ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DES FINANCES,
DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
COMPTE RENDU N° 38
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 3 février 1999
(Séance de 17 heures)
Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président
SOMMAIRE
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Présentation des conclusions de M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom du groupe de travail, présidé par M. Laurent Fabius, sur lefficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire
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Désignation dune mission dinformation chargée de lévaluation et du contrôle
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M. Didier Migaud, Rapporteur général, a exposé à la Commission les conclusions quil a présentées au nom du groupe de travail, présidé par M. Laurent Fabius, sur lefficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire.
Le Rapporteur général a tout dabord indiqué que le groupe de travail sétait efforcé de dresser un constat relatif à lévolution et au niveau de la dépense publique en France, en procédant également à des comparaisons internationales. Il a précisé qualors que le niveau de la dépense publique y restait élevé, la France était lun des pays où le contrôle parlementaire sexerçait avec le moins de vigueur.
Il a ajouté que le rapport ne sinscrivait pas dans une logique dogmatique, la question posée étant de savoir si la dépense était réellement efficace, dans le cadre dune nécessaire maîtrise des dépenses publiques, sans quil faille considérer quil y aurait une fatalité à linefficacité de celles-ci.
Le Rapporteur général a ensuite rappelé que Parlement disposait, pour le contrôle de lutilisation des crédits, de pouvoirs très importants, avec notamment les compétences reconnues aux rapporteurs spéciaux, pouvoirs qui étaient cependant très peu exercés en raison de labsence dune réelle volonté politique.
Le Rapporteur général a ensuite présenté les propositions figurant dans le rapport, qui tendaient à concrétiser la double volonté dexercer un réel contrôle et de redonner tout son sens à lautorisation budgétaire, sachant quen ce domaine, linitiative ne pouvait que rester du domaine de lexécutif, mais que le Parlement devait inscrire le contrôle et lévaluation au cur de son activité.
Il a dabord évoqué les mesures immédiatement applicables, la première dentre elle étant la constitution, au sein de la commission des Finances, dune mission annuelle dévaluation et de contrôle, composée de deux représentants titulaires et dun suppléant par groupe politique, coprésidée par le Président de la Commission et un membre de lopposition, et dont les travaux seraient coordonnés par le Rapporteur général. M. Didier Migaud a insisté sur la dynamique qui devrait résulter de lassociation, à la fois des rapporteurs pour avis, dont il pourrait être envisagé daligner les pouvoirs sur ceux des rapporteurs spéciaux, et des membres de lopposition, aux travaux de cette mission dont le programme de travail et dauditions hebdomadaires serait défini collectivement.
Abordant lexercice dévaluation des politiques publiques devant compléter la fonction de contrôle, le Rapporteur général a précisé quil sagissait dune évaluation ex-post consistant à mesurer les résultats dune politique, mais non à se prononcer sur son bien-fondé. Il a également souligné que le travail de préparation des auditions, auquel devraient particulièrement sattacher les rapporteurs spéciaux et pour avis, se ferait en étroite collaboration avec la Cour des comptes, autorité indépendante mais qui devait assistance au Parlement. Il a ajouté que ce nouvel exercice nétait nullement exclusif du travail plus classique des rapporteurs spéciaux, qui devait être poursuivi et amplifié.
Le Rapporteur général a ensuite présenté les propositions du groupe de travail relatives à lorganisation du travail budgétaire, qui distinguaient deux phases : la première serait consacrée à lévaluation et au contrôle et se conclurait par le vote de la loi de règlement, la seconde débuterait avec le débat dorientation budgétaire et sachèverait par le vote de la loi de finances.
Sagissant de cette seconde phase, M. Didier Migaud a appelé de ses vux une amélioration de lexamen parlementaire des orientations économiques et financières. Il a rappelé que le groupe de travail avait souhaité un approfondissement du débat, au sein de la commission des Finances, sur les perspectives triennales des finances publiques, ainsi quune meilleure préparation du débat dorientation budgétaire.
Il a ensuite indiqué que lexamen du projet de loi de finances initiale nappelait pas de changement en ce qui concerne la première partie, mais quen revanche, pour la deuxième partie, des propositions étaient présentées afin de rompre avec la situation actuelle, caractérisée par une grande perte de temps et un faible intérêt des débats.
Précisant que ces propositions devaient être examinées par la Conférence des présidents, le Rapporteur général en a présenté les principaux aspects : les débats sur les fascicules budgétaires se dérouleraient au sein des commissions saisies pour avis, en présence des ministres concernés et des rapporteurs spéciaux de la commission des Finances ; ces réunions seraient publiques et leur compte rendu intégral publié au Journal officiel ; les députés pourraient, dans ce cadre, poser aux ministres des questions écrites auxquelles les réponses devraient paraître au Journal officiel le jour de la présentation du budget en séance publique ; la commission des Finances tiendrait séance pour des votes récapitulatifs et lexamen des amendements ; les débats en séance publique seraient réservés, pour la deuxième partie du projet de loi de finances, à la présentation des grandes politiques publiques.
M. Didier Migaud a fait valoir que le groupe de travail avait souhaité prendre en considération les inquiétudes de certains groupes politiques, attachés à la présentation formelle des budgets en séance publique. Il a indiqué que la possibilité, pour tous les députés, dassister à la réunion de la commission saisie pour avis et dy interroger le ministre compétent, ainsi que la nouvelle procédure des questions écrites, devraient contribuer à apaiser ces craintes et que la réforme serait mise en uvre progressivement après avoir été testée, dans un premier temps, sur quelques budgets. Il a ajouté que le temps gagné en séance publique, denviron un tiers par rapport à celui actuellement utilisé, pourrait être consacré à un examen approfondi, aujourdhui pure formalité, de la loi de règlement du budget de lexercice précédent, qui devrait, dans lavenir, être votée avant la loi de finances initiale.
Le Rapporteur général a ensuite présenté une série de propositions à moyen terme qui nécessiteraient lapprofondissement du dialogue avec le ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, mais également la poursuite de la réflexion au sein de lAssemblée, en vue déventuelles modifications de lordonnance du 30 décembre 1958 et de lordonnance organique du 2 janvier 1959, en faisant observer que cette dernière allait plus loin que la Constitution en matière dencadrement des pouvoirs financiers du Parlement. Il a souligné que ces propositions visaient à améliorer la transparence et la signification des comptes publics, à rendre obligatoire la définition dobjectifs et lintroduction dindicateurs de résultats dans les lois de finances, à prescrire létablissement dune comptabilité patrimoniale de lÉtat et à mieux distinguer, pour lappréciation de léquilibre des lois de finances, les dépenses de fonctionnement et les dépenses dinvestissement.
Le Rapporteur général a également souhaité une plus grande souplesse dans la gestion des crédits et jugé nécessaire quune marge de manuvre plus importante soit accordée aux députés pour laffectation des crédits, dans le respect des plafonds définis dans le cadre de léquilibre des projets de lois de finances.
Il a souligné que, si lon voulait redonner tout son sens à lautorisation budgétaire du Parlement, il fallait aussi remettre en cause la procédure actuelle de régulation budgétaire, qui conduisait à ce que le budget exécuté soit sans rapport avec celui voté, même si toute possibilité dadaptation à la conjoncture économique ne devait pas être exclue.
En conclusion, le Rapporteur général a fait valoir que la mise en uvre des propositions présentées par le groupe de travail serait susceptible de contribuer à la nécessaire revalorisation du rôle du Parlement.
Lexposé du Rapporteur général a donné lieu à une discussion générale.
Le Président Augustin Bonrepaux a observé que les conclusions du groupe de travail appelaient des interventions à plusieurs niveaux. Il a tout dabord évoqué la mise en place de la mission dévaluation et de contrôle qui devra seffectuer, conformément à lesprit de ce groupe, de manière à associer aux tâches de contrôle lensemble des membres de la Commission et qui, grâce à la co-présidence donnée à lopposition, permettrait un équilibre dans la répartition des rôles. Il a également mentionné lorganisation du débat dorientation budgétaire et le développement de moyens dinvestigation propres à la Commission, afin de ne pas laisser le Rapporteur général dans la dépendance des informations plus ou moins largement communiquées par le ministère des Finances. Il a ensuite relevé quil appartiendrait aux groupes politiques de définir une éventuelle réforme de la discussion budgétaire en vue, notamment, de valoriser le rôle des autres commissions permanentes. Il a évoqué également la redéfinition éventuelle des rapports entre Gouvernement et Parlement dans la procédure budgétaire et la révision de lordonnance organique du 2 janvier 1959. Il a enfin insisté sur la nécessité, au-delà du débat sur sa composition, de mettre en place rapidement la mission dévaluation et de contrôle.
M. Alain Rodet a fait remarquer que certaines opérations qui, comme les contrats de plan État-régions, recourent à la technique du partenariat, se traduisant par un développement de lirresponsabilité et par la lenteur de la consommation des crédits, étaient dune complexité croissante et rendaient le contrôle parlementaire particulièrement délicat. Il a ensuite posé le problème de lefficacité des magistrats des chambres régionales des comptes, créées en 1982 par une loi, par ailleurs, libératrice de linitiative locale. Il a considéré, à ce sujet, que certains de ces magistrats manquaient de discernement et de pratiques de référence et pouvaient parfois avoir tendance à outrepasser leurs compétences. Il a observé que lopinion avait tendance à ne retenir de la gestion des collectivités locales que les remarques portées à sa connaissance par le rapport public de la Cour des comptes, alors même que, de notoriété publique, la charge effective des tâches de contrôle pesait sur les assistants de vérification et non sur les magistrats.
M. Charles de Courson a vivement déploré les propos de M. Alain Rodet, qui témoignent de sa méconnaissance des méthodes de travail des magistrats visés.
Après avoir affirmé que beaucoup restait à faire pour lefficacité de la dépense publique et que lÉtat en France ny était pas vraiment prêt, M. Pierre Méhaignerie a estimé que lobjectif de renforcement du contrôle ne pourrait être véritablement atteint que si les référés et les rapports de la Cour des comptes, ainsi que les rapports dinspection, étaient tous mis à la disposition de la Commission. Il a déclaré que si, par exemple, le rapport Roché relatif au temps de travail dans la Fonction publique nétait pas mis, dans sa version intégrale et non expurgée, à la disposition de la Commission, on devrait voir là un indice de ce que lensemble du processus souhaité par le Président de lAssemblée nationale était voué à léchec.
Considérant que lexistence dune co-présidence dopposition navait guère dintérêt, il a ajouté quune véritable association de lopposition aux travaux de contrôle passait par la redistribution des différents rapports spéciaux à la proportionnelle, qui permettrait à lopposition dapporter une contribution utile et objective à la tâche de contrôle.
Le Président Augustin Bonrepaux a fait valoir quil ne fallait pas désespérer du résultat avant même que la mission nait commencé ses travaux et que les choses évolueraient progressivement. Il a ajouté que lassociation de la Cour des comptes aux travaux des rapporteurs spéciaux navait pas pour objectif dalléger leur tâche, mais traduisait la reconnaissance de lintérêt pour laccomplissement de leur mission de contrôle des informations contenues dans les rapports de la Cour.
M. Jean-Pierre Delalande a salué leffort consenti par le groupe de travail pour essayer de donner de la densité aux travaux de la Commission.
A propos des tâches de contrôle et dévaluation, il a estimé que le véritable progrès dépendait de la capacité de la majorité en place, quelle quelle soit, de renoncer à se faire le relais du Gouvernement et à appliquer le principe de loyauté majoritaire, pour rechercher, avec lopposition, létablissement de positions communes. Il a ajouté que, tant que cette ambiguïté nétait pas levée, il ne servirait à rien de prendre des dispositions techniques et dintroduire une complexité supplémentaire.
Il a constaté que lOffice parlementaire dévaluation des politiques publiques, créé sur une idée de M. Philippe Séguin, relayée par M. Laurent Dominati, avait du mal à acquérir de la consistance, alors quil offrait au Parlement la possibilité dune approche économique indépendante. Il a également évoqué la proposition faite dans le passé par M. Philippe Auberger de créer une cellule de veille pour éviter le dépôt tardif par le Gouvernement damendements à la rédaction volontairement absconse, qui décourage tout débat.
Se déclarant persuadé que les propositions faites par le Rapporteur général ne procédaient daucun souci daffichage et ne comportaient aucune arrière-pensée en lien avec le débat interne au parti socialiste, il sest déclaré disposé à réfléchir, à condition que lesprit de parti soit mis au vestiaire, à laffirmation dune capacité collective dasseoir les pouvoirs du Parlement sur un corps de règles communes.
Après avoir approuvé les remarques du Rapporteur général sur lintérêt renouvelé des débats de la première partie, il a estimé que le problème de fond posé par la discussion de la deuxième partie relevait de ladéquation entre la démocratie représentative et la démocratie médiatique. Se référant à des expériences du passé, il a rappelé que la retransmission par la télévision des débats de la commission des Finances avait eu des conséquences dommageables sur leur cours, en attirant des personnes qui ne participaient pas ordinairement à ses travaux, en transformant son enceinte en forum et en mettant à lécart les problèmes de fond. Il a ajouté que cette pratique conduisait à accorder une prime à ceux qui ne travaillent pas et à décourager les parlementaires qui, par leur assiduité, font vivre la Commission, mais quelle nétait daucun profit pour le débat démocratique. Il a proposé que la retransmission télévisée soit réservée à des débats sur un budget entre les porte-parole des groupes, dune heure et demie à deux heures, dont la qualité serait assurée par la disparition du décalage précédemment évoqué. Il a enfin approuvé lidée de voter la loi de finances initiale après ladoption de la loi de règlement.
M. Philippe Auberger a demandé une répartition strictement proportionnelle des rapports spéciaux en fonction, non de leur nombre, mais des volumes de crédits correspondants, dont il a fait observer quelle conduirait en définitive à appliquer à la discussion budgétaire un principe imposé par le règlement de lAssemblée nationale dans les procédures parlementaires les plus importantes. Il a ensuite suggéré que les rapporteurs spéciaux soient systématiquement saisis des études dimpact accompagnant les différents projets de loi, même en labsence de saisine de la commission des Finances, en espérant que cette communication conduirait à leur donner la consistance qui leur fait aujourdhui défaut.
Faisant observer que la moitié des députés qui prennent part en séance publique à la discussion des fascicules budgétaires interviennent pendant les phases de questions, il a soutenu que la remise en cause de la procédure des questions nétait envisageable, par exemple à travers une réhabilitation de la procédure des questions orales sans débat, que si une compensation leur était préalablement ménagée à un autre moment.
M. Philippe Auberger sest prononcé en faveur dune réforme de lordonnance organique du 2 janvier 1959, dont il a jugé les dispositions relatives à lexamen des projets de lois de finances périmées sur de nombreux points, en particulier en ce quelles prévoient un vote unique sur les services votés et un vote par titre et par ministère sur les mesures nouvelles. Il a estimé que lanalyse par titre des mesures nouvelles, beaucoup trop fine, ne permettait pas un usage de larticle 40 de la Constitution, relatif à la recevabilité financière des amendements, conforme à sa finalité véritable. Il a préconisé en conséquence que les services votés et les mesures nouvelles fassent ensemble lobjet de votes par titre et par ministère, jugeant quen labsence dune telle réforme, la discussion du projet de loi de finances demeurerait purement formelle.
Il a enfin appelé de ses vux une meilleure identification des crédits de fonctionnement et dinvestissement afin de restreindre le financement par lemprunt aux seules dépenses dinvestissement comme cest le cas dans les collectivités territoriales ou les pays européens comme lAllemagne, ainsi que lintroduction dans les comptes de lÉtat de la notion damortissement des biens déquipement.
M. Gérard Saumade a jugé dautant plus indispensable de ne pas séparer débat technique et débat politique que lintervention croissante dinstitutions extérieures au Parlement national tend à restreindre linfluence des rôles quil émet. Il a fait état de la différence manifeste de situation entre les parlementaires et, par exemple, les présidents de conseils généraux, qui cumulent les pratiques de préparation et dexécution des budgets. Il a ensuite souligné la nécessité de lever lambiguïté du mot « contrôle », qui, dun côté, appelait une sanction, et de lautre, sur le modèle anglo-saxon, désignait un mode de gestion. Il a estimé que la résolution de ce problème dialectique, particulièrement difficile, était la condition nécessaire pour garantir leffectivité du débat démocratique face à la technocratie. Rappelant que les aménagements apportés, en cours de gestion, aux dotations budgétaires des collectivités locales faisaient lobjet de décisions modificatives soumises à lexamen et au vote des assemblées délibérantes, il a suggéré que ce cadre, dune qualité démocratique supérieure, inspire la réforme envisagée de la procédure budgétaire, ce qui rendrait peut-être nécessaire létablissement dun lien entre le contrôle du Parlement et lexamen des modifications introduites en cours dexercice. Puis il a tenu à mettre en garde contre le risque de jeter la suspicion sur lensemble des fonctionnaires, qui ne devaient pas être les boucs émissaires des insuffisances des responsables politiques. Il sest félicité des progrès, en termes de rapidité et dintérêt, des travaux réalisés par la Cour des comptes tout en estimant que le lien à établir avec le Parlement serait difficile à définir. Enfin, il a considéré que la réduction de la dépense publique nétait pas systématiquement bonne en soi et quil était utile de séparer, dans les dépenses de lÉtat, fonctionnement et investissement, ce dernier devant être financé par lemprunt.
M. Laurent Dominati a tout dabord rappelé que, si les membres du groupe Démocratie libérale avaient participé aux travaux du groupe de travail sur lefficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire présidé par le Président de lAssemblée nationale, ils navaient pu se départir dun certain scepticisme. Il a indiqué que si la nécessité de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement semblait animer les conclusions du rapport de ce groupe et pouvait, à cet égard, constituer un motif de satisfaction, lappréciation de la volonté réelle de la majorité de contrôler le pouvoir exécutif continuait de nourrir le scepticisme du début. Il a estimé que les travaux du groupe de travail avaient davantage mis à nu la faiblesse de la volonté politique de contrôle plutôt que celle de ses moyens, compte tenu de lexistence du principe de « loyauté majoritaire ». Il a considéré que la nécessité dinstituer un véritable face à face entre le Parlement et le Gouvernement, au-delà du clivage entre majorité et opposition, impliquait dinscrire lensemble des propositions faites par le groupe dans une vision plus globale intégrant, outre la réforme de lordonnance de 1959, lensemble des propositions faites par le Président de lAssemblée nationale y compris pour la réforme du Règlement de lAssemblée, de façon à apprécier dans quelle mesure ces changements accroîtraient les pouvoirs de lopposition, stimulant essentiel de la majorité. Il a précisé que les membres du groupe Démocratie libérale napprouveraient les suggestions du Rapporteur général que si celles-ci sinscrivaient dans cet ensemble et que si ces conditions étaient remplies.
Sexprimant en son nom personnel, M. Charles de Courson a tout dabord rappelé quil sétait tenu à lécart du groupe de travail sur lefficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire à raison des fonctions quil avait exercés dans le passé. Il a ensuite indiqué que, plus grave encore que la faiblesse du Parlement dans sa fonction de contrôle, était la situation du pouvoir exécutif à cet égard, qui ne dispose pas lui-même des outils suffisants pour évaluer les mesures quil mettait en uvre du fait, notamment, des fréquents changements de gouvernement. Il a regretté par ailleurs que, malgré les textes en vigueur, la Cour des comptes ne procède pas systématiquement à la transmission aux commissions des Finances des référés et des notes du Parquet, dont il a estimé le nombre à environ un millier par an, alors même que ces documents permettraient aux rapporteurs spéciaux de mieux exercer leur mission. Il sest demandé sil ne convenait pas, sur ce point, denvisager une modification des textes législatifs en vigueur. Enfin, il a demandé à M. Alain Rodet de bien vouloir retirer les propos quil avait tenus sur les magistrats de la Cour des comptes et quil jugeait insultants à leur égard.
Après avoir fait observer que le caractère complexe de certaines opérations, ne pouvait servir de prétexte à labsence de contrôle, le Rapporteur général a estimé que le contrôle nétait ni pour le Gouvernement, ni pour les parlementaires un acte spontanément admis. Il a considéré que le devoir de loyauté était un faux problème dans la mesure où il nest pas incompatible avec laccomplissement du travail parlementaire et que, de plus, le pouvoir exécutif pouvait tirer bénéfice du contrôle.
Il a émis lespoir que le Gouvernement accepte cette idée et que, de son côté, la presse ne fasse pas systématiquement passer toute observation dun parlementaire comme une critique de fond de laction gouvernementale ; il a déploré linsuffisance, en France, par rapport à toutes les autres démocraties, de la culture de contrôle. Rappelant que les réformes proposées avaient pour ambition commune de rendre le débat plus vivant et de susciter lintérêt des parlementaires, il a convenu que, si certaines pouvaient être déjà mises en oeuvre dans le cadre de la commission des Finances, dautres nécessitaient une réforme des ordonnances de 1958 et 1959 à laquelle le ministère des finances ne lui paraissait pas hostile par principe.
Soulignant par ailleurs que la Cour des comptes ne saurait être considérée comme un simple auxiliaire de lAssemblée nationale, il a affirmé que son intervention ne diminuerait pas la charge des rapporteurs spéciaux, dans la mesure même où ils devraient utiliser davantage ses travaux ; il a ajouté que, de toute manière, la Commission avait la faculté de faire appel, pour des tâches de contrôle et dévaluation, à dautres structures.
Après avoir appelé de ses vux le passage, dans lactivité de contrôle, dune logique de moyens à une logique dobjectifs et de résultats, il a estimé que la présentation du budget selon deux sections, lune relative au fonctionnement et lautre à linvestissement, pouvait servir à réaliser ce changement de culture, et que ses vertus pédagogiques sétaient vérifiées à travers son usage pour les collectivités locales.
Enfin, il a admis que, malgré linstitution au fil des ans de nombreux comités, lexécutif lui-même manquait dinstruments pour évaluer sa politique, et a fait remarquer que la définition des conditions dans lesquelles la Cour des comptes était amenée à transmettre certains documents devait être précisée.
Il a constaté, en conclusion, que, quel que soit le degré denthousiasme des uns et des autres, le processus de réforme était engagé et que sa mise en oeuvre ne devait pas souffrir de retard.
Le Président Augustin Bonrepaux a ensuite invité la Commission à procéder à la mise en place de la mission dévaluation et de contrôle. Il a indiqué que le Bureau de la Commission avait décidé que la mission comporterait deux co-présidents, le Président de la Commission et un membre de lopposition, le Rapporteur général ainsi que deux membres titulaires et un membre suppléant pour chaque groupe, ce qui traduisait bien la volonté de renforcer le rôle de lopposition. Il a également évoqué le calendrier des réunions de la mission, qui auraient lieu tous les jeudis matin, sous réserve des obligations liées aux autres travaux de la Commission ; en conséquence, il a estimé quune dizaine de thèmes, qui seraient déterminés de manière équilibrée entre la majorité et lopposition, pourraient être étudiés dici la fin du mois de juin et a fixé au jeudi 4 février prochain la première réunion de la mission ; il a précisé que les réunions de la mission seraient consacrées essentiellement à la préparation des auditions des semaines suivantes.
Il a enfin souligné la nécessité dun important travail en amont des réunions de la mission. Il a indiqué que ce travail, qui associerait les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis concernés, sappuierait sur les enquêtes de la Cour des comptes, mais aussi sur les investigations menées par dautres organismes, notamment ceux de lOffice parlementaire dévaluation des politiques publiques. Il a conclu en observant que la création de la mission dévaluation et de contrôle ne remettait nullement en cause les travaux que pouvaient opérer, à titre personnel, les rapporteurs spéciaux.
M. Georges Tron, en tant que rapporteur spécial des crédits des services généraux du Premier ministre, a considéré que la situation particulière qui était celle des « fonds secrets » justifiait une réflexion qui lui semblait devoir sinscrire, au moins dans un premier temps, dans un cadre différent des auditions publiques proposées par le Rapporteur général.
M. Didier Migaud, Rapporteur général, a rappelé que la création de la mission dévaluation et de contrôle nétait pas exclusive des travaux de contrôle menés directement par les rapporteurs spéciaux et a reconnu que, même si lévolution générale devait tendre à donner davantage de publicité aux actions de contrôle et dévaluation engagées par la commission des Finances, des solutions particulières pouvaient être exceptionnellement retenues et que la publicité ne devait pas être une règle absolue.
M. Laurent Dominati, après avoir indiqué que le groupe Démocratie libérale navait pas désigné en létat ses représentants à la mission dévaluation et de contrôle, a déclaré que ce groupe était hostile à linstitution dune co-présidence, soulignant que la majorité montrerait sa volonté de renforcer réellement le rôle de lopposition en lui laissant la présidence de la mission. Il est ensuite revenu sur les raisons pour lesquelles son groupe ne se prononcerait que sur une réforme densemble, en estimant que les propositions de réforme du règlement envisagées par le Président de lAssemblée nationale étaient en létat défavorables aux droits de lopposition.
Après que M. Raymond Douyère eut souhaité un alignement du règlement de lAssemblée nationale sur celui du Sénat et que M. Laurent Dominati eut rappelé le système de points, garantissant une attribution proportionnelle équitable des fonctions entre les groupes politiques, actuellement en vigueur au Parlement européen, le Président Augustin Bonrepaux a souligné la distinction entre ce qui était du ressort de lAssemblée et de ses groupes, à savoir la réforme du règlement, et ce que pouvait décider la Commission dans le cadre de ses compétences, à savoir mettre en place une mission dinformation consacrée à lévaluation et au contrôle.
Après que la Commission se fut prononcée en faveur de la création de la mission dévaluation et de contrôle dans la configuration théorique proposée, le Président Augustin Bonrepaux a indiqué quen tout état de cause les sièges attribués aux groupes de lopposition leur seraient réservés, ainsi quune co-présidence, et que le programme de travail de la mission ne serait définitivement établi quune fois la mission intégralement constituée.
M. Philippe Auberger a souligné que le groupe RPR ne pouvait présenter de candidats, car une confusion avait été entretenue entre la réforme du règlement proposée par le Président de lAssemblée nationale et la mise en place de la mission dévaluation et de contrôle, confusion laissant croire que les deux étaient nécessairement liées.
Après que le Président et le Rapporteur général eurent démenti ce lien, la Commission a procédé aux désignations des membres de la mission dévaluation et de contrôle. Outre le Président et le Rapporteur général de la commission des Finances, ainsi que le co-président, la mission comprend :
membres titulaires : Mme Nicole Bricq, MM. Jérôme Cahuzac, Christian Cuvilliez, Daniel Feurtet, Jean-Jacques Jegou, Pierre Méhaignerie, Gérard Saumade, Michel Suchod, N..., N..., N... et N...
membres suppléants : MM. Jean-Pierre Brard, Raymond Douyère, Pierre Hériaud, Jean Rigal, N... et N...
fpfp
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