ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DES FINANCES,
DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
COMPTE RENDU N° 70
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 22 juillet 1998
(Séance de 15 heures)
Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président
SOMMAIRE
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Audition de M. Dominique Strauss-Kahn, Ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, et de M. Christian Sautter, Secrétaire dÉtat au budget
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La Commission a procédé à laudition de M. Dominique Strauss-Kahn, Ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, et de M. Christian Sautter, Secrétaire dÉtat au budget.
Le Président Augustin Bonrepaux a remercié le ministre de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie et le secrétaire dÉtat au Budget dêtre venus présenter les dispositions fiscales essentielles arrêtées, ce matin, par le Conseil des ministres et souhaité que la primeur de cette présentation puisse, à lavenir, être réservée aux membres de la Commission, en particulier, au mois de septembre prochain, lorsque le Conseil des ministres aura adopté le projet de loi de finances pour 1999.
Il a estimé que les informations déjà largement dispensées dans la presse écrite et audiovisuelle dispenseraient, néanmoins, les Ministres de procéder à un nouvel exposé général sur un dispositif, au demeurant de grande qualité, car au service de lemploi et de la redistribution.
M. Didier Migaud, Rapporteur général, a exprimé sa satisfaction devant les orientations arrêtées par le Gouvernement, centrées autour de lemploi, de la solidarité et de la justice sociale, ainsi que devant la prise en compte, dont témoignent ces orientations, de nombreuses propositions faites par les membres de la Commission. Il a souhaité connaître lappréciation du Gouvernement sur la situation économique actuelle, tant sur le plan international quen ce qui concerne la France même. Il a demandé, en particulier, si les évolutions intervenues depuis le début de lannée confirmaient bien le cadrage macro-économique arrêté pour 1998 et les prévisions pour 1999. Ayant relevé laccord de la plupart des conjoncturistes sur les prévisions de croissance, et leur plus grande réserve en ce qui concerne lestimation des déficits publics, pour lÉtat comme pour les comptes sociaux, il a souhaité connaître la réaction du Gouvernement à cette appréciation.
Abordant la question des baisses ciblées de TVA, le Rapporteur général a demandé aux Ministres dindiquer les démarches entreprises, ou envisagées, auprès de la Commission européenne pour convaincre cette dernière délargir les possibilités actuelles de réduction, en particulier sur les services à domicile ou la restauration. Sur limpôt sur le revenu, il a demandé si, au-delà de la réforme du quotient familial, le Gouvernement envisageait de revenir sur certaines dispositions adoptées sous la précédente législature, comme la suppression de labattement pour frais professionnels des retraités. Il a enfin souligné, en termes daide à lemploi, lampleur de la réforme annoncée de la taxe professionnelle et demandé des précisions sur léquilibre de cette réforme, pour lÉtat et les collectivités locales, en tenant compte, parallèlement, des mesures pouvant concerner la cotisation minimum de taxe professionnelle.
Répondant au Rapporteur général, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie, a indiqué quil se rendra bien volontiers devant la Commission aussitôt que le Conseil des ministres du 9 septembre prochain aura adopté le projet de loi de finances pour 1999. Soulignant que cest la première fois quun gouvernement présente des orientations de recettes aussi détaillées, dès la fin du mois de juillet, il a estimé une telle démarche utile, après avoir qualifié « dintermédiaire » la précision de ces orientations, par rapport à celles disponibles lors du débat dorientation budgétaire, dune part, et par rapport aux données qui figureront dans le projet de loi de finances lui-même, dautre part. Il a précisé que lavancement du calendrier correspondait à la volonté du Parlement de disposer de plus de temps pour travailler sur le projet de loi de finances. Il a ensuite insisté sur la concertation la plus large qui a été conduite avant darrêter ces orientations, y compris avec les partenaires sociaux et les élus locaux. Considérant que cette méthode rendait inévitable que certains choix « transpirent » dans la presse, il a fait remarquer quelle nen avait pas moins permis de tenir compte de lapport de la Commission, en particulier des propositions de ses trois rapporteurs dinformation, dont beaucoup de suggestions auront ainsi pu être reprises.
Abordant les principales caractéristiques de lenvironnement économique, le Ministre a indiqué que la croissance était solidement installée en France pour 1998 et 1999 et quil convenait de faire en sorte quelle le demeure au-delà, en ayant pour objectif datteindre, en France, comme dans les autres pays de lUnion européenne, des phases de croissance dune durée comparable à celle connue par les États-Unis, cest-à-dire de lordre de six à sept ans avant que nintervienne le commencement du cycle baissier.
Reconnaissant limportance de laléa résultant de lenvironnement international et notamment de la situation en Asie, il a rappelé que la récession avait désormais atteint le Japon, confronté à des difficultés macro-économiques et à la nécessité de la restructuration bancaire, dans un climat de plus grande incertitude politique, le principal risque étant que les difficultés japonaises finissent par se transmettre à la Chine. Il a en outre observé que des pays plus proches nétaient pas exempts dincertitude, le Royaume-Uni, qui représente 15 % des exportations françaises, connaissant un ralentissement sensible de son industrie.
Il a malgré tout estimé que la prévision de 3 % de croissance restait valable, avec, même, une probabilité datteindre un niveau légèrement supérieur, mais sans doute dans une structure différente de celle envisagée à lorigine et marquée par une plus forte contribution de la demande intérieure.
En ce qui concerne les estimations des déficits publics, il a relevé la propension au pessimisme habituelle, presque constante, des experts, et fait valoir que ce pessimisme avait déjà été démenti auparavant à plusieurs occasions, par exemple sur notre capacité à respecter le critère des 3% imposé par le traité de Maastricht. Il a affirmé que lestimation, raisonnable, dun niveau de déficit public de 2,3 % serait bien vérifiée, même sil était difficile, aujourdhui, de prévoir les effets fiscaux de la croissance.
Sagissant de limpôt sur le revenu, le Ministre a indiqué que le Gouvernement nenvisageait pas de le réformer en 1999, sauf à modifier les règles du quotient familial ainsi quil a été décidé lors de la récente Conférence sur la famille. Il a ajouté que lalourdissement du prélèvement fiscal, de lordre de 3 milliards de francs qui en résulterait, devait être imputé sur la restitution de 4,8 milliards de francs dallocations familiales correspondant à la suppression du plafond de ressources, qui assurerait aux familles un gain net de 1,8 milliard de francs.
A propos de la taxe professionnelle, il a indiqué que le coût net de la réforme sélèverait, pour lÉtat, à environ 27 milliards de francs sur cinq ans, compte tenu de la moindre imputation de la taxe professionnelle sur les bénéfices pris en compte pour asseoir limpôt sur les sociétés. Il a souligné quune telle mesure constituerait un puissant instrument de soutien à lemploi, ajoutant que la suppression de la part salariale de la taxe était réalisée pour 69 % des établissements dès lannée suivant lentrée en vigueur de la réforme dont les secteurs à forte activité de main duvre comme le commerce, lartisanat et les PME , et que les effets de cette réforme seraient particulièrement massifs et rapides pour le secteur du BTP. Il a indiqué que les effets de la mesure seraient compensés pour les collectivités locales et a renvoyé aux débats parlementaires le soin de fixer la détermination des modalités de la compensation. Constatant lexistence dun accord entre élus de toutes sensibilités sur le principe dun relèvement limité de la cotisation minimale de taxe professionnelle, le Ministre a enfin exprimé lespoir que les mêmes débats permettent den déterminer exactement le niveau .
Répondant également au Rapporteur général, M. Christian Sautter, secrétaire dÉtat au Budget, a ensuite évoqué la question des baisses ciblées de TVA en indiquant la triple démarche effectuée par le Gouvernement auprès du Commissaire européen Mario Monti en charge de la fiscalité :
une demande réitérée quant aux biens culturels, en particulier à destination des jeunes ;
une demande sur la possibilité dappliquer à la restauration, secteur actuellement soumis au taux normal de 20,6 %, le taux réduit de TVA ;
une reprise de la proposition de baisse du taux de TVA pour le secteur des services rendus à domicile, faite par la France dans son plan daction pour lemploi.
Il a indiqué que, dans sa réponse du 17 juillet dernier, le Commissaire européen avait maintenu une interprétation stricte de la directive européenne, excluant dappliquer le taux réduit de TVA aux activités qui nen bénéficiaient pas avant 1992, et en particulier à la restauration. Il a annoncé que le Gouvernement saisirait à nouveau la Commission européenne de cette question, en appelant désormais son attention sur la nécessité de prendre en considération le caractère dactivité de main duvre du secteur concerné. Il a ajouté, pour sen réjouir, que le Commissaire européen avait reconnu que les services à domicile entraient bien dans la catégorie des activités de main duvre, à propos desquelles le Conseil de Luxembourg avait décidé denvisager une réduction éventuelle du taux de T.V.A. Il a enfin indiqué que le Gouvernement attirerait, à nouveau, lattention du Commissaire européen sur la question des biens culturels.
M. Arthur Dehaine a regretté que le niveau de déficit retenu pour 1999 ne suffise pas à assurer la stabilisation de la dette publique (en pourcentage du PIB) ; il a observé quen vingt ans, la dette par habitant avait été multipliée par 9, atteignant 192.000 francs, et ce alors même que le financement des régimes de retraites, entre autres, faisait peser un risque important sur lavenir. Il a demandé des précisions sur les intentions du Gouvernement en matière de réforme de la taxe dhabitation et de compensation des effets de cette réforme pour les collectivités locales. Il sest ensuite interrogé sur les réactions de certaines composantes de la majorité, compte tenu de labsence de réformes importantes en matière dimpôt sur la fortune et de fiscalité écologique. Il a enfin dénoncé laugmentation des dépenses publiques, estimant que linévitable convergence des économies européennes, liée à la réalisation de la monnaie unique, concernerait aussi les taux de prélèvements obligatoires.
M. Jean-Louis Idiart a tout dabord observé que la présente réunion de la commission des Finances avait lieu dans un climat tout à fait différent de lambiance inquiète née en juillet 1997 de la lettre alarmante par laquelle M. Alain Juppé avait appelé lattention de son successeur sur létat de dégradation des finances publiques ; il a attribué lamélioration, que lopinion publique avait bien perçue si lon en croyait les sondages, à la situation internationale, et surtout à laction du Gouvernement. Il a ensuite approuvé les trois orientations fixées pour le budget 1999 : lemploi, à travers, notamment, la suppression de la part salariale de lassiette de la taxe professionnelle, qui, dailleurs, devrait amener les entreprises à un effort supplémentaire dans lapplication de la loi sur les 35 heures, et des mesures pour réduire limposition de lépargne « vivante » ; la justice fiscale, représentée par les mesures de réduction de TVA proposées et la suppression des petites taxes qui pesaient sur les cartes didentité et les permis de conduire ; lécologie. Faisant appel à la bonne volonté du Gouvernement, il a enfin espéré que le débat parlementaire permettrait une amélioration des remboursements du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) et des dotations aux collectivités locales.
M. Pierre Méhaignerie, après avoir rappelé la nécessité dune gestion plus serrée des finances publiques, qui va à lencontre de laugmentation de la dépense publique et de la réduction limitée du déficit, proposées par le Gouvernement, incompatibles de surcroît avec les choix faits par nos partenaires européens, sest demandé sil existait une possibilité de revenir au cours du débat sur loption pour la suppression de la part salariale de lassiette de la taxe professionnelle au détriment de lallégement des charges sociales. Il a constaté que ce choix avantageait certes le secteur du bâtiment et des travaux publics, mais aussi toutes les activités de services, comme les services financiers, beaucoup plus que lindustrie, et demandé si elle saccompagnerait de la remise en cause du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée des entreprises. Il a souhaité que le rapport de M. Edmond Malinvaud, récemment remis au Gouvernement, qui tranchait en faveur de lallégement des charges sociales sur les bas salaires, soit transmis aux membres de la Commission. Il a enfin développé les arguments qui lui faisaient préférer cette baisse des charges à la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle : dune part, la concentration plus juste et plus efficace de lallégement sur les bas salaires et, dautre part, le risque de déresponsabilisation des collectivités locales imputable à la compensation des mesures de réduction dimpôts locaux.
M. Christian Cuvilliez, tout en approuvant les grandes orientations développées par les Ministres, a estimé que les mesures envisagées étaient essentiellement conjoncturelles et ne montraient pas de perspective durable de basculement du poids de la fiscalité du travail vers le capital. Il a considéré que le déficit budgétaire, fûtil fixé à 2,3 % du PIB, restait un carcan dont il devrait rester possible de saffranchir pour les besoins des dépenses sociales, et a demandé si, à linstar de lutilisation de la soulte de France Télécom en 1997, ce taux de déficit serait atteint en 1999 grâce au prélèvement sur les Caisses dépargne envisagé par le rapport de M. Raymond Douyère.
Commentant la notion de justice fiscale, il a souligné que, compte tenu du grand nombre de personnes exonérées de limpôt sur le revenu, cétait plutôt la fiscalité locale qui était perçue comme injuste ; il a donc souhaité des corrections en la matière, avec notamment labaissement à 2 % (contre 3,5 % actuellement) du plafonnement par rapport au revenu de la taxe dhabitation due par certaines catégories de contribuables, et des mesures particulières portant sur la taxe foncière acquittée par les petits propriétaires occupant. Il a, par ailleurs, mis laccent sur linjuste répartition des ressources fiscales entre collectivités locales, la nécessité de conserver un certain dynamisme de ces ressources et les problèmes de cohérence entre la politique daménagement du territoire et la politique dincitation fiscale à certaines formes de groupement de communes.
Abordant la question de limpôt de solidarité sur la fortune, il a déclaré que la position du Parti communiste ne répondait pas à un objectif de satisfaction intellectuelle mais traduisait le souci de mieux faire contribuer le capital aux objectifs sociaux de la Nation ; il sest demandé si, par rapport à cette orientation, le choix dune amélioration de limpôt tel quil était sans en élargir lassiette était suffisant. Il a approuvé la décision de supprimer la part salariale de lassiette de la taxe professionnelle, tout en sinquiétant de lévolution du rendement de celleci, les collectivités locales ne lui paraissant pas en mesure dêtre mises à contribution. Il sest enfin interrogé sur la portée de certaines décisions en matière de TVA, comme celle relative aux abonnements à EDF-GDF, dont le coût pour lÉtat paraissait élevé (4 milliards de francs), pour un avantage limité à 150 francs par ménage environ.
Après avoir félicité le Gouvernement pour avoir avancé le calendrier de la procédure budgétaire, en présentant dès aujourdhui les grandes orientations du projet de loi de finances pour 1999, M. Gilbert Gantier sest demandé sil ne sapprêtait pas à commettre la même erreur que, en 1988, le Gouvernement de M. Michel Rocard, qui navait pas su profiter dun fort taux de croissance et dun déficit budgétaire ramené à 100 milliards de francs pour assainir les finances publiques. Il a observé que, dans un contexte marqué par la reprise de la croissance en Europe et par laugmentation mécanique des recettes fiscales provenant de la TVA et de limpôt sur les sociétés, il aurait été préférable de poursuivre une politique visant à revenir à léquilibre du solde primaire du budget, plutôt que daugmenter les dépenses de 1% en volume, dautant que des incertitudes liées à la crise asiatique, au ralentissement de la croissance en Grande-Bretagne et aux difficultés économiques et financières de la Russie pèsent sur lavenir.
En ce qui concerne la TVA, il a estimé, à titre personnel, que la volonté de la Commission européenne de limiter à deux le nombre de taux applicables était sage, regrettant, à ce propos, la situation spécifique de la Corse. Il a néanmoins considéré que le taux normal était trop élevé, tandis que le taux réduit était relativement bas et que cette situation nuisait au passage dun taux à lautre. Il a jugé quun relèvement de 0,5 point du taux réduit et un abaissement de 1 point du taux normal auraient été beaucoup plus incitatifs pour la consommation que la diminution de la TVA sur les abonnements à lélectricité.
Il a regretté que la taxe intérieure sur les produits pétroliers pesant sur lessence sans plomb ne soit pas abaissée et a souhaité connaître lévolution de la fiscalité de lessence plombée.
Il a félicité le Gouvernement pour la diminution envisagée des impôts pesant sur les ventes de locaux dhabitation, anormalement élevés et qui entravent la fluidité du marché, tout en jugeant nécessaire dappliquer cette mesure rétroactivement afin de ne pas paralyser le marché immobilier dans les mois à venir.
Sagissant de limpôt de solidarité sur la fortune, il a affirmé que nombre dassujettis avaient déjà préféré quitter la France et que la création dune nouvelle tranche de 1,8% pour les 800 patrimoines supérieurs à 100 millions de francs aggraverait les défauts de cet impôt, dont le Conseil des impôts a justement dénoncé létroitesse de lassiette et les taux trop élevés.
Il a enfin souhaité connaître le nombre de salariés concernés par la suppression de la taxe professionnelle sur les salaires.
M. Yves Cochet, ayant noté que les réactions souvent favorables de lopinion aux mesures annoncées traduisaient lhabileté et la lucidité politiques du Gouvernement, sest, par ailleurs, félicité du « début du commencement » dun transfert de la fiscalité du travail vers les activités polluantes. Il a toutefois observé que la baisse de 27 milliards de francs de la taxe professionnelle supportée par les entreprises était beaucoup plus importante que les nouvelles recettes, de lordre de quelques centaines de millions de francs, procurées par la fiscalité écologique. Il sest demandé pourquoi le Gouvernement navait retenu que quatre des quarante mesures proposées par Mme Nicole Bricq, députée, dans lexcellent rapport sur la fiscalité écologique quelle a présenté récemment à la commission des finances.
En ce qui concerne la taxe intérieure sur les produits pétroliers applicable au gazole, il a relevé quune augmentation annuelle de 7 centimes par litre conduisait à un rattrapage sur sept ans ; il a estimé quil aurait été préférable de leffectuer sur trois ou quatre ans, et que laugmentation correspondante de la taxe, de 15 à 20 centimes chaque année, aurait été supportable pour les transporteurs routiers dont lactivité est très polluante et dommageable aux infrastructures routières. Il a, en outre, exprimé la crainte que le dispositif retenu ne soit pas suffisamment dissuasif pour les acheteurs de véhicules fonctionnant au gazole. Il a également demandé des précisions sur les modalités de la compensation accordée aux transporteurs routiers.
Il a approuvé le principe de la taxe générale sur les activités polluantes, tout en demandant des informations sur les conditions de gestion de ce nouvel impôt.
Il a enfin regretté labsence de réforme de limpôt sur le revenu et a considéré quune amélioration de la progressivité de ce dernier aurait pu être plus équitable que les diminutions envisagées de la TVA.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de léconomie, des finances et de lindustrie a remercié lensemble des intervenants pour les appréciations globalement positives portées sur les orientations présentées par le Gouvernement.
En réponse à M. Arthur Dehaine, il a confirmé que la réduction du déficit public constituait un objectif prioritaire et que si la France semblait en retard par rapport à ses principaux partenaires, leffort quelle a engagé est le plus important puisque le déficit sera ramené de 3% du PIB en 1998, à 2,3% en 1999. Il a souligné que cet effort serait poursuivi et que, pour la première fois depuis vingt ans, le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut connaîtrait une baisse en lan 2000.
Il a ensuite observé que le Gouvernement sengageait véritablement dans la voie des simplifications en procédant à la suppression des taxes sur les cartes didentité et les permis de conduire, pour un coût de 1,2 milliard de francs, en relevant le seuil dassujettissement à la TVA, ce qui permet dexclure du champ dapplication de cet impôt 500.000 micro-entreprises, et en supprimant progressivement les salaires dans la base dimposition de la taxe professionnelle, impôt que tous jugeaient irréformable jusquà présent.
Il a estimé, ensuite, que la mise en oeuvre effective de la révision des valeurs locatives était à la fois nécessaire et préalable à léventuelle prise en compte du revenu des contribuables, proposée par le rapport de M. Edmond Hervé sur la fiscalité locale. Il a rappelé que, pour éviter que la réforme nimplique de trop fortes hausses des cotisations de taxe dhabitation, le Gouvernement avait retenu les propositions du Comité des finances locales, visant à écrêter toutes les augmentations supérieures à 300 francs ou à 15% par an, et que cette mesure coûterait 6 milliards de francs à lÉtat sur les cinq prochaines années.
Il a affirmé que les mesures contribuant à augmenter de 30% le rendement de limpôt sur les grandes fortunes participaient au rééquilibrage engagé par la loi de finances pour 1998 entre la fiscalité du capital et la fiscalité du travail, qui sest traduit, toutes mesures confondues, par une augmentation de 40 % de la fiscalité du capital.
M. Dominique StraussKahn a, par ailleurs, demandé à lopposition de reconnaître la réalité de leffort consenti en matière de maîtrise des dépenses publiques révélé par la comparaison entre la moyenne des résultats obtenus lors de la période, politiquement homogène, 19931997 et la période 19981999, tout en reconnaissant que certains pays européens avaient réalisé des performances supérieures à celles de la France dans ce domaine. Il a ensuite souligné les obstacles tant juridiques que financiers qui sopposent à la réduction de la TVA, insistant sur le coût très important de la réduction du taux majoré et précisant que des baisses ciblées sont plus sûrement répercutées sur les ménages quune baisse générale. Il a estimé que à la stabilisation, pour la première fois depuis vingt ans, de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pesant sur lessence sans plomb produisait, sans se heurter aux mêmes contraintes juridiques, un effet économique équivalent pour les ménages à une baisse de T.V.A.
Le Ministre a confirmé la définition prochaine de dispositifs de péréquation entre les communes à la suite de la réduction de base de la taxe professionnelle, au niveau régional et national ainsi que pour le cas particulier de lIledeFrance, et rappelé que le Gouvernement envisageait également de rendre obligatoire linstitution de la taxe professionnelle unique dans les agglomérations. Réfutant lopinion selon laquelle la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle serait un cadeau fait aux entreprises, il a rappelé que le bilan consolidé des mesures fiscales prises dans la loi de finances rectificative pour 1997 et dans la loi de finances pour 1998, se traduisait par un surplus de 32 milliards de francs de la contribution des entreprises et quaprès prise en compte de la modification de lassiette de la taxe professionnelle, le solde net serait encore voisin de 25 milliards de francs.
Au sujet du débat entre la réduction des charges sociales sur les bas salaires et la taxe professionnelle, il a contesté la valeur de l argument selon lequel la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle bénéficierait essentiellement aux emplois dans les services, soutenant que tout emploi méritait dêtre aidé quel que soit le secteur dactivité concerné. Il a ajouté quau sujet de lefficacité comparée des deux mesures, lexemple des pays étrangers nétait pas probant puisque la plupart dentre eux navaient pas de taxe professionnelle et ne pouvaient donc envisager que la baisse des charges sociales. Il a précisé que la nécessité dengager la réforme de la fiscalité locale française, unanimement critiquée, ne conduisait pas le Gouvernement à exclure totalement un effort futur sur les charges sociales grevant les bas salaires.
Le Ministre a également indiqué que le respect de lobjectif de déficit budgétaire en 1998 ne devait rien à louverture du capital de France Télécom puisque son produit nétait pas comptabilisé à ce titre. Il a rappelé que, par contre, la soulte de 37,5 milliards de francs accompagnant cette opération avait permis daméliorer facilement, pour la seule année 1997, la maîtrise du déficit budgétaire. Il a précisé que le projet de loi de finances pour 1999 serait bâti sans recours à une telle technique. Il a affirmé que la baisse de recettes pour les collectivités territoriales résultant de la réduction de la base de la taxe professionnelle serait totalement compensée pour la première année de son application et que le débat porterait uniquement sur lindexation de cette compensation au cours des années ultérieures.
Il a exprimé sa surprise devant certaines réticences relatives à la baisse de la TVA sur les abonnements de fournitures délectricité et de gaz en remarquant que ceuxci représentaient un montant de 4 milliards de francs ou encore 200 francs en moyenne par foyer, soit à peu 0,3 % du pouvoir dachat dun revenu égal au SMIC. Qualifiant de quelque peu surannée la comparaison tentée avec la période du gouvernement de M. Michel Rocard, M. Dominique StraussKahn a rappelé quentre 1988 et 1990 le déficit budgétaire avait baissé et que la relecture des débats parlementaires de lépoque montrait que la norme de référence était moins exigeante quaujourdhui puisquil sagissait du PIB en valeur. Il a ajouté que, pour la première fois depuis 1991, léquilibre primaire du budget de lÉtat serait atteint en 1999 et que léquilibre de la sécurité sociale serait aussi obtenu pour la première fois depuis 1990.
Il a précisé, à propos de lévolution de la TIPP, que le marché des véhicules à essence plombée, actuellement de lordre de 15 %, et qui devrait disparaître en 2001, ferait lobjet dun examen particulier ; il a en outre indiqué que la baisse des droits de mutation sur les logements dhabitation serait applicable au 1er septembre prochain.
Enfin, M. Dominique Strauss-Kahn a remercié M. Yves Cochet de son jugement densemble sur le projet de budget et il a confirmé quil traduisait bien lengagement dune évolution de la structure fiscale, tendant à réduire le volume des impôts sur le travail et à augmenter celui des impôts sur les activités polluantes.
Répondant également aux intervenants, M. Christian Sautter a tout dabord affirmé que la lecture de la liste complète des dispositions fiscales proposées au vote parlementaire permettait de constater que 1999 serait lan I de la fiscalité écologique, et que le projet de budget reprenait bien plus que quatre des mesures préconisées par Mme Nicole Bricq dans son rapport dinformation. Il a confirmé que le projet du Gouvernement était bien de réduire progressivement sur une durée de sept ans lécart fiscal entre lessence sans plomb et le gazole, de manière à atteindre lécart moyen européen, soit 93 centimes par litre. Il a indiqué que les modalités de la compensation pour les transporteurs routiers devaient faire lobjet dune négociation avec les organisations professionnelles, tout en évoquant lhypothèse dune compensation pour un contingent à déterminer.
Il a rappelé que la taxe générale sur les activités polluantes, créée par regroupement de plusieurs taxes existantes, dégagerait dès 1999 un produit accru, porté de 1,4 milliard à 1,9 milliard de francs. Évoquant avec faveur linclusion future, dans cette première écotaxe, des différentes redevances sur la pollution de leau, il a indiqué que lÉtat aurait ainsi les moyens de redistribuer cette ressource, avec des garanties négociées, aux différents établissements actuellement affectataires des taxes anciennes, quil sagisse de lADEME ou des agences de bassin.
M. Gérard Fuchs a souhaité disposer dinformations sur les avancées de la négociation engagée pour la définition dun régime européen dimposition minimale des revenus financiers, qui constituait la meilleure réponse aux craintes dévasion souvent évoquées, ainsi que sur les modalités de la péréquation entre collectivités territoriales envisagée corrélativement à la modification des bases de la taxe professionnelle. Il a exprimé son accord avec le principe de la réduction de lécart de la fiscalité entre lessence sans plomb et le gazole tout en estimant que diminuer le délai de réalisation de cette réduction entraînerait de fortes contraintes industrielles et des rééquilibrages importants dans la construction des différents moteurs des véhicules concernés. Il a enfin interrogé le Ministre sur léventualité de la définition dune aide à linstallation de dispositifs de dépollution
Mme Nicole Bricq sest tout dabord félicitée de la baisse de TVA sur les activités de service public relatives aux déchets, soulignant quil y avait une incohérence entre la fiscalité actuelle et les objectifs de la loi de 1992. Elle a souhaité lextension de la baisse de la TVA prévue pour les abonnements EDFGDF aux réseaux de chaleur, dont bénéficient 2,5 millions dhabitants, principalement concentrés dans les quartiers sensibles des grandes agglomérations. Elle a estimé que lévolution de la fiscalité sur le gazole aurait pu être plus rapide mais que le Gouvernement allait, de toute façon, dans une bonne direction, dans la mesure où il devait tenir compte dintérêts contradictoires.
Elle a jugé ensuite que si la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pouvait être considérée comme les prémices dune écotaxe, elle avait surtout le mérite dabonder le budget général, permettant ainsi, notamment, une augmentation sensible du budget de lADEME. Elle sest toutefois interrogée sur le rôle des comités paritaires existants dans la future répartition du produit de la nouvelle TGAP. Elle a regretté quaucune mesure de lutte contre la pollution de leau, sujet pourtant sensible dans lopinion publique, nait été annoncée. Elle a souhaité que lagriculture assume ses coûts de pollution tout en admettant que lon ne pouvait modifier facilement la fiscalité agricole sur ce point à laube de la réforme de la politique agricole commune. Elle a déclaré que, faute dune initiative gouvernementale, il pourrait revenir aux parlementaires de la majorité de prendre leurs responsabilités à cet égard.
M. Charles de Courson a dabord dénoncé la présentation fallacieuse que le Gouvernement faisait de ses grandes orientations budgétaires pour 1999 lorsquil prétendait avoir réparti les 64 milliards de francs de recettes supplémentaires en trois tiers à peu près équivalents : un tiers de dépenses nouvelles, un tiers dallégements dimpôt et un tiers pour la réduction du déficit budgétaire.
Il a expliqué en effet que le Gouvernement ne comptabilisait pas, dans ses calculs, le coût pour les ménages de la diminution, déjà annoncée, du plafond du quotient familial, et quil convenait, au surplus, de raisonner en francs constants et non en francs courants. Il a estimé, en conséquence, les dépenses nouvelles à 35 milliards de francs, et non à 16 milliards de francs comme lindique le Gouvernement. Il a ensuite réfuté lévaluation à 2,3 %, contenue dans le document remis par le Ministre, du déficit de lÉtat, quil a pour sa part chiffré à 2,7 % du PIB. Il a ajouté quun tel niveau de déficit était encore trop élevé pour permettre denclencher le processus de diminution de la charge de la dette.
M. Charles de Courson a critiqué ensuite le laxisme dont la majorité actuelle faisait preuve dans leffort, pourtant indispensable, de réduction des dépenses, et estimé que les effets pervers de cette attitude risquaient de se révéler au moment du retournement de cycle économique quon était en droit de redouter pour lan 2000.
Il a, par ailleurs, contesté le caractère significatif des allégements dimpôts résultant du projet de loi, qui ne portent en réalité que sur 9 milliards de francs, soit moins de 0,1 % du produit intérieur brut si lon tient compte de la mesure relative au quotient familial, et encore à la condition que les collectivités locales et la sécurité sociale présentent globalement des comptes équilibrés. Il a, enfin, demandé si la réduction progressive de la part salariale dans la taxe professionnelle prendrait la forme dun dégrèvement ou dune compensation.
M. Gérard Bapt, se référant à la décision de principe récemment prise à Luxembourg par les ministres européens de léconomie et des finances, sest demandé pour quelles raisons il navait pas encore été possible de diminuer le taux de TVA sur les services à domicile. Il a ensuite interrogé le Ministre sur ses intentions à propos de la ristourne dégressive de cotisations sociales sur les bas salaires.
M. Raymond Douyère a estimé souhaitable que la date dentrée en vigueur de la diminution du taux de TVA sur le tri sélectif des ordures ménagères soit anticipée comme doit lêtre celle de lapplication de la réduction des droits de mutation sur les immeubles dhabitation, afin déviter un risque de report des investissements prévus pour ces centres de tri. Il a demandé, par ailleurs, si le plafond dexonération de droits de succession prévu en matière dassurance-vie et fixé à un million de francs, serait apprécié globalement par souscripteur ou contrat par contrat.
Répondant aux derniers intervenants, M. Christian Sautter a évoqué les négociations communautaires en cours, dune part sur la mise au point dun code de bonne conduite afin déviter la délocalisation des sièges sociaux liée à des avantages fiscaux, dautre part sur linstitution dune retenue à la source de 20 % sur les revenus de lépargne anonyme des épargnants communautaires non résidents. Il a indiqué ensuite que lapplication de la réduction du taux de TVA. aux réseaux de chaleur était subordonnée à une décision favorable de la Commission européenne. Il a par ailleurs estimé que le regroupement des différentes taxes au sein de la TGAP apporterait une souplesse plus grande et garantirait la pérennité des actions engagées.
Contestant les évaluations de M. Charles de Courson, M. Dominique Strauss-Kahn a rappelé que les mesures dallégement fiscal applicables pour la première fois en 1999, quelles résultent du projet de loi de finances ou de dispositions antérieures, procureraient bien aux Français un gain global de 16 milliards de francs.
Il a réaffirmé, également, que le déficit des administrations publiques serait effectivement stabilisé à 2,3 % en 1999, avant de passer sous le seuil de 2 % en lan 2000, le déficit de lÉtat étant pour sa part évalué à 2,7 % en 1999.
Il a fait en outre valoir que lexécution du budget de 1997 avait conduit à une situation bien meilleure que celle qui résultait de ladoption de la loi de finances initiale, dont les conditions délaboration étaient pour le moins contestables.
Enfin, M. Dominique Strauss-Kahn a apporté les précisions suivantes :
il étudierait une anticipation de la date deffet de la diminution de la TVA applicable aux centres de tri sélectif des ordures ménagères, afin déviter les comportements pervers évoqués par M. Douyère ;
les difficultés rencontrées dans le financement de la ristourne dégressive proviennent de la sous-évaluation de la dépense correspondante par le Gouvernement précédent qui sera corrigée dans le budget 1999 ;
la contrepartie de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle sera une compensation et non un dégrèvement, la discussion restant ouverte sur les modalités dindexation des masses compensées ;
compte tenu de la baisse mécanique de la dotation compensatrice de taxe professionnelle, il paraît équitable den concentrer laffectation sur les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine.
fpfp
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