ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DES FINANCES,
DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
COMPTE RENDU N° 73
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mardi 22 septembre 1998
(Séance de 9 heures)
Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président
SOMMAIRE
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Audition de M. Claude Allègre, ministre de léducation nationale, de la recherche et de la technologie et de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à lenseignement scolaire, sur les crédits de leur ministère pour 1999.
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La Commission a procédé à laudition de M. Claude Allègre, Ministre de léducation nationale, de la recherche et de la technologie et de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à lenseignement scolaire, sur le projet de loi de finances pour 1999.
M. Claude Allègre a tout dabord souligné que la priorité accordée par le gouvernement à la « bataille du savoir » et à léducation se traduisait dans le projet de loi de finances pour 1999 par laugmentation des crédits de lenseignement scolaire de 4,1 %, après une augmentation de 1,49 % en 1997 et de 3,15 % en 1998, et par celle des crédits de lenseignement supérieur de 5,4 %, tandis que les dépenses ordinaires et autorisations de programme du budget de recherche civile et de développement progresseraient de 2,3 %. Il a ajouté que cet accroissement des moyens saccompagnerait dune volonté dassainissement de la gestion et doptimisation des moyens et des programmes.
Sagissant de lenseignement scolaire, le Ministre a fait remarquer que la progression des crédits de 11,73 milliards de francs supplémentaires en 1999, pour un budget total de 297,7 milliards de francs, devait être appréciée au regard de la baisse des effectifs scolaires continue depuis dix ans, et qui atteindra, pour lannée scolaire 1998-1999, 40.000 élèves dans le premier degré et 25.000 dans le second, qui permettra dutiliser les moyens dégagés à la modernisation de lécole et à lamélioration de lencadrement des élèves. Constatant que la baisse des effectifs scolaires nétait pas uniforme sur le territoire national, il a estimé que la réalisation des redéploiements consécutifs à cette évolution serait une opération difficile, mais nécessaire, pour laquelle il a souhaité le concours des élus. Il a annoncé que, dans le respect du gel des effectifs globaux de la fonction publique, lenseignement scolaire bénéficierait de la création de 3.050 postes denseignants du second degré, de 250 emplois de conseillers principaux déducation et de 616 postes de non-enseignants, dont 400 emplois de médecins, infirmières et assistantes sociales, et quaucun emploi denseignants titulaires du premier degré ne serait supprimé. Il a ajouté que ces créations demplois avaient été rendues possibles par un effort de redéploiement des crédits dheures supplémentaires, de réimputation des crédits de rémunérations de maîtres auxiliaires jusquà présent financées sur des crédits correspondant à des emplois de titulaires, et de diminution des emplois dadministration centrale. A côté de la création de postes de maîtres dinternat et surveillants dexternat (MISE), il a cité, parmi les action de modernisation du système denseignement, une ouverture dun milliard de francs de crédits pour la création de 20.000 emplois-jeunes, ce qui porterait leur nombre total à 60.000 pour les écoles et les collèges. A ce sujet, M. Claude Allègre a insisté sur le fait que lenseignement privé navait pas utilisé les 2.000 emplois-jeunes quil avait réclamés, tandis que la région Ile-de-France éprouvait des difficultés à embaucher, ce qui lincitait à envisager une nouvelle répartition de ces emplois.
Le Ministre a ensuite cité la création de 1.000 postes supplémentaires dassistants de langue étrangers pour la généralisation de lenseignement des langues dans le premier degré. Il a précisé que lintroduction des nouvelles technologies à lécole avait justifié 65 millions de francs de mesures nouvelles au titre des crédits de fonctionnement et 72 millions de francs au titre des crédits dinvestissement auxquels sajouteraient 500 millions de francs de prêts à taux zéro à destination des collectivités locales. Il a insisté sur le retard dont les écoles souffraient, dans ce domaine, par rapport aux lycées et collèges. Il a rappelé que 55,4 millions de francs soutiendraient la mise en réseau des services de léducation nationale. A cette occasion, il a tenu à saluer leffort exceptionnel consenti par de grandes villes comme Paris et Marseille pour léquipement informatique des écoles.
Enfin, il a évoqué limportance des moyens destinés à lutter plus efficacement contre les inégalités scolaires et sociales et a mentionné, parmi les mesures significatives prises en faveur du personnel enseignant, lintégration accélérée des enseignants du premier degré dans le corps des professeurs des écoles et la relance des zones déducation prioritaires (ZEP).
Dressant un bilan global de la politique menée en faveur de lenseignement scolaire, le Ministre a, tout dabord, rappelé, à propos de lenseignement primaire, la charte de « Lécole au XXIe siècle », qui prévoit un aménagement des rythmes scolaires quotidiens au profit du développement de la pratique du sport, de la culture et des nouvelles technologies ainsi quune aide à létude pour tous, garantie de légalité des chances ; il a également mis laccent sur la mise en place de lenseignement des sciences selon le principe de « la main à la pâte », mis au point par M. Georges Charpak, sur lapprentissage du langage parlé, et sur leffort accru dapprentissage de la lecture.
Il a, de manière générale, soutenu lidée dun renforcement de lautonomie des maîtres de lenseignement primaire, qui permettrait de donner à ces enseignants une plus grande initiative pour un enseignement personnalisé ; il a estimé que la constitution de véritables équipes éducatives dans le primaire sera facilitée par des moyens donnés par les municipalités et les associations, en coordination avec les activités péri-scolaires. Il a, au demeurant, relevé que les demandes de volontariat présentées par la base excédaient le chiffre de 2.000 pris en compte dans les prévisions budgétaires, relevant le grand hiatus qui existe avec les discours des communautés responsables ; il a estimé que ce constat confirmait le bien-fondé de la conception du professeur des écoles comme chef dorchestre de léquipe éducative.
A propos des collèges, il a manifesté le souci, avant denvisager une quelconque initiative nouvelle, de procéder à lévaluation de la réforme de M. François Bayrou.
Sagissant des lycées, le Ministre a mis laccent sur leffort historique consenti pour les lycées professionnels. Il sest félicité de la conclusion, après des négociations conduites avec toute la discrétion souhaitable, dun accord permettant la généralisation de lalternance, soit sous statut dapprentissage, soit sous statut scolaire, soit sous statut mixte, permettant la mise à disposition aux PME-PMI, par convention, des équipements des lycées professionnels, qui nétaient jusquà présent utilisés que durant un tiers de lannée, avec pratique de lapprentissage à lintérieur des établissements. Il a regretté que lenseignement professionnel ait longtemps fait figure de parent pauvre de lenseignement secondaire dans la mesure où les élèves y étaient orientés par défaut, alors même quil formait des personnes de grande compétence mieux intégrées dans les milieux professionnels. Il a annoncé le lancement dune campagne de réhabilitation de cet enseignement, et la création dune mission interministérielle « éducation, économie, emploi » au sein de la direction de la programmation du ministère et dans chaque académie, en vue de proposer des mesures destinées à adapter qualitativement et quantitativement lensemble des filières professionnelles aux besoins économiques, afin de remédier au « surdéveloppement » des enseignements tournés vers le secteur tertiaire et de rééquilibrer les formations destinées à alimenter le secteur secondaire. Il a déploré la dérive de la filière technologique vers un enseignement trop théorique, à limitation de lenseignement général, qui nourrit la réticence des enseignants de la filière envers un élargissement excessif des passerelles entre celle-ci et lenseignement professionnel. Il a constaté que la conception actuelle des programmes et manuels de lenseignement scientifique, conduisant à préférer lacquisition massive et accélérée de savoirs livresques à lassimilation du raisonnement scientifique et des connaissances de base, avait abouti, par la diminution rapide des effectifs délèves, à mettre en lambeaux cette filière. Il a indiqué quil avait souhaité organiser une campagne, patronnée par MM. Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak, pour la rénovation de cet enseignement. Il a fait remarquer que, si lallégement des programmes et lamélioration de la vie des lycées pouvaient prendre effet rapidement, la refonte des programmes, certes très attendue, prendrait du temps, compte tenu de la lourdeur des procédures administratives et des délais nécessaires aux négociations avec les éditeurs pour la refonte des manuels.
Le Ministre a ensuite affirmé sa volonté de revaloriser la fonction des chefs détablissement dont la crise est illustrée par les 900 vacances de postes actuellement constatées, de recentrer laction des inspecteurs, détournés de lexercice de leur fonction normale par dautres tâches. Il a relié cette dernière réforme à une modification des modalités dappréciation des enseignants tenant davantage compte de la nécessité de mieux récompenser ceux dentre eux qui font particulièrement preuve de dévouement et dimagination ou qui exercent leur métier dans des zones difficiles.
Il a fait part de son projet de réformer les instituts universitaires de formation des maîtres, en considérant que la formation des enseignants devait davantage sappuyer sur un système dalternance impliquant le contact avec les élèves que sur des conférences pédagogiques purement théoriques.
M. Claude Allègre a enfin rappelé que 50.000 enfants sortaient sans aucune formation du système éducatif et quil réfléchissait à la création dun programme appelé « nouvelle chance » destiné à rattraper, dans la mesure du possible, ces enfants dits « a-scolaires » parmi lesquels se sont trouvés, dans le passé, des acteurs internationalement connus et des chefs dentreprise.
Mme Ségolène Royal a ensuite présenté les axes stratégiques du budget consacré à lenseignement scolaire.
Elle a tout dabord indiqué que lamélioration qualitative de son efficacité était devenue, dans le contexte de baisse des effectifs, une priorité du système scolaire. A ce titre, elle a préconisé un meilleur accueil des enfants de moins de trois ans, fondé sur une articulation plus dynamique entre les structures municipales et les classes de maternelle et évitant toute confusion entre lécole maternelle et une structure de garderie. Elle a également mentionné la modernisation de lenseignement, grâce aux aides éducateurs, aux nouvelles technologies de linformation et de la communication et à lapprentissage renforcé des langues vivantes dans les écoles primaires.
La Ministre a ensuite évoqué les contrats éducatifs locaux qui, dans le cadre du programme « Lécole du XXIème siècle », devaient renforcer la cohérence des activités scolaires et péri-scolaires en fédérant les actions de lÉtat, des collectivités territoriales, du fonds daction sociale et des associations dans un dispositif cohérent qui permettrait de donner davantage aux élèves qui ont le moins et de rationaliser les dépenses que provoqueraient des actions nécessairement coûteuses. Elle a précisé que des appels à projets et des groupes de pilotage seraient prochainement mis en place.
Elle a enfin, au sujet du fonctionnement des lycées et des collèges, cité la revalorisation du rôle des équipes de direction autour des chefs détablissement qui devraient être davantage soulagés des tâches administratives afin de retrouver leurs capacités dentraînement, de perfectionnement des méthodes pédagogiques, lamélioration de la vie de scolarité avec le développement de lautonomie de lélève et le resserrement des contacts avec les familles, ou encore le soutien systématique des élèves en difficulté grâce à un repérage précoce de lillettrisme.
Mme Ségolène Royal a ensuite développé le deuxième axe de sa stratégie consacré à la lutte contre lexclusion. Elle a, tout dabord, cité la relance de la politique déducation prioritaire grâce à la mise en place de réseaux et de contrats de réussite fondés sur des objectifs pédagogiques définis en fonction des difficultés des élèves, et des moyens financiers correspondants. Elle a indiqué que le projet de budget prévoyait des redéploiements de moyens en faveur des zones difficiles, permettant de renforcer les temps de concertation des enseignants, et accompagnés de mesures catégorielles telles que 3.000 indemnités supplémentaires pour sujétion spéciale, la revalorisation indemnitaire des personnels de direction ainsi que, dès la rentrée 1999, le classement en catégorie supérieure des collèges situés en zone déducation prioritaire, ou intégrés dans un réseau déducation prioritaire, impliquant louverture de crédits de bonifications indiciaires.
Abordant la politique sociale, elle a mentionné le rétablissement des bourses pour les collèges, le développement des moyens du service de santé scolaire et labondement du fonds social pour les cantines ; elle a rappelé que 620 emplois dATOS, 100 emplois de conseillers principaux déducation et 175 emplois dassistantes sociales avaient été créés en 1997.
Évoquant la lutte contre lillettrisme, la Ministre a indiqué son intention de faire procéder au repérage systématique, dans les regroupements académiques, des expériences de terrain qui proposent les meilleures méthodes dacquisition des connaissances, les pratiques du tutorat, en vue des prochains États généraux de la lecture et du langage, qui permettraient le rassemblement de toutes ces expériences et la mise en place dopérations efficaces. Elle a souligné le contraste entre le repérage précoce des difficultés des élèves et labsence actuelle des mesures de remédiation nécessaires. Elle a ajouté que cette action engloberait lanalyse des causes des difficultés de chaque élève, qui pouvaient être dues aussi bien aux modalités de lapprentissage technique quà des pathologies neurologiques. Elle a également considéré que les moyens dont il était désormais doté donnaient au système scolaire la capacité de faire du sur mesure afin daccompagner chaque élève et sa famille dans son cheminement personnel de formation.
La Ministre a ensuite exposé le troisième axe de sa stratégie : lamélioration des conditions de vie à lécole et au collège.
Elle a, tout dabord, évoqué la poursuite du plan contre la violence à lécole par la mise en place de 250 classes-relais en 1999 et la coordination renforcée des actions des ministères de léducation nationale, de la justice, de lintérieur et de la défense.
Elle a ensuite exprimé son souci de renforcer linstruction civique et léducation citoyenne, comme en témoignaient la création dune épreuve obligatoire dinstruction civique au brevet des collèges et la valorisation systématique des initiatives citoyennes débouchant sur des applications concrètes dans les projets détablissement.
Elle a enfin évoqué les mesures de revalorisation des conditions de travail des personnels : laccélération de la constitution du corps des professeurs des écoles qui permettrait de compter 24.000 titulaires au 1er septembre 1999 pour un coût de 296 millions de francs en 1999 et de 880 millions de francs en lan 2000 ; les mesures de revalorisation de la carrière des professeurs des lycées professionnels, des professeurs déducation physique et des PEGC ; la traduction budgétaire pour un coût global de 35 millions de francs des conclusions de la table ronde consacrée aux IATOS.
Après sêtre félicité dun projet de budget qui traduisait effectivement la priorité du Gouvernement en faveur de léducation nationale, M. Didier Migaud, Rapporteur général, sest déclaré particulièrement sensible au souci manifesté par les ministres de tendre à loptimisation de leurs moyens financiers. Il les a ensuite interrogés sur le bilan et lavenir des emplois jeunes dans léducation nationale, sur létat réel de la question de la rémunération des heures supplémentaires des enseignants, notamment pendant la période estivale, ainsi que sur lapprentissage des langues vivantes à lécole primaire.
M. Jacques Guyard, rapporteur spécial des crédits de léducation nationale, a souhaité disposer de précisions sur les modalités des redéploiements de postes au sein du budget, sur lavenir des tâches daccompagnement des élèves actuellement accomplies grâce aux emplois-jeunes et qui recoupent pour partie les fonctions des anciens surveillants dexternat, compte tenu par ailleurs de la disparition des appelés accomplissant leur service national dans les écoles et des personnes sous contrat emploi solidarité.
Au sujet de lamélioration du statut des chefs détablissements et des directeurs des écoles, il a demandé dans quelle proportion le Ministre pourrait réaliser un allégement de leurs obligations de service en fonction du nombre de classes, de leurs nouvelles tâches de gestion des emplois-jeunes et de négociation des contrats locaux déducation avec les collectivités locales.
Il a ensuite interrogé les ministres sur les modalités du partage des coûts entre le ministère de léducation nationale, dune part, et les collectivités locales, dautre part, pour la mise en place de lécole du XXIème siècle, sur les conséquences du passage de lenseignement professionnel en totale alternance, qui provoque une modification profonde de lorganisation du travail et enfin sur le respect des engagements pris à légard des départements doutre-mer et de la Seine-Saint-Denis.
M. Jean-Pierre Delalande, se prévalant de son expérience personnelle de maire, a souhaité évoquer les problèmes posés par larticulation entre la politique de léducation nationale et celle de la ville. Il a mis en garde contre les erreurs qui avaient été commises dans laffectation des enseignants dans les quartiers défavorisés. Il a souligné quil fallait respecter, de manière plus générale, léquilibre entre, dune part, les hommes et les femmes pour tenir compte de la disparition ou de linexistence du père dans nombre de famille et, dautre part, les enseignants jeunes et les enseignants âgés, de manière à allier expérience et enthousiasme dans la constitution des équipes pédagogiques. Relevant que léducation nationale était traditionnellement très centrée sur elle-même, il a estimé que beaucoup des problèmes de violence et de retard scolaire passait par le développement des contacts entre lécole et les parents. Il a fait état dune expérience, conduite à Deuil-la-Barre, pour donner de lavance aux parents sur les activités scolaires de leurs enfants et leur permettre de dialoguer davantage avec eux, déplorant que linspecteur dacadémie ait opposé, en invoquant le manque deffectifs, un refus à sa demande daffecter un instituteur à la réalisation de ce projet. Il a enfin considéré que laccueil des enfants de moins de trois ans devait, sauf à remettre en cause la cohésion sociale et lintégration des intéressés, être réalisé en même temps sur tout le territoire dune commune, ce qui rendait un tel projet, qui nécessite par ailleurs une délicate coopération entre les maires et ladministration de léducation nationale, particulièrement difficile à mettre en place.
M. Jean-Louis Dumont sest réjoui que le Ministre se soit montré déterminé à valoriser lenseignement dans les lycées professionnels, et ait ainsi rompu avec le mépris avec lequel ces lycées ont été traités au cours des dernières années. Il sest cependant demandé si les moyens financiers et humains prévus seraient suffisants pour faire aboutir une telle ambition et a mis en garde contre le risque dun lien trop étroit entre la gamme des formations proposées et les capacité dabsorption du marché local de lemploi, alors que dautres formations peuvent permettre de trouver des emplois en dehors de la région. Il a également indiqué quil était indispensable que le programme du Gouvernement relatif à lenseignement primaire se concrétise sur le terrain, notamment par ladhésion des recteurs à la politique ministérielle. Soulignant les excellents résultats obtenus par la délocalisation des enseignements supérieurs dans certaines villes moyennes, comme Bar-le-Duc, il a demandé une plus grande reconnaissance pour ces initiatives se traduisant par des financements à la hauteur de la qualité de leurs résultats. Il a, par ailleurs, insisté pour que la sélection des chefs détablissements tienne davantage compte de leurs compétences. Il a enfin jugé nécessaire de mieux reconnaître le rôle des enseignants affectés dans les zones déducation prioritaire dont il a salué laction auprès des exclus.
Mme Nicole Bricq a jugé que la coordination de la politique de la ville ne fonctionnait pas en raison de la non-concordance des critères daffectation. Elle a déploré que ladministration de léducation nationale adopte des critères quantitatifs, notamment deffectifs ou de décharge dheures, inadaptés aux zones urbaines sensibles qui subissent les conséquences des restructurations urbaines lourdes, et constaté que le même défaut affectait la négociation des contrats locaux de sécurité avec le ministère de lintérieur et de celui de la ville. Elle a, par conséquent, souhaité connaître les initiatives que le Ministre comptait prendre pour aboutir à une meilleure coordination transversale de ces politiques nationales.
Répondant aux intervenants, M. Claude Allègre a notamment précisé que :
le plan emplois-jeunes ne constitue pas un « gadget » destiné à employer des chômeurs, mais un dispositif impliquant un changement profond dans le rapport avec les élèves. La rotation des personnes intéressées (24 % des emplois-jeunes), sexplique par le fait quelles avaient trouvé un autre travail ; il importe pour autant que les fonctions assurées au sein de léducation nationale grâce à ces emplois-jeunes soient pérennisées ;
en décidant de rémunérer les « heures supplémentaires années » (HSA), 36 semaines par an au lieu de 42, le Gouvernement a réalisé une opération vérité qui a permis de financer le plan emplois-jeunes. Les heures supplémentaires doivent rester exceptionnelles et être choisies librement ; le régime des HSA, dont la création était, en son temps, justifiée par la nécessité de faire face à laugmentation du nombre denfants scolarisés, doit être adaptée au retour à la stabilité des effectifs, et être progressivement supprimée. Dans lenseignement secondaire, légalité est une revendication syndicale fondamentale. Or, compte tenu de la règle dérogatoire qui autorise certains enseignants à cumuler jusquà 150 % de leur salaire, lécart entre le revenu dun professeur débutant et le revenu le plus élevé permis par cette dérogation peut être de 1 à 6. Il est normal quun gouvernement socialiste cherche à corriger cette inégalité par un resserrement de léventail des rémunérations. Dans certains secteurs, il serait préférable de créer des postes de jeunes agrégés, plutôt que de rémunérer des heures supplémentaires.
le développement de lenseignement des langues vivantes dans le premier degré sera poursuivi et assuré de manière croissante par des enseignants étrangers ;
les variations deffectifs scolaires rendent nécessaire un redéploiement permanent de postes denseignants qui doit tenir compte de la décision gouvernementale de geler le nombre global des emplois publics ; une meilleure adaptation des moyens aux besoins passe par la mise en place de plans pluriannuels négociés ;
il est faux de dire, comme on lentend parfois dans les rangs de lopposition, que le nombre de fonctionnaires de léducation nationale est trop élevé ; il est inférieur en réalité à celui relevé aux États-Unis, quon le rapporte au nombre total dhabitants ou à celui de la population active. Les États-Unis ont délibérément choisi de confier pour lessentiel léducation, comme dailleurs leur système de santé, au secteur privé ; lactuel gouvernement français préfère renforcer le service public de léducation ; vouloir diminuer le nombre de fonctionnaires en poste dans le système éducatif français revient à se prononcer pour une privatisation, au moins partielle, dune partie de celui-ci ;
malgré la résistance quasi-culturelle de certains, il est indispensable de poursuivre leffort accompli en faveur des directeurs décole par le biais dun accroissement des décharges denseignement, dans la mesure où ils ont un rôle irremplaçable dans la conduite et la cohésion de léquipe éducative ;
pour lenseignement professionnel, faire admettre la généralisation de lalternance est un succès dont il faut se réjouir parce quil a levé le tabou de lapprentissage. Il faut néanmoins poursuivre le travail dadaptation des lycées professionnels placés parfois, comme en Seine Saint-Denis, devant un choix difficile : enseigner des matières sans disposer dentreprises susceptibles de relayer lenseignement théorique ou délivrer des formations dans les seuls domaines correspondant au tissu économique local. Il convient également de mettre au point des méthodes pédagogiques dans les matières qui nen disposent pas encore suffisamment aujourdhui. ;
le ministère a tenu ses engagements, lors de la présente rentrée scolaire, pour ce qui concernait les créations demplois en Seine Saint-Denis et les départements doutre-mer ;
le Gouvernement travaille en étroite relation avec les recteurs qui sont désormais reçus régulièrement chaque mois par les ministres concernés ;
le ministère de lÉducation nationale collabore activement à la mise en place de la politique de la Ville en liaison avec les municipalités concernées ; mais il faut être conscient que la création de postes correspondant à des tâches nouvelles ne peut se faire sans un certain délai. Le système éducatif ne saurait être considéré comme un sanctuaire et doit, bien au contraire, se situer au cur de la vie de la cité. Les conseils généraux et régionaux, loin dêtre de simples bailleurs de fonds, doivent pouvoir débattre avec les établissements denseignement des projets éducatifs, malgré les résistances des uns et des autres ;
Répondant à son tour aux intervenants, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à lenseignement scolaire, a notamment indiqué que :
la contribution de lÉtat na jamais été aussi élevée en faveur des contrats locaux de sécurité qui font lobjet de lignes budgétaires nombreuses tant des ministères de lÉducation que de la Jeunesse et des Sports, de la Ville ou de la Culture ; la priorité du Gouvernement en cette matière porte sur les actions de lutte contre la violence menées par les ministères de lIntérieur et de la Ville, tandis que des comités « santé-citoyenneté » se mettaient en place progressivement dans les écoles pour prévenir les conduites à risque ;
la nécessité du renforcement du dialogue entre lécole et les parents fait lobjet dun large consensus politique ; pour la première fois, une campagne radiophonique de grande ampleur sera menée, en octobre prochain, en faveur de cette action ;
la scolarisation des enfants de moins de trois ans est un élément déterminant de légalité des chances ; aussi, contrairement à lidée défendue par M. Jean-Pierre Delalande, faut-il accorder une priorité à laccueil des enfants issus des quartiers difficiles sans attendre de disposer des structures suffisantes à léchelle de toute une ville. Il sagit dune question de justice sociale sur laquelle le Gouvernement actuel ne saurait transiger.
M. Claude Allègre a ensuite présenté le budget de lEnseignement supérieur. Il a indiqué que ce budget était en augmentation de 2,6 milliards de francs, soit 5,4 %, et atteindrait donc 51 milliards de francs en 1999 et souligné que cette progression, lune des plus fortes du projet de loi de finances, montrait que le Gouvernement était convaincu de la nécessité de constituer un enseignement supérieur moderne, gage de la compétitivité future de notre pays. Il a relevé que cette évolution, alors même que les effectifs étudiants étaient stabilisés, permettrait les remises en ordre nécessaires.
Le Ministre a indiqué que les engagements pris au titre du plan social étudiants seraient tenus et que 808 millions de francs étaient inscrits pour engager ce plan dans le budget pour 1999.
Il a évoqué le niveau élevé des crédits dinvestissements qui était lié au lancement du plan « Université du troisième millénaire » (U3M), pour lequel il était souhaitable dagir dune manière plus décentralisée que pour le plan « Université 2000 ». Il a souhaité que, lors du colloque qui se tiendra au Sénat, les 3 et 4 décembre prochains, sur le bilan dUniversité 2000 et les perspectives dU3M, les députés apportent une participation active.
Il a souligné que le taux dencadrement continuerait à saméliorer en 1999, puisquon serait passé de 1995 à 1999 de 22,7 étudiants par enseignant à 19,25. Il a rappelé que 1.500 postes seraient créés grâce au basculement de postes dattachés temporaires denseignement et de recherche (ATER) et que 5.200 enseignants supplémentaires avaient été recrutés lannée dernière, ce qui constituait un effort sans précédent.
Il a considéré que 1999 serait lannée effective de lharmonisation européenne de la simplification des diplômes et de lharmonisation avec les grandes écoles. Il a observé que plusieurs de nos partenaires européens, notamment lItalie et lAllemagne, étaient en train dadopter les législations nécessaires ; plus généralement, il sest félicité de laccueil très favorable reçu par la démarche française en Europe, sous réserve des réticences des deux pays, les PaysBas et le Danemark, qui rémunèrent leurs étudiants et craignaient que lharmonisation des diplômes, attirant un grand nombre détudiants , ne soit coûteuse pour leurs finances.
A propos des premiers cycles, il a observé que le travail en petits groupes se mettait en place. Il a réfuté les jugements comparatifs habituellement portés sur la différence de sélectivité entre les premiers cycles universitaires et les classes préparatoires, indiquant que les taux de réussite des étudiants sur trois ans étaient respectivement de 60 % et de 64 %. Il a constaté que lécart était limité, et reconnu que le taux de réussite à lissue du premier cycle pourrait difficilement excéder 70 %.
Il a enfin déclaré que, certaines filières sans débouchés continuant à être surpeuplées, en particulier la sociologie et la psychologie, il réfléchissait à la mise au point de dispositifs correcteurs, tout en excluant de modifier la loi Savary.
M. Alain Claeys, rapporteur spécial pour les crédits de lenseignement supérieur, qualifiant le projet de budget de lenseignement supérieur de très bon budget, a interrogé le Ministre sur les moyens qui seraient dégagés pour la construction de logements sociaux et la rénovation des résidences universitaires dans le cadre du Plan social étudiant et du plan U3M. A propos de lencadrement administratif, il sest demandé, après avoir relevé la création de 150 emplois de bibliothécaires, si la prévision de 650 emplois dIATOS contre 850 lannée précédente, était cohérente avec la volonté daméliorer laccueil des étudiants et la capacité dadministration des universités. Il a appelé à une remise en ordre de la gestion par certaines universités des heures complémentaires. Il a demandé au Ministre des précisions sur la mise en uvre des priorités annoncées lan dernier pour les nouvelles technologies audelà des quarante postes annoncés dans les IUFM et la formation continue, ainsi que sur le montant global des crédits qui seraient consacrés au plan U3M sur la période 20002006. Rappelant la forte sous-évaluation du désamiantage du campus de Jussieu, dont le coût devrait être au moins trois fois supérieur aux 1,2 milliard de francs initialement prévus, il a pris note de linscription de 560 millions de francs en autorisations de programme et 321 millions de francs en crédits de paiement pour 1999 et sest informé de la montée en puissance ultérieure de ce programme ainsi que des perspectives de déménagement vers la ZAC de Tolbiac. Il a enfin demandé des précisions sur la contribution totale du ministère de léducation nationale à la construction du musée des arts premiers jusquen 2004, après linscription, en 1999, de 62 millions de francs en autorisations de programme et de 15 millions de francs en crédits de paiement.
Répondant au Rapporteur spécial, M. Claude Allègre a apporté les précisions suivantes :
150 millions de francs seront inscrits au titre de la rénovation des résidences universitaires en 1999 ;
sans sengager dans une évaluation globale des crédits du plan U3M au risque de se lier par avance, on peut cependant estimer à 9 milliards de francs au moins le coût des actions daccueil et de logement des étudiants, qui sont indispensables pour attirer des étudiants du monde entier et permettre à la France de remplir sa vocation de pays de formation en Europe et dans le monde ;
en 1998 et 1999, plus de 2.000 postes dIATOS auront été créés. Par ailleurs, 800.000 heures complémentaires auront été économisées. Quant à la nécessaire remise en ordre, elle est notamment liée à la difficile question de lapplication ou non des 35 heures hebdomadaires aux IATOS ;
leffort sera poursuivi en matière de nouvelles technologies, mais sera plutôt centré sur les IUFM, car, en général, les universités sont dores et déjà bien équipées ;
louverture toute lannée de treize universités à la formation continue a été une réussite. Comme le rapport du recteur de Gaudemar sur la formation continue le rappelle, la réflexion implique de distinguer trois concepts : léducation continue (il sagit de se tenir informé des évolutions des métiers comme le font, par exemple, les médecins avec les « entretiens de Bichat ») ; la formation continue technique (par exemple, la formation aux nouvelles technologies) ; la formation continue diplômante. La mise en place de cette dernière se heurte à des réticences dans la Fonction publique, comme dans les entreprises, compte tenu de ses incidences sur la définition des fonctions et des grilles salariales. Seule une négociation interprofessionnelle permettra de progresser. Il faut dailleurs se poser la question du choix entre la formation suivie du passage dun diplôme à proprement parler et la validation diplômante des acquis. En tout état de cause, lenseignement dans le cadre de la formation continue sera introduit dans les obligations de service des enseignants du supérieur ; la demande est beaucoup plus forte en droit, économie, gestion, que dans les disciplines philosophiques et littéraires ;
il a souhaité mettre laccent, plus que ne le faisait la circulaire du 31 juillet 1998 relative à la préparation des contrats de plan, sur la nécessité dadopter, dès la première phase du plan U3M, qui est inclus dans ces contrats, une démarche décentralisée et il a prescrit aux préfets, en conséquence, de se mettre à lécoute des projets remontant des régions.
M. Alain Claeys, approuvant ces propos du Ministre, a fait observer que le plan U3M différait du plan Université 2000 puisquil touchait également aux conditions daccueil des étudiants et à la recherche.
Le Ministre a enfin évoqué les points suivants :
la dépense pour le Musée des Arts premiers dépassera 1 milliard de francs à la charge des ministères de la Culture et de lÉducation nationale et les premiers crédits inscrits permettront de commencer les acquisitions et les études nécessaires. Le Musée des Arts premiers est un excellent projet qui répondait à une nécessité ; ce ne sera pas un musée de collectionneurs, mais un lieu également destiné aux ethnologues et aux chercheurs ; au demeurant, lannonce de sa création a longuement été applaudie au dernier congrès mondial dethnologie ;
sagissant du désamiantage du campus de Jussieu, il convient, en premier lieu, de souligner que les étudiants ne courent aucun risque, car le taux de contamination des locaux est inférieur à 5 fibres par litre dair. Le coût pourrait être supérieur de trois à cinq fois au coût initialement prévu, et donc plus élevé que le coût dune construction neuve. En outre, dès lors que le calfeutrage par lamiante aura été supprimé, la structure métallique soudée de limmeuble de Jussieu sera extrêmement sensible aux incendies ; ce risque est évidemment particulièrement inacceptable dans une faculté de chimie compte tenu de la fréquence des incendies dus aux erreurs de manipulation. Dans ces conditions, la question de lavenir de Jussieu est réellement posée. Elle sera traitée de même que celle de laménagement du site de Tolbiac dans le cadre du plan U3M de la région IledeFrance, dont lélaboration a lieu dans un climat de bonne coopération entre lÉtat, le conseil régional, les conseils généraux et la Mairie de Paris. Une vérification systématique des conditions de sécurité dans lensemble du campus a été décidée, compte tenu des carences possibles au moment de la construction des bâtiments.
fpfp
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