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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 20 octobre 1998
(Séance de 16 heures 45)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 (n° 1106)


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La commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan a procédé à l’audition de Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Mme Martine Aubry a confirmé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un retour à l’équilibre du régime général en 1999, après des déficits de 33 milliards de francs en 1997 et de 13 milliards de francs en 1998, sans prélèvement nouveau ni diminution de remboursement. Elle a évalué la part de la croissance dans la réduction du déficit de 1998 à environ 6 milliards de francs. Elle a rappelé ensuite que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour 1999 devait croître de 2,6 % par rapport à 1998 : ce taux de croissance, bien que supérieur aux 2,27 % prévus de 1997 à 1998, restait rigoureux, comparé au taux prévisionnel de croissance économique en valeur, soit 3,9 %.

Qualifiant la modération dans l’évolution des dépenses de santé de possible et nécessaire, elle a fait valoir que le projet de loi de financement de la sécurité sociale traduisait l’attachement au principe de solidarité, fondateur de l’institution, que traduit également la création de la couverture maladie universelle, comme garantie pour tous de l’affiliation à un régime de base. Elle a annoncé son intention d’organiser des états généraux de la sécurité sociale permettant de faire participer les usagers à la définition de la politique de santé. Elle a ensuite mis en valeur l’objectif de meilleure utilisation des ressources, qui serait rempli grâce au bon fonctionnement de la politique conventionnelle et par l’engagement de réformes structurelles. A titre d’illustration, elle a cité l’aide à l’informatisation des cabinets de médecins, la lutte contre la surconsommation de médicaments et une politique hospitalière plus adaptée à l’apparition de nouvelles pathologies et plus soucieuse de l’attente des malades. A ce sujet, elle a précisé que le Gouvernement voulait, dans chaque région, associer un plateau technique sophistiqué avec un réseau de proximité efficace, qui prendrait notamment en charge les affections chroniques ou les problèmes de dépendance. Elle a ajouté que dans le cadre de la recomposition hospitalière, 2.900 suppressions effectives de lits auraient lieu cette année et que 330 établissements étaient impliqués.

La Ministre a indiqué que, dans la logique de cette action, elle avait décidé de créer une commission pour la transparence de l’information médicale, associant parlementaires, État, caisses, responsables, professionnels, pour construire les bases d’une information crédible et non contestée. Elle a fait part de son désir de s’appuyer sur les unions régionales de médecins libéraux afin d’évaluer au sein de la profession les pratiques de chacun. Elle a expliqué que le projet de loi donnait un fondement légal au système du médecin référent, choisi par le patient, qui serait chargé d’organiser filières et réseaux de soins et mettre en valeur les manques de médecins spécialistes dans des disciplines telles que l’anesthésie-réanimation. Elle a cité, parmi les moyens de maîtriser la démographie médicale, la définition, par négociation avec les internes, de quotas d’internes en fonction des besoins. Elle a également cité au même titre la réforme du mécanisme d’incitation à la cessation d’activité des médecins (MICA) qui sera davantage ciblé sur les spécialités ou les régions excédentaires.

Abordant les mesures relatives au médicament, elle a tout d’abord évoqué la rationalisation de la prescription et de la prise en charge à partir de l’effet médical, puis le nouveau développement des médicaments génériques par le biais du droit de substitution accordé aux pharmaciens.

Mme Martine Aubry a ensuite présenté les mesures du projet de loi destinées à préserver le système d’assurance-maladie. Elle a, en premier lieu, exprimé sa volonté de ne pas laisser déraper les dépenses de ce régime, et précisé que le Gouvernement avait choisi, pour atteindre cet objectif, de modifier le système de reversement en vigueur dans le sens d’une régulation globale des dépenses de santé, conformément aux orientations du rapport Stasse, faisant appel à la responsabilité collective, et non plus individuelle, des médecins. Elle a ajouté que ce mécanisme se déclencherait en cas de dépassement de plus de 10 % de l’ONDAM, et comporterait une exonération en faveur des médecins récemment installés.

Elle a évoqué la mise en place, pour la première fois, d’une clause de sauvegarde de l’industrie pharmaceutique, et le renforcement de l’encadrement de la dépense dans les établissements médico-sociaux. Elle a ajouté que le texte prévoyait un dispositif de fixation des prix des spécialités pharmaceutiques par voie conventionnelle, dans le cadre du comité économique du médicament, et que l’intervention de la caisse nationale d’assurance-maladie, et en dernier ressort, de l’État, ne serait envisagée qu’en cas d’échec de la procédure conventionnelle.

A propos des accidents du travail, elle a manifesté l’intention du Gouvernement d’améliorer la sécurité des conditions de travail et la prise en charge des maladies professionnelles. Parmi les mesures correspondant à cette orientation, elle a cité l’enveloppe d’un milliard de francs destinée à financer des actions de prévention des accidents et le dispositif destiné à compléter les modalités de réparation des maladies professionnelles, tout en garantissant mieux les droits des victimes.

Parlant de la politique de la famille, elle a rappelé qu’en application des décisions de la conférence sur la famille du 12 juin dernier, la réforme du quotient familial avait été substituée à la mise sous condition de ressources des allocations familiales et évalué à 350.000 le nombre de familles bénéficiant de l’extension de l’allocation de rentrée scolaire à l’ensemble des familles ayant un enfant. Elle a en outre mentionné l’extension des allocations familiales jusqu’à 20 ans et les majorations spéciales bénéficiant aux allocataires du revenu minimum d’insertion. Pour conforter les jeunes dans leur relation éducative, elle a annoncé qu’un milliard de francs serait consacré par le fonds d’action sociale de la caisse nationale d’allocations familiales, à la mise en place de lieux de rencontre pour familles en difficulté.

Mme Martine Aubry a par ailleurs proclamé la volonté du Gouvernement de consolider les régimes de retraite par répartition. Elle a rappelé qu’une mission d’évaluation, dont les conclusions étaient attendues courant 1999, avait été confiée au Commissaire général du Plan. Elle a ensuite fait état de la revalorisation d’1,2 %, au lieu de 0,7 % qui correspondait à l’application de la loi. Elle a indiqué que la création du fonds de réserve vieillesse avait une valeur symbolique, à la fois par sa signification au fond (consacrer au régime vieillesse les excédents futurs) et par la faiblesse de son montant. Elle a précisé que ce fonds serait accru dans les trois ans qui viennent par certains autres concours tels que les apports sociaux des caisses d’épargne annoncés par le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

Elle a enfin évoqué la poursuite de la réforme du financement de la protection sociale, qu’il faut rendre plus juste et plus favorable à l’emploi, sans provoquer de prélèvement supplémentaire sur les ménages ni augmenter le prélèvement global sur les entreprises. Elle a déclaré, à cet égard, que la politique du Gouvernement s’attacherait à renforcer et à consolider le système français de protection sociale, en protégeant son domaine de compétence, de sorte, en particulier, que les fonds de pension ne se substituent pas à la sécurité sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d’État à la Santé, a déclaré que l’action du Gouvernement en matière de politique de santé reposerait sur quatre orientations principales. En premier lieu, il a indiqué que nos concitoyens seraient pleinement associés à la définition de la politique de santé, par le biais de la tenue d’états généraux chargés d’identifier les objectifs majeurs des prochaines années en matière de santé publique, d’accorder une place plus grande aux usagers, d’accroître les droits des malades et d’améliorer la prise en charge par l’assurance maladie. Il a souligné qu’il conviendrait de renforcer l’échelon régional pour assurer une meilleure adéquation entre les besoins de santé et l’offre de soins. Il a précisé, par ailleurs, qu’un document d’orientation serait largement diffusé à l’appui d’un questionnaire qui serait adressé à chacun et que des débats auraient lieu, dans chaque ville, autour de thèmes retenus par un comité de pilotage régional, les citoyens étant appelés à participer à ces forums par l’intermédiaire d’appels à candidature diffusés par voie de presse et de télévision régionales.

Le Ministre a indiqué, en deuxième lieu, que la politique de santé serait renforcée dans le domaine de lutte contre les morts évitables, ce qui passerait par la mise en place des institutions de veille sanitaire, par la promotion de normes et de bonnes pratiques cliniques, les décrets sur la périnatalité étant déjà sortis, ceux sur les urgences, les greffes, les anesthésies et la procréation médicalement assistée devant suivre. Il a noté que l’amélioration de la qualité des soins concernait également la médecine de ville ce qui ne signifiait pas seulement la mise en place de références médicales négatives, mais aussi des recommandations de bonne pratique et un contrôle par les pairs, ainsi qu’une réforme de la formation médicale continue avec l’institution d’un bilan formation tous les cinq ans pour les médecins et la mise en place d’un mécanisme d’assurance-qualité, en particulier dans les dépistages.

Il a rappelé que les crédits destinés à financer la lutte contre le tabagisme et la grande campagne de sensibilisation au sevrage qui serait menée en 1999 passeraient de 20 à 50 millions de francs, tandis que le transfert dans le secteur médico-social des centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie (CHAA), prévu par la loi contre les exclusions, serait financé selon des modalités inscrites dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale et qu’il s’accompagnerait de programmes régionaux mis en oeuvre par des comités départementaux.

En outre, il a précisé que la lutte contre l’hépatite C serait fondée sur une large campagne de prévention auprès des usagers de drogue et sur un dépistage destiné au grand public, accompagné d’une sensibilisation des professionnels et d’une augmentation de personnels pour les trente pôles de lutte contre cette maladie, l’ensemble étant financé par des crédits inscrits à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et apportés par la CNAM pour les réseaux d’hôpitaux et de ville, avec la possibilité d’un paiement au forfait et l’institution d’un dossier médical unique détenu par le patient. Il a poursuivi son propos en déclarant qu’une autre priorité de la prévention devait porter sur le dépistage des cancers, qui n’est pas satisfaisant. Il a annoncé une action prioritaire en direction des cancers de l’utérus, du sein et du côlon, qui touchera l’ensemble du territoire, pourrait impliquer tous les médecins généralistes à condition qu’ils aient souscrit à un cahier des charges précis, l’assurance maladie assurant la prise en charge à 100 % de ce dépistage. En matière de promotion de la santé des jeunes, le Ministre a fait part des efforts qui seront menés pour lutter contre la consommation de tabac et d’alcool et pour réduire le nombre de suicides et d’accidents de la route, ce qui impliquera une augmentation des capacités des services de pédopsychiatrie et la prise en charge de la formation des intervenants sociaux par le secteur psychiatrique.

En troisième lieu, M. Bernard Kouchner a souligné que la lutte contre la douleur constituerait une priorité, de la même façon que les soins palliatifs, en déclarant que les effectifs médicaux et le nombre de lits doubleraient, tandis qu’un carnet douleur sera donné à chaque patient dans les hôpitaux et qu’une fiche d’évaluation leur sera remise à leur sortie. Il a indiqué que 50 millions de francs seront consacrés, dans le cadre de l’ONDAM, à la formation initiale des médecins dans ces spécialités.

Enfin, il a rappelé qu’un fonds d’aide à la qualité des soins de ville, chargé de financer l’élaboration de références de bonnes pratiques par les professionnels, la mise au point de normes ou de protocoles ou, enfin, de financer le réseau de santé qui ne relèverait pas du cadre conventionnel et les applications relatives à la qualité des soins sur le réseau de santé social serait créé pour cinq ans et doté de 500 millions de francs en 1999, tout en précisant que les actes non prescriptifs pourraient être remboursés dans un cadre conventionnel dans des domaines tels que la prévention, la formation, les études de santé, ou la veille sanitaire et que le fonds ainsi créé pourrait financer un forfait par malade, par pathologie ou par famille. Il a enfin indiqué que d’autres modes d’exercice de la médecine que libéraux pourraient être expérimentés dans ce cadre et qu’il convenait de renforcer les liens entre hôpitaux et médecine de ville.

Après avoir approuvé l’organisation d’états généraux de la santé et s’être félicité de l’effort de transparence et d’association des médecins à l’évaluation de leurs pratiques professionnelles dans le cadre de la réforme de l’assurance-maladie, M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, s’est interrogé sur les modalités du passage d’un excédent de 10,5 milliards de francs apparaissant à la lecture des articles de recettes et de dépenses du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’équilibre des comptes sociaux annoncé par la Ministre. Il s’est demandé s’il ne convenait pas de confier la charge de l’évaluation des pratiques médicales, non pas aux unions de praticiens, mais aux sections. Évoquant les deux dispositifs de régulation des dépenses en matière d’assurance-maladie par des clauses de sauvegarde, il a considéré que si la clause de sauvegarde collective était utile pour les médecins, il y avait lieu de s’interroger sur les moyens de garantir le respect par le seul secteur pharmaceutique d’un objectif de dépenses en fait commun à l’ensemble des acteurs de la santé. Il a demandé, à la suite de l’adoption par l’Assemblée nationale en première lecture de l’abaissement du plafond du quotient familial quels étaient les seuils de revenus à partir desquels les familles seraient touchées par la mesure.

M. Jérôme Cahuzac a ensuite plaidé pour une revalorisation du minimum vieillesse. Il a suggéré, en raison des importantes difficultés financières rencontrées par les associations d’aide à domicile l’exonération à 100 % des charges de cotisations patronales pesant sur ces associations. Il s’est enfin interrogé sur la solidité juridique de l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui validait, en quelque sorte à titre de prévention, les dispositions de la contribution de l’industrie pharmaceutique instituée en 1996 et actuellement contesté devant le juge administratif.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial des crédits de la Santé, a tout d’abord salué la progression de 4,5 % du budget de la Santé, qui permettra de financer les priorités du Gouvernement et les mesures votées en 1998, notamment en matière de lutte contre les exclusions et de veille sanitaire. Il a demandé des précisions sur les dispositions législatives prévues pour améliorer les outils d’évaluation, renforcer la formation continue des médecins et réorienter la politique du médicament, notamment vers la promotion des médicaments génériques Il a, par ailleurs, interrogé Mme Martine Aubry sur les mesures prévues en faveur d’une plus grande transparence dans la répartition des crédits destinés aux agences régionales, notamment en Ile-de-France.

M. Jacques Barrot a souhaité avoir des informations sur les intentions du Gouvernement en matière de maîtrise médicalisée des dépenses de santé et a fait part de son opposition à tout dispositif qui instaurerait une surveillance individuelle des médecins. Il s’est déclaré favorable à une restructuration hospitalière qui intégrerait à la fois les lits et le personnel, et a demandé si le Gouvernement était prêt à faire des efforts sur ce dossier. Il s’est par ailleurs interrogé sur la compatibilité entre le monopole de l’assurance maladie et les dispositifs de conventionnement sélectif annoncés par le Gouvernement. Il a fait part de sa crainte que le projet de loi de financement instaure une régulation administrative de la politique du médicament, et a estimé que, dans ce domaine, une harmonisation européenne des prix était inévitable. Il a, d’autre part, considéré que le Gouvernement, en retenant une progression des retraites supérieure à celle prévue pour les allocations familiales, transmettait aux jeunes un message négatif. Faisant état des mesures qu’il avait prises pour augmenter la médicalisation des lits des maisons de retraite, il a demandé si cet effort serait poursuivi.

M. Jean-Pierre Kucheida a attiré l’attention sur la faiblesse du taux de réversion des pensions du régime minier, et a souhaité connaître le calendrier de rattrapage envisagé sur ce point par le Gouvernement. Il a également interrogé Mme Martine Aubry sur les mesures qui pourraient corriger l’assujettissement à la CSG des avantages en nature perçus par le personnel minier qu’il a considéré comme responsable d’une baisse de 1 à 1,5 % de pouvoir d’achat. Il a enfin estimé que l’importance de l’alcoolisme constatée dans le Nord-Pas-de-Calais justifiait l’implantation ou le renforcement de plusieurs centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie, notamment à Liévin, et a souhaité connaître les crédits prévus à cet effet.

M. Christian Cabal a tout d’abord estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrivait dans la continuité des principes posés en 1996. Il a par ailleurs souhaité que les régimes de sécurité sociale prennent en charge les soins de chirurgie esthétique, et que le nombre des médecins du travail, ainsi que la formation qui leur est dispensée, soient renforcés afin de répondre à l’évolution démographique.

Mme Nicole Bricq a interrogé la Ministre sur le calendrier et la méthode retenus pour la prestation spécifique dépendance.

M. Jean-Marie Le Guen a souhaité savoir si le projet de loi de financement intégrait le coût de la couverture maladie universelle annoncée par le Gouvernement. Il a également demandé des précisions sur les dispositions prévues par les articles 21 et 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en cas de dépassement de l’ONDAM, et sur la manière dont elles seraient répercutées sur le corps médical.

M. Raymond Douyère s’est préoccupé des conclusions du rapport de la Cour des comptes sur le supplément de cotisations que le Gouvernement s’était engagé à verser aux caisses complémentaires de retraites, au moment l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans, au titre de la validation, par ces régimes, des périodes au cours desquelles leurs adhérents avaient bénéficié d’allocations de chômage ou de pré-retraites.

Le Président Augustin Bonrepaux a demandé des précisions sur l’état d’avancement des négociations destinées à améliorer le dispositif de l’allocation de remplacement pour l’emploi (ARPE).

Répondant aux différents intervenants, Mme Martine Aubry a précisé que l’excédent de 10,5 milliards de francs cité par M. Jérôme Cahuzac, à la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, provenait d’une différence de champ entre l’évaluation des dépenses et l’évaluation des recettes, la première se limitant aux régimes de plus de 20.000 cotisants, la seconde intégrant tous les régimes, ainsi que le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Elle a précisé que l’excédent réel atteignait 4,8 milliards de francs, dont 300 millions de francs pour le régime général, 2,5 milliards de francs pour le FSV et 2 milliards de francs réservés au fonds créé en faveur des régimes de retraite. S’agissant des clauses de régulation économique, elle a souhaité que la CNAM instaure un suivi des dépenses par région et par spécialité afin de détecter avec précision les dérapages. Elle s’est en outre déclaré prête à examiner la proposition du Rapporteur visant à mettre en place des réseaux communs entre médecins spécialistes et médecins généralistes. Elle a également donné son accord à un renforcement de la politique conventionnelle menée en direction des pharmaciens en insistant sur le fait que le Gouvernement ne pouvait être accusé d’avoir recouru à la régulation administrative crainte par M. Jacques Barrot. Elle a souligné la nécessité d’aboutir à une plus grande homogénéité des prix et des taux de remboursement des médicaments, afin d’aider les médicaments les plus innovants, en réduisant les prix des spécialités dont les effets médicaux étaient plus faibles, et s’est déclarée favorable à un renforcement du Comité économique du médicament. Elle a par ailleurs précisé que la réforme du quotient familial toucherait les familles à revenu élevé et aboutirait pour l’État, compte tenu du rétablissement du versement des prestations familiales, à une dépense nette supplémentaire de 1,5 milliard de francs destinée aux ménages les plus modestes. Elle s’est, en outre, déclarée déterminée à examiner la possibilité d’améliorer le minimum vieillesse et les pensions de réversion.

La Ministre a également indiqué que les conditions d’octroi de l’aide à domicile avaient fait l’objet d’une mission d’inspection commune à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des Finances et que le Gouvernement estimait qu’il y avait lieu de prendre en considération le niveau des revenus dans la fixation des aides destinées à compenser la dépendance des personnes âgées. Elle a notamment déclaré que l’exonération totale de charges sociales pour l’emploi d’une aide, accordée aux personnes âgées de plus de 70 ans, empêchait la professionnalisation de l’aide à domicile, dans la mesure où ces personnes se trouvaient ainsi dissuadées de passer par l’intermédiaire d’une structure associative de prestations de services. Elle a ajouté que le Gouvernement comptait créer de véritables métiers de la dépendance, notamment au sein des établissements d’accueil médicalisés. Elle a enfin précisé qu’une aide d’urgence de 30 milliards de francs était inscrite au budget des Affaires sociales en faveur des associations d’aide à domicile, et a regretté que la CNAM n’ait pas accompagné l’effort consenti par l’État sur ce point. Elle a indiqué qu’une concertation était actuellement en cours avec la Fédération nationale d’aide à domicile afin de trouver des solutions aux difficultés structurelles rencontrées par les associations.

Mme Martine Aubry a indiqué en outre que certaines dispositions de la contribution exceptionnelle sur les produits pharmaceutiques faisaient l’objet d’un recours auprès de la Cour de justice des Communautés européennes et que le Gouvernement envisageait une refonte du système pour le mettre en conformité avec le droit communautaire. Évoquant la répartition des équipements hospitaliers par région, elle a souligné que seule l’Ile-de-France se situait au-dessus de la moyenne nationale, mais que cette région recelait elle-même des inégalités en son sein. Elle a jugé que si, compte tenu des délais d’attente relevés dans certaines régions pour obtenir une consultation ou une intervention, un effort de rattrapage devait impérativement être entrepris, ce rattrapage devait prendre en compte, non pas la moyenne nationale, mais le rapport entre le nombre de lits existants et le nombre de malades potentiels.

Elle a ensuite précisé les points suivants :

– 7.000 places de cures médicalisées seront créées pour les personnes âgées, dans le cadre de l’ONDAM en 1999 ;

– seuls les retraités du régime des mines assujettis à l’impôt sur le revenu ont perdu du pouvoir d’achat en raison du transfert de la cotisation maladie sur la CSG, ce qui représente une minorité d’entre eux ;

– il manque à la médecine du travail de 500 à 600 médecins par rapport aux besoins. Le Gouvernement se préoccupe d’améliorer le statut des intéressés, qui passent aujourd’hui l’essentiel de leur temps à effectuer des examens cliniques à leur cabinet, plutôt que de se rendre dans les ateliers et les bureaux, tout en réglant le problème de leur trop grande dépendance vis-à-vis des employeurs et en améliorant leur rémunération ;

– il n’est pas possible d’envisager d’accorder le bénéfice de la prestation spécifique dépendance (PSD) à toute personne âgée, quel que soit son degré de dépendance et quelles que soient ses ressources. En effet, aujourd’hui, 85.000 personnes âgées sont prises en charge et le nombre de 100.000 sera vraisemblablement atteint fin 1998. Cela représente un coût élevé pour la collectivité. Il est certes souhaitable d’améliorer la loi actuelle tout en conservant deux points positifs essentiels : l’existence d’une grille d’analyse de mesure de la dépendance et le dispositif conventionnel, qui permet de définir les services offerts par les établissements et le taux de prise en charge. Le niveau de la PSD fera l’objet d’un bilan au 15 janvier prochain, et, si le taux de prise en charge des personnes âgées hébergées en établissement s’avère insuffisant, le Gouvernement proposera les mesures adéquates. Par ailleurs, si le principe de la récupération sur la succession de l’allocataire des sommes versées au titre de la PSD doit être maintenu, le seuil de récupération (300.000 francs) est aujourd’hui trop bas et présente, de ce fait, un caractère dissuasif ;

– le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ne contient pas de provisionnement pour la couverture sociale universelle dont le coût annuel est estimé à 2 milliards de francs. Le financement de cette mesure, qui devrait prendre effet en septembre 1999, sera intégré au projet de loi de financement pour l’an 2000 ;

– la Caisse nationale d’assurance maladie réfléchit aux modalités du contrôle sur les médecins. Si le Gouvernement souhaite être particulièrement attentif aux déviations de certains médecins, il n’envisage pas d’établir un montant de dépense par profil-type de patient ;

– l’État n’ayant pas honoré ses engagements quant au paiement à l’AGIRC et à l’ARRCO du coût de la validation des périodes de chômage indemnisé ou de pré-retraite, ces organismes ont suspendu la validation des périodes en cause depuis 1996 ; cette question fait actuellement l’objet d’une étude attentive de la part du ministère, pour déterminer, en accord avec ces organismes, le montant de la dette de l’État ;

– le coût de l’allocation de remplacement pour l’emploi (ARPE), qui est versée, à compter de l’âge de 57 ans aux salariés justifiant de 40 annuités de cotisations, s’élève à 26 milliards de francs. Une négociation a repris quant à la possibilité d’améliorer les conditions d’attribution de l’ARPE pour les personnes ayant commencé à travailler avant l’âge de 16 ans.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d’État à la Santé, a fait part de son souhait de décloisonner la médecine, d’autant que la spécialisation croissante liée aux recherches et aux nouvelles thérapies (carte génomique, par exemple) rend nécessaire une meilleure coordination entre praticiens. Il a considéré qu’il serait difficile de lutter contre la tendance conduisant les patients à vouloir des médicaments de confort, ce qui aurait un coût pour l’assurance maladie. Il a ensuite souligné que les outils d’évaluation des dépenses de santé s’amélioraient, et que 54 % des médecins français avaient reçu l’aide à l’informatisation versée par la CNAM, dans le cadre de la mise en œuvre de la première partie du plan SESAM-VITALE portant sur les feuilles maladie. Il a estimé qu’il restait à définir la manière dont ce réseau serait géré, dès lors qu’il aurait vocation à intégrer l’ensemble du dossier médical du patient.

Le Ministre a ensuite évoqué la formation médicale continue, qui se heurte aux associations de formation gérées par les syndicats eux-mêmes, et a indiqué que le Gouvernement proposerait des choix d’évaluation, soit en gestion individuelle, par un système de points comparable à l’ancien système, soit par un contrôle périodique de connaissance sur des grands sujets de santé publique déterminés par le ministère. Il a rappelé à cet égard que le financement de la formation continue était actuellement déséquilibré, à raison de 2,5 milliards de francs apportés par les laboratoires pharmaceutiques et 300 millions de francs versés par l’État.

Il a par ailleurs déclaré que les médicaments génériques trouvaient graduellement leur place dans les thérapies. En ce qui concerne l’automédication, il a estimé nécessaire de prendre garde à ce qu’elle n’entraîne aucun risque pour la santé publique, tout en ajoutant qu’il fallait, en outre, en examiner les aspects juridiques, notamment en matière de publicité et de droit de la concurrence.

M. Bernard Kouchner a souligné que la pharmacopée française disposait de l’ensemble des médicaments disponibles, et que le nombre de produits présentés sur le marché français excédait largement le nombre des médicaments considérés comme essentiels par l’Organisation mondiale de la santé. Il a confirmé que l’ONDAM englobait les actions des comités d’hygiène alimentaire et d’alcoologie. Il a enfin indiqué que les chirurgiens esthétiques faisaient l’objet de contrôles étroits, certains ayant révélé de graves manquements à l’hygiène la plus élémentaire.

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