ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DES FINANCES,
DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
COMPTE RENDU N° 58
(Application de l'article 46 du Règlement)
Jeudi 4 juin 1998
(Séance de 9 heures 45)
Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président
SOMMAIRE
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Audition de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie et de M. Christian Sautter, Secrétaire dÉtat au Budget, sur les orientations budgétaires pour 1999.
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Examen dun rapport dinformation préalable au débat dorientation budgétaire pour 1999 (M. Didier Migaud, Rapporteur général).
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La Commission a procédé à laudition de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie, et de M. Christian Sautter, secrétaire dÉtat au Budget, sur les orientations budgétaires pour 1999.
Le Président Augustin Bonrepaux a souhaité des précisions sur les modalités de détermination des mesures déconomie qui, à hauteur de 20 milliards de francs, doivent affecter les crédits civils ouverts pour 1999 en plaidant pour la préservation de secteurs prioritaires comme la sécurité ou linvestissement qui semblait afficher un certain retard en France par rapport aux EtatsUnis, notamment en matière de haute technologie et qui appelait vraisemblablement une politique plus volontariste de lÉtat dans le domaine du logement ou de laménagement du territoire. Il sest aussi demandé si les répercussions de lévolution prévisible des régimes de retraite sur léquilibre général des finances publiques, soulignées par le rapport préparatoire, ne conduiraient pas à inclure lavenir de ces régimes parmi les questions soumises à la coordination dans les instances européennes. Il a enfin interrogé les ministres sur léventualité de réduction dimpôts et notamment de ceux qui pesaient particulièrement sur le travail.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie, a tout dabord évoqué les principales caractéristiques de lenvironnement économique. Il a ainsi relevé quavec un chiffre de 0,6 % pour le premier trimestre, la croissance se situait dans la ligne de la prévision de 3 % pour lannée 1998, même si sa structure était un peu décalée par rapport aux prévisions, puisque la substitution de la demande intérieure à la demande extérieure était plus forte que prévu initialement. Il a aussi signalé la bonne tenue des conditions monétaires et le faible niveau des taux dintérêt favorable à la croissance, même si on ne pouvait exclure un éventuel relèvement de ces taux lorsque lexpansion économique en Europe serait encore plus massive quaujourdhui. Il a affirmé que le Conseil de leuro disposerait dun pouvoir dappréciation globale afin de tirer les conséquences des divergences constatées dans les performances des différents pays membres de la zone euro.
Sil a reconnu la part de la reprise internationale dans les bons résultats constatés en France qui affichait la plus forte croissance des grands pays industrialisés, le Ministre a jugé également honnête de souligner aussi les effets bénéfiques de la politique économique menée par le Gouvernement, soit dans sa politique salariale ou sociale, soit par les décisions arrêtées dans le budget pour 1998. Il a ajouté que linvestissement, notamment dans les PME, suivait bien la reprise de la consommation, puisque les carnets de commandes étaient pleins et que le taux dutilisation des équipements augmentait, ce qui montrait bien que les comportements des chefs dentreprise étaient conformes à leurs intentions déclarées. Le Ministre a précisé que ce processus saccompagnait dune augmentation inévitable des importations de biens déquipement.
Sagissant de lemploi, il a indiqué que léconomie française avait créé, au premier trimestre 1998, 75.000 emplois, en conformité avec la prévision de 220.000 emplois marchands pour lensemble de lannée, et il a ajouté que ces résultats nétaient imputables, pour lessentiel, quà la croissance, les effets de la réduction du temps de travail ne devaient sobserver que dans la seconde moitié de lannée 1998 et surtout en 1999.
Abordant ensuite la préparation du projet de loi de finances pour 1999, il a annoncé que le Gouvernement avait fixé à 1 % en volume la croissance des dépenses de lÉtat, en remarquant que cet objectif, comme en 1998, se traduirait par une baisse de la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut, seul indicateur pertinent pour juger de lévolution de la dépense publique et en estimant que cette tendance devrait réjouir les partisans de la diminution de cette dépense. Il a confirmé son intention de procéder à environ 20 milliards de francs de redéploiements de crédits civils afin de financer les priorités du Gouvernement, en précisant que ce montant était relativement faible par rapport aux 1.600 milliards de francs du budget.
A propos de la reprise de linvestissement, il a souligné quaux ÉtatsUnis, linvestissement de haute technologie, moteur, pour un tiers, de la croissance des investissements de ce pays, émanait du secteur privé. Il a affirmé que la politique budgétaire de la France tendait justement à permettre la reprise de linvestissement du secteur privé, comme le montre lévolution de la part du surplus de richesses captée par les hausses des prélèvements obligatoires, passée de 86 % en 1996 à la suite de hausses dimpôts qui avaient cassé la reprise, à 58 % en 1997 et à 36 % en 1998.
Il a fait part de son objectif de porter à 2,3 % le montant du déficit public en 1999 et à moins de 2 % en 2000, ce qui constituait le niveau à partir duquel le ratio de la dette publique par rapport au produit intérieur brut commençait à décroître. Le Ministre a ajouté que cette décroissance était souhaitable afin daugmenter la capacité dimpulsion de lÉtat, actuellement obérée par un service de la dette qui représentait 20 % des recettes fiscales contre 5 % en 1980, et de ne pas faire reporter sur les générations futures le poids des dépenses actuellement engagées. Il a aussi remarqué que laffectation des recettes fiscales au paiement des intérêts perçus par les détenteurs de titres de la dette publique constituait une forme de redistribution à rebours qui pouvait paraître contestable.
M. Christian Sautter, secrétaire dÉtat au Budget, a ensuite évoqué le déroulement de lexécution budgétaire pour 1998 en constatant que les recettes fiscales étaient pour linstant conformes aux prévisions de la loi de finances, que les dépenses navaient pas été affectées par des mouvements significatifs puisque le milliard de francs consacré au soutien des chômeurs en détresse avait été gagé par des économies dun même montant et quil ny avait pas eu de gel ou de mesures de régulation à ce jour, ce qui traduisait le caractère sincère et réaliste du budget initial. Après avoir signalé un probable dépassement des dépenses de la fonction publique par rapport aux prévisions en raison des conséquences du pacte salarial dans ce secteur, il a estimé que les emplois jeunes atteindraient le nombre prévu de 150.000 en fin dannée et que les effets de la réduction du temps de travail ne commenceraient à sobserver quen 1999.
Sagissant du projet de loi de finances pour 1999, il a déclaré quà fiscalité constante, le surplus de recettes fiscales atteindrait un montant compris entre 50 et 55 milliards de francs, qui serait affecté pour un tiers à la réduction du déficit et pour les deux autres tiers au financement des priorités de la politique gouvernementale, ce qui permettrait de disposer, en y ajoutant les 20 milliards de francs de redéploiements déjà cités, dun volume de crédits de lordre de 50 milliards de francs. Il a précisé que les redéploiements des dépenses civiles seffectueraient aussi bien entre les différents ministères quà lintérieur de chaque ministère dans une perspective de soutien de lemploi et dencouragement à la solidarité. Le Ministre a annoncé que les effectifs civils de la fonction publique seraient stabilisés en 1999, moyennant des redéploiements demplois budgétaires à lintérieur dun même ministère et entre ministères, tandis que la professionnalisation des armées entraînerait, comme prévu, une hausse des emplois militaires.
M. Didier Migaud, rapporteur général, a tout dabord remarqué que les informations relatives à lexécution des budgets de 1997 et 1998 traduisaient bien la conformité des actes par rapport aux intentions exprimées lors de la discussion budgétaire, ce qui nétait pas le cas des exercices de 1995 et 1996 à propos desquels la discussion des lois de règlement permettrait de constater que la réalité fut bien différente des priorités affichées au départ.
Relevant le dynamisme des recettes fiscales, qui ont crû de 4,8 % entre le premier trimestre 1997 et le premier trimestre 1998, il a souhaité connaître les principales composantes de cette tendance et demandé notamment des précisions sur lévolution de la TVA. Il a estimé que, pour maintenir le besoin de financement des administrations publiques dans la conformité aux prévisions, les dépenses de sécurité sociale seraient déterminantes et sest préoccupé de lévolution des dépenses dassurance-maladie.
En écho aux remarques faites dans le rapport du Gouvernement, préparatoire au débat dorientation budgétaire, sur la rigidité des dépenses publiques, il a demandé quelles dépenses le Gouvernement considérait comme excessives au regard de lévolution du déficit structurel, quelles mesures il comptait prendre pour réduire la rigidité déplorée, comment il envisageait de lier maîtrise des dépenses publiques et encouragement aux investissements publics, source de croissance, et quels indicateurs permettaient de juger de lefficacité de certaines dépenses afin den améliorer limpact sur la croissance. Il sest enquis des suites que le Gouvernement entendait donner à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1998 relative aux fonds de concours rattachés aux services financiers du ministère. Il a enfin demandé si, compte tenu du rythme de la croissance prévue pour 1999, une baisse des prélèvements obligatoires serait recherchée et si, dans laffirmative, des arbitrages avaient été rendus pour déterminer sur quels impôts devait porter la diminution des recettes fiscales correspondantes.
Répondant au Rapporteur général, M. Christian Sautter a précisé que si la progression des recettes de taxe sur la valeur ajoutée sexpliquait par le transfert de la demande extérieure vers la demande intérieure, elle était due, en partie, à des événements accidentels comme la grève des services fiscaux intervenue au cours de lhiver et les modalités du partage des missions entre la SNCF et le Réseau ferré de France, et quen conséquence aucune conclusion ne pourrait en être tirée avant les résultats du deuxième trimestre 1998.
Après avoir souligné que, pour la première fois depuis 1987, la loi de finances sexécutait avec un déficit inférieur à celui qui avait été voté, M. Dominique StraussKahn a considéré que, la croissance évoluant comme prévu, les rentrées fiscales ne devraient pas être supérieures aux prévisions. Il a, dautre part, fait remarquer que, dans lévolution du solde de lassurance maladie, globalement conforme aux prévisions, la forte progression des recettes liée à la croissance masquait laugmentation des dépenses, et que, dans de telles conditions, la maîtrise des dépenses de santé restait lobjectif prioritaire du Gouvernement. Il a par ailleurs annoncé que, dans le cadre de la préparation du budget de 1999, les crédits de chaque ministère seraient revus « à base zéro » en fonction des objectifs que leur assignait le Premier ministre afin de détecter tous les facteurs de rigidité des dépenses de lÉtat. Il a en outre fait observer que le Gouvernement comptait continuer à sattaquer à cette rigidité, notamment en stabilisant les effectifs civils de la fonction publique. Il a invité à apprécier les effets de la politique budgétaire sur une longue période, et non au seul vu dun résultat dune année. Il a enfin fait remarquer que la baisse des prélèvements obligatoires avait été engagée dès 1998, en rupture avec la tendance des cinq années précédentes, et quelle serait poursuivie en 1999, le Gouvernement travaillant actuellement sur une hypothèse de stabilisation de ces prélèvements, tout en nexcluant pas de poursuivre leur réduction. Il a indiqué que le Premier ministre navait pas encore déterminé les priorités fiscales pour 1999, rappelant que trois chantiers, portant respectivement sur la fiscalité locale, la fiscalité du patrimoine et la fiscalité écologique, étaient actuellement ouverts. Il a ajouté que dans le choix à intervenir entre la réforme de la taxe professionnelle, dans une perspective defficacité pour lemploi, et celle de la taxe dhabitation, en vue de la justice sociale, le Gouvernement serait naturellement attentif à la contribution de la commission des Finances.
M. Christian Sautter a ensuite annoncé que les opérations de rebudgétisation engagées en 1998 seraient poursuivies en 1999, notamment celles concernant les fonds de concours, en pleine conformité avec la décision du Conseil constitutionnel.
M. Pierre Méhaignerie a félicité M. Dominique StraussKahn pour la qualité du diagnostic quil a porté récemment sur la situation de la France lors dune conférence tenue à lInstitut détudes politiques de Paris et reprise par « Les Échos ». Il a notamment dit partager son analyse sur linsuffisance de la croissance française, lefficacité sociale de lexonération de cotisations sur les bas salaires, que le Président Augustin Bonrepaux avait paru admettre, linégalité entre catégories de salariés et lefficacité de la fourniture de services par la sphère publique. Il a relevé le parallèle entre ce diagnostic et les conclusions publiées par M. Michel Rocard au moment de la préparation du Xème Plan. Il a déploré, au regard de la netteté de ce constat, une même incapacité, alors et maintenant, à sortir des faux remèdes des « années paresseuses ». Il a regretté que les trois quarts des fruits de la croissance soient absorbés par la progression des dépenses publiques sans que soit pour autant levée lhypothèque du coût des retraites de la fonction publique et de lextension des 35 heures à ce secteur. Il a jugé trop limitée la réduction du déficit envisagée par le Gouvernement, et a rappelé que le précédent renversement du cycle de croissance avait coûté 2 points du PIB, et quil convenait dores et déjà de préparer les années difficiles en sattaquant à la composante structurelle des déficits et au poids excessif de la sphère publique. Il a dénoncé lécart croissant entre la situation des salariés du secteur privé et celle du secteur public, moins en termes de salaire quen termes davantages annuels comme la durée des vacances. Evoquant le choix possible entre taxe dhabitation, taxe professionnelle et allégement des charges sociales sur les bas salaires sur lequel lopposition avait aussi un avis à formuler, il a fait observer que la taxe dhabitation faisait déjà lobjet de nombreuses exonérations et dégrèvements favorables aux départements qui augmentaient le plus leurs dépenses. Il a soutenu que la baisse des prélèvements obligatoires devait sappliquer en priorité aux charges sociales sur les bas salaires, et quune telle mesure était plus urgente que la réforme de la fiscalité locale envisagée par le Gouvernement.
Le Président Augustin Bonrepaux a précisé que, lorsquil avait évoqué les impôts pesant sur le travail, il avait envisagé la TVA et la taxe professionnelle, mais non lallégement des charges pesant sur les bas salaires, quil a jugé très coûteux et sans effet évident sur lemploi.
M. Dominique Strauss-Kahn a tout dabord exprimé son intérêt pour les avis formulés par lopposition. Il a estimé que M. Pierre Méhaignerie se contredisait en affirmant labsence de rigidité du marché du travail tout en réclamant davantage de flexibilité, entretenant ainsi un faux débat. Revenant sur lefficacité de la sphère publique, il a considéré que ce nétait pas son importance qui posait problème, mais la qualité des services quelle rendait ; il a évoqué, à lappui de cette affirmation, les décisions dimplantation dentreprises étrangères en France, qui prennent en compte la qualité des services publics en dépit dun traitement fiscal plus favorable ailleurs. Sagissant de lutilisation des plus-values fiscales, il a fait remarquer que, au cours des dernières années, les dépenses avaient augmenté plus vite que les recettes, et que, en affectant une partie des recettes à la réduction des déficits, les choix du Gouvernement traduisaient une meilleure gestion. Il a enfin fait valoir que leffort de réduction du solde structurel était significatif en 1997 et en 1998.
A M. Charles de Courson qui lui faisait observer la discordance entre la présentation du déficit par le rapport préparatoire et les chiffres récemment publiés par la Commission européenne, M. Dominique StraussKahn a objecté que les statistiques de la Commission était fondées sur une base non conforme aux méthodes internationalement reconnues, tant par le FMI que par lOCDE, auxquelles la comptabilité nationale française se conformait.
M. Pierre Méhaignerie étant revenu sur la réforme indispensable des retraites de la fonction publique, le Ministre, citant lexemple de France Télécom, du GAN, de Thomson et du CIC ainsi que celui de linstitution de la CSG, y a vu la preuve quune méthode visant à faire partager par les personnes concernées lintérêt pour les réformes entreprises était pour lui, à la fois une marque desprit démocratique et un gage defficacité, et que le précédent Gouvernement avait, sur tous ces dossiers, connu léchec pour lavoir oublié.
Répondant à M. Pierre Méhaignerie, le Président Augustin Bonrepaux a constaté que lanalyse des allégements de taxe dhabitation, évoquée par celui-ci, révélait les effets pervers de cette taxe dans les grandes agglomérations et justifiait pleinement les mesures prises dans la dernière loi de finances.
Mme Nicole Bricq a approuvé les deux orientations exprimées par le Gouvernement dans le rapport préparatoire : retrouver des marges de manuvre pour une politique macro économique qui relève de la responsabilité de lÉtat ; faire de loutil budgétaire une arme de réorientation vers linvestissement et linnovation. Elle sest interrogée sur les moyens dassurer une bonne gestion du cycle de croissance dans la zone euro, alors que les pays européens sont plus ou moins avancés dans ce cycle, ainsi que dharmoniser les politiques budgétaires nationales avec la convergence monétaire européenne.
M. Yves Deniaud, après avoir exprimé laccord unanime de lopposition avec les analyses présentées par M. Pierre Méhaignerie, a estimé que le record historique de prélèvements obligatoires atteint en 1997 résultait des alourdissements dimpôts décidés à lautomne 1997 par le nouveau Gouvernement. Il a également contesté la présentation de ces prélèvements figurant dans le rapport préparatoire du Gouvernement, dont lévaluation de la captation du surplus de richesses par les hausses de prélèvements obligatoires ne tient pas compte des allégements de charges sociales sur les bas salaires décidés par la précédente majorité et considéré que, dans le cas contraire, lannée 1996 napparaissait pas marquée par une hausse massive des prélèvements obligatoires, mais par un transfert du poids de ces prélèvements, des bas salaires vers « largent qui dort ». Il a ensuite regretté le flou des réponses gouvernementales sur léventualité dune baisse des impôts, considérant que les pays qui ont maîtrisé le chômage avaient tout à la fois réduit les déficits publics, réduit les impôts et relancé linvestissement. Relevant lalourdissement massif des charges de retraites présenté dans le rapport précité (600 milliards de francs en vingt ans), il a demandé quelles mesures envisageait le Gouvernement afin dy faire face. Enfin, il a souhaité quelques précisions sur lévolution de linvestissement public civil, la conjoncture offrant la possibilité dune relance de celuici après des années de recul.
M. Daniel Feurtet, constatant que la distribution de crédit représentait quatre fois la masse du budget, a estimé que lon ne pouvait dissocier la politique budgétaire et la politique du crédit et sest donc interrogé sur les moyens dune maîtrise publique du crédit. Il a également demandé quelles pistes étaient étudiées par le Gouvernement, audelà des trois chantiers évoqués dans le rapport préparatoire, pour soutenir la demande tout en évitant tout risque inflationniste.
M. Gérard Fuchs a tout dabord considéré que les mesures prises par la nouvelle majorité en 1997 avaient largement contribué à la relance de la croissance. Observant que, pour la première fois depuis des années, la France allait disposer en 1999 dune marge par rapport au critère européen des 3 % de déficits publics, il sest interrogé sur léquilibre à trouver entre maîtrise de la dette publique et soutien de la croissance par une relance de la dépense publique ; il a en particulier demandé à être convaincu de lopportunité de fixer à 2,3 % du PIB les déficits publics en 1999, estimant que 2,5 % naurait pas été un mauvais chiffre. Par ailleurs, il a demandé quelle serait la stratégie française dans le cadre du Conseil de leuro, afin de prendre en compte limpératif de croissance ; il a également souligné que la structure du budget communautaire avait une incidence sur la croissance et sest prononcé, soit pour un étalement des dépenses des fonds structurels, soit pour le redéploiement des moyens correspondants vers des projets porteurs de croissance comme les grands réseaux européens.
M. Gérard Saumade a souligné le lien entre la croissance et lemploi dont la contestation au cours des dernières années avait conduit certains à dire bien des sornettes. Observant que linvestissement des collectivités locales représentait désormais les trois quarts de la formation brute de capital fixe publique, mais avait fortement diminué lannée dernière faute de moyens, alors même que les besoins nouveaux (investissements éducatifs, traitement des déchets...) étaient en forte croissance, il a craint quune éventuelle diminution des impôts locaux nait des conséquences négatives sur linvestissement local. Approuvant le principe dun redéploiement des moyens budgétaires afin de favoriser linnovation, il a également plaidé pour une mise à plat des aides aux entreprises, qui lui paraissaient entraîner beaucoup deffets daubaine et a préconisé le développement des sociétés de capital risque.
M. Yves Cochet sest déclaré en accord avec les trois axes dégagés en introduction du rapport du Gouvernement, auxquels il a souhaité y ajouter un quatrième axe : la lutte contre les gaspillages et la pollution. Il a toutefois estimé quil ne suffisait pas dannoncer des objectifs, mais quil fallait se doter des instruments adéquats pour les atteindre. A ce propos, il a jugé que la priorité donnée à lemploi devrait se traduire par le relèvement des minima sociaux, instrument décisif de soutien à la demande. Il a ensuite interrogé les ministres sur lopportunité dun renforcement des moyens de ladministration pour lutter contre la fraude fiscale. Il a enfin évoqué la fiscalité écologique : après avoir jugé insuffisantes les modifications inscrites dans le projet de loi portant diverses dispositions dordre économique et financier relatives au calcul de la puissance fiscale des véhicules, il a déclaré que lactualité montrait bien le poids croissant des problèmes et des coûts liés à la qualité de lair et de leau ou aux déchets. Il a donc estimé quil existait une opportunité politique dalourdir la fiscalité écologique pour alléger la fiscalité sur le travail, dans la mesure où la population était de plus en plus clairement attachée à la préservation de la qualité de la vie.
M. Pierre Forgues a souhaité obtenir plus de précisions sur les priorités que le Gouvernement entend poursuivre dans le budget de 1999. A cet égard, il a plaidé pour une véritable politique daménagement du territoire, permettant notamment dassurer une meilleure présence des services publics dans les zones sensibles, quelles soient urbaines ou rurales. Il a également insisté sur la nécessité de revoir le mode de financement des collectivités locales, grâce en particulier, à une moindre superposition des impôts locaux, et à une fiscalité locale plus juste et mieux répartie.
Évoquant la dérive attendue des dépenses des régimes spéciaux de retraite au cours des prochaines années, M. Charles de Courson sest interrogé sur la volonté du Gouvernement den proposer une réforme. Après sêtre inquiété du dérapage des dépenses dassurance maladie constaté depuis le début de lannée, il a rappelé lexistence dun important déficit primaire du budget de lÉtat le déficit de fonctionnement étant supérieur à 100 milliards de francs quil a jugé indispensable de résorber. Il sest demandé si les investissements publics continueraient à être sacrifiés comme ils le sont depuis une quinzaine dannées, mettant lÉtat dans lincapacité dentretenir son patrimoine. Il a enfin émis des doutes sur la capacité du Gouvernement à tenir son objectif dévolution des dépenses, alors que lobjectif dun déficit égal à 2 % du PIB, niveau nécessaire à la stabilisation du poids de la dette publique, ne sera atteint quen 2000 et quun certain nombre de dépenses devrait continuer à croître à lavenir : les dépenses relatives à la fonction publique en raison du choix dune stabilisation et non dune réduction des effectifs et de laccord salarial pluriannuel, les dépenses relatives à la défense nationale dont on a dit quelles ne pouvaient plus être diminuées, ainsi que les concours aux collectivités locales, puisquil est envisagé de les augmenter du taux de linflation et de la moitié du taux de la croissance en volume.
Répondant aux intervenants, M. Christian Sautter a précisé, à propos de la coordination des politiques économiques des onze pays participant à leuro, que la première réunion du Conseil de leuro, tenue aujourdhui, aurait pour objet de déterminer les méthodes permettant darticuler lacquis de la croissance avec une politique monétaire unique et des politiques budgétaires diversifiées. Observant que les onze pays nétaient pas tous placés dans la même situation conjoncturelle, il a indiqué que la coordination des politiques budgétaires ne signifiait pas leur uniformisation.
Répondant à M. Yves Deniaud, il a fait observer que la période 1993-1997 montrait quil nétait pas si facile de diminuer simultanément les déficits et les impôts. Il a rappelé que, si pour 1997 un effort particulier avait été demandé aux grandes entreprises, le Gouvernement avait décidé de stabiliser les prélèvements obligatoires en 1999 afin de consolider la croissance, soulignant même que leur poids dans le PIB devrait diminuer en 1998. Il a fait observer que la prise en compte des allégements de cotisations sociales ne modifiait pas le diagnostic en ce qui concerne lévolution du taux des prélèvements obligatoires au cours des dernières années.
Le Ministre a souligné que le fait que le rapport du Gouvernement contienne des développements sur les conséquences du choc démographique qui se produira à partir de 2005 montre quil entend travailler dans une perspective de moyen terme concernant les dépenses de retraite, tous régimes confondus. Il a rappelé que le Premier ministre avait demandé au Commissariat général du Plan dactualiser le diagnostic qui avait été fait au début des années 1990 et que les premiers résultats de cette étude, attendus pour la fin de 1998 ou le début de lannée prochaine, permettraient de prendre les mesures nécessaires en temps utile.
Après avoir indiqué que leffort consenti, dès 1997, en faveur du logement social serait amplifié en 1999, le Ministre a confirmé que le Gouvernement était très attaché à ne pas sacrifier les investissements financés sur crédits budgétaires, qui constituent un moteur important de la croissance.
En réponse à M. Daniel Feurtet, il a reconnu lexistence dun lien entre la politique budgétaire et la politique du crédit, soulignant que le bas niveau actuel des taux dintérêt constituait un important facteur de croissance durable. Constatant que la croissance résultait désormais davantage dune demande intérieure saine et moins dune demande extérieure par définition fragile et en voie dessoufflement en raison de la crise asiatique, il a insisté sur la nécessité que la politique budgétaire ne gène pas cette croissance, notamment en namputant pas le pouvoir dachat des consommateurs par une hausse massive de la TVA comme cela avait été le cas en 1995. Il a fait observer que linvestissement productif, stagnant depuis 1991, redémarrait en raison de la baisse des taux dintérêt et de lexistence dune demande solide.
Rappelant que la montée de la part de la dette publique dans le PIB avait été très forte depuis 1993, le Ministre a expliqué que cest la nécessité de réduire celle-ci, et pas uniquement pour des raisons liées à lUnion européenne, qui expliquait le choix dun objectif dune limitation du déficit à 2,3 % du PIB.
A M. Gérard Fuchs, il a indiqué que cest lobligation dengager tous les fonds structurels en 1999 qui expliquait la hausse importante (+ 3,4 %) du projet de budget communautaire. Il a salué lintérêt de sa suggestion tendant à étaler ou à redéployer ces crédits structurels.
Le Ministre a rappelé à M. Gérard Saumade que le Gouvernement poursuivait un double objectif de croissance : dune part retrouver la tendance de long terme denviron 2,2 % et, dautre part, renforcer le potentiel de croissance pour aller au-delà de ce chiffre, ce qui nécessite un effort particulier en matière déducation, de recherche ou daides à la création dentreprise. Sagissant des concours aux collectivités locales, il a indiqué que le Gouvernement nentendait pas, comme son prédécesseur, procéder par un pacte unilatéral mais au contraire engager une consultation de tous les acteurs locaux, dont il est impossible de préjuger des résultats. Il a constaté par ailleurs que linvestissement local avait progressé en 1997 et que les collectivités locales en percevraient les fruits en 1999 au travers de leurs recettes de taxe professionnelle.
M. Christian Sautter a fait observer à M. Yves Cochet que la politique budgétaire menée par le Gouvernement avait permis la création nette de 155.000 emplois en 1997 et que, donc, il était possible, contrairement à ce que pensent certains économistes, de conjuguer soutien à la demande intérieure et diminution graduelle des déficits. A propos de la fraude fiscale, il a indiqué que le Gouvernement entendait porter son effort sur la lutte contre la fraude organisée en matière de TVA intracommunautaire ou déconomie souterraine par exemple, les résultats obtenus venant évidemment accroître les marges de manuvre budgétaires. Il a confirmé que le Gouvernement était tout à fait disposé à dialoguer avec sa majorité des modalités de réforme de la fiscalité écologique.
Le Ministre a indiqué que le Gouvernement partageait le souci exprimé par M. Pierre Forgues de maintenir les services publics dans les zones sensibles, jugeant que cet objectif pouvait parfaitement être atteint par le redéploiement des crédits comme le confirmera le projet de budget pour 1999.
Répondant à M. Charles de Courson, il a souligné que le Gouvernement sen tenait à la prévision dun déficit du régime général limité à 12,5 milliards de francs pour 1998, malgré lévolution rapide des dépenses de santé constatée au premier trimestre de cette année, due en partie à une épidémie de grippe particulièrement forte. Il a confirmé que le Gouvernement visait léquilibre du régime général en 1999. En ce qui concerne les orientations générales du budget, il a rappelé que lobjectif du Gouvernement était de parvenir à un solde primaire positif du budget en 1999 et dune stabilisation du poids de la dette en lan 2000.
M. Pierre Méhaignerie a déploré que M. le ministre de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie nait pas consacré un temps suffisant à la commission des Finances et nait pas répondu de façon adéquate aux questions précises des parlementaires.
Le Président Augustin Bonrepaux a fait observer quen tout état de cause le Gouvernement sétait attaché à répondre aux questions des parlementaires et que lintérêt des auditions de ministres par la Commission serait conforté si ses membres voulaient bien consentir à une certaine discipline dans leurs interventions.
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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, le rapport dinformation préalable au débat dorientation budgétaire pour 1999.
Le Rapporteur général a indiqué que, compte tenu des échanges précédents, il sen tiendrait à la présentation des grandes lignes de son rapport dinformation. Il a rappelé quà loccasion du précédent débat dorientation budgétaire, tenu en mai 1996, le rapport de son prédécesseur et celui du Gouvernement précédent étaient avant tout constitués par des constats sur lexécution de lexercice précédent. Il a noté quune telle approche était normale, dans la mesure où les arbitrages nétaient pas définitifs, et que le débat permettait dexaminer des orientations esquissées, méritant dêtre affinées par la suite. Il a souligné quil ne fallait pas céder à la tentation danticiper, à ce stade, le débat sur le projet de loi de finances lui-même.
Abordant lexécution du budget de 1997, il a considéré quelle était conforme aux orientations définies par le Gouvernement au moment de sa prise de responsabilité et quil y avait là une différence avec le décalage trop important entre prévision et exécution constaté précédemment.
M. Pierre Méhaignerie, approuvé par M. Charles de Courson, a jugé ces propos caricaturaux, en rappelant quen 1992 et 1993, lexécution budgétaire avait conduit à une explosion du déficit.
Le Rapporteur général, après avoir mis en relief que ces exercices avaient été caractérisés par une crise économique internationale, a présenté les premiers résultats de lexécution du budget de 1998. Il a indiqué que celle-ci était, dans lensemble, en ligne avec les prévisions, même si les recettes faisaient preuve dun dynamisme certain. Rappelant que la loi de finances avait été construite sur la base dune hypothèse de croissance du PIB de 3 % et que la concrétisation annoncée de cette prévision nétait pas, à elle seule, susceptible de modifier substantiellement les recettes attendues, il a cependant observé que le contenu de cette croissance se modifiait au profit de la consommation intérieure et que cette évolution ne serait sans doute pas sans conséquence sur les rentrées fiscales, même sil était difficile dextrapoler sur lensemble de lexercice les bonnes rentrées de TVA constatées au premier trimestre de 1998. Il a fait remarquer que lexistence dune marge de recettes supplémentaires ne pouvait donc pas être exclue.
Il a ensuite présenté les trois orientations principales qui devraient marquer le budget pour 1999.
Rappelant dabord les engagements pris devant les électeurs, il a jugé que ces engagements devraient trouver leur traduction dans les choix budgétaires de la prochaine loi de finances. Il a relevé, à cet égard, que, dès 1998, des dépenses supplémentaires avaient été engagées sagissant des traitements de la fonction publique, de la réduction du temps de travail et des emplois jeunes, se traduisant par une augmentation sensible par rapport aux dépenses inscrites en loi de finances initiale. Il a ensuite observé que ces dépenses devraient être financées par redéploiement, même si lexercice se heurtait à de nombreuses difficultés, dues notamment à la rigidité de la dépense publique et à la nécessité de ne pas continuer à pénaliser les dépenses dinvestissement.
Il a ensuite mis laccent sur la nécessité dengager la réduction de lendettement public, faisant valoir que, dans cette perspective, la réduction du besoin de financement des administrations publiques devait être poursuivie avec dautant plus de vigueur que la performance de la France nétait pas parmi les meilleures en Europe.
Il a enfin remarqué que la réduction des prélèvements obligatoires était indispensable, même si la part du surplus de richesses captée par les hausses de ces prélèvements, qui a atteint son maximum historique en 1996, a notablement décru en 1997.
M. Pierre Méhaignerie a estimé que, pour préserver la qualité du débat, la notion décart entre prévision et exécution des lois de finances devait être maniée avec prudence. Il a souligné quen 1992, la loi de finances initiale avait prévu un déficit budgétaire de 91 milliards de francs, mais que lexécution sétait traduite par un déficit de 236 milliards de francs, et quen 1993 le même phénomène avait pu être observé, le déficit passant de 183 à 345 milliards de francs. Il a noté que, pour les trois années suivantes, les écarts avaient été très sensiblement inférieurs.
Le Rapporteur général a considéré que le débat sur lexécution budgétaire au cours des exercices 1992 et 1993 était maintenant quelque peu daté et quil avait, en tout état de cause, été tranché en 1993 par une défaite électorale historique. Il a fait observer que le débat actuel portait sur la maîtrise des dépenses publiques, et que cette maîtrise avait été beaucoup moins assurée quil navait pu être annoncé, par les Gouvernements de lépoque, entre 1994 et 1996.
En réponse aux observations faites sur linsuffisante précision des propos des ministres, le Président Augustin Bonrepaux a indiqué que plusieurs auditions de membres du Gouvernement étaient dores et déjà prévues, qui devraient permettre dobtenir des informations détaillées en ce qui concerne, notamment, le logement, les collectivités locales ou laménagement du territoire.
M. Gérard Saumade sest interrogé sur la possibilité dorganiser une réflexion des membres de la Commission sur les thèmes les plus significatifs du futur projet de loi de finances.
M. Pierre Forgues a souhaité que les ministres puissent porter une plus grande attention aux questions des commissaires. Il a douté que la date choisie pour organiser le débat dorientation budgétaire fût la meilleure, compte tenu du calendrier même de préparation du projet de loi de finances pour 1999.
Mme Béatrice Marre a estimé que le débat dorientation budgétaire devrait, pour trouver tout son sens, intervenir avant lenvoi des lettres de cadrage.
Le Rapporteur général a indiqué quil avait déjà appelé lattention du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie sur certaines difficultés résultant de la date choisie pour tenir le débat dorientation budgétaire. Il a également estimé quun tel débat trouverait sa pleine efficacité sil intervenait avant lenvoi des lettres de cadrage, ce qui permettrait sans doute aux administrations dêtre plus disponibles pour répondre aux questions posées à loccasion de la préparation de ce débat. Il a néanmoins insisté à nouveau sur le fait quun tel débat navait pas pour objet de permettre une discussion anticipée du projet de loi de finances.
La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport dinformation.
fpfp
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