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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 61

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 23 juin 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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– Examen de la proposition de résolution (n° 869) de M. Alain Barrau, Rapporteur de la Délégation pour l’Union européenne, sur la proposition de décision du Conseil sur les modalités relatives à la composition du comité économique et financier (COM [98] 110 final/n° E 1053) (M. Gérard Fuchs, Rapporteur).




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– Examen d’un rapport d’information de Mme Nicole Bricq sur la fiscalité écologique.

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La commission des finances, de l’économie générale et du plan a procédé, sur le rapport de M. Gérard Fuchs, Rapporteur, à l’examen de la proposition de résolution (n° 869) de M. Alain Barrau, Rapporteur de la Délégation pour l’Union européenne, sur la proposition de décision du Conseil sur les modalités relatives à la composition du comité économique et financier (COM [98] 110 final/n° E 1053).

M. Gérard Fuchs, Rapporteur, a indiqué les raisons qui avaient conduit la Délégation pour l’Union européenne à s’intéresser à un sujet qui, au premier abord, semblait strictement technique. Il a rappelé que, pour la deuxième phase du passage à la monnaie unique, avait été prévue la mise en place d’un comité monétaire à caractère consultatif, où chaque État serait représenté, d’une part, par un membre de l’administration des finances et, d’autre part, par un représentant de la Banque centrale nationale, et qui comporterait deux représentants de la Commission des Communautés européennes. Il a déclaré que, si cette composition correspondait logiquement aux compétences de l’époque du comité monétaire, elle ne concordait plus avec le changement profond de la gestion de la politique monétaire au cours de la troisième phase du passage à la monnaie unique et avec la transformation du comité monétaire en comité économique et financier. Il a noté que cet élargissement de compétences allait de pair avec l’ouverture de cette instance à deux représentants de la Banque centrale européenne.

Se référant au récent débat parlementaire sur l’adaptation des statuts de la Banque de France à la monnaie unique, le Rapporteur a rappelé qu’il avait mis en lumière la nécessité, face à une Banque centrale européenne dotée de pouvoirs importants, d’un contrepoids politique, constitué, aux yeux du Gouvernement français, par le Conseil de l’euro. Il s’est demandé si la présence au sein du comité économique et financier de banquiers nationaux se justifiait toujours, alors que la Banque centrale européenne était par ailleurs représentée au sein du comité. Il a redouté qu’une représentation trop marquée des banquiers ne conduise le comité à privilégier une approche strictement monétariste, au moment même où l’on pouvait constater que l’objectif de stabilité monétaire ne coïncidait pas parfaitement avec la préoccupation essentielle de lutte contre le chômage qui inspire la politique économique des États. Il s’est prononcé pour le renforcement de l’indépendance du comité.

Abordant la proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l’Union européenne, il en a approuvé l’orientation, considérant avec elle qu’il convenait de laisser aux États la liberté d’être représentés au sein du comité économique et financier par des personnes de leur choix. Il a toutefois fait remarquer, en se fondant sur des contacts qu’il avait pu avoir avec des partenaires européens, que la solution radicale retenue par la Délégation risquait de heurter des usages auxquels ceux-ci semblaient attachés. Il a proposé en conséquence, à titre de solution intermédiaire, un amendement prévoyant que les hauts fonctionnaires, membres du comité économique et financier et appartenant aux banques centrales nationales, ne prendraient pas part au vote sur les grandes questions de coordination et d’orientation de la politique économique et de change débattues par celui-ci.

Après avoir rappelé que la proposition de résolution avait été votée à l’unanimité par la Délégation pour l’Union européenne, M. Alain Barrau a expliqué que celle–ci avait voulu réagir au caractère excessif de l’article 3 de la proposition d’acte communautaire qui lui est apparu trop contraignant pour le choix par les États de leur représentation au comité économique et financier. Il a confirmé que l’idée initiale de la Délégation pour l’Union européenne était de rendre aux États leur liberté de nommer leurs représentants au sein de ce comité et a, en conséquence, approuvé l’amendement de M. Gérard Fuchs, qui participe de la même inspiration.

M. Pierre Forgues a fait part de ses réserves sur les pouvoirs de la Banque centrale européenne. Qualifiant d’exorbitante la méthode suivie par les instances européennes, il a jugé qu’il n’appartenait pas aux hauts fonctionnaires de définir la politique d’un pays.

M. Charles de Courson a déclaré que l’importance très relative du sujet abordé justifiait, en l’espèce, l’abstention du groupe UDF.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a manifesté son accord avec l’amendement de M. Gérard Fuchs. Il a vivement regretté qu’en s’opposant aux demandes présentées par l’Assemblée nationale française, en vue d’une plus grande transparence des décisions, la récente réunion des gouverneurs des banques centrales nationales ne se soit engagée sur une mauvaise voie. Il a estimé que le rejet ainsi manifesté de tout contrôle sur la politique monétaire allait à l’encontre de l’approfondissement de la construction européenne et n’était d’ailleurs pas conforme à la pratique constatée dans de grands pays, comme les États-Unis et le Japon.

M. Alain Barrau a considéré que l’attitude d’abstention du groupe UDF n’était pas conforme aux traditions de la démocratie chrétienne et ne concordait pas, de plus, avec les propositions récemment faites par le Président Valéry Giscard d’Estaing, au cours du débat parlementaire sur la résolution relative au passage à l’euro, en faveur d’un renforcement du contrôle de la politique monétaire. Il a ensuite demandé que la commission des Finances invite le Président de la Banque centrale européenne à expliquer son action devant elle, estimant que l’attitude contraire équivaudrait à un déni de démocratie, tant devant les Parlements nationaux que le Parlement européen.

M. Charles de Courson a répété que l’UDF s’abstenait dans la mesure où elle considérait que le débat avait une portée très limitée. Considérant que le choix des représentants de la France au comité économique et financier se porterait de toute manière sur un fonctionnaire de l’administration des finances ou un représentant de la Banque de France, qui y exerceraient leurs compétences normales, il a estimé que le véritable problème résidait en ce que les ministres n’exerçaient pas leurs pouvoirs. Il a jugé que, faute d’être ainsi placée sur son véritable terrain, la discussion sur le choix des fonctionnaires représentant la France au sein du comité risquait d’être perçue comme une manifestation de défiance à leur égard.

M. Gérard Fuchs a souhaité préciser le sens de son amendement, en rappelant que la Banque centrale européenne avait déjà des représentants dans le comité économique et financier. Il a ajouté que le risque de déséquilibre lié à la présence de banquiers centraux nationaux dans le comité était particulièrement illustré par la récente préparation du Conseil de l’euro dont les résultats n’avaient pas été satisfaisants pour ce qui concernait la coordination des politiques économiques ce qui confirmait que la composition du comité économique et financier n’était pas une question politiquement neutre.

A l’issue de ce débat, l’amendement du Rapporteur a été adopté puis le texte ainsi modifié de la proposition de résolution.

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La Commission a ensuite procédé à l’examen du rapport d’information présenté, en application de l’article 145 du Règlement, par Mme Nicole Bricq, sur la fiscalité écologique.

Mme Nicole Bricq, Rapporteur, a tout d’abord déclaré qu’un rapport sur la fiscalité écologique était utile et légitime, car la façon d’utiliser l’instrument fiscal à l’appui des objectifs environnementaux n’avait pas fait l’objet d’étude spécifique jusqu’à présent. Elle a indiqué que les propositions qu’elle présentait devant la Commission s’inscrivaient parfois dans une perspective de moyen et de long termes, mais que certaines mesures avaient vocation à être mises en oeuvre dès la prochaine loi de finances.

Elle a considéré que le manque de réflexion sur le lien entre fiscalité et environnement avait trop souvent conduit la France à se contenter de transposer les directives européennes, ce qu’elle a jugé d’autant plus regrettable que les Français sont très sensibilisés à la question de l’environnement et considèrent que les pouvoirs publics ne s’en occupent pas suffisamment. Elle a ajouté que l’action dans le domaine de l’environnement comportait également une dimension politique, les inégalités environnementales recoupant largement les inégalités sociales. Elle a enfin rappelé qu’en matière de changement climatique, des engagements forts ont été pris à Kyoto en décembre 1997 et que la France devrait réaliser des efforts importants, notamment dans le domaine des transports, pour respecter l’objectif de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre qui lui a été fixé lors du Conseil environnement du 17 juin 1998.

Mme Nicole Bricq a observé que la fiscalité n’était pas le seul instrument dont disposent les pouvoirs publics pour préserver l’environnement, mais elle a jugé que son utilisation présentait des avantages en termes de souplesse et de transparence. Elle a cependant précisé que l’utilisation d’un instrument fiscal à des fins environnementales présentait des aspects spécifiques, observant notamment que les principes budgétaires de la non-affectation et de l’annualité étaient largement contournés, de façon sans doute excessive pour le premier. Elle a ajouté que la fiscalité pouvait permettre d’agir directement sur les pollutions ou de dégager des ressources pour financer des politiques publiques telles que le développement des transports en commun. Elle a souligné la force du principe pollueur-payeur, tout en observant qu’il rencontre parfois des limites sociales ou économiques restreignant son application. Elle a considéré qu’il convenait avant tout de faire preuve de pragmatisme et de cohérence.

Elle a ensuite précisé que sa démarche avait d’abord été de tenter d’intégrer le souci environnemental dans le système fiscal existant, plutôt que de chercher à mettre en place de nouveaux instruments, sans pour autant l’exclure lorsqu’il s’agit de remédier à des problèmes spécifiques.

Mme Nicole Bricq a ensuite indiqué que son rapport portait sur les cinq thèmes prioritaires que sont l’air, l’eau, les déchets, les sols et le bruit.

En matière de pollution atmosphérique, Mme Nicole Bricq s’est prononcée en faveur d’un rééquilibrage progressif de la fiscalité sur les carburants. Elle a proposé de réduire l’écart de taxation entre le gazole et le supercarburant sans plomb de façon à tendre, en cinq ans, vers l’écart moyen européen des fiscalités pesant sur ces deux produits. Elle a précisé que sa proposition conduirait à une majoration des taxes sur le gazole de l’ordre de 13 centimes par litre et par an, mais qu’en contrepartie, la fiscalité sur le supercarburant sans plomb pourrait être réduite en francs constants.

Elle s’est par ailleurs prononcée en faveur d’une harmonisation de la fiscalité sur les carburants au niveau européen à travers un relèvement des minimas communautaires. Elle a souhaité que la France relance le processus communautaire en vue d’établir une taxation des énergies qui pourrait permettre, à terme, de diminuer les charges qui pèsent sur le travail. Elle a considéré que, dans l’attente de cette harmonisation, un système de remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) devrait être mis en place au profit des transporteurs routiers, dont la situation est difficile et qui sont soumis à une vive concurrence émanant d’autres pays de l’Union européenne.

Elle a indiqué que son rapport proposait également de supprimer progressivement les abattements qui avantagent les véhicules anciens, et donc plus polluants, s’agissant de la vignette, de la carte grise et de la taxe sur les véhicules de société, tout en maintenant ces abattements pour ceux qui en bénéficient déjà. Elle a souhaité que le gain fiscal résultant de cette disposition soit affecté au financement d’une politique ambitieuse en faveur du développement des transports collectifs locaux.

Mme Nicole Bricq a ensuite recommandé la mise en place de plusieurs instruments destinés à encourager l’utilisation de carburants et de véhicules « propres ». Elle s’est prononcée en faveur d’un gel de la TIPP sur le gaz de pétrole liquéfié (GPL), de l’instauration d’une prime d’Etat pour tout achat de véhicule neuf fonctionnant au moyen de ce carburant et d’un soutien aux entreprises qui incitent leurs employés à pratiquer le co-voiturage.

Abordant la question de l’eau, Mme Nicole Bricq a jugé que la communication présentée le 20 mai dernier en Conseil des ministres par la ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement avait été trop timorée. Elle a souhaité que le Parlement intervienne enfin dans le processus de fixation des redevances perçues par les agences de bassin. Elle a rappelé que cette mesure était préconisée depuis des années tant par des parlementaires que par la Cour des comptes ou, plus récemment, par le Commissariat général du Plan. Elle a considéré que le taux des redevances pouvait être fixé par les agences, mais dans des limites étroites votées par le législateur et, le cas échéant, sur avis conforme des communautés locales de l’eau. Elle a ajouté que le principe pollueur-payeur devait conduire à assujettir l’ensemble des irrigants aux redevances de prélèvement et les agriculteurs aux redevances de pollution. Elle a également recommandé la mise en place d’une redevance de prévention des inondations. Enfin, elle a souhaité une réforme de la facturation de l’eau, avec la mise en place d’une tarification progressive accompagnée d’une gratuité pour les quinze premiers mètres cubes consommés annuellement par personne. Elle a par ailleurs préconisé la généralisation des compteurs d’eau individuels.

Mme Nicole Bricq a ensuite présenté les principales mesures proposées dans le domaine de la gestion des déchets. Elle a tout d’abord fait part de son souhait de voir appliquer le taux réduit de TVA au service public local de collecte et de traitement des déchets ménagers. Elle a souligné que les règles communautaires permettaient, en effet, cette diminution de 20,6% à 5,5%. Elle a cependant estimé que, compte tenu de l’impact de cette mesure sur le budget de l’Etat, il était possible d’encadrer son champ d’application, par exemple en la réservant, tout au moins dans un premier temps, aux collectivités locales ayant mis en place un système de collecte sélective.

Elle a ensuite souhaité conforter l’objectif d’élimination des décharges (hors déchets ultimes) fixé par la loi du 13 juillet 1992 en permettant aux collectivités locales de récupérer, par le biais du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), la taxe ayant grevé les investissements en matière de traitement des déchets, quel que soit le montant des recettes de valorisation auxquelles donnent lieu ces installations.

Enfin, elle a estimé que le dispositif de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères était moins efficace et moins juste que la redevance, qui est ajustée en fonction du service effectivement rendu. Elle a relevé, cependant, que les maires étaient réticents à utiliser la redevance, car ce système nécessite d’employer des agents supplémentaires et expose au risque d’impayés. En conséquence, elle a jugé qu’il convenait de surmonter ces réticences en mettant à la disposition des communes concernées, pour la gestion de la redevance, les agents du Trésor public.

Après avoir rappelé qu’elle préconisait, à l’instar de nombreux parlementaires ces tout derniers mois, l’éligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les collectivités locales pour la consolidation des berges des canaux et cours d’eau appartenant à des propriétaires défaillants, Mme Nicole Bricq a exposé les deux mesures qu’elle jugeait prioritaires dans le domaine de la protection des sols.

Soulignant l’intérêt d’une gestion efficace et écologique du patrimoine forestier national, elle a tout d’abord fait valoir que les collectivités locales devraient pouvoir moduler l’exonération trentenaire de taxe foncière sur les propriétés non bâties selon la qualité des reboisements effectués. Elle a souligné que cette mesure permettrait de lutter contre l’appauvrissement de la diversité forestière, les reboisements s’effectuant de plus en plus à l’aide d’espèces standardisées. Elle a ensuite préconisé de créer une taxe sur la production et l’importation des engrais et produits phytosanitaires, qui génèrent un chiffre d’affaires annuel important et qui sont essentiellement consommés dans le cadre des activités agricoles.

Mme Nicole Bricq a ensuite abordé les problèmes posés par les nuisances sonores. Elle a tout d’abord rappelé que les « points noirs » autoroutiers et ferroviaires concernaient près de 300.000 personnes et que l’on estimait à 10 milliards de francs le montant des dépenses nécessaires pour éliminer les nuisances en cause. Soulignant le caractère très insuffisant des 100 millions de francs dépensés chaque année à cette fin par le ministère de l’équipement, elle a proposé la mise en place d’un financement spécifique, visant à éliminer les points noirs en dix ans. Elle a indiqué que le problème devait aussi être envisagé dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

Elle a conclu en récapitulant les mesures qui lui paraissaient être particulièrement prioritaires :

– l’augmentation et la réintégration au budget général du produit de la taxe sur la pollution atmosphérique, instaurée en 1985 et affectée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)  ;

– le rééquilibrage de la fiscalité des carburants ;

– des mesures pour favoriser les véhicules et les carburants « propres », ainsi que les transports en commun ;

– l’instauration d’un régime légal pour les redevances des agences de l’eau, afin de favoriser la transparence démocratique ;

– la prévention des inondations ;

– le passage au taux réduit de TVA pour les services publics locaux de traitement des déchets ;

– les actions tendant à favoriser le système de la redevance plutôt que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ;

– la modulation de l’exonération trentenaire en fonction de la qualité des reboisements ;

– la taxe sur la production et l’importation des engrais et produits phytosanitaires.

Mme Nicole Bricq a enfin souligné que son travail avait pour ambition de dresser un premier état des lieux, aussi exhaustif que possible, de la fiscalité à vocation écologique et de définir les compléments qu’il convenait de lui apporter, à échéance rapprochée ou plus lointaine. Elle a souhaité que ce rapport d’information alimente le débat et apporte une aide à la décision.

M. Dominique Baert a estimé qu’en matière de politique écologique, il était préférable de chercher à faire évoluer les comportements à moyen et long termes plutôt que de se limiter à des mesures conjoncturelles. Il a jugé particulièrement intéressantes les propositions tendant à confier au Commissariat général du Plan une mission permanente d’évaluation de l’impact des politiques publiques sur l’environnement et de prévoir une prise en compte systématique de l’environnement dans les études d’impact concernant les projets de loi et de décret.

Il a approuvé la suggestion de créer une prime d’Etat pour achat de véhicule fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié (GPL), avec une majoration spécifique aux taxis. Il a cependant manifesté une grande réserve devant la perspective d’abaissement de mille litres par an, pour les nouvelles immatriculations, du quota annuel de gazole défiscalisé dont bénéficient les taxis, considérant que cette mesure risquerait de créer des difficultés aux artisans taxis.

M. Jean-Jacques Jégou a estimé que le rapport traitait un grand nombre de problèmes sans qu’apparaissent les lignes de force d’une véritable politique fiscale de l’environnement. Il a regretté que peu d’élus aient été rencontrés par Mme Nicole Bricq, notamment aucun maire ni aucun président de syndicat des eaux.

Il a approuvé l’orientation du rapport pour la promotion du GPL, considérant qu’il convenait d’améliorer l’information sur ce type d’énergie en réfutant les arguments tirés de sa dangerosité supposée. Il a souscrit à l’institution proposée d’une prime incitant au développement du GPL, tout en observant qu’il était important que les industriels de l’automobile puissent proposer des moteurs diesel propres et qu’ils devaient réduire le coût des véhicules fonctionnant en bi-carburation.

S’agissant de la politique de l’eau, il a exprimé sa prévention à l’encontre de la suggestion de rendre obligatoires les compteurs d’eau individuels dans les immeubles à construire, en observant que les distributeurs appliquaient, quelquefois, pour chaque compteur, des facturations spécifiques atteignant des montants très élevés. Il a estimé qu’il était possible de mettre en œuvre une politique d’information sur le prix de l’eau pour rendre la facturation plus transparente.

Abordant la question des ordures ménagères, il a regretté que l’élimination de certains déchets extrêmement polluants ne reçoivent aucune aide de l’Etat, indiquant que des camions sont destinés à cet usage dans la commune dont il est le maire.

M. Pierre Méhaignerie, se déclarant partisan d’une économie sociale et écologique de marché, a approuvé l’orientation générale du rapport en saluant la qualité du travail accompli. Il a jugé utile d’effectuer une comparaison avec les politiques menées dans les autres pays européens. Il a estimé qu’il convenait en cette matière de respecter trois principes.

Il a souhaité tout d’abord que la création de nouvelles taxes n’entraîne pas une augmentation du prélèvement global et donc soit compensée par le redéploiement de taxes préexistantes.

Il a ensuite appelé à la responsabilité et à la simplification en matière de fiscalité de l’environnement, observant que la taxe sur les engrais et les produits phytosanitaires proposée par le Rapporteur serait difficile à mettre en œuvre. Il a préconisé l’affectation des sommes recueillies au titre du fonds d’investissement pour les transports collectifs locaux, dont le rapport souhaite la création, au financement des transports collectifs départementaux et régionaux.

Il a enfin souhaité que l’esprit de dialogue inspire la politique de l’environnement, afin d’éviter une confrontation des cultures et de favoriser leur rapprochement.

M. Pierre Forgues a fait part de ses doutes sur la possibilité de résoudre les problèmes environnementaux grâce à la fiscalité et à l’application du principe pollueur-payeur. Il a considéré, en effet, que la fiscalité ne pouvait être que curative, et non pas préventive. Il a jugé que la taxe sur les produits phytosanitaires serait probablement répercutée sur les consommateurs et que l’aide au co-voiturage risquait de défavoriser les collectivités locales dans l’organisation de leurs transports collectifs. Il a estimé qu’il serait préférable de s’orienter vers une prévention de la pollution en favorisant, par exemple, les progrès technologiques ou l’évolution des comportements sociaux. Il a enfin regretté que l’Etat ne fournisse pas d’aide pour lutter contre la pollution générée par les transports collectifs locaux.

M. Maurice Adevah-Poeuf a fait observer que, précisément, la fiscalité ne suffit pas pour mener une politique environnementale, puisque son objet en la matière est justement de réduire l’assiette taxable. Il a d’ailleurs relevé que Mme Nicole Bricq considérait la fiscalité comme un simple moyen d’accompagnement d’une politique de l’environnement.

Constatant que le rapport reprenait, en ce qui concerne les carburants, certaines des récentes conclusions de la mission d’information sur l’automobile, il a regretté que le Gouvernement n’ait donné suite à aucune de ses propositions depuis six mois, observant que l’incertitude décourage à la fois les producteurs et les consommateurs. Il a émis une réserve sur la proposition tendant à réduire progressivement les avantages accordés aux véhicules anciens, dont il a estimé qu’ils étaient certes très polluants mais qu’ils étaient souvent utilisés par une population modeste n’ayant probablement pas les moyens de les remplacer par des véhicules neufs.

Il s’est également montré très réservé sur la centralisation qui résulterait de l’application des propositions relatives aux agences de l’eau.

Il a exprimé quelques doutes sur la possibilité d’imposer aux agriculteurs à la fois une taxe sur les engrais et une augmentation du prix de l’eau, sans une mise en oeuvre très progressive de ces mesures.

Concernant les déchets, il a admis que la taxe sur les ordures ménagères était moins juste que la redevance, mais a souligné que les communes n’avaient pas les moyens de mettre à jour la liste des abonnés nécessaire pour l’instauration de la redevance et que l’effectif des agents du Trésor était insuffisant pour effectuer cette tâche.

Soulignant l’intérêt du rapport, clair et complet, M. Alain Barrau a considéré qu’il était important que ce travail soit effectué au sein de la Commission des finances dans l’optique de préparer utilement la discussion sur le prochain projet de loi de finances. Il a indiqué que, si la fiscalité ne pouvait prétendre constituer, à elle seule, une politique de l’environnement, elle pouvait cependant être un instrument utile de soutien à cette politique. Il a observé que le retard de la France par rapport à ses voisins ne devait pas perdurer. Il a jugé qu’il y aurait un paradoxe à vouloir prendre en compte la volonté, exprimée par les citoyens, d’une réduction de la pollution tout en refusant d’appliquer des principes simples, tel que celui du pollueur-payeur.

Abordant le problème de l’eau, il a considéré que la proposition d’accorder la gratuité pour les quinze premiers mètres cubes d’eau potable était aussi progressiste qu’attendue. Il a souligné que les problèmes d’entretien des berges et de prévention des inondations imposaient que la question de l’éligibilité au FCTVA des travaux d’aménagement des cours d’eau fût à nouveau posée.

Evoquant la question des déchets, il a appelé à une réflexion sur la pertinence des aides distribuées, jugeant que l’incinération est encore trop souvent retenue dans les schémas départementaux de traitement des déchets.

Il a souhaité qu’un travail comparatif permettant de connaître les actions menées par les autres Etats membres de la Communauté soit conduit, soulignant que, contrairement à certaines idées reçues, les pays de l’Europe du Sud étaient parfois en avance sur la France.

M. Pierre Hériaud, évoquant le problème des espaces fragiles, a noté que la préparation d’une directive territoriale d’aménagement dans sa région mettait en évidence des problèmes de conciliation entre, notamment, la nécessaire protection des zones humides et l’aménagement du territoire, ou entre la tendance au reboisement et la capacité de développer le peuplement des zones rurales. Il a souhaité que, dans le cadre de l’élaboration de la loi d’orientation agricole, une attention soutenue soit portée aux contrats territoriaux d’aménagement.

M. Charles de Courson a déclaré que le rapport présentait trois faiblesses. Il a tout d’abord considéré qu’en matière d’environnement, la fiscalité était souvent moins adaptée que des mesures réglementaires ou législatives. Il a ensuite noté que la dimension communautaire ou la question de la compatibilité des propositions avec les normes européennes était insuffisamment abordée. Il a enfin estimé que certaines des mesures proposées risquaient d’être difficilement applicables.

Il a fait valoir que le fait de considérer seulement l’écart de taxation entre l’essence et le gazole conduisait à oublier que le problème de fond réside, en réalité, dans le niveau d’ensemble trop élevé de la TIPP. Evoquant la proposition de reculer le seuil d’ancienneté des véhicules ouvrant droit à des abattements en matière de vignette, il a noté que les véhicules anciens étaient généralement détenus par les ménages modestes et qu’il conviendrait plutôt de renforcer le contrôle technique. Il a jugé que l’augmentation des avantages fiscaux pour les véhicules fonctionnant en bi-carburation pouvait être détournée de son objectif, les utilisateurs ne recourant pas, en pratique, au GPL. Il s’est opposé à l’abaissement de mille litres par an du quota annuel de gazole défiscalisé dont bénéficient les taxis, considérant que certaines entreprises artisanales n’étaient pas en mesure de subir un accroissement de leurs charges. Il a jugé que l’idée d’intégrer dans le calcul de la DGF des préoccupations environnementales était impossible à mettre en pratique, sauf à construire des schémas d’une extrême complexité.

Abordant le problème de l’eau, il a affirmé que la démocratisation réelle des agences de bassin supposait que l’on en revienne au principe fondamental selon lequel l’impôt est levé par les élus du peuple. Il a estimé que seuls ces élus devraient être autorisés à voter les redevances de bassin, qui constituent en fait de véritables impôts du fait de l’absence de contrepartie. Il a estimé que seul un taux plafond devait être fixé pour les redevances, afin de ne pas limiter la liberté des élus. Il a considéré que la gratuité des quinze premiers mètres cubes d’eau n’était pas une bonne idée, car sa mise en œuvre se heurterait à des problèmes pratiques, tant en ce qui concerne l’identification du nombre de personnes susceptibles d’en bénéficier qu’au regard du problème des résidences secondaires.

Il a considéré que la généralisation de la taxe départementale de protection des espaces naturels sensibles n’était pas opportune, car il appartenait aux collectivités de juger si la création de cette taxe était justifiée ou non.

Il a relevé que l’institution d’une taxe sur l’importation d’engrais et de produits phytosanitaires serait, dans une large mesure, incompatible avec les dispositions communautaires et que, si les produits considérés étaient nocifs, il conviendrait plutôt de mener une politique visant à leur élimination.

Il a conclu en regrettant que la tendance générale du rapport consiste à s’appuyer sur toutes les mesures fiscales existantes, sans qu’aucun examen de leur réelle pertinence ait été mené.

Mme Nicole Bricq, Rapporteur, a ensuite répondu aux différents intervenants.

Elle a d’abord considéré que l’insuffisante utilisation du GPL en France imposait de surmonter les obstacles que son développement rencontre encore trop souvent, comme une insuffisante utilisation par les taxis, alors que des pays comme le Japon ou la Corée ont d’ores et déjà atteint des résultats très satisfaisants en la matière, ou bien le trop faible nombre de points de distribution dans les zones urbaines.

Elle a jugé raisonnable sa proposition de hausse progressive de la TIPP applicable au gazole, à la condition toutefois qu’un tel rééquilibrage soit garanti à moyen terme, pour nous rapprocher de la tendance qui prévaut généralement en Europe, c’est-à-dire en évitant de renouveler certains errements comme ceux constatés en 1994-1995, lorsque l’augmentation de la TIPP sur l’essence a été plus forte que celle sur le gazole.

Regrettant que les conclusions de la mission d’information sur l’industrie automobile n’aient pas eu de suites concrètes jusqu’à présent, Mme Nicole Bricq a observé que la pollution atmosphérique résulte essentiellement de la circulation des voitures particulières en ville et des camions sur les routes. Aussi a-t-elle défendu l’idée que toute mesure qui conduirait à un renouvellement plus rapide du parc automobile serait bienvenue, par exemple la suppression d’abattements fiscaux peu incitatifs sur la vignette et les cartes grises, même s’il est concevable, pour des raisons sociales, de faire avant tout porter une telle mesure sur les véhicules de sociétés.

Elle a indiqué par ailleurs qu’elle recommandait une extension de la démarche « Eco-Emballages » à d’autres déchets ménagers en « fin de vie ». Elle a ajouté que la modulation des aides de l’ADEME est particulièrement nécessaire, par exemple pour éviter d’inciter systématiquement à l’incinération, alors même que les normes en la matière n’apparaissent pas stabilisées.

Mme Nicole Bricq a ensuite jugé que le transfert de l’assiette de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères sur la taxe d’habitation est une idée intéressante qui devrait être explorée dans le rapport d’information sur la fiscalité locale.

Elle a fait remarquer que l’utilisation économe de l’eau passe par l’individualisation des consommations, des engagements de la profession, au moyen de « contrats de progrès » devant permettre d’éviter, pour les consommateurs, les surcoûts excessifs liés à la réalisation des investissements nécessaires. Rappelant que l’encadrement parlementaire de la fixation des redevances d’eau est indispensable, elle a admis qu’il conviendrait de préserver une certaine décentralisation dans la gestion du dispositif.

Elle a appelé, en matière de fiscalité écologique, comme dans d’autres domaines, à l’adoption d’une démarche pragmatique : tantôt l’instrument fiscal semble le plus approprié, par la transparence, la souplesse et la précision qu’il garantit, tantôt la réglementation apparaît plus efficace, sous réserve que l’on se prémunisse contre l’arbitraire et la complexité. Elle a jugé hautement souhaitable la simplification qui résulterait d’une moindre dispersion des taxes au profit d’une « grande taxe » anti-pollution. A cet égard, elle a appelé de ses voeux une relance de la négociation communautaire sur une taxation de l’énergie permettant « un double dividende », à la fois en termes environnementaux et en termes d’allégement du coût du travail.

Mme Nicole Bricq a fait valoir qu’une même préoccupation d’efficacité doit prévaloir en ce qui concerne, par exemple, la lutte contre l’utilisation excessive des produits phytosanitaires ou l’incitation au développement du co-voiturage et des transports collectifs, expliquant que dans de tels domaines, l’essentiel est de trouver le niveau adéquat de péréquation : le niveau national semble adapté, à moins qu’une gestion départementale, ou même un regroupement intercommunal, ne garantissent une réelle valeur ajoutée.

Elle a affirmé que, si le principe « pollueur-payeur » a fait ses preuves il ne faut pas exclure, chaque fois que possible, la nécessaire « internalisation des coûts », d’ores et déjà pratiquée par de nombreuses entreprises et qui pourrait être davantage encouragée au moyen d’aides accrues.

Elle a enfin souligné que le maintien d’une cohérence d’ensemble entre les approches partielles constitue un enjeu essentiel, dont témoignent, par exemple, les exigences contradictoires qu’il convient de concilier, visant les unes à protéger certaines zones, comme les zones humides, les autres à l’aménagement de ces mêmes zones, relevant que les débats sur la loi d’orientation agricole et la loi relative à l’aménagement du territoire ne manqueront pas de fournir de nombreuses occasions de tenter de concilier ces approches.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport d’information, après que le Président Augustin Bonrepaux eut félicité le Rapporteur pour la qualité du travail accompli.

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