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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 décembre 1998
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

pages

– Examen du projet de loi portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d’orientation et de surveillance des caisses d’épargne et de prévoyance (n° 1243) (M. Alain Rodet, rapporteur)



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– Examen de la proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête sur Air France (n° 980) de MM. Dominique Bussereau, François d’Aubert et Gilbert Gantier (Mme Nicole Bricq, rapporteur)



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– Informations relatives à la Commission

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La commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan a tout d’abord examiné, sur le rapport de M. Alain Rodet, rapporteur, le projet de loi portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d’orientation et de surveillance des caisses d’épargne et de prévoyance (n° 1243).

M. Alain Rodet, rapporteur, après avoir rappelé que l’article 8 de la loi du 10 novembre 1997 portant diverses mesures urgentes à caractère fiscal et financier avait prorogé les mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d’orientation et de surveillance des caisses d’épargne, jusqu’au 1er mars 1999, a indiqué que pour des raisons de calendrier parlementaire et de délais nécessaires aux travaux des deux assemblées, l’article unique du présent projet proposait de reporter cette échéance au 1er août 1999.

Il a observé que le projet de loi relatif à l’épargne et à la sécurité financière, également adopté le 2 décembre en Conseil des ministres, proposait une adaptation du statut des caisses d’épargne afin de les mettre à même de s’adapter aux évolutions de l’environnement économique et des marchés financiers, sur une base coopérative et faisait suite à la mission de M. Raymond Douyère, qui s’était livré à un travail de fond en procédant à plus de 300 auditions et à des déplacements dans une dizaine des caisses régionales. Il a insisté sur le fait que ce texte, qui ferait suite à la proposition de loi de M. Dominique Taddéi, qui avait permis en 1983 une pérennisation du réseau des caisses d’épargne et à une nouvelle réforme mise en œuvre par la loi de 1991, avait donc fait l’objet d’une large concertation et était très attendu par le réseau.

Il a déclaré que la prorogation des mandats des administrateurs des caisses faciliterait la mise en place des nouvelles structures dans un climat plus serein. Il a précisé que le présent projet n’emportait aucune conséquence quant au mandat des dirigeants du centre national des caisses d’épargne et de prévoyance (CENCEP), prorogé jusqu’au 1er mars 1999, par une assemblée générale extraordinaire tenue en juin dernier, cette décision relevant des statuts de ce groupement d’intérêt économique. Concluant son propos, il a indiqué que le présent projet prévoyait que les dispositions relatives aux limites d’âge ne seraient pas applicables aux mandataires sociaux qui les atteindraient du fait de la prorogation, mais qu’en revanche, la perte de la qualité au titre de laquelle ils avaient été désignés pour siéger dans les conseils d’orientation et de surveillance mettrait, en tout état de cause, un terme à leur mandat.

Après que M. Yves Deniaud eut estimé que le Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie devait confirmer la prolongation du mandat des membres du CENCEP, la Commission a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Brard et plusieurs de ses collègues, tendant à fixer au 1er août 2001 la limite de la prorogation des mandats.

M. Jean-Pierre Brard a jugé que le délai prévu par le projet de loi qui prolongeait le mandat des membres des conseils consultatifs et des conseils d’orientation et de surveillance des caisses d’épargne et de prévoyance jusqu’au 1er août 1999 était trop bref. Il a indiqué que le Ministre avait donné son accord à la tenue d’un débat parlementaire consacré à la restructuration du secteur bancaire et financier et que ceci devait marquer le début d’une large concertation associant l’ensemble des acteurs du secteur en France ainsi que les éventuels partenaires étrangers. Il a donc estimé que la date du 1er août 1999 ne permettrait pas à cette réflexion d’être menée à bien et qu’il convenait de prévoir plutôt la date du 1er août 2001, étant entendu que la durée de cette prorogation pourrait toujours être raccourcie au cas où la réforme du statut des caisses d’épargne intervenait plus rapidement.

M. Philippe Auberger a tout d’abord remarqué que les membres des conseils d’orientation et de surveillance avaient été élus en 1991 pour une durée de cinq ans et que cette mesure, qui constituait la deuxième prorogation de leur mandat, aurait pour effet de le porter à huit ans sans même parler de la durée de dix ans proposée par l’amendement de M. Jean-Pierre Brard. Il a relevé que le prochain texte consacré à la réforme du statut des caisses d’épargne mais aussi à la sécurité des dépôts et au fonctionnement de la Commission bancaire posait des problèmes extrêmement délicats qu’il faudrait traiter avec le temps nécessaire et que ceci devrait empêcher le Gouvernement de déclarer l’urgence sur ce projet de loi. M. Philippe Auberger en a déduit que la discussion parlementaire, qui devrait comprendre deux lectures dans chaque assemblée avant la réunion d’une éventuelle commission mixte paritaire, serait difficilement terminée avant le 1er août 1999, ce qui annonçait une rupture de continuité entre la fin du mandat des membres des actuels conseils d’orientation et de surveillance et la mise en place des futures institutions.

Après avoir rappelé que le but du projet de loi était d’assurer la pérennité des principes fondateurs des caisses d’épargne, M. Alain Rodet, rapporteur, a indiqué que prolonger davantage les délais de discussion du futur statut des caisses d’épargne risquait d’empêcher la croissance externe ou la modernisation du réseau. Il a précisé que la durée du mandat des conseils d’orientation et de surveillance avait été fixée à six ans et celle des membres du directoire à cinq ans et qu’ils avaient été renouvelés en 1997.

Il a ajouté que le projet de loi relatif à l’épargne et à la sécurité financière prévoyait, au titre des dispositions transitoires, un délai de 13 mois entre la promulgation de la loi et l’élection des membres des futurs organes de direction, délai pendant lequel les administrateurs en place seraient maintenus dans leurs fonctions.

M. Guy Lengagne a remarqué, à la suite de M. Jean-Pierre Brard, que le futur projet de loi pourrait raccourcir mais aussi étendre la durée du mandat des conseils d’orientation et de surveillance s’il en était besoin.

M. Philippe Auberger s’est déclaré peu convaincu par les arguments du Rapporteur et il a renouvelé son souci de voir assurer la continuité des membres des conseils d’orientation et de surveillance dont il a rappelé l’importance des compétences tant pour le vote du budget annuel que pour les décisions patrimoniales.

M. Jean-Louis Dumont a indiqué que le Gouvernement n’avait pas déclaré l’urgence sur le projet de loi relatif à l’épargne et à la sécurité financière, ce qui permettrait au Parlement d’entreprendre une réflexion approfondie sur ce texte qui proposait aux caisses d’épargne un excellent statut, d’inspiration coopérative, même si certaines tentations relatives à l’utilisation de leurs fonds propres n’étaient pas à exclure. Il a ajouté que le Gouvernement n’avait que trop tardé et que ce projet était attendu. Observant toutefois que la discussion parlementaire pouvait s’étendre au-delà du 1er août 1999, il s’est demandé s’il ne risquait pas d’en résulter un léger décalage entre l’entrée en vigueur de la loi et l’échéance de la prorogation des mandats en question et s’il ne serait pas envisageable, en conséquence, de repousser celle-ci de six mois supplémentaires.

Le Rapporteur a rappelé que la date du 1er août 1999 faisait l’objet d’un accord général, après concertation avec le réseau, et qu’il était donc préférable de se ranger à cette opinion, plutôt que de choisir une date plus lointaine, ce choix pouvant être perçu comme un signe de retard supplémentaire dans la mise en œuvre du nouveau statut.

Après avoir estimé que le contenu du projet de loi relatif à l’épargne et à la sécurité financière ne faisait pas l’unanimité, M. Jean-Pierre Brard a demandé un geste de conciliation sur la prorogation des mandats des membres des conseils d’orientation et de surveillance.

Le Rapporteur a souligné que, sans l’intervention de la loi de 1983, le réseau des caisses d’épargne aurait été démantelé, du fait des appétits des grands réseaux qui se comportaient en l’espèce comme de « véritables piranhas », et avec lui la double mission de sécurité de l’épargne populaire et de financement du logement social qu’il assumait. Il a estimé qu’il était en conséquence désormais urgent de procéder à une nouvelle réforme pour assurer la pérennité de ce réseau dans un environnement économique et financier en pleine évolution.

M. Michel Inchauspé a protesté contre cette image dévalorisante des grands réseaux et a rappelé que les caisses d’épargne disposaient d’importants avantages concurrentiels.

La Commission a alors rejeté l’amendement de M. Jean-Pierre Brard et a ensuite adopté l’article unique du projet de loi.

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Puis la Commission a procédé à l’examen, sur le rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteur, de la proposition de résolution de MM. Dominique Bussereau, François d’Aubert et Gilbert Gantier visant à créer une commission d’enquête sur Air France (n° 980).

Mme Nicole Bricq, rapporteur, après avoir relevé que la concomitance entre la fin du conflit social dont Air France a été le théâtre et le dépôt, le 16 juin 1998, de la proposition de résolution, en montrait le caractère circonstanciel, permettant à ses auteurs une mise en cause générale de l’attitude du Gouvernement à l’égard d’Air France, a reconnu que la situation financière d’Air France et la question de son avenir appelaient un débat politique pour lequel une commission d’enquête n’offrait pas un cadre adéquat.

Examinant la recevabilité de la proposition de résolution au regard des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n° 58–1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du règlement de l’Assemblée nationale, Mme Nicole Bricq a tout d’abord estimé que l’ouverture d’informations judiciaires, d’une part, pour entrave au fonctionnement du comité d’entreprise, d’autre part, pour abus et recel d’abus de biens sociaux, ne lui paraissait pas, en raison de son caractère marginal, faire obstacle, en droit, à la constitution de la commission. Elle a en outre constaté que la proposition de résolution, portant sur une entreprise nationale, répondait incontestablement à la seconde condition de recevabilité.

Le Rapporteur s’est ensuite interrogé sur l’opportunité de la création de la commission d’enquête. Elle a indiqué que, pour la préparation de son rapport, elle avait entendu la direction d’Air France et qu’elle avait souhaité s’entretenir avec toutes les organisations syndicales, mais que seules Force Ouvrière et la Confédération française démocratique du Travail (CFDT) s’étaient rendues à son invitation, le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) ne lui ayant, pour sa part, adressé aucune réponse.

Sur le fond, elle a tout d’abord estimé que le travail sur des hypothèses portant sur l’avenir d’Air France n’était guère en accord avec la démarche de principe d’une telle commission. Elle a également soutenu, se référant aux déclarations récemment faites par le Premier ministre, que le débat sur la privatisation d’Air France avait déjà eu lieu, même s’il n’était sans doute pas clos. Elle a estimé qu’on ne pouvait défendre la thèse qu’Air France serait gênée, du fait de son appartenance maintenue au secteur public, pour passer des alliances, qu’au prix d’une confusion dans la compréhension de cette notion, qui désigne aussi bien des partages de code que des accords globaux de coopération. Elle a rappelé, à l’appui de cet argument, le premier rang occupé par la compagnie pour les partages de code, qui constituent des alliances à caractère opérationnel. Elle a attribué essentiellement les difficultés rencontrées par Air France pour entrer dans un réseau intégré à la situation ambivalente de la compagnie, dont l’appartenance au secteur public, certes garantie à juste titre d’une forte protection sociale pour ses salariés, pouvait apparaître à des observateurs étrangers comme une source potentielle de conflits.

Considérant que le débat sur l’appartenance d’Air France au secteur public ne pourrait être durablement éludé, Mme Nicole Bricq, après avoir estimé que, dans la situation actuelle, il était légitime que l’État, qui avait contribué au désendettement de la compagnie, en garde le contrôle, a souligné que, dans un domaine aujourd’hui complètement ouvert à la concurrence internationale, il était de plus en plus difficile de fonder sur la notion de service public l’existence du contrôle de l’Etat, alors que les activités commerciales de la compagnie ne présentaient aucune spécificité se traduisant dans sa politique tarifaire ou par des sujétions particulières d’aménagement du territoire. Elle a exprimé la crainte que le statut d’Air France ne soit un obstacle à la conclusion, dans une phase ultérieure de l’évolution cyclique du transport aérien, d’alliances capitalistiques ; elle a jugé, à ce propos, qu’une commission d’enquête n’était pas un outil adapté au débat autour d’une stratégie commerciale et qu’elle ne pouvait s’immiscer publiquement dans des négociations entre entreprises.

Le rapporteur a enfin examiné le troisième objet de la proposition de résolution, portant sur le coût financier du conflit social de juin 1998 et, plus généralement, sur la situation financière de la compagnie aérienne. Elle a noté le redressement incontestable, depuis trois exercices, du chiffre d’affaires d’Air France, avant de constater que la grève avait entraîné une baisse de 23,8 % du résultat de premier semestre de l’exercice 1998/1999 par rapport à la période comparable de 1997/1998, alors que le mois de juin aurait pu permettre à Air France d’établir des records d’activité en conformité avec l’évolution générale du transport aérien. Elle a rappelé que la direction d’Air France avait évalué l’impact de la grève à 1,8 milliard de francs.

Evoquant les négociations engagées avec les pilotes dans le cadre de l’accord signé le 10 juin 1998, Mme Nicole Bricq, après avoir rappelé la disproportion entre l’influence des pilotes au sein de la compagnie aérienne et leur importance dans ses effectifs, a décrit les trois objectifs précis assignés par l’accord à la négociation, appelée à se poursuivre dans un cadre pluriannuel : obtenir l’acceptation par les pilotes du recours à la sous–traitance pour les relations au départ de Roissy, rapprocher leurs conditions de travail de celles des pilotes des compagnies européennes concurrentes, mettre en place un système d’attribution d’actions en échange d’une baisse négociée des salaires.

Soulignant que ce troisième objectif était au cœur des négociations, dans la mesure où il permettrait une économie sur la masse salariale des pilotes, Mme Nicole Bricq a rappelé que la cession d’actions aux salariés en échange de réductions de salaires avait déjà été récemment mise en œuvre dans plusieurs compagnies et estimé que l’écart actuel entre les rémunérations salariales des pilotes d’Air France et celles pratiquées dans les compagnies concurrentes ne pouvait subsister en l’état sans mettre en péril la rentabilité globale de ses lignes de court et moyen courrier, et donc la présence d’Air France sur ce marché en plein essor du fait même de la libéralisation du transport aérien et de la baisse consécutive des tarifs.

Le Rapporteur a précisé que l’accord envisageait, pour la réalisation de l’échange, une offre de base et une offre complémentaire, dont elle a décrit les caractéristiques techniques, et ajouté que la direction d’Air France en attendait une économie de 400 millions de francs par an sur une masse salariale actuellement évaluée à 3,5 milliards de francs ; elle a mentionné l’existence d’une clause de révision d’ici trois ans en cas d’amélioration notable de la productivité de la compagnie. Elle a enfin ajouté que ce dispositif faisait actuellement l’objet d’un referendum auprès des personnes intéressées, dont la réalisation demanderait un certain temps.

Tout en reconnaissant que l’accord envisagé était d’une facture particulièrement complexe, Mme Nicole Bricq a considéré que son dispositif était largement connu et qu’une commission d’enquête n’apporterait à cet égard aucune information supplémentaire. Elle a au demeurant fait valoir que les catégories de personnel d’Air France autres que les pilotes, sur lesquelles porte l’essentiel du poids des efforts de productivité accompli, avaient accueilli avec une grande réserve un protocole qui leur paraît réserver aux pilotes un traitement particulièrement favorable.

Après avoir rappelé que les parlementaires disposaient, en l’état actuel des textes, de tous les moyens nécessaires pour obtenir les informations qu’ils peuvent souhaiter sur la situation d’Air France, le Rapporteur a conclu au rejet de la proposition de résolution.

Tout en se réjouissant des informations communiquées par Mme Nicole Bricq, rapporteur, à la Commission, M. François d’Aubert a déploré que la direction d’Air France n’ait jamais répondu aux questions qu’il lui avait posées sur les mêmes sujets en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de l’Aviation civile. Il a estimé que l’écart entre l’évaluation du coût de la grève généralement admise au moment où la proposition de résolution avait été déposée et le chiffre, plus élevé, communiqué à la Commission par le Rapporteur, apportait un argument supplémentaire à la constitution d’une commission d’enquête dans la mesure où le manque à gagner ainsi constaté affectait la capacité de financement par la compagnie, de son programme d’investissement, d’un montant d’environ 40 milliards de francs. Il a déploré le manque de transparence des informations, contenues dans les comptes sociaux, sur les avantages accordés au personnel.

Il a regretté que le Rapporteur, sur la question des alliances, fasse exactement référence au discours de la direction d’Air France, qui masque par une sous-évaluation volontaire de l’intérêt des alliances capitalistiques la position de faiblesse dans laquelle elle se trouve à cet égard par rapport aux autres compagnies aériennes européennes.

Il a en outre dénoncé le flou entretenu par le Gouvernement, et notamment le ministre de tutelle, sur les conditions et le calendrier de l’ouverture du capital d’Air France. Saluant l’analyse du Rapporteur sur l’inadéquation de la notion de service public aux transports aériens, il a fait remarquer que l’esprit du service public ne semblait guère faire partie de la culture de l’entreprise. Il a, sur ce point, jugé qu’une enquête sur la manière dont les clients de la compagnie étaient traités pouvait être intéressante et que cela constituait un argument supplémentaire pour la constitution d’une commission d’enquête.

M. Alain Barrau, après avoir exprimé son accord avec le raisonnement général et les conclusions du Rapporteur, s’est déclaré cependant réservé sur ses propos relatifs au caractère inéluctable à terme de la privatisation, estimant au contraire que le rapport contenait la claire démonstration que le statut actuel d’Air France lui permettait de faire face à la concurrence avec les entreprises privées. Il a soutenu que la notion de service public pouvait être invoquée à l’appui de préoccupations d’aménagement du territoire, notamment dans l’organisation du transport aérien intérieur.

M. Philippe Auberger a estimé que si des accords commerciaux peuvent être conclus sans échanges de participations, un accord commercial était d’autant plus durable qu’il se concrétisait par un tel échange, garantie de liquidité et de rentabilité qui ne peut être obtenue que dans une entreprise privatisée. Il en a conclu que, pour cette raison, le statut actuel d’Air France constituait un frein à sa politique commerciale, en l’empêchant, notamment, d’intégrer de grands réseaux européens ou transcontinentaux. Il a ensuite évoqué la question du financement du programme d’investissements de la compagnie, soulignant que l’absence d’augmentation du capital ou d’émission d’obligations était également un handicap en la matière.

M. Maurice Adevah-Poeuf a déclaré qu’il n’y avait pas de lien mécanique entre la notion de service public et la propriété du capital, et que, dans ces conditions, il convenait de procéder à l’ouverture du capital d’Air France, sans entamer de débat théorique. S’agissant du coût de la grève, il a demandé si le chiffre de 1,8 milliards de francs correspondait à une perte du chiffre d’affaires d’Air France ou à une perte de ses résultats.

Répondant aux différents intervenants, Mme Nicole Bricq, rapporteur, a fait valoir qu’elle avait bénéficié d’un calendrier plus favorable que M. François d’Aubert pour la communication d’informations d’ordre financier, grâce, notamment, à la publication des comptes du premier semestre de l’exercice 1998–1999, le 2 décembre dernier, et qu’elle avait pu notamment vérifier l’impact de la grève sur les lignes long courrier susceptibles d’être affectées par un surcoût d’exploitation.

Elle a insisté sur le fait que les modalités de l’échange salaires-actions ne pouvaient être considérées comme définitives dans la mesure où elles devaient, à la suite de la réunion du comité d’entreprise du 1er octobre dernier, être approuvées par référendum. Elle a souhaité que cette procédure soit achevée rapidement afin que l’on puisse procéder à l’ouverture du capital de la compagnie en février ou en mars prochain, et, en tout état de cause, avant celle des compagnies Alitalia et Iberia.

Elle a ensuite évoqué la question des alliances en rappelant que, dans la phase actuelle de son cycle de développement, le transport aérien privilégiait les accords commerciaux par rapport aux accords capitalistiques. Elle a tenu à nuancer l’efficacité des alliances transcontinentales en prenant l’exemple de l’accord conclu entre les compagnies KLM et Northwest qui n’avait pas entraîné d’augmentation du volume des affaires de l’une ou l’autre compagnie, contrairement aux attentes initiales. Elle a indiqué que la direction d’Air France était consciente de l’importance des réseaux transcontinentaux pour son développement futur.

Rappelant les propos du Président de l’Assemblée nationale selon lequel on pouvait se poser la question du maintien du service public dans un système entièrement concurrentiel, elle a jugé préférable de procéder à l’ouverture du capital, et de se prononcer sur la poursuite éventuelle du processus en fonction des résultats obtenus.

Évoquant les aspects relatifs à l’aménagement du territoire, elle a précisé que ces questions relevaient du Fonds de péréquation des transports aériens et concernaient donc des lignes et non des compagnies aériennes, ce qui ne permettait pas de prendre argument de ces questions pour justifier le statut actuel d’Air France.

Enfin, elle a indiqué que le chiffre de 1,8 milliard de francs correspondait à une perte de recettes résultant de la grève, qui a par ailleurs minoré de 1,3 milliard de francs le résultat de la compagnie.

Le Président Augustin Bonrepaux se référant aux difficultés évoquées par M. François d’Aubert, a invité les rapporteurs spéciaux qui rencontreraient des obstacles du même ordre à les lui soumettre, ajoutant qu’il se tenait prêt à les soutenir pour qu’ils obtiennent les informations nécessaires à l’accomplissement de leur tâche.

La Commission a ensuite, sur la proposition du Rapporteur, rejeté la proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête sur Air France (n° 980) de MM. Dominique Bussereau, François d’Aubert et Gilbert Gantier (n° 980).

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan a nommé :

– M. Raymond Douyère comme rapporteur sur la première partie (réforme des caisses d’épargne) et M. Dominique Baert comme rappporteur sur la deuxième partie (renforcement de la sécurité financière) du projet de loi relatif à l’épargne et à la sécurité financière (n° 1244) ;

– M. Jean-Louis Dumont comme rapporteur pour avis du projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l’électricité (n° 1253).

——fpfp——


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