Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 20

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 4 novembre 1998
(Séance de 18 heures)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

puis de M. Arthur Dehaine, Vice-président

SOMMAIRE

 

pages

Examen de la proposition de résolution (n° 1117) de M. Gérard Fuchs, rapporteur de la Délégation de l’Union européenne sur les recommandations (n° E 1145) de la Banque centrale européenne relatives aux réserves obligatoires, à la collecte d’informations statistiques et à ses pouvoirs en matière de sanctions (M. Alain Barrau, rapporteur).




2

La commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan a examiné, sur le rapport de M. Alain Barrau, rapporteur, la proposition de résolution (n° 1117) de M. Gérard Fuchs, rapporteur de la Délégation de l’Union européenne sur les recommandations (n° E 1145) de la Banque centrale européenne relatives aux réserves obligatoires, à la collecte d’informations statistiques et à ses pouvoirs en matière de sanctions.

M. Alain Barrau, rapporteur, a tout d’abord indiqué que la commission des Finances était saisie pour la première fois d’une proposition de résolution sur le fondement de recommandations émanant de la Banque centrale européenne. Il a souligné que la procédure prévue par l’article 88, alinéa 4, de la Constitution, présentait l’intérêt majeur de permettre à l’Assemblée nationale d’émettre un avis dans un domaine où le traité instituant la Communauté européenne ne laissait que peu de place au contrôle des Parlements nationaux.

Le Rapporteur a ensuite précisé que la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs, au nom de la délégation pour l’Union européenne, portait sur trois recommandations de la Banque centrale européenne (BCE), qui constituaient, en application de l’article 106 du traité, le préalable à des règlements du Conseil européen, relatifs respectivement aux réserves obligatoires que la BCE demandera aux banques de constituer, à la collecte des statistiques et aux sanctions que la BCE pourra infliger. Évoquant les réserves obligatoires, il a noté que l’obligation qui incombait aux banques d’en constituer auprès de la BCE résultait de l’article 19 du Protocole n° 3 sur les statuts du Système européen de banques centrales (SEBC). Il a indiqué que l’incertitude qui avait prévalu sur le taux des réserves était levée depuis que M. Wim Duisenberg, Président de la BCE, avait annoncé, le 13 octobre dernier, qu’il s’établirait à 2 % a proposé, en conséquence, que, par voie d’amendement, la proposition initiale soit modifiée sur ce point. Il a relevé qu’aucune disposition de la recommandation ne prévoyait la rémunération des réserves obligatoires, mais que le président de la BCE avait annoncé que celle-ci s’établirait en référence à la moyenne des taux du SEBC.

M. Alain Barrau a estimé, par ailleurs, que la recommandation sur la collecte des statistiques ne présentait pas de problème majeur, avant de souligner son attachement à ce que le régime des sanctions, objet de la troisième recommandation, respecte les principes de légalité et de subsidiarité. Il a ajouté que la procédure prévue par la recommandation offrait autant de garanties que le droit français. Il a approuvé la position de la Délégation pour l’Union européenne, demandant que les banques centrales nationales aient compétence pour instruire les poursuites et faire appliquer les sanctions. A cet égard, il a fait état des propos tenus récemment par M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, devant la Délégation pour l’Union européenne, insistant fortement pour que les banques centrales nationales aient toute leur place dans le dispositif relatif aux poursuites et aux sanctions.

Le Rapporteur a, enfin, appelé à une stricte application de l’article 109 K du traité instituant la Communauté européenne, en demandant que seuls les États qui avaient choisi la monnaie unique délibèrent et votent sur les questions de politique monétaire, et non l’ensemble des États membres, comme de récentes informations pourraient le laisser supposer. Il a estimé que l’appartenance à la monnaie unique comportait des obligations, et que celles-ci en retour conféraient seules la légitimité politique de prendre des décisions.

Présentant la proposition de résolution dont il était l’auteur au nom de la délégation pour l’Union européenne, M. Gérard Fuchs, après avoir, comme le Rapporteur, relevé que la commission des Finances statuait pour la première fois sur un texte élaboré à l’origine par la BCE, a souhaité insister sur quatre points :

– il est important que la commission des Finances joue pleinement son rôle sur une proposition de la Banque centrale européenne, car cela constitue un élément essentiel du contrôle parlementaire ;

– si les recommandations soulèvent de nombreux problèmes techniques, la plupart des solutions retenues sont satisfaisantes comme l’ont fait savoir les banques centrales nationales. Il existe une relation étroite entre le niveau des réserves et leur rémunération. Quant au régime des sanctions, il doit d’autant plus respecter le principe de subsidiarité que la Banque de France dispose d’effectifs nombreux (16.000 agents) pour contrôler les établissements de crédit sur le terrain, alors que la BCE emploie actuellement 600 agents. Par ailleurs, les relations entre une banque centrale et les établissement de crédit divergent d’un pays à l’autre, notamment en ce qui concerne les pratiques en matière de confidentialité ;

– la question de la prise des décisions monétaires par onze ou quinze États est primordiale, dans un contexte où de nombreux acteurs veulent une autorité politique en face de la BCE. Cette question a semblé nouvelle pour les représentants de la France auprès des communautés européennes. En toute logique, le nécessaire contrepoids politique doit rassembler les seuls États qui ont opté pour la monnaie unique. Ce choix a fini par prévaloir lors des dernières prises de décisions du Conseil en matière monétaire, ce qui démontre que les recommandations de l’Assemblée nationale en cette matière ont été prises en compte ;

– enfin, la procédure entourant l’examen de la présente proposition de résolution n’apparaît pas satisfaisante car ni le président de la Délégation pour l’Union européenne, ni l’auteur de la proposition, n’ont été contactés par les représentants français auprès des communautés européennes sur l’évolution des textes sur lesquels portait leur contrôle. Il s’agit d’un problème de fonctionnement sur lequel il conviendrait de réfléchir.

Après avoir manifesté son accord avec l’analyse développée par MM. Barrau et Fuchs, M. Pierre Hériaud s’est enquis du champ d’application des réserves obligatoires, faisant remarquer que l’assiette de ces réserves ne devait pas se limiter aux seuls établissements de crédit mais concerner également toute institution financière d’un État membre qui, aux termes de l’article 19.1 des statuts du système européen de banque centrale, doit être tenue par la BCE de constituer des réserves obligatoires. Il a suggéré qu’une modification soit apportée en ce sens dans le texte de la proposition de résolution.

Il a, ensuite, rappelé que l’assiette des réserves obligatoires devait remplir trois fonctions : la stabilisation des taux d’intérêt du marché monétaire, la maîtrise de l’apparition d’un déficit structurel de la liquidité bancaire, enfin le contrôle de la croissance monétaire en renforçant l’élasticité de la demande de monnaie par rapport à la variation des taux d’intérêt. Il a mentionné la décision récente du Conseil de politique monétaire de la Banque de France fixant, pour la période allant jusqu’au 31 décembre prochain, un taux de rémunération de 3,3 %, qui correspond au taux moyen des appels d’offres à taux fixe à sept jours.

Répondant à MM. Fuchs et Hériaud, le Rapporteur a souhaité que s’instaure un meilleur circuit de l’information entre les représentants français auprès des Communautés européennes et la Délégation pour l’Union européenne. Il a rappelé que l’examen par la Délégation, puis par la commission des Finances, des recommandations de la Banque centrale européenne témoignait de l’intérêt que l’Assemblée nationale ne manquerait pas de porter aux décisions monétaires européennes. Il s’est déclaré, par ailleurs, favorable à la modification suggérée par M. Pierre Hériaud tendant à étendre à toutes les institutions concernées l’obligation de constituer des réserves. Il a indiqué, enfin, qu’aucune information précise n’avait été encore fournie à ce jour sur le taux de rémunération de ces réserves.

M. Gérard Fuchs a fait observer que l’examen par l’Assemblée nationale des recommandations de la BCE avait eu pour effet immédiat de suspendre la décision qui devait être prise par le Conseil européen économique et financier, faisant ainsi la preuve de l’efficacité de cette procédure. Il a rendu compte, par ailleurs, d’une récente réunion de la commission monétaire du Parlement européen à laquelle il venait d’assister en tant que représentant de la commission des Finances, au terme de laquelle il avait été décidé de tenir deux séances par an afin de débattre des orientations économiques nécessaires au soutien de la croissance dans le cadre de l’Union européenne, indiquant qu’il avait suggéré que l’audition du président de la BCE, prévue chaque année à l’occasion du dépôt du rapport annuel de cette institution, soit ouverte à des représentants de chacun des Parlements nationaux.

Puis, après avoir adopté les amendements proposés, l’un par M. Pierre Hériaud, l’autre par le Rapporteur, la Commission a adopté l’article unique, ainsi modifié, de la proposition de résolution sur les recommandations de la Banque centrale européenne relatives aux réserves obligatoires, à la collecte d’informations statistiques et à ses pouvoirs en matière de sanctions.

——fpfp——


© Assemblée nationale