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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 64

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 25 juin 1998
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de M. Jean-Cyril Spinetta, président–directeur général de la Compagnie nationale Air France


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La Commission a procédé à l’audition de M. Jean-Cyril Spinetta, président-directeur général de la Compagnie nationale Air France.

Le Président Augustin Bonrepaux, après avoir accueilli M. Jean-Cyril Spinetta, président-directeur général de la Compagnie nationale Air France, a constaté, pour s’en étonner, que ceux qui avaient réclamé l’audition de M. Spinetta dans les délais les plus brefs après la fin du conflit qui l’avait opposé aux pilotes, n’étaient pas présents pour entendre ses explications.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a tout d’abord interrogé le président d’Air France sur la situation interne de la compagnie après le conflit et sur l’annulation, ce jour même, par le tribunal de première instance de l’Union européenne de la décision de la Commission des Communautés européennes autorisant, en 1994, la recapitalisation d’Air France . Il a ensuite demandé si l’écart de productivité entre Air France et ses principaux concurrents européens était dû aux seuls coûts de personnel ou si d’autres facteurs intervenaient. Evoquant la stratégie d’alliance d’Air France, par rapport à British Airways et aux compagnies regroupées au sein de Star Alliance, il s’est interrogé sur l’évaluation de l’efficacité de cette politique. Il s’est enfin enquis du montant actuel de l’endettement de la compagnie et des modalités de gestion de la dette.

M. Jean-Cyril Spinetta, président–directeur général d’Air France, a indiqué que, si l’on exceptait les pilotes, le niveau de rémunérations des autres catégories de personnel n’était pas à l’origine d’un écart de compétitivité avec les compagnies concurrentes. Il a rappelé que la situation particulière des pilotes, génératrice, à coup sûr, d’un tel écart, était à l’origine de l’article 36 du projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier qui prévoyait l’attribution d’actions aux pilotes en échange d’une baisse de leur salaire. Il a considéré que le conflit social avait, du moins, eu le mérite de mettre fin, y compris chez les pilotes, à la contestation sur cet écart, ce qui n’avait fait que renforcer les conclusions des trois audits successifs menés dans les trois dernières années, qui avaient révélé une différence d’environ 40 % avec Lufthansa et 20 % avec British Airways. Il a estimé, toutes choses égales par ailleurs, qu’une telle différence était à l’origine d’un écart de charges d’un milliard de francs par an entre Air France et ses principaux concurrents européens. Il a ajouté que, si rien n’était fait pour remédier à ce problème, la compagnie verrait rétrécir son périmètre d’activité, sans même l’avoir choisi, et se concentrerait dans les seuls domaines où le surcoût lié aux rémunérations des pilotes serait acceptable ; il a précisé que cette considération était directement à l’origine de la cessation de l’activité d’Air Charter, qui perdait de 50 à 100 millions de francs par an et qu’elle pouvait contraindre à remettre en cause, en l’absence de toute évolution, l’activité de cargo et à concentrer les efforts de la compagnie sur le long courrier, où le surcoût des pilotes était acceptable, au détriment du court et du moyen courrier, où il ne l’est pas.

Le président–directeur général d’Air France a reconnu que la question des salaires des pilotes n’était pas la seule cause du déficit de compétitivité, qui pouvait être également imputé à une insuffisante qualité d’exploitation et il a estimé que les problèmes correspondants pouvaient être résolus par un effort de réorganisation du travail qui ne porterait pas atteinte aux salaires ou à l’emploi. Il a, enfin, insisté sur les causes masquées d’insuffisance de qualité, telles que le manque de ponctualité, évaluant à 3.000 F le coût pour la compagnie du retraitement d’un passager qui a raté sa correspondance pour cause de retard.

Evoquant le débat actuel sur l’opportunité du recentrage de l’activité des compagnies aériennes sur la seule activité de transport, M. Jean-Cyril Spinetta, après avoir indiqué que l’exercice d’activités de maintenance pour compte de tiers était une spécificité des compagnies européennes, a rappelé que cette activité, où Air France jouissait d’une réputation justifiée, dégageait pour la compagnie nationale un chiffre d’affaires annuel de 3 milliards de francs par an. Il a souligné que l’existence de cette activité accroissait statistiquement le ratio entre les personnels employés et le nombre d’avions par compagnie, masquant l’égale compétitivité, à périmètre constant, des compagnies européennes et des compagnies américaines ou asiatiques.

Il a ensuite rappelé que la grève avait duré dix jours, mais que ses effets s’étaient étendus sur deux semaines, correspondant au temps nécessaire pour une reprise complète de l’activité. Il en a estimé le coût immédiatement évaluable à 1,5 milliard de francs, à raison de 1,640 milliards de francs de pertes de recettes (1,4 milliard de francs au titre des passagers, 240 millions de francs au titre du fret), compensées partiellement par des économies, d’un montant quotidien de 25 millions de francs, sur le carburant, les redevances aéronautiques et aéroportuaires et les salaires. Il a estimé qu’il fallait ajouter à ces chiffres la traduction financière de la désaffection temporaire des clients, qu’elle soit due au passage occasionnel vers d’autres compagnies ou à une éventuelle perte de confiance. Il a jugé que la grève éroderait de façon significative la capacité d’investissement de la compagnie, dans une proportion équivalant au financement de deux avions long courrier.

Le président–directeur général d’Air France a décrit les grandes lignes du protocole signé avec les pilotes : blocage de la grille des rémunérations jusqu’en 2005, suppression de la double échelle de salaires envisagée pour les jeunes pilotes, remboursement partiel par ceux-ci, en contrepartie, de la formation assurée par Air France, et, enfin, échange d’actions contre baisse des salaires sur la base du volontariat. Dans l’hypothèse où la moitié des pilotes accepterait l’attribution d’actions contre une baisse de salaire, il a évalué l’économie qui résulterait de cette formule à 505 millions de F pour l’année 2002 et, en chiffres cumulés, à 1,331 milliard de francs pour les années 1998 à 2002, et à 3,2 milliards de francs pour les années 1998 à 2005, sur la base du rythme actuel d’inflation. Il a cependant rappelé que la valeur de ce chiffrage dépendait des modalités, encore à déterminer, de l’octroi des actions. Il a ajouté que le blocage de la grille des salaires correspondrait à une diminution de 10 à 12 % sur sept ans des salaires des pilotes, et que, bien entendu, l’effet d’économies pour la compagnie serait plus important si les pilotes acceptaient, en contrepartie d’une cession d’actions plus importante, une baisse plus rapide de leur salaire.

Présentant les premières indications disponibles sur l’évolution du trafic de la compagnie depuis la fin du conflit, il a noté sa forte reprise, par rapport à la période identique de 1997, sur l’Afrique, les départements d’outre-mer et l’Amérique du Nord, et une diminution de l’ordre de 10 %, par rapport à cette même période, sur l’Asie, l’Amérique latine et une partie du réseau européen. Qualifiant le conflit d’épreuve très lourde pour l’entreprise, il a constaté que les pilotes avaient compris le risque pour la compagnie du refus de toute évolution dans une entreprise pleinement exposée à la concurrence et admis la réalité de l’écart de productivité lié à leurs rémunérations ; il a toutefois rappelé que la mise au point définitive des accords dont le principe avait été arrêté à la fin du conflit n’était pas achevée.

A propos de la décision du tribunal de première instance de l’Union européenne rendue sur le recours de sept compagnies aériennes contre la décision de la Commission autorisant la recapitalisation d’Air France, il a insisté sur le fait que cette décision était motivée, non par une raison de fond, mais par un défaut de motivation. Il a précisé que les juges, estimant que l’achat d’avions était, pour une compagnie de transport aérien, une dépense de fonctionnement normal, avaient en premier lieu reproché à la Commission de ne pas avoir explicitement établi que la recapitalisation n’était pas affectée à cet achat ; il a ajouté qu’il était en outre fait grief à la décision de la Commission d’être exclusivement fondée sur la prise en considération de la concurrence aérienne dans l’espace économique européen, et de ne pas envisager la situation hors de cet espace.

Se refusant à s’exprimer à la place de la Commission des Communautés européennes, à laquelle appartenait le choix sur un éventuel appel, il a cependant jugé plus probable qu’elle chercherait à remotiver sa décision et que se posait, dès lors, la question de savoir s’il était nécessaire d’ouvrir à nouveau une procédure d’enquête sur l’aide apportée par l’État à Air France. Tout en rappelant que la réponse, en raison des délais différents qu’elle impliquait, n’était pas indifférente, il a cité des passages du communiqué publié par le tribunal de première instance d’où il ressortait clairement que cette juridiction avait rejeté les griefs de fond soulevés par les compagnies requérantes et qu’elle invitait la Commission à opter pour la remotivation. Il a ajouté que la décision du tribunal n’emportait donc pas obligation, pour Air France, de rembourser en tout ou en partie l’aide que lui avait versée l’Etat avec l’autorisation de la Commission.

M. Jean-Cyril Spinetta s’est félicité de ce que la stratégie suivie par Air France ait doté la compagnie du réseau d’alliances le plus important dans le monde, face au système d’alliance globale que seul le groupe Star Alliance mettait actuellement en oeuvre. Il a évoqué, en comparaison, la situation de British Airways, qui ne dispose d’aucune alliance aux États-Unis ou en Europe. Il a mis en valeur, dans le prolongement du récent accord franco-américain sur les droits de trafic, les conséquences positives de l’alliance conclue par Air France avec Continental et Delta, qui met à la disposition de la compagnie des vols en partage de code sur les trois nouvelles escales d’Atlanta, Houston ou Newark et permet aux clients d’Air France d’accéder à 35 villes sur le territoire américain, ce qui correspond à environ 500 millions de francs de chiffre d’affaires supplémentaire sur l’Amérique du Nord. Il a ensuite évoqué les alliances d’Air France, en Asie, avec China Estearn, Korean Airlines, JAL, Air India et Indian Airlines, en Afrique avec Royal Air Maroc et Air Afrique avant de considérer que le principal problème était de trouver un allié en Europe.

M. Jean-Cyril Spinetta a expliqué que l’important mouvement de concentrations constatées en Amérique du Nord depuis le début de l’année avec le regroupement de Continental et de Northwest, de United Airlines avec Delta, et de US AIR avec American Airlines, conduisait à réorganiser le transport aérien aux Etats-Unis autour de trois pôles majeurs réalisant environ chacun 200 milliards de francs de chiffres d’affaires et disposant de 1.500 avions, contrastant avec les trente compagnies européennes actuelles. Il a mis en lumière la priorité manifestée par ce regroupement en faveur du marché intérieur américain, et les paradoxes résultant de la combinaison de ces accords et des systèmes d’alliances liant par ailleurs les mêmes compagnies à d’autres compagnies du reste du monde.

Traitant de l’endettement de la compagnie, il a indiqué que celui–ci atteignait, en valeur brute, 27 milliards de francs et, en valeur nette, 15 milliards de francs ; il a observé que l’endettement net avait donc diminué de plus de 20 milliards de francs par rapport aux 35 milliards de francs que l’on constatait en 1993–1994, ce qui faisait bien apparaître, en première analyse, que la recapitalisation de 20 milliards de francs par l’État avait pu effectivement contribuer au désendettement. Évoquant le ratio endettement net/fonds propres, il a déclaré que celui d’Air France était légèrement inférieur à 1 (les fonds propres étant de 15 milliards de francs), ce qui plaçait l’entreprise entre Lufthansa, dont le ratio était égal à 0,5, et British Airways, dont le ratio dépassait 1,2 et rendait encore nécessaire un effort en ce domaine. Analysant enfin la structure de la dette, il a indiqué que celle–ci était répartie en deux parts plus ou moins égales, l’une à taux fixe, dont le coût moyen était de 9,04 %, l’autre à taux variable, dont le coût moyen était de 4,06 %, le coût moyen de l’ensemble de la dette étant donc de 6,59 % ; il a expliqué le coût élevé de la dette à taux fixe par son ancienneté et souligné que le remboursement accéléré de ces engagements, compte tenu justement de leur ancienneté, allait entraîner une diminution naturelle des frais financiers d’Air France après l’an 2000, quand bien même ce ne serait pas le cas de la dette elle–même.

M. Jean–Louis Idiart, après avoir rappelé que nombre de membres de la Représentation nationale suivaient depuis longtemps avec intérêt l’évolution de la compagnie nationale, s’est félicité de son redressement, mais déclaré choqué du manque de responsabilité manifesté récemment par une partie du personnel, alors même que d’autres catégories de celui–ci avaient auparavant accepté des sacrifices. Il a espéré que l’accord de sortie de grève qui avait été signé permettrait de ressouder les personnels pour assurer l’avenir de la compagnie. Attaché à l’appartenance d’Air France au secteur public, il a observé avec satisfaction que cela n’empêchait pas la compagnie de mener une politique active d’alliances.

Puis, il a interrogé le président–directeur général sur les incidences de l’accord de sortie de grève sur les embauches de pilotes, évoquant le cas des jeunes pilotes formés au cours des années récentes, et qui n’avaient pu être embauchés. Il a souhaité connaître l’accroissement de parts de marché qui avaient résulté pour Air France de la création des navettes entre Paris et Toulouse, Marseille et Nice et de l’instauration de la plate–forme de correspondance de Roissy. Il a, enfin, demandé des précisions sur le partage des commandes entre Airbus et Boeing dans le cadre de la politique d’achats d’avions et sur les perspectives de transfert des ateliers de Montaudran à Toulouse.

M. Gilbert Gantier a tout d’abord remarqué que l’emploi de président d’Air France réservait constamment de mauvaises surprises : la grève des pilotes, puis, ce matin même, le jugement du tribunal de Luxembourg, qu’il était encore trop tôt pour commenter longuement. Il a observé que les problèmes de productivité tenaient sans doute aux salaires des pilotes, mais pas à ceux du reste du personnel, qui ne semblaient pas plus élevés que dans la concurrence ; il a ajouté que l’amélioration de la productivité pouvait aussi résider dans un meilleur déploiement des effectifs ; il a également rappelé les coûts d’entretien élevés résultant du caractère très composite de la flotte d’Air France.

Il a ensuite demandé des précisions sur la part de la flotte d’Air France qui se trouvait en leasing, sur les incidences positives de l’accord récemment conclu entre la France et les États–Unis, ainsi que sur la possibilité de lutter contre des alliances de compagnies, principalement américaines, pouvant représenter plus de mille avions. Il a, enfin, interrogé M. Spinetta sur les propos récents du Président de l’Assemblée nationale laissant entendre qu’une privatisation d’Air France pouvait être envisagée à terme.

M. Jean–Jacques Jegou a demandé s’il existait une pesanteur spécifiquement liée aux statuts des personnels de la compagnie, lesquels, par exemple, pourraient freiner les redéploiements nécessaires ou porter une part de responsabilité dans les problèmes de « non-qualité » évoqués par M. Spinetta. Il a, par ailleurs, interrogé le président–directeur général sur l’avenir des activités d’entretien pour compte de tiers de la compagnie, mettant l’accent sur les améliorations possibles en matière de sécurité et les difficultés qu’auraient peut–être certaines compagnies si Air France abandonnait ces activités.

M. Thierry Carcenac, rappelant les problèmes de rationalisation résultant des différences entre les flottes de l’ancienne Air France et de l’ancienne Air Inter, a demandé des précisions sur la politique d’achat d’avions suivie par la compagnie. Il a ensuite interrogé M. Jean–Cyril Spinetta sur la pyramide des âges des pilotes qui risquait d’influer sur les recrutements futurs. Il a souhaité connaître également la vision que le président d’Air France avait de l’avenir du transport aérien et s’est demandé si la récente grève des pilotes ne devait pas inciter à une nouvelle approche de la gestion des conflits.

M. Alain Rodet a demandé des précisions sur la nature des relations établies entre Air France et les petites compagnies assurant la desserte des villes moyennes en France.

Le Président Augustin Bonrepaux s’est enquis des perspectives de résultats d’Air France pour l’exercice 1998 après les pertes dues à la grève des pilotes, alors même que les résultats de 1997 étaient en nette amélioration. Il a souhaité connaître le montant et les modalités de financement des investissements de la compagnie pour les prochaines années, ainsi que les conséquences éventuelles que pourrait entraîner, sur les parts de marchés d’Air France, un ralentissement des investissements pour tenir compte du coût de la grève des pilotes.

Répondant aux intervenants, M. Jean–Cyril Spinetta a rappelé que, dans les entreprises de transport aérien, conformément aux normes de l’IATA, l’exercice budgétaire s’étalait du 1er avril de l’année en cours au 30 mars de l’année suivante. Indiquant que la prévision, pour l’exercice 1998-1999, avant le conflit, faisait état d’une amélioration par rapport aux résultats de l’exercice 1997-1998, il a cité les chiffres qui montraient la progression de ces derniers par rapport à l’exercice 1996-1997, tant pour le chiffre d’affaires (en augmentation de 5 milliards de francs, soit de 9 %), que pour l’excédent brut d’exploitation (2,350 milliards de francs, soit 12,6 % du chiffre d’affaires, contre 10 %), le résultat d’exploitation, qui passe de 200 millions de francs à 1,9 milliard de francs, le résultat courant, de – 0,8 à 1,7 milliard de francs ou le résultat social de – 0,5 à 1,6 milliard de francs. Il a exprimé sa volonté de rapprocher l’excédent brut d’exploitation du taux de 15 % du chiffre d’affaires, de manière à mettre la compagnie en mesure de procéder aux investissements nécessaires à son développement.

A ce propos, il a fait valoir, en regard de la perte de 1,5 milliard de francs imputable au conflit, les excellents résultats enregistrés en avril et mai dernier et rappelé qu’il ne serait possible d’évaluer le retour de la confiance des clients de l’entreprise qu’à la mi–juillet. Il a maintenu une prévision de résultat positif pour Air France en fin d’exercice, certes moindre que prévu, tout en admettant que sa capacité d’investissement serait, en tout état de cause, érodée.

Il a indiqué que le plan d’investissement arrêté avant le conflit prévoyait, sur une période de cinq ans, des dépenses d’un montant de 40 milliards de francs (32 milliards d’acquisitions d’avions et 8 milliards d’équipements informatiques, fret, industrie, etc.), avec un « pic d’investissement » d’environ 10 milliards de francs en 1999. Il a précisé que les commandes d’avions sur l’année en cours ne seraient pas remises en cause, compte tenu des engagements pris avec les constructeurs, mais que les conséquences financières du conflit amenaient à différer une commande de deux avions long courrier.

Il a ensuite manifesté l’intention de la compagnie de ramener le ratio endettement sur fonds propres au-dessous de 0,8, grâce au maintien de l’endettement à un niveau constant et à l’amélioration de la structure des fonds propres, rendue possible par l’ouverture du capital d’Air France, qu’il faut espérer prochaine. Il a souligné que la grande sensibilité des compagnies aériennes aux retournements de cycles économiques l’incitait à une prudence particulière dans l’utilisation de l’emprunt pour le financement des investissements.

Il a ensuite énuméré les prévisions d’embauche de jeunes pilotes pour la période 1998–2002 : 200 en 1998, 165 en 1999, 220 en 2000, 290 en 2001 et 220 en 2002, soit un total de 1.100 pilotes sur la période, correspondant, compte tenu des départs en retraite, à une création nette de 500 emplois depuis la reprise des recrutements au printemps dernier. Rappelant qu’après avoir été conduite par la pénurie de personnels navigants, en 1988-1989, à organiser le pré–recrutement d’élèves–pilotes pour une formation interne, la compagnie avait été obligée par la crise du début des années 1990 à suspendre ces recrutements et à placer les personnes qu’elle avait formées sur une liste d’attente comportant 500 noms, il a indiqué que les embauches étaient réservées par priorité à ces personnes, dont la liste serait épuisée d’ici l’an 2000. Il a ajouté que le problème de la double échelle des salaires, avait été compliqué par l’existence de cette liste, dans la mesure où les personnes formées il y a neuf ans étaient enclines à se considérer lésées par la modification postérieure des conditions d’embauche.

Le président–directeur général d’Air France a salué l’impact très positif sur la clientèle de la navette mise en place sur les trois lignes de Marseille, Nice et Toulouse, qui avait permis à Air France de reconquérir des parts de marché, et de porter cette part à environ 75 % sur Marseille et Toulouse (+ 10 points) et à un peu moins de 60 % à Nice. Il a toutefois estimé que la persistance de ce succès était liée à l’amélioration de la qualité d’exploitation, et notamment de la ponctualité, pour laquelle, il est vrai, le contrôle aérien avait aussi une part de responsabilité.

Il a confirmé que la plate-forme de Roissy avait eu les effets les plus positifs sur le réseau d’Air France, en raison de ses grandes capacités de développement et, en particulier, des possibilités importantes de correspondances qu’elle offre (environ 5.400 par semaine contre 5.000 à Amsterdam et Francfort et un peu plus de 3.000 à Heathrow). Mettant en valeur l’atout majeur que la situation de l’entreprise sur cette plate-forme constituait pour les liaisons long et moyen courrier, il a exposé que le maintien indispensable de cette position supposait qu’Air France dispose d’avions supplémentaires en nombre suffisant et de la capacité d’autofinancement en rapport avec ce besoin d’équipement.

Concernant l’ajustement de la flotte de l’entreprise publique, M. Jean-Cyril Spinetta a indiqué que sa flotte court et moyen courrier était constituée quasi exclusivement d’Airbus et que cette évolution était amenée à se confirmer après la conclusion récente avec Airbus d’un accord portant sur trente commandes fermes et trente commandes à option jusqu’en 2002. Il a ajouté que les fusions successives avaient, de fait, donné à la flotte long courrier un caractère totalement disparate, générateur de coûts, aggravé par l’absence d’investissements mais que le plan quinquennal d’investissements permettrait de parvenir à une rationalisation autour de trois types d’appareils (Boeing 747 et 777 et Airbus 340), et de réduire ainsi les coûts d’exploitation grâce aux économies réalisées dans l’entretien des appareils et la qualification des pilotes.

Il a ensuite déclaré que 64 % de la flotte d’Air France appartenaient à l’entreprise, 20 % étaient détenus en crédit-bail et 16 % en location, et que toute compagnie aérienne se devait d’éviter de ne retenir que la solution de la pleine propriété de manière à conserver une flexibilité suffisante de la flotte, opportune en cas de retournement de cycle.

Il a rappelé que le déménagement de l’établissement historique de Montaudran–Toulouse, dédié à l’entretien des avions moyen porteur et employant 500 personnes, était rendu inévitable par son inclusion complète dans le tissu urbain et les nuisances corrélatives. Il a confirmé que le transfert de ces installations était prévu à Blagnac et que la définition précise du projet était subordonnée aux engagements pris par les collectivités locales sur les conditions d’aménagement du nouveau site. Il a ajouté qu’en raison d’une surévaluation, dans le projet initial, du produit attendu de la cession des terrains de Montaudran par rapport à l’estimation de l’administration des Domaines, un complément de financement serait nécessaire.

M. Jean–Cyril Spinetta a rappelé, par ailleurs, que, dans toute entreprise, publique ou privée, seul l’actionnaire, et non le gestionnaire, était habilité à se prononcer sur la composition de l’actionnariat, ajoutant que la position de l’actionnaire lui était connue lorsqu’il avait accepté ses fonctions et qu’il l’assumait pleinement.

Il a considéré que la position statutaire du personnel d’Air France n’avait pas que des inconvénients dans la mesure où elle pouvait être modifiée par une simple décision du conseil d’administration après accord des tutelles, alors qu’une telle modification nécessitait quinze mois de négociations dans les entreprises où le personnel est soumis au droit privé. Il a estimé que la pesanteur était moins liée au statut lui–même qu’à l’image que les personnels en avaient et à l’illusion persistante, qu’il s’employait à dissiper compte tenu des contraintes européennes, que l’Etat actionnaire serait toujours là pour apporter à l’entreprise publique le soutien financier nécessaire en cas de difficulté.

Il a, au demeurant, estimé intenable, compte tenu de l’intégration de plus en plus rapide résultant de l’avancée de l’union économique et monétaire, la perpétuation de la coexistence en Europe de trente compagnies aériennes indépendantes, et prévu en conséquence que les prochaines années verraient, sinon des fusions, du moins des regroupements d’entreprises dans le secteur.

Il a rappelé la signature, le 27 novembre 1997, d’un protocole de méthode pour la conduite des négociations sociales dans l’entreprise, qui n’avait pas été suivi d’effet, et constaté que la gestion des relations sociales devait tenir compte du facteur de complexité constitué par l’existence de huit organisations syndicales parmi les pilotes de ligne.

Il a considéré que les relations entre Air France et les petites compagnies aériennes existant sur le territoire national pouvaient être convenablement organisées, à la satisfaction réciproque des parties, dans le cadre d’accords de franchise et d’affrètement, dont l’accord avec Brit’air donne un bon exemple.

Il a indiqué que si Air France participait au groupe de travail technique d’Airbus sur le projet de très gros porteur AXX, la compagnie n’éprouvait pas pour lui un intérêt aussi soutenu que British Airways, handicapée dans son développement par la saturation de l’aéroport d’Heathrow. Il a constaté que, déjà propriétaire d’Air Liberté, la compagnie britannique progresserait beaucoup dans sa volonté d’être un opérateur significatif en France si elle avait la possibilité de prendre en outre le contrôle de la compagnie AOM, actuellement détenue par le Consortium de réalisation et dont la cession est prévisible.

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