normal de TVA intervenue en cours d’année, qui a rendu plus complexe les opérations de remboursement, et par un meilleur rendement des contrôles fiscaux. Il a précisé que les recettes de l’année 1997 excéderaient de 6 milliards de francs le montant prévu. Concernant les fraudes à la TVA intracommunautaire, il a estimé que la Cour, faute de moyens de détection, avait de grandes difficultés à évaluer son niveau, mais qu’il était sans doute inférieur au chiffre de 40 milliards de francs annuels récemment avancé par une organisation syndicale. Il a rappelé que la lutte contre la fraude était subordonnée à une meilleure coordination entre les administrations fiscales nationales.

Tout en approuvant les critiques de M. François Logerot sur la comptabilisation des engagements de l’État envers les entreprises publiques et les structures de défaisance, M. Philippe Auberger a indiqué qu’il avait lui–même relevé en son temps l’incohérence consistant à ne pas distinguer dans la loi de finances les remboursements en capital et les remboursements d’intérêts. Il a estimé que la non-prise en compte des dotations en capital dans le budget portait à 30 milliards de francs l’écart entre le déficit annoncé et le déficit réel, ajoutant que la France était à la merci d’une remise en cause de ses conventions comptables par la Commission européenne et Eurostat. Rappelant que la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1998 avait exigé pour la loi de finances suivante la réintégration dans le budget général des fonds de concours dont bénéficie le ministère des Finances, il a demandé quelles suites seraient données à cette décision dans le projet de loi de finances pour 1999. Il a par ailleurs réclamé que soit annexé au projet de loi de finances un document comptable qui retrace en exécution la réalisation du pacte de stabilité entre l’État et les collectivités locales. Il s’est ensuite interrogé sur le respect par la fonction publique des règles de spécialité budgétaire, en évoquant la situation des fonctionnaires d’État mis à la disposition des entreprises publiques, des autres administrations, des associations, voire des cabinets ministériels. Enfin, il a souhaité que soient communiquées des informations plus précises sur les dépenses publiques liées à l’évaluation et à la mise sur le marché d’entreprises privatisées.

Dénonçant l’intensité des contrôles s’exerçant sur les collectivités locales, qui contraste avec la tranquillité laissée jusqu’à présent aux services extérieurs de l’État, M. Alain Rodet a félicité, en conséquence, la Cour de sa volonté d’exercer une surveillance plus grande sur ces services, avant de se demander si, pour que les effectifs de magistrats répondent à l’accroissement correspondant de la charge de travail, il n’estimait pas nécessaire de rappeler les nombreux magistrats de la Cour mis à la disposition d’autres organismes publics.

Relevant que dans le dernier rapport du Conseil national des impôts, le Premier Président de la Cour des comptes avait estimé qu’une assiette de la taxe professionnelle fondée sur la TVA pourrait être incompatible avec les règlements communautaires, M. Edmond Hervé lui a demandé quelles voies de réforme de la fiscalité locale il suggérait en conséquence.

M. Alain Barrau a souhaité savoir si la Cour disposait d’évaluations de l’efficacité des aides publiques accordées aux entreprises en matière de création d’emplois ou d’investissements à l’étranger, notamment en Europe de l’Est. Il a aussi souhaité connaître la position de la Cour sur la réforme des fonds structurels européens et il s’est demandé si l’établissement d’une relation directe entre les institutions communautaires et les échelons décentralisés de chaque pays membre était envisageable.

En réponse aux différents intervenants, M. François Logerot a tout d’abord confirmé l’interprétation donnée par M. Philippe Auberger sur l’analyse de la Cour relative aux dotations en capital des entreprises publiques tout en précisant que chaque opération devait être examinée au cas par cas et qu’il était, en conséquence, difficile de se prononcer sur un chiffre global. Il a ajouté qu’Eurostat n’avait pas soulevé d’objection de principe quant aux modalités de comptabilisation dans les agrégats publics des financements accordés aux structures de cantonnement et que, selon une information transmise oralement par le Directeur du budget, il aurait avalisé l’absence d’imputation dans le besoin de financement public de la dotation accordée à Réseau ferré de France.

M. Logerot a indiqué que la rebudgétisation des fonds de concours ne lui paraissait pas poser de problème juridique ou technique mais soulevait plutôt une difficulté liée à l’affichage de ce type de ressource extrabudgétaire. Il a rappelé que les informations correspondantes figuraient déjà dans des annexes à la loi de finances, comme les montants des fonds rattachés au ministère des Finances soit 10 milliards de francs par an environ, dont 7 milliards de francs affectés aux rémunérations accessoires de ses fonctionnaires.

S’agissant des mises à disposition de fonctionnaires, M. Logerot a confirmé que la grille d’analyse des emplois publics utilisée par la Cour intégrait la catégorie de la mise à disposition pour apprécier la divergence entre les emplois réels et les emplois budgétaires de l’État. Il a déclaré qu’au ministère de l’Éducation nationale, ces mises à disposition représentaient des effectifs importants, mais relativement connus, dans la mesure où elles s’effectuaient dans le cadre de conventions, ce qui n’était pas le cas de nombreux autres ministères.

M. Pierre Joxe a remarqué que si la charge de travail de la Cour des comptes augmentait, il n’en allait pas de même de ses effectifs, ce qui la contraignait à un effort accru de productivité. Il a précisé que son objectif était moins d’augmenter le nombre des magistrats financiers que celui de leurs assistants, en provenance du ministère de l’Économie et des Finances ou de certaines administrations techniques, dont il souhaitait porter le nombre, de 50 actuellement, à 100. Il a ajouté que les magistrats financiers en disponibilité n’étaient pas rémunérés par la Cour des comptes, et ne faisaient qu’exercer un droit reconnu par le statut général de la Fonction publique, mais que son intention était bien de réduire le nombre des mises à disposition, notamment dans les cabinets ministériels, ce qui devrait mettre fin à l’existence de certains emplois officieux et contraindre l’État à créer des emplois budgétaires officiels.

Il s’est engagé à transmettre à la Commission les travaux du Conseil des impôts consacrés à la réforme de la taxe professionnelle et il a jugé que le processus d’harmonisation de la fiscalité européenne serait plus difficile en matière de fiscalité locale en raison des traditions institutionnelles variant d’un pays à l’autre, entre centralisation et fédéralisme. Il a ainsi estimé particulièrement difficile d’identifier et de comparer les dépenses des collectivités territoriales des différents États membres, en prenant l’exemple de la dépense d’éducation en France et en Allemagne.

Après avoir rappelé les travaux déjà consacrés par la Cour au sujet des aides à l’emploi, il a fait part des difficultés éprouvées à évaluer les prises de participation de l’État. Au sujet des fonds structurels européens, il a estimé que leur gestion s’apparentait plus à de la sous-traitance qu’à de la décentralisation, ce qui posait un sérieux problème de contrôle et il s’est demandé si les institutions européennes ne finiraient pas par exercer un rôle de tutelle des différentes administrations nationales, en citant l’exemple d’une lettre comminatoire adressée par un fonctionnaire de la Commission de Bruxelles à l’État français et en rappelant que la France subirait cette année des pénalités d’un montant de 700 millions de francs pour infraction à la réglementation communautaire.

Il a évoqué les difficultés à évaluer de manière fiable les charges de la Fonction publique et il a mis l’accent sur la progression importante du coût des retraites de fonctionnaires d’ici à 2010, en s’interrogeant sur les conséquences de telles charges hors bilan en matière économique et sociale.

M. Bernard Cieutat a indiqué qu’en raison de la grande hétérogénéité des différents concours de l’État aux collectivités territoriales, il était difficile pour la Cour d’établir un tableau consolidé de ces financements mais il a jugé que le Gouvernement pouvait publier un compte global des différents concours consentis au titre des exercices précédents au moment du dépôt de la loi de finances initiale.

M. Philippe Auberger a remarqué qu’à la fin de la période triennale du pacte de stabilité sur les relations entre l’État et les collectivités territoriales, la Cour des comptes pourrait établir un tableau des concours effectivement consentis par l’État à ces dernières en reprenant la nomenclature de la loi de finances.

Abordant la question des frais de privatisation, M. Bernard Cieutat a observé que le rapport de la Cour consacré au règlement du budget de 1996 évoquait ce sujet, mais il a reconnu que leur consolidation pouvait être imparfaite en raison de leur grande diversité comme les frais de communication, de banques-conseil ou d’audits financiers.

M. François Logerot a fait part de l’étonnement de la Cour devant le coût élevé de certains honoraires et frais d’audit occasionnés par quelques opérations de privatisation ou encore comptabilisés dans les charges du Consortium de réalisation et il a reconnu que la contraction de certaines dépenses, résultant de la présentation d’un solde net, était contraire à la règle de l’universalité budgétaire.

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La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, à l’examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1995 (n° 33).

Le Rapporteur général a souligné que les observations figurant dans son rapport écrit étaient essentiellement des constats sur l’exécution de l’exercice 1995 et a rappelé qu’en raison de la dissolution intervenue en 1997, le projet de loi de règlement pour 1995 était examiné tardivement.

La Commission a successivement adopté sans modification, conformément aux conclusions du Rapporteur général, les articles suivants :

– Article premier : Résultats généraux de l’exécution des lois de finances
pour 1995 ;

– Article 2 : Recettes du budget général ;

– Article 3 : Dépenses ordinaires civiles du budget général ;

– Article 4 : Dépenses civiles en capital du budget général ;

– Article 5 : Dépenses ordinaires militaires du budget général ;

– Article 6 : Dépenses militaires en capital du budget général ;

– Article 7 : Résultat du budget général de 1995 ;

– Article 8 : Résultats des budgets annexes ;

– Article 9 : Comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 1996 ;

– Article 10 : Pertes et profits sur emprunts et engagements de l’Etat ;

– Article 11 : Pertes en trésorerie sur devises ;

– Article 12 : Remise de dettes consentie au Vietnam ;

– Article 13 : Abandon de créances détenues à l’encontre de l’ex-ORTF.

Article 14 : Reconnaissance d’utilité publique des dépenses comprises dans des gestions de fait :

M. Philippe Auberger a demandé si des poursuites devant la Cour de discipline budgétaire envers les personnes impliquées dans ces gestions de fait étaient envisagées. Il a considéré que certains agissements ainsi mis à jour constituaient de véritables détournements de fonds publics et qu’une action judiciaire devait être envisagée, afin que le Parlement ne statue pas chaque année sur des faits similaires sans qu’aucun effet ne soit perceptible. Il a souhaité que, lors du débat en séance publique, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie s’engage à diligenter les poursuites nécessaires.

Le Rapporteur général a indiqué que les procédures déjà engagées suivaient leur cours et a précisé que les amendes prononcées, parfois très lourdes, étaient en cours de recouvrement.

Le Président Augustin Bonrepaux a répondu à M. Philippe Auberger qu’il aurait tout loisir d’interroger le ministre en séance publique et que, pour sa part, il souhaitait qu’un engagement fort soit manifesté par ce dernier.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 15 : Apurement du compte 427-9 « Écart d’intégration des dépôts CCP de l’ex-budget annexe des PTT  » :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 16 : Transport aux découverts du Trésor :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Puis elle a adopté l’ensemble du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1995 sans modification.

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La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, à l’examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1996 (n° 587).

Elle a successivement adopté, sans modification, conformément aux conclusions du Rapporteur général, l’ensemble des articles du projet de loi :

– Article premier : Résultats généraux de l’exécution des lois de finances
pour 1996 ;

– Article 2 : Recettes du budget général ;

– Article 3 : Dépenses ordinaires civiles du budget général ;

– Article 4 : Dépenses civiles en capital du budget général ;

– Article 5 : Dépenses ordinaires militaires du budget général ;

– Article 6 : Dépenses militaires en capital du budget général ;

– Article 7 : Résultat du budget général de 1996 ;

– Article 8 : Résultats des budgets annexes ;

– Article 9 : Comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 1997 ;

– Article 10 : Pertes et profits sur emprunts et engagements de l’Etat ;

– Article 11 : Apurement d’une partie du solde créditeur d’un compte spécial du Trésor ;

– Article 12 : Reconnaissance d’utilité publique des dépenses comprises dans des gestions de fait ;

 Article 13 : Transport aux découverts du Trésor.

La Commission a enfin adopté l’ensemble du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1996 sans modification.

——fpfp——


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