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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 60

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 juin 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l’Intérieur, sur l’exécution 1998 et les perspectives pour 1999 des crédits de son ministère


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La Commission a procédé à l’audition de M. Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l’Intérieur.

Le Président Augustin Bonrepaux a indiqué que l’audition du Ministre de l’Intérieur, consacrée à l’exécution 1998 et aux perspectives pour 1999 des crédits de son ministère, était la première d’une série de réunions conduites dans la perspective d’un meilleur contrôle budgétaire qu’il souhaitait développer, grâce notamment à l’activité des rapporteurs spéciaux.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a interrogé le Ministre sur les grandes orientations de son prochain budget. Rappelant que la sécurité n’avait pas été initialement mentionnée parmi les six domaines prioritaires de l’action gouvernementale mais leur avait été adjointe depuis, il a souhaité savoir comment cette priorité se traduirait dans le projet de loi de finances pour 1999. Il a ensuite demandé si la définition de nouvelles relations entre l’État et les collectivités locales, à la sortie du pacte de stabilité, serait l’occasion d’un véritable contrat permettant aux collectivités d’assurer leurs responsabilités tout en accompagnant la reprise de la croissance.

M. Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l’Intérieur, a rappelé que le Premier ministre, dès sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997, avait affirmé le droit de chaque citoyen à une sécurité égale pour tous, et que le colloque de Villepinte, en octobre dernier, avait permis au Gouvernement de manifester son souci d’une politique de sécurité efficace et globale. Il en a évoqué les moyens : le recrutement d’agents de sécurité, la conclusion de 400 contrats locaux de sécurité, dont 40 ont déjà été signés. Il a ensuite énuméré les trois axes de cette politique : la citoyenneté et l’éducation à la citoyenneté ; la proximité ; le renforcement de la coopération entre les services de l’État, notamment la police et la justice.

Il a mis en avant ses deux préoccupations principales : la montée de la violence urbaine et la violence des mineurs dont le Conseil de sécurité intérieure était saisi. Il a précisé que la loi de programmation du 21 janvier 1995, qui avait prévu 8,3 milliards de francs, en dépenses ordinaires, et 8,5 milliards de francs en autorisations de programme, ainsi que la création de 5.000 emplois, n’avait été appliquée que très partiellement, et que si l’exécution des engagements avait été conforme à la loi en 1995 et 1996, le décrochage des deux années ultérieures avait réduit à 60 % le taux d’exécution budgétaire, tandis que 1.200 emplois seulement avaient été créés en 1995 et 1996 et 100 emplois supprimés en 1998.

Le Ministre a ensuite évoqué la mise en place des adjoints de sécurité, en annonçant que 8.250 postes devaient être créés pour se substituer à terme aux 8.325 postes de policiers auxiliaires, affectés dans la police au titre du service national et dont l’effectif serait progressivement réduit sur trois ans jusqu’en 2001.

Il a par ailleurs fait état de l’inscription de crédits correspondant à la création de 1.400 postes en surnombre dans la police nationale, pour compenser l’accélération prévisible des départs à la retraite, au nombre de 26.500 pendant les cinq années à venir, et pour faire face au besoin de formation des nouveaux personnels recrutés sans qu’il soit porté atteinte à la capacité opérationnelle globale des services de police.

Le Ministre a ensuite évoqué la réorganisation des services actifs de la police nationale, et la nouvelle définition des missions des corps de maîtrise et d’application, impliquant l’extension aux personnels de ces corps de la qualification d’officier de police judiciaire, et la suppression correspondante d’un certain nombre d’emplois de commissaires.

Il a mis en relief la diminution de la part des crédits globaux du ministère de l’Intérieur dans l’ensemble des crédits budgétaires de l’État (4,07 % en 1993, 3,72 % en 1998). Il a souligné que, compte tenu de l’importance particulière des crédits de personnel, encore accrue par les conséquences de l’accord salarial dans la fonction publique, une telle évolution n’avait pu se faire qu’au détriment des dépenses de fonctionnement matériel, en particulier du renouvellement du parc automobile de la police, actuellement dans un état déplorable. Il a ajouté qu’un constat semblable pouvait être fait à propos du parc immobilier, dont le caractère vieillot ressortait fortement de la comparaison tant avec les pays étrangers qu’avec les locaux des gendarmeries. Il a regretté qu’une telle situation ne permette pas au ministère de faire face aux besoins en implantation de commissariats suscités par la concentration de la délinquance dans les zones très urbanisées, précisant que 80 % de la délinquance affectent 26 départements.

Insistant sur l’apparition de formes nouvelles de délinquance, notamment de la délinquance des mineurs, qui représente 39 % des vols et 23 % de la délinquance totale, il a jugé indispensable un redéploiement d’effectifs que facilitera le recrutement des adjoints de sécurité. Il a évoqué son action déterminée en vue de l’accélération de la mise en place – dont l’achèvement est désormais prévu en 2007 – du système de transmission ACROPOL, déjà opérationnel en Seine-Saint-Denis, en Picardie et dans la région Rhône-Alpes, et qu’il souhaitait étendre prioritairement à la Corse. S’agissant de la sécurité civile, il a déclaré que la disparition prochaine du service national créait des difficultés importantes pour la brigade des sapeurs pompiers de Paris et conduirait à ne maintenir que deux des quatre unités existantes de sécurité civile (Nogent-le-Rotrou et Brignoles, avec une antenne à Corte).

Faisant ressortir le contraste entre l’attente de sécurité constatée dans l’opinion comme au Parlement et la pauvreté des moyens de son ministère (7,3 milliards de francs pour les dépenses de fonctionnement hors personnel sur un total de 51 milliards de francs au titre du fonctionnement et 1,7 milliard de francs pour les dépenses d’investissement), il a souhaité que les collectivités locales se joignent à l’effort correspondant à cette attente et annoncé le lancement d’une opération « sécurité 2002 » pour laquelle il demanderait d’ailleurs aux collectivités locales une modeste contribution financière.

Le Ministre, abordant les relations financières entre l’État et les collectivités locales, a rappelé que ces dernières accomplissaient 72 % de l’investissement public civil et reconnu que l’application du pacte de stabilité avait représenté pour elles un manque à gagner important par rapport aux pratiques antérieures. Il a évalué à 250 milliards de francs par an le montant des concours de l’État aux collectivités locales, dont 150 milliards de francs pour les dotations de « l’enveloppe normée » et 100 milliards de francs pour les concours hors enveloppe, notamment au titre de la compensation du plafonnement de la taxe professionnelle, en rapprochant ce chiffre du produit – environ 300 milliards de francs – des impôts directs locaux. Évoquant, après la dotation globale de fonctionnement, dont il a rappelé l’importance, la dotation de compensation de taxe professionnelle (DCTP), il a mentionné la diminution, ces trois dernières années, de 400 millions de francs par an, de cette dotation servant de variable d’ajustement dans le cadre du pacte de stabilité. Il a considéré que cette baisse ne pourrait, par construction, que s’accélérer avec le retour de la croissance.

Le Ministre a déclaré qu’une rencontre avec les grandes associations d’élus et les parlementaires intéressés se tiendrait prochainement afin d’envisager les conditions de sortie du pacte, et que, le Gouvernement ayant admis le principe d’une certaine indexation, la négociation correspondante devrait prendre en compte un engagement de modération de la pression fiscale des collectivités locales.

Il a annoncé l’ouverture d’une enveloppe annuelle de 500 millions de francs pour le financement des communautés d’agglomération, qui se fera hors enveloppe normée et permettra le versement d’une DGF de 250 francs par habitant en faveur de ces structures, qui pourront mettre en place progressivement, sur douze ans, la taxe professionnelle à taux unique. Il a ajouté que ces mesures permettraient de traiter les problèmes de la ville au seul niveau pertinent.

M. Tony Dreyfus, Rapporteur spécial des crédits de la sécurité, s’est interrogé sur les difficultés particulières que suscite à Paris la compensation du départ des appelés du service national par l’intégration des adjoints de sécurité.

M. Jean-Pierre Chevènement a reconnu qu’un problème spécifique de recrutement des agents de sécurité se posait à Paris et, dans une moindre mesure, dans la petite couronne. Il a ajouté toutefois que l’application du dispositif ne rencontrait pas de difficultés particulières dans les autres départements, 3.600 jeunes se trouvant sur le terrain et 1.000 environ en formation.

M. Tony Dreyfus a demandé s’il était envisagé, dans ces conditions, de mettre à la disposition des adjoints de sécurité des logements supplémentaires.

M. Jean-Pierre Chevènement a confirmé que la pénurie de logements constituait effectivement la cause principale des problèmes de recrutement à Paris, avant d’indiquer que le ministère prévoyait d’augmenter les acquisitions de logements, moins onéreuses en définitive que les mises à disposition et déclaré que la seule solution était de poser le principe, à Paris comme ailleurs, du recrutement régional.

Après avoir rappelé que la conclusion du pacte de stabilité avait répondu au souci d’assurer aux élus locaux une plus grande lisibilité de l’évolution des concours d’État, tout en contribuant au redressement des finances publiques, M. Gérard Saumade, Rapporteur spécial des crédits alloués aux collectivités locales, a relevé que l’application de ce pacte avait conduit les collectivités locales à fournir des efforts conséquents, à cause de la prise en charge de dépenses auparavant assumée par l’État. Il a précisé que la comptabilisation de ces transferts était rendue compliquée par la coexistence de transferts de l’État aux collectivités locales et de transferts entre collectivités locales liés notamment au développement de l’intercommunalité. Tout en indiquant qu’il savait le temps compté et l’enveloppe budgétaire limitée, il a exprimé le souhait que la sortie du pacte donne lieu à une meilleure reconnaissance de ces transferts de charges dans le projet de loi de finances pour 1999. Il a enfin appelé de ses vœux l’engagement d’une réforme de la fiscalité locale, déplorant l’évolution défavorable récente du taux de remboursement assuré par le fonds de compensation de la TVA.

Répondant au Rapporteur spécial, M. Jean-Pierre Chevènement a évoqué la croissance des charges des collectivités locales liée à l’application des législations récentes, évaluant à 90 milliards de francs le montant total des investissements nécessaires entre 1997 et 2001 pour assurer le respect des normes fixant la qualité de l’eau, et à 50 milliards de francs les sommes correspondantes en matière de gestion des déchets. Rappelant le niveau actuel élevé d’équipement des collectivités locales et l’effet du retour de la croissance sur les bases de la taxe professionnelle, il a indiqué que la future concertation entre l’État et les collectivités locales ainsi que le maintien des taux d’intérêt à un niveau bas pourraient contribuer à résoudre leurs problèmes de financement. Il a affirmé sa volonté d’améliorer les systèmes de péréquation et son souhait d’appliquer, de façon certes progressive, la révision des valeurs locatives cadastrales.

M. Jean-Jacques Jegou, après avoir indiqué qu’il avait apprécié le ton et le contenu de l’intervention de M. Jean-Pierre Chevènement, a regretté les disparités existantes en matière d’effectifs de police entre Paris et les communes avoisinantes, estimant à 50 % l’insuffisance de policiers dans la petite couronne. Il s’est ensuite interrogé sur la justification et le montant de la facturation aux collectivités locales des mises à disposition de policiers pour assurer la sécurité à l’occasion de manifestations et de fêtes sans but lucratif. En tant que membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, il s’est ensuite dit préoccupé par la situation financière de la CNRACL, qui ferait apparaître un déficit de 3 milliards en l’an 2000. Il a souhaité que cesse la gestion de la surcompensation par des procédés que le Président de la Commission de surveillance avait pu rapprocher, lors de son audition ce matin même par la commission des Finances, de la « cavalerie ». Concernant la baisse des prélèvements obligatoires souhaitée par le Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, il a estimé que l’effort serait probablement fourni par l’État, compte tenu de l’augmentation des dépenses des collectivités locales. Il s’est enfin interrogé sur la raison du maintien du prélèvement de 0,4 % à l’encontre des collectivités locales qui se perpétue alors que la révision des bases cadastrales qui le justifiait a pris fin depuis plusieurs années.

M. Arthur Dehaine a interrogé le Ministre sur la situation d’un président de service départemental d’incendie et de secours (SDIS), élu d’une petite commune, dont les fonctions représentaient une charge lourde non compensée par une indemnité.

M. Pierre Hériaud a constaté que les collectivités locales, grâce à la maîtrise de leur gestion et à la diminution de leurs charges d’endettement, avaient dégagé un solde primaire positif de 170 milliards de francs, assurant ainsi une contribution positive au respect des critères de convergence fixés par le traité d’Union européenne. Il s’est en outre interrogé sur les conditions de sortie du pacte de stabilité, évoquant les effets de transferts de charges non compensés, citant en particulier les dépenses d’aide sociale et l’application du dispositif emplois-jeunes.

M. Gilbert Mitterrand, après avoir fait part de la crainte, exprimée par de nombreux policiers, que les emplois-jeunes se substituent à des emplois titulaires non remplacés, s’est interrogé sur les moyens de combattre ce sentiment. Il a ensuite demandé si le projet de loi de finances pour 1999 traduirait les préoccupations exprimées par le Premier Ministre en matière de construction d’aires d’accueil destinées aux gens du voyage.

M. Christian Cuvilliez a estimé que les collectivités locales attendaient de la sortie du pacte de stabilité une augmentation de leurs ressources, qui servirait à la fois le développement économique et la justice sociale. Il a souhaité que s’engage une réflexion sur une réforme de l’assiette fiscale qui éviterait une pénalisation de l’investissement et de l’emploi et a préconisé la reprise du processus de révision des bases cadastrales et la mise en place d’une réelle péréquation que, selon lui, n’assuraient pas les mécanismes actuels. Il a souhaité le maintien des exonérations bénéficiant aux personnes défavorisées et du dispositif de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Il s’est déclaré attaché à ce que la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux agglomérations reste comptabilisée de manière autonome par rapport à la DGF versée aux communes. Abordant les problèmes de sécurité, il a demandé des précisions sur la redistribution envisagée des missions des forces de police et de gendarmerie, indiquant que les gendarmes n’étaient pas soumis aux contraintes statutaires qui limitaient parfois l’action des policiers. Il a également exprimé la préoccupation que le redéploiement envisagé des forces de police ne se traduise pas, pour les communes moyennes, par la disparition de commissariats.

M. Philippe Auberger a souligné que la diminution des charges d’intérêt, illustrée par la baisse de quelque trois ou quatre points du taux d’intérêt moyen entre 1995 et aujourd’hui (de 9 à 5,5 ou 5 %), équivalait à une diminution de 10 % de la pression fiscale et que, si elle ne s’était pas produite, les budgets des collectivités locales n’auraient pu être équilibrés. Il a souhaité que, dans la négociation qui doit intervenir à la suite de la sortie du pacte de stabilité, l’effet de cette baisse soit prise en compte. Il a demandé le relèvement de la dotation forfaitaire de la DGF pour les communes qui ne perçoivent pas la dotation d’aménagement – 80 % de l’ensemble – et qui subissent les conséquences du ralentissement de l’inflation sur leur niveau de ressources sans pouvoir augmenter corrélativement leur taux d’imposition. Il a constaté que l’abandon, en 1992, du garde-fous que constituait l’indexation sur la valeur du point de la fonction publique, se révélait particulièrement dommageable à la lumière de l’accord salarial du 10 février 1998 dont l’application, par des communes dont la masse salariale représente de 40 à 45 % du budget, conduirait à une augmentation annuelle de 3 à 3,5 % des dépenses correspondantes

Concernant la sécurité, il a souhaité obtenir des précisions sur les écoles de formation de la police et la disparition progressive des policiers auxiliaires et a insisté pour que celle-ci ne porte pas préjudice aux écoles.

Se référant à la loi du 7 août 1985 relative à la modernisation de la police nationale, qui avait permis une remise à niveau de ses équipements pour la période 1985–1989, M. Francis Delattre a défendu le principe d’une programmation pluriannuelle pour l’affectation des crédits aux dépenses de police.

Concernant le personnel, il a observé que si le ratio des effectifs cumulés de police et de gendarmerie par habitant était particulièrement élevé en France, les moyens disponibles étaient imparfaitement utilisés et que le fonctionnement de la police au quotidien laissait à désirer. Il a déploré que l’obligation de résidence ne soit pas toujours respectée et s’est notamment étonné de voir, dans sa commune, les logements destinés aux policiers occupés pour moitié par des membres du personnel des préfectures. Il a enfin attribué au régime actuel des finances locales un effet de déresponsabilisation, nourri par l’obsolescence des « quatre vieilles », et préconisé une réforme fiscale comportant l’institution d’un impôt correspondant à chaque niveau - communal, départemental, régional - de collectivités décentralisées.

M. Dominique Baert, après avoir appuyé les observations de M. Gilbert Mitterrand sur la réaction des personnels titulaires à l’institution des agents de sécurité, s’est interrogé sur les conditions du recrutement de ces adjoints de sécurité, qu’il a estimé, à la lumière de son expérience locale, un peu trop homogène ; il a demandé en conséquence quelles garanties prendrait le Ministre pour assurer dans ce recrutement la mixité sociale. Il s’est également enquis du calendrier de mise en oeuvre des propositions du récent rapport de MM. Hyest et Carraz relatives au redéploiement des effectifs, notamment dans les zones urbaines sensibles. Il a enfin souhaité recueillir le sentiment du Ministre sur l’avenir de la dotation de solidarité urbaine, et son évolution pluriannuelle ainsi que sur les modalités d’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’évolution du PIB.

Le Président Augustin Bonrepaux, s’inscrivant dans une perspective de suivi des autorisations budgétaires, s’est étonné de voir les services de l’État invoquer la sous-consommation des crédits ouverts au titre de la dotation de développement rural (DDR) comme une preuve de l’absence de besoins réels, alors que l’expérience montre la grande utilité de cette dotation comme instrument de financement efficace et rapide d’opérations créatrices d’emplois et de ressources. Il a demandé au Ministre quel calendrier suivait la procédure de notification aux préfets des enveloppes de DDR, considérant que la répartition par ceux-ci des crédits correspondants était organisée trop tardivement pour permettre une utilisation effective des fonds avant la fin de l’année. Il a suggéré, dans l’hypothèse où la sous-consommation des dotations serait avérée dans certains départements, que les sommes ainsi libérées soient affectées à d’autres départements où elles trouveraient certainement une meilleure utilisation. Par ailleurs, il s’est élevé contre une hypothétique limitation de l’intercommunalité d’agglomération aux seules zones urbaines, et souhaité l’application à l’ensemble du territoire, y compris aux zones rurales, des mesures fiscales et financières favorisant son extension.

M. Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l’Intérieur, a ensuite répondu aux différents intervenants.

A M. Jean-Jacques Jegou, il a objecté que l’expression de « pléthore policière » appliquée à Paris négligeait par trop les caractéristiques propres à la ville : une population permanente de 2.150.000 habitants à laquelle se joignent, chaque jour, de 5 à 6 millions de personnes venant pour la plupart travailler ; l’accueil de 25 millions de touristes chaque année ; la situation de ville-capitale, siège des pouvoirs publics, de 170 ambassades, et d’organisations internationales comme l’UNESCO ; les nombreuses manifestations qui se déroulent quotidiennement sur la voie publique. Il a en outre fait valoir que le taux de délinquance à Paris, le plus élevé de France, appelait une dissuasion efficace. Il a rendu hommage aux fonctionnaires de police confrontés quotidiennement à une réalité difficile. Il a affirmé que la rémunération de certaines prestations de services, prévue par la loi était appliquée avec modération en fonction des circonstances, relevant au passage que si les actions de sécurité liées aux rencontres de la Coupe du monde étaient prises en charge par les organisateurs, le coût réel des opérations de police correspondantes était bien supérieur. A propos de la situation de la CNRACL, il a rappelé que le Premier ministre avait demandé il y a peu au Commissariat général du Plan un rapport sur les régimes spéciaux de retraites, en précisant que la situation de la Caisse ne rendait pas nécessaire l’augmentation des cotisations employeurs en 1999 et qu’il était ouvert à l’idée d’une concertation sur ce sujet. Tout en reconnaissant que les charges de personnel étaient lourdes pour les budgets locaux, il a appelé de ses voeux une gestion rigoureuse de la part des élus. Il a admis que le bien fondé du prélèvement de 0,40 % pouvait désormais prêter à discussion.

Le Ministre s’est engagé à faciliter, comme le suggérait M. Arthur Dehaine, l’octroi d’une indemnité aux présidents de SDIS en reconnaissant la lourdeur des responsabilités qu’ils assument.

A M. Pierre Hériaud, il a représenté les progrès considérables réalisés, depuis 1992, sur l’intercommunalité, tout en observant que la création de 1.000 communautés de communes en milieu rural, contre 5 communautés de villes, ne correspondait pas à la volonté du législateur, soucieux de développer la coopération en agglomération. Relevant que le rythme annuel de créations de groupements, passées de 300 à 150 par an, restait soutenu, il s’est toutefois demandé si le niveau départemental ou au moins celui du pays n’était pas le meilleur pour une politique cohérente. A propos des créations d’emplois–jeunes par les collectivités locales, dont le nombre demeurait insuffisant, il a rappelé l’importance de l’effort de l’État et mis en valeur l’utilité du dispositif comme moyen d’insertion professionnelle ultérieure, soit dans un emploi marchand, comme les services de proximité, soit dans la police nationale où pourrait entrer une part importante des adjoints de sécurité.

Répondant à M. Gilbert Mitterrand, le Ministre a assuré que les agents de sécurité ne compenseraient pas des emplois titulaires et rappelé que chaque adjoint avait d’ailleurs un tuteur appartenant au personnel titulaire. Sur la question des gens du voyage, il a annoncé qu’une procédure interministérielle en cours étudiait les moyens de renforcer les pouvoirs des maires désireux de réaliser les aires d’accueil prévues par la loi Besson.

Reprenant les observations de M. Christian Cuvilliez, M. Jean-Pierre Chevènement a déclaré que l’État intervenait à hauteur de 36 milliards de francs pour la compensation de la taxe professionnelle. Il a confirmé que l’éventuelle révision des bases d’imposition de la taxe d’habitation n’impliquait nullement la remise en cause des exonérations existantes. Sur la question de la solidarité entre collectivités locales, et plus particulièrement sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, il a insisté sur la nécessité de disposer des moyens nécessaires pour maîtriser la ségrégation sociale et spatiale par une politique d’habitat appropriée à l’évolution de l’agglomération. Il a mentionné la forte croissance, au sein de la dotation globale de fonctionnement, de la dotation spéciale aux groupements (5,5 milliards de francs actuellement contre 3,5 milliards en 1992) et précisé que la dotation aux communautés d’agglomération s’ajouterait à ce concours particulier. Constatant que les populations sont en général attachées par principe aux services qu’elles connaissent de longue date, que ce soit la gendarmerie dans les campagnes ou la police nationale dans les villes, il a rappelé que la répartition nouvelle des personnels en cause avait été décidée par la loi du 21 janvier 1996 et mise en oeuvre par le décret du 20 septembre 1996, et considéré que le redéploiement des moyens se ferait au profit des zones où la délinquance était actuellement la plus forte. Il a estimé que cette procédure était conforme au principe fondamental du service public, « des moyens où sont les besoins », et qu’elle devait être acceptée, car la citoyenneté implique une certaine abnégation au bénéfice de l’intérêt général.

M. Jean-Pierre Chevènement a reconnu que les observations de M. Philippe Auberger sur l’incidence de la charge d’intérêts méritaient attention ainsi que ses remarques sur l’évolution de la dotation forfaitaire au sein de la DGF. Il a déclaré que 17.500 policiers devaient être formés dans les écoles de police en raison de l’entrée en vigueur de la loi sur le service national et que le potentiel de formation serait en conséquence porté de 3.000 places en 1995 à 4.500 en 1999.

Il a précisé à M. Francis Delattre que les évolutions qu’il avait évoquées prenaient pour base les dotations de la loi de finances initiale, mais que, de fait, la régulation budgétaire avait affecté tant le budget de 1995 que celui de 1996. Il a fait valoir les difficultés de promouvoir une meilleure utilisation des moyens en personnel compte tenu des très grandes disparités de situation entre communes. Il a indiqué que 130 millions de francs avaient été consacrés au logement des policiers en 1997. Prenant occasion de l’évocation des personnels des préfectures, il a fait connaître son intention d’en revaloriser la condition compte tenu de l’importance des missions qu’ils accomplissent pour le compte de l’État. Enfin, il a considéré qu’une réforme consistant à affecter un impôt à chaque niveau de collectivité était impossible tant que subsisterait un système fondé sur les « quatre vieilles ».

Puis, le Ministre a mentionné les instructions données pour que les décisions de recrutement d’adjoints de sécurité soient prises en fonction de l’adéquation du profil au poste et non sur la base des seuls diplômes. Il a ajouté qu’aucun calendrier précis n’avait encore été fixé pour la mise en œuvre des propositions du rapport Hyest-Carraz, dans l’attente de la concertation à intervenir. Il s’est enfin déclaré favorable à une revalorisation de la dotation de solidarité urbaine.

En réponse aux remarques du Président Augustin Bonrepaux sur la dotation de développement rural, il a rappelé que les crédits alloués au titre de cette dotation étaient répartis au premier trimestre en fonction de données fiscales et que la gestion faisait apparaître un report de crédits chaque année. Il s’est engagé à étudier les moyens d’une accélération des procédures de notification de crédits aux préfets, tout en indiquant que la redistribution des crédits non consommés par certains départements nécessitait une modification législative. Il s’est toutefois fortement interrogé sur la qualité, au regard des objectifs poursuivis par la création de cette dotation, la revitalisation du milieu rural, de certains projets dont il avait eu connaissance. A propos de l’intercommunalité d’agglomérations, il a mis en rapport le retard incontestable pris par l’intercommunalité urbaine et la part prépondérante, 75 %, de la taxe professionnelle acquittée dans les zones urbaines.

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