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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 72

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 15 septembre 1998
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de M. Christian Sautter, Secrétaire d’État au budget, sur le projet de loi de finances pour 1999


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La Commission a procédé à l’audition de M. Christian Sautter, Secrétaire d’État au budget, sur le projet de loi de finances pour 1999.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a tout d’abord interrogé le Ministre sur le contenu du décret d’avance du 21 août dernier et ses incidences sur l’exécution de la loi de finances pour 1998, et notamment sur les dépenses en capital du budget de la Défense. Il s’est ensuite demandé si l’hypothèse d’un taux d’inflation de 1,3 % pour 1999 n’était pas trop pessimiste compte tenu de l’évolution de la conjoncture et en particulier du ralentissement de la croissance. Il a souhaité connaître l’impact sur les recettes de TVA et sur l’équilibre budgétaire d’une nouvelle diminution de la hausse des prix.

M. Didier Migaud s’est félicité du coup d’arrêt mis par le projet de loi de finances pour 1999, comme par la loi de finances de 1998, à la dégradation constante du rapport des dépenses en capital à l’ensemble des dépenses de l’État observée de 1993 à 1997. Il a ensuite demandé, pour 1998 et 1999, le montant des recettes de cessions des participations de l’État au sein du secteur public, et des dotations versées pour la recapitalisation des entreprises publiques. Rappelant que la fixation à 11.000 francs, au lieu de 16.300 francs, du plafonnement de la demi-part de quotient familial était la traduction d’une décision acceptée par la Conférence sur la famille réunie sous la présidence du Premier ministre, le 12 juin dernier, et qu’elle était la contrepartie du rétablissement des allocations familiales sans conditions de ressources, il a souligné qu’elle frappait aussi certaines catégories, comme les veuves ou les anciens combattants, qui ne relèvent pas de la politique familiale. Aussi a-t-il demandé sur quelle argumentation le Conseil d’État s’était fondé pour estimer nécessaire la fixation du plafond à un montant uniforme, alors même qu’il existait déjà, pour l’imposition des contribuables isolés, un plafond distinct auquel le Conseil constitutionnel n’avait rien trouvé à redire.

Par ailleurs, le Rapporteur général a souhaité que le Gouvernement communique à la commission des Finances le résultat des simulations relatives à l’impact de la réforme de la taxe professionnelle. Il a rappelé que, lors de la précédente discussion budgétaire, le Secrétaire d’État au budget s’était déclaré prêt à débattre, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1999, de l’éligibilité au Fonds de compensation à la taxe à la valeur ajoutée (FCTVA) de certains travaux urgents pour la sécurité publique. Tout en saluant l’intérêt manifesté par la Commission des Communautés européennes pour l’application du taux réduit de TVA aux services à la personne, il s’est interrogé sur la portée réelle d’une mesure dont la mise en œuvre requérait le consentement unanime des États membres, alors, de plus, que les activités en cause étaient souvent le fait d’associations déjà exonérées de TVA. Il s’est enquis des perspectives de réalisation de l’idée, évoquée par le Commissaire européen Mario Monti, d’une réduction de la TVA pesant sur les travaux de rénovation et de réparation de logements. Il a enfin demandé des précisions sur l’instruction, publiée ce jour même, relative au régime fiscal des associations.

Répondant au Rapporteur général, M. Christian Sautter, Secrétaire d’État au budget, a indiqué que le décret d’avance d’août dernier, de caractère essentiellement technique, redéployait 5 milliards de francs, dont 3,8 milliards de francs au titre des rémunérations de personnel du ministère de la Défense, 343 millions de francs pour le ministère de l’Éducation, le solde correspondant à des dépenses de manifestations et commémorations telles que l’année de la France au Japon, la célébration de l’an 2000 ou le 80ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre. Il a précisé que ces mesures étaient financées à hauteur de 4,357 milliards de francs par un arrêté d’annulation, le solde étant constitué par un prélèvement exceptionnel de 500 millions de francs sur l’AGEFAL et le produit, soit 179 millions de francs, de la vente du terrain Beaujon par le ministère de l’Intérieur.

Relevant que l’interrogation du Rapporteur général sur le caractère pessimiste d’une prévision d’inflation de 1,3 % manifestait bien l’évolution de la conjoncture depuis quelques années, le Ministre a fait valoir que cette prévision était conforme à l’appréciation portée par des organismes internationaux comme l’OCDE ou le FMI et qu’elle traduisait, en particulier, la forte baisse, en 1998, des prix du pétrole et des matières premières, qui devraient se stabiliser, voire même augmenter en 1999. Il a relativisé les conséquences budgétaires d’une éventuelle surestimation de l’inflation, en rappelant que certaines recettes, comme l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu, étaient affectées de manière décalée par la hausse des prix et que d’autres, comme la TIPP, ne le sont pas du tout, par construction. Il a en outre rappelé qu’une variation d’un dixième de point entraînait une perte de recettes de TVA d’environ 600 millions de francs, à rapprocher du produit total de cette taxe, soit 670 milliards de francs. Il a en outre souligné que de nombreuses dépenses à caractère social, comme le revenu minimum d’insertion ou l’allocation aux adultes handicapés, étaient indexées sur la hausse des prix et que tout ralentissement de l’inflation impliquait dès lors de moindres dépenses à ces titres.

S’agissant des dépenses d’investissements, M. Christian Sautter a fait observer qu’elles augmentaient de 2,8 % dans le projet de loi de finances pour 1999, soit 168 milliards de francs, alors que la croissance des dépenses de l’État était en moyenne de 2,3 %. Il a précisé que cette augmentation était principalement due aux dépenses en capital du ministère de la Défense, qui passaient de 82 à 86 milliards de francs, les dépenses civiles en capital demeurant stables. Il a ajouté que l’appréciation portée sur l’évolution des dépenses civiles devait tenir compte des dotations inscrites dans les comptes spéciaux du Trésor, tels que le Fonds d’aménagement pour la région Île-de-France (FARIF) ou le Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), gérés par le ministère de l’Équipement, du logement et des transports. Il a indiqué que le produit total attendu des cessions d’actifs du secteur public s’élevait, en 1999, à 17,5 milliards de francs, se répartissant entre la privatisation du GAN (9,5 milliards de francs compte tenu de la nécessité de préserver les mécanismes de garantie), des cessions de participations minoritaires (5,5 milliards de francs) et du solde des opérations de France Télécom (2,5 milliards de francs). Il a précisé que les ressources du compte d’affectation spéciale (64 milliards de francs pour 1998 et 1999, dont 17,5 milliards de francs au titre de 1997, 43 milliards de francs au titre de 1998 et 3,5 milliards de francs de report de 1997 sur 1998) permettraient ainsi de recapitaliser à hauteur de 30 milliards de francs les entreprises publiques du secteur financier, de 23 milliards de francs les entreprises du secteur des transports et de 5 milliards de francs les entreprises du secteur minier. Il a rappelé que le produit de la privatisation du Crédit lyonnais serait directement affecté au désendettement de l’Établissement public de financement et de réalisation (EPFR).

Convenant de l’impact particulier qu’aurait la diminution du quotient familial applicable à des catégories dignes d’intérêt, comme les anciens combattants ou les invalides, il a expliqué que le Conseil d’État avait jugé impossible au regard de l’égalité devant l’impôt de prévoir une diminution du plafond plus importante pour une famille avec enfants que pour une personne sans enfants et que le Gouvernement n’avait pas voulu courir le risque de l’annulation par le Conseil constitutionnel d’une mesure dont le produit, soit 3,9 milliards de francs, était tel que l’annulation de la loi de finances toute entière, par voie de conséquence, ne pouvait être exclue. Il a ajouté que l’application de la réduction du plafond aux invalides et anciens combattants toucherait de 25.000 à 30.000 ménages à partir d’un revenu mensuel de 35.000 francs et que le débat budgétaire serait l’occasion d’un réexamen de la question. Il a ensuite rappelé que les services du ministère des Finances étaient à la disposition de la commission des Finances et qu’ils étaient prêts, par conséquent, à procéder aux simulations sur l’impact de la réforme de la taxe professionnelle qui leur avaient été demandées.

En ce qui concerne l’évolution des critères d’éligibilité au Fonds de compensation de la TVA de certains travaux sur des cours d’eau non domaniaux, le Ministre a exprimé son attachement au principe de la patrimonialité qui conduit à réserver le reversement de TVA aux propriétaires des terrains, mais a rappelé l’existence des aides spécifiques inscrites dans le programme décennal d’entretien des rivières, arrêté en juin 1994, renvoyant au débat parlementaire la question d’éventuelles évolutions.

M. Christian Sautter a ensuite évoqué la question de la diminution du taux de TVA pour les services rendus à domicile. Il a rappelé que le Gouvernement français avait attiré l’attention de ses partenaires européens sur ce problème lors du Conseil de Luxembourg sur l’emploi de décembre dernier, conformément au programme national sur l’emploi, et qu’à la suite des démarches entreprises auprès de lui, le Commissaire européen chargé de la fiscalité, M. Mario Monti, avait répondu que la lettre du Traité ne permettait pas une telle mesure mais que l’esprit des propositions de la Commission des Communautés européennes était proche de la demande française. Il a, en revanche, souligné que les travaux de réparation et d’amélioration des logements couvriraient un champ plus vaste et que, si l’impact positif d’une éventuelle baisse de taux sur l’emploi, voire dans la lutte contre le travail clandestin, devait être reconnu, son coût était très important. Il a estimé que le crédit d’impôt sur le revenu, prévu dans la loi de finances pour 1998, en faveur des propriétaires et des locataires procédant à de grosses réparations dans leur résidence principale constituait une première réponse équivalant à une réduction de TVA.

Le Ministre a enfin exposé le contenu de la dernière instruction relative à la fiscalité des associations, dont il a considéré qu’elle apportait, après une longue période d’incertitude, une clarification que la multiplication des contrôles fiscaux rendait nécessaire, tout en respectant la lettre et l’esprit de la loi de 1901. Il a précisé que l’instruction détaillait les critères permettant de qualifier de commerciales les activités des associations et entraînant par là même leur assujettissement à la TVA, à l’impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle : une rémunération des dirigeants excédant les trois-quarts du SMIC ; l’existence dans le voisinage d’une entreprise ayant une activité comparable et, enfin, en cas de doute, l’application de la règle des « quatre P », un produit et un prix comparables, un public proche de la clientèle d’une entreprise et une publicité s’apparentant aux méthodes commerciales. Il a annoncé que le Gouvernement renonçait aux contrôles fiscaux sur 3.000 associations dont la bonne foi pouvait être reconnue et aux redressements auxquels ces contrôles avaient donné lieu. Il a enfin précisé que les associations avaient jusqu’au 31 mars 1999 pour mettre leurs statuts en conformité avec la nouvelle instruction ministérielle et que, dans chaque direction des services fiscaux, un fonctionnaire serait désigné comme interlocuteur pour conseiller les associations et porter sur le caractère commercial ou non de leurs activités un avis liant l’administration fiscale.

Après avoir fait observer que la taille remarquable du projet de loi de finances, 83 articles au total, promettait de longs débats en séance publique, M. Philippe Auberger a émis de sérieux doutes sur les prévisions de diminution du taux des prélèvements obligatoires en 1998 et 1999. Rappelant que l’augmentation des recettes fiscales attendue en 1999 s’élevait à 75 milliards de francs, il a estimé que la diminution du taux de prélèvement de l’État de 0,2 point en 1998 et 0,1 point en 1999 n’était guère crédible, et jugé sujette à caution, au vu des évolutions des années antérieures, la baisse annoncée du prélèvement des collectivités locales.

Il s’est également interrogé sur la pertinence des prévisions d’évolution du revenu disponible des ménages, (+ 4 % en 1998 et + 4,2 % en 1999), alors que, par exemple, la plupart des accords conclus en matière de réduction du temps de travail prévoyait une stabilisation des revenus sur une période de trois ans. Il a fait observer que ce probable optimisme en matière d’évolution du revenu disponible faisait douter du rétablissement des comptes de la sécurité sociale prévu par le Gouvernement.

Après avoir donné acte des efforts de rebudgétisation effectivement consentis par le projet de loi de finances, M. Philippe Auberger a indiqué ne pas comprendre pourquoi les recettes provenant du Crédit lyonnais ne transitaient pas par le compte d’affectation spéciale retraçant les recettes de privatisation. De même, il a souhaité que cet effort de clarification concerne à l’avenir l’ensemble des relations financières entre l’État et les collectivités locales ainsi que la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Enfin, doutant de l’efficacité de la suppression progressive de la part salariale de l’assiette de la taxe professionnelle, il a estimé qu’un allégement de la taxe sur les salaires, qui représente environ 49 milliards de francs, constituerait un stimulant plus efficace à la création d’emplois.

Évoquant les récents propos tenus par le Ministre des Affaires étrangères sur l’insuffisance des moyens des banques centrales et des institutions financières internationales face aux « tourbillons » incessants des masses monétaires, M. Daniel Feurtet s’est interrogé sur les moyens de remettre de l’ordre dans les mouvements internationaux de capitaux.

Rappelant le rôle important joué par les collectivités locales dans la croissance et l’investissement, il a souhaité que la part de la croissance qui leur est redistribuée soit plus significative afin qu’elles puissent continuer à participer pleinement à la création d’emplois et au soutien de la croissance durable. Il s’est également déclaré préoccupé de la disparition de la dotation globale d’équipement et a demandé si le rétablissement d’un concours comparable pouvait être envisagé. Tout en reconnaissant que la disparition de l’assiette salariale pouvait être un stimulant de nature à encourager le civisme des chefs d’entreprises, il s’est néanmoins interrogé sur les moyens de mesurer ses conséquences réelles sur l’emploi. Il a appelé de ses vœux une réflexion globale sur le moyen de réalimenter la taxe professionnelle et d’éviter qu’une part croissante en soit supportée par l’État. Afin qu’elle reste un impôt favorable à l’emploi et à l’investissement, il a estimé nécessaire de réfléchir à la détermination de nouvelles assiettes, notamment en prenant en compte les actifs financiers. Il a insisté sur le fait que la taxe professionnelle devait rester sous la responsabilité des collectivités locales et considéré que le rôle de l’État était d’assurer la péréquation.

Se déclarant préoccupé par le fait que de moins en moins de personnes payent la taxe d’habitation, M. Daniel Feurtet a souhaité qu’une réflexion s’engage de manière à ce que chaque famille – fut-ce modestement – se sente associée à la vie communale dont elle attend des services collectifs. A défaut, il a craint qu’une opposition grandissante entre celles qui payaient et celles qui ne payaient pas ne fasse courir de grands risques à la solidarité communale.

M. François Loos, après avoir jugé que le projet de budget était trop optimiste et augmentait les dépenses alors qu’il conviendrait de les réduire, a relevé une contradiction entre la taxation nouvelle du gaz de pétrole liquéfié et du gaz naturel véhicules et la création d’un amortissement exceptionnel pour les véhicules fonctionnant en bicarburation.

A propos de la part de la croissance du PIB attribuée aux collectivités locales, il a fait observer que la prise en compte des traitements versés aux fonctionnaires territoriaux, qui représentent en moyenne plus de 40 % des dépenses des collectivités locales, aboutissait à réduire de fait le montant de l’enveloppe normée attribuée à ces collectivités, diminuant ainsi d’autant leur marge de manœuvre.

Indiquant qu’il partageait certaines analyses de M. Daniel Feurtet, M. Pierre Méhaignerie a estimé que, pour des salariés à ressources modestes, l’incitation au retour à l’emploi n’était actuellement pas suffisante. Il a rappelé que des études britanniques et danoises avaient conclu qu’il fallait une incitation d’un montant d’au moins 35 % supérieur au revenu de remplacement pour assurer un tel retour, et a jugé que la France était encore loin d’atteindre ce chiffre.

Regrettant ensuite, avec M. François Loos, que les collectivités locales voient leur marge de manœuvre, et donc leur autonomie, se réduire encore, il a suggéré que la dotation globale de fonctionnement soit à l’avenir indexée sur les traitements de la fonction publique, dont le Gouvernement fixe lui-même la progression et le niveau, ajoutant que l’enjeu était la sauvegarde de la confiance entre les collectivités locales et les populations.

Sans revenir sur le débat né de la réforme de l’assurance vie, il a insisté enfin sur la nécessité de réfléchir à des mécanismes favorisant la transmission des entreprises. Jugeant que bien souvent, les chefs d’entreprise avaient avantage à vendre plutôt qu’à transmettre leurs biens, il a plaidé pour la mise au point d’un « pacte d’entreprise », susceptible de redonner confiance aux entrepreneurs.

Mme Nicole Bricq s’est félicitée tout d’abord que le projet de budget favorise à la fois l’emploi et l’investissement, accompagnant ainsi la croissance revenue. Puis, à propos de la fiscalité écologique, elle a souhaité que le rééquilibrage des taxes sur le gazole ne soit pas l’arbre qui cache la forêt : soulignant les avancées sur la bicarburation, elle a estimé indispensables d’autres mesures incitatives ainsi que des dispositions plus fortes en matière de protection des sols et des paysages.

Rappelant que l’augmentation de deux points du taux normal de TVA avait représenté un prélèvement supplémentaire d’environ 60 milliards de francs, elle a jugé ensuite que les mesures prévues dans le projet de loi de finances, représentant une diminution de 10 milliards de francs, ne devaient constituer qu’un début. Consciente des contraintes européennes, elle a néanmoins souhaité que toutes les possibilités permises par la sixième directive européenne sur la TVA soient explorées. Évoquant la baisse de la TVA sur l’abonnement EDF, elle s’est prononcée en faveur de son extension aux réseaux de chaleur. Elle a estimé également que la baisse de la TVA sur les opérations de tri sélectif ne présentait qu’un intérêt limité si elle n’était pas appliquée à l’ensemble des opérations de valorisation énergétique des déchets, alors même que la loi de 1992 avait incité les collectivités locales à mener ces actions de façon conjointe. Enfin, elle a fait observer que d’autres handicaps, notamment la surdité, pourraient être pris en compte dans le cadre de la diminution de la TVA sur certains appareillages.

M. Michel Bouvard s’est demandé, au vu de la réponse du Secrétaire d’État au Budget, comment le Gouvernement allait pouvoir aborder la question de l’éligibilité au FCTVA des travaux réalisés par les collectivités locales sur les cours d’eau domaniaux, classés en voies navigables non fréquentées. Il a rappelé que le prélèvement de TVA supplémentaire de 60 milliards de francs avait été décidé au moment où certains contestaient l’applicabilité à la France des critères de Maastricht et a constaté que, trois ans après, seuls 10 milliards de francs avaient été restitués. Appuyant l’idée d’une application du taux réduit aux réseaux de chaleur, il s’est félicité de voir le Gouvernement reprendre une de ses propres suggestions de l’an passé en proposant que les travaux d’amélioration de l’habitat réalisés avec une subvention de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH) bénéficient de ce taux. Il s’est interrogé sur la pertinence des objections faites à l’application d’une mesure semblable à la restauration, alors que certains États entrés après la France dans l’Union européenne avaient pu décider une telle réduction après leur adhésion, et a estimé que cette mesure permettrait à la fois d’augmenter le nombre d’emplois et de lutter contre l’économie souterraine.

Il a ensuite demandé au Ministre des précisions sur le champ d’application du dispositif destiné à se substituer à l’amortissement « Périssol », et a suggéré son extension à l’immobilier de loisir. Il s’est ému des idées récemment avancées en sa présence par le directeur général des collectivités locales en vue d’une éventuelle péréquation de la compensation de la suppression graduelle de la part salariale dans l’assiette de la taxe professionnelle. Enfin, il a déploré que le parallélisme entre les évolutions de la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale ne soit pas respecté, alors que, si un village qui meurt fait moins de bruit qu’une banlieue qui brûle, sa disparition est aussi dommageable.

M. Dominique Baert a questionné le Ministre sur les raisons de la disparition du fonds de soutien aux hydrocarbures et son intégration au budget général, sur l’augmentation de 600 millions de francs des recettes du Fonds d’aménagement de la région Île-de-France (FARIF) prévue pour 1999 et sur les motifs de la création du nouveau compte d’affectation spéciale, intitulé Fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien.

M. Gérard Saumade a déploré qu’on se croie obligé de s’excuser parce que le projet de loi de finances augmente la dépense publique, alors qu’on n’en a jamais eu autant besoin. Il a mis au défi les adversaires de cette dépense d’exposer clairement leurs intentions, quant à la privatisation de services publics essentiels, comme l’enseignement, la santé ou la police. Il a ajouté que, paradoxalement, le développement de la concurrence internationale obligeait tous les pays à mener une politique publique forte et dynamique. Abordant le problème de la réforme de la taxe professionnelle, il a constaté que le consensus sur la nécessité de changer cet impôt imbécile, contraire à l’emploi et à l’investissement, ne se traduisait toujours pas malheureusement par une réforme d’envergure. Il s’est prononcé pour la substitution à l’actuelle taxe professionnelle d’un impôt sur la valeur ajoutée, collecté et ensuite réparti par l’État, seul gage à ses yeux d’une véritable péréquation et du respect des exigences d’aménagement du territoire. Il a conclu en estimant que des modifications par trop discrètes et partielles ne pourraient que conduire à la perpétuation des critiques.

M. Maurice Adevah-Poeuf, après avoir exprimé son soutien à l’architecture générale du projet de loi de finances et à la logique de la réforme appliquée à la taxe professionnelle, a estimé opportun un aménagement de ses modalités. Il a interrogé le Ministre sur sa position vis-à-vis d’éventuels amendements parlementaires visant à intégrer dans la réforme proposée par le Gouvernement une forme de dégrèvement, à masse constante, dans une perspective de sauvegarde de l’autonomie de décision des collectivités locales. Il s’est enfin interrogé sur les motifs de la disparition du fonds de soutien aux hydrocarbures.

M. Gilbert Gantier s’est demandé comment la diminution à 11.000 francs de l’avantage maximal procuré par l’application du dispositif fiscal de quotient familial pouvait être jugée compatible avec une véritable politique familiale.

Répondant aux intervenants, M. Christian Sautter a notamment précisé que :

– le nombre important d’articles fiscaux contenus cette année dans le projet de loi de finances traduit la volonté de réforme du Gouvernement, mais ne conduirait pas cependant à un alourdissement des textes en vigueur puisque 60 articles du code général des impôts devraient être abrogés ;

– le délai supplémentaire laissé cette année au Parlement pour examiner le projet de loi de finances devrait permettre aux parlementaires de démontrer la réalité des intentions du Gouvernement de diminuer le taux des prélèvements obligatoires de 0,1 point en 1998 et 0,2 point en 1999 ;

– il est peu probable que les accords d’entreprises conclus dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail aboutissent à une stabilisation, et encore moins, à une diminution de la masse salariale versée par les entreprises ;

– il ne voit pas l’intérêt d’inscrire les recettes de privatisation du Crédit lyonnais dans le compte d’affectation spéciale dans la mesure où celles-ci devraient revenir automatiquement à l’établissement public de financement et de réalisation ; cependant la proposition de comptabiliser les prélèvements sur recettes, tant aux collectivités locales qu’au budget de l’Union européenne, au sein du budget de l’État, mérite réflexion ;

– l’existence de la taxe sur les salaires s’analyse comme la contrepartie d’une non imposition à la TVA ;

– le Gouvernement est préoccupé par le risque d’instabilité du système monétaire international faute d’un minimum de règles du jeu, dont la situation actuelle, comme l’a rappelé le Premier ministre, souligne la nécessité. Après la déclaration commune des ministres des Finances du G7, reprise par le Président des États-Unis, de nouveaux progrès restent à faire ; il convient en particulier de soutenir le FMI qui a la capacité d’intervenir pour éteindre les foyers de crise ;

– alors que le « pacte de stabilité » arrêté par le précédent gouvernement privait les collectivités locales, par décision unilatérale, de toute participation aux fruits de la croissance, le contrat de croissance et de solidarité, qui lui a été substitué, présentait le mérite d’associer ces collectivités aux progrès de la croissance et d’établir ainsi une relation de confiance avec l’État ;

– dans le sens de la taxation des actifs financiers, un article du projet de loi de finances prévoit une diminution de 50 à 45 % de l’avoir fiscal au préjudice des entreprises, effectuant des placements complètement indépendants de leur activité économique ;

– dans le cadre de la réforme proposée de la taxe professionnelle, les collectivités locales garderont la maîtrise des deux tiers de cette taxe. En « sanctuarisant » la compensation de la taxe professionnelle dans la dotation globale de fonctionnement, le Gouvernement va plutôt dans le sens d’une compensation pérenne, qui ne sera pas à la merci des circonstances, comme peuvent l’être certains autres mécanismes compensateurs d’abattement de taxe professionnelle, décidés en 1987 ;

– il peut être préoccupant que certains ne paient aucun impôt local alors qu’ils attendent légitimement des services de la collectivité locale ; l’idée de taxe d’habitation minimale, évoquée par M. Daniel Feurtet, ouvre une piste de réflexion pour une question qui pourrait être abordée dans le cadre de la discussion du collectif budgétaire ;

– loin d’alourdir l’imposition du GPL ou du gaz naturel, le projet de loi de finances propose la création, dans le sens des propositions faites par Mme Nicole Bricq dans son récent rapport d’information, d’un amortissement exceptionnel des véhicules fonctionnant grâce à ses énergies non polluantes. 1998 n’est que l’an I de la fiscalité écologique ; l’an II pourrait voir l’extension du champ de la taxe générale sur les activités polluantes, qui est presqu’exclusivement, pour l’heure, le regroupement de taxes existantes, de sorte qu’il serait possible d’y introduire des mesures punitives ou incitatives pour l’évolution des sols et des paysages ;

– le doublement du rythme de croissance de la dotation globale de fonctionnement (1,4 % de progression de 1997 à 1998 contre 2,8 % de 1998 à 1999) constitue un effort substantiel en direction des collectivités locales ;

– le projet de réduction du taux de TVA sur les réseaux de chaleur a fait l’objet d’une démarche insistante du Gouvernement auprès du Commissaire européen chargé de la fiscalité ; le Gouvernement n’est pas hostile à une extension de la mesure proposée pour la TVA sur le tri sélectif ;

– l’abaissement du taux de TVA sur les appareillages de certaines personnes handicapées répond à la demande de nombreux parlementaires ; la possibilité d’étendre cette mesure à d’autres types d’appareillage peut être étudiée ;

– sur l’application du taux réduit de TVA à la restauration, le Commissaire européen à fait une réponse négative, en précisant que ce secteur ne figurait pas parmi les activités de main-d’œuvre auxquelles la Commission songeait de manière privilégiée ; une insistance excessive pourrait au demeurant avoir des effets négatifs compte tenu de l’assiette effective de la taxe ;

– la hausse de deux points de TVA décidée en 1995 a provoqué en 1996 une baisse du revenu disponible brut des ménages et a ainsi brutalement freiné la croissance alimentée pour les deux tiers par la consommation des ménages ; à l’inverse, les baisses du taux de TVA proposées dans le projet de loi de finances pour 1999, estimées à 10 milliards de francs, constituent un effort important ;

– en aménageant le dispositif dit « amortissement Périssol », le Gouvernement s’est donné pour priorité d’accroître le parc de logements sociaux privés pour développer l’offre de logements destinés à la résidence principale de ménages modestes ou moyens ; l’extension de cet amortissement à l’immobilier de loisir n’a pas de rapport avec cet objectif prioritaire ;

– dans la mise au point du mécanisme de compensation de la taxe professionnelle, le Gouvernement a visé la simplicité ; c’est pourquoi, il l’a fondé sur une photographie des bases de 1999 et des taux de 1998 de cette taxe. La compensation aura lieu chaque année sur une période de cinq ans en indexant cette référence sur la dotation globale de fonctionnement. En ce sens, comme l’a déclaré, le 9 septembre dernier, M. Dominique Strauss-Kahn devant la commission des Finances, la compensation procurerait aux communes victimes de pertes d’emploi une ressource supérieure au produit de taxe professionnelle que leur aurait assuré le droit actuellement en vigueur. Elle renforce donc la péréquation entre collectivités riches et collectivités pauvres ;

– la suppression de la part salariale dans l’assiette de la taxe professionnelle équivaut pour le secteur du bâtiment et des travaux publics à une diminution de 48 % du montant de cette taxe, dont l’impact sera d’autant plus fort que ce secteur emploie trop de main-d’œuvre ;

– on ne peut parler sans contradiction de dégrèvement à masse constante. Recourir à la technique du dégrèvement introduirait un aléa inopportun quant à l’évaluation de l’impact de la mesure de taxe professionnelle et serait de surcroît une source de complication inutile pour les entreprises ; pour ces raisons, la solution du dégrèvement ne correspond pas au choix du Gouvernement ;

– la suppression du fonds de soutien aux hydrocarbures et l’intégration corrélative de la taxe additionnelle à la TIPP constituent des mesures de simplification ;

– s’il est vrai que l’existence d’infrastructures et de services publics de qualité sont des facteurs attractifs pour l’investissement étranger, il faut savoir raison garder ; l’augmentation de 1 % en francs constants du budget représente d’ailleurs un coup de pouce non négligeable pour la croissance ;

– le produit de l’abaissement du plafond du quotient familial à 11.000 francs peut être évalué à 3,9 milliards de francs, alors que la suppression de la condition de ressources représente une dépense de 4,7 milliards de francs, ce qui correspond à un transfert de 800 millions de francs au profit des familles ; ces mesures font partie d’une politique familiale cohérente avec les propositions issues de la conférence sur la famille de juin dernier ;

– un effort substantiel a été consenti en faveur des communes rurales ; la progression de la dotation de solidarité rurale dans le projet de loi de finances (2,2 milliards de francs, soit une augmentation de 25 % par rapport à 1998), témoigne par son ampleur de l’intérêt manifesté par le Gouvernement à l’égard de ces communes.

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