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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 39

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 9 février 1999
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de M. François Roussely, Président d’EDF, sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (n° 1253)


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La commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan a procédé à l’audition de M. François Roussely, Président d’EDF, sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (n° 1253).

M. François Roussely a tout d’abord indiqué que la transposition de la directive venait à la fois clore une démarche entamée depuis plusieurs années et ouvrir une nouvelle période pour l’entreprise nationale avec la définition d’une stratégie et d’une organisation modifiées et la mise en place de nouvelles équipes. Il a souligné que, dans ce contexte, les axes de développement d’EDF étaient centrés sur le service public et l’entrée dans la concurrence avec l’affirmation d’une plus grande ouverture internationale. Il a précisé que si le projet de loi aujourd’hui en discussion ouvrait une période nouvelle, il ne créait pas de changement mais était plutôt l’acte qui le constate. A cet égard, il a rappelé que le secteur de l’électricité se caractérisait désormais par une relative saturation des marchés, le développement d’innovations technologiques importantes comme la pile à combustible, par exemple, et l’émergence de besoins nouveaux émanant de clients qui disposent tous de sites européens (une dizaine pour les plus importants d’entre eux). Décrivant l’existence d’un marché de l’énergie à la fois sur un plan national et international, il a conclu cette présentation des mutations en cours en insistant sur les conséquences qu’elles ne manqueraient pas d’avoir sur les prix.

Il a ensuite présenté les forces et les faiblesses de l’entreprise nationale face à cette nouvelle donne en soulignant à la fois sa légitimité dans le service public et sa forte position concurrentielle, EDF étant un exportateur net d’énergie et proposant les prix les plus bas en Europe. Il a ajouté que la capacité financière de l’établissement était en constante amélioration et a rappelé, qu’aux termes du contrat d’entreprise, l’objectif final était de parvenir à une diminution des prix de 14 %. S’agissant des faiblesses d’EDF, il a fait état de la surcapacité de production en Europe ainsi que de la forte rigidité d’une entreprise, essentiellement tournée vers l’amont, qui n’avait exprimé que récemment son intérêt pour la diversification. Il a illustré son propos par la faible part des investissements hors électricité réalisés par l’entreprise, qui s’élevait à 7 % en 1997 pour EDF contre 31 % pour Electrabel, 46 % pour l’espagnol ENDESA et 56 % à Scottish Power. Il a considéré que si le niveau des prix relatifs constituait un élément positif pour l’entreprise, cette dernière se caractérisait cependant par une moindre adaptation aux évolutions récentes du marché de l’énergie.

M. François Roussely a ensuite exposé les axes de développement d’EDF, en insistant sur son excellence dans le domaine du service public, notamment en matière de production d’électricité, étant précisé que le renouvellement du parc de ses centrales s’imposera à l’horizon 2020 et qu’il sera alors nécessaire de réfléchir à un nouvel équilibre entre les différentes sources d’énergies utilisables, en particulier à la part qui sera faite aux énergies renouvelables et, naturellement, au nucléaire. Dans le domaine du transport, il a insisté sur la mise en place de nouveaux modes de développement des réseaux ainsi que sur l’importance du rôle que jouera le gestionnaire du réseau, en vue notamment de garantir leur sécurisation. Il a affirmé que l’attention nécessaire aux plus démunis passait par la reconnaissance du « droit à l’énergie » à travers l’approche des besoins en alimentation électrique plutôt que par une politique tarifaire. Il a ajouté que la fourniture de secours constituait également une des missions de service public incombant à l’entreprise. Il a enfin exprimé le souhait que les relations d’EDF avec les collectivités locales, qui ont déjà fortement évolué depuis les lois de décentralisation, soient redéfinies, en vue notamment de promouvoir la mise en œuvre de politiques locales de l’énergie.

Abordant ensuite les conditions de l’entrée dans la concurrence, il a indiqué qu’il était nécessaire d’élargir le principe de spécialité de l’établissement pour lui permettre, non pas de s’affranchir d’un principe fondateur, mais de s’adapter aux besoins exprimés par les clients éligibles. Il a précisé qu’une telle adaptation s’imposait afin de permettre à EDF de développer une offre « multi-énergie » et « multi–services », indispensable dans un contexte marqué par un niveau des prix du gaz et du pétrole historiquement bas. Il a mis l’accent sur cette nécessité en indiquant que certaines grandes entreprises souhaitaient disposer d’une offre globale, compte tenu de la part que pouvait représenter leur alimentation énergétique par rapport à l’ensemble de leurs coûts de production (jusqu’à 50 % dans certains cas). Il a déclaré que l’absence de subventions croisées entre l’activité régulée d’EDF et son activité soumise à la concurrence serait garantie par la mise en place du principe de dissociation comptable, d’une part, et le contrôle effectué par le futur régulateur du secteur, les instances européennes et le Conseil de la concurrence, d’autre part.

M. François Roussely a par ailleurs souligné que l’élargissement du principe de spécialité s’imposait également afin de suivre les demandes des clients de l’entreprise qui disposent de nombreux sites hors de France, et souhaitent bénéficier d’une offre de prix à l’échelle européenne. Il a considéré qu’EDF était ainsi amenée à développer une politique de groupe dans la mesure où ses clients représentent trente millions de consommateurs en France et 15 millions à l’étranger.

Le Président d’EDF a conclu son exposé en estimant que la réussite de l’ouverture à la concurrence était soumise à une double condition :

– d’une part, la mise en place d’une régulation efficace et d’un principe de transparence dans les activités de l’entreprise afin de ne pas alimenter le soupçon d’une concurrence « de complaisance » alors que l’entreprise nationale bénéficie d’un chiffre d’affaires d’environ 200 milliards de francs et constitue le troisième potentiel industriel du pays et le premier électricien du monde ; 

– d’autre part, l’affirmation d’une nouvelle dynamique sociale, l’histoire d’EDF étant marquée par la convergence constante entre succès techniques et projets sociaux. A cet égard, l’accord sur les 35 heures, récemment signé, doit être interprété comme une marque de confiance des personnels de l’entreprise nationale.

Il a exprimé le souhait que la loi, qui résulterait des débats, soit une loi qui permette plutôt qu’une loi qui interdise. Il a enfin insisté sur l’urgence de son adoption afin de permettre une ouverture de l’ensemble du marché à la date du 19 février prochain.

Confiant dans la capacité d’EDF à affronter la concurrence, M. Jean-Louis Dumont, rapporteur, a néanmoins souligné que les concurrents du premier producteur d’énergie mondial avaient développé des activités connexes qui mettaient en évidence la force mais aussi la faiblesse de l’entreprise nationale. Il a souhaité connaître, dans cet esprit, la position de M. François Roussely sur l’aménagement du principe de spécialité tel qu’il est prévu dans l’article 42 du projet de loi ainsi que sur sa mise en œuvre durant la période transitoire qui s’ouvrira le 20 février prochain et s’est enquis des mesures qui devaient être prises afin de ne pas fragiliser EDF durant cette période.

Il a ensuite évoqué le statut du gestionnaire de réseau de transport (GRT) en rappelant avoir proposé dans un récent rapport au Premier ministre que ce dernier prenne la forme d’un établissement public indépendant. Cette option n’ayant pas été retenue, il a demandé au Président d’EDF s’il jugeait que les garanties d’indépendance du gestionnaire étaient suffisantes, notamment pour la nomination de son directeur.

Il s’est également interrogé sur les modalités de fixation des prix applicables sur le futur marché, dont les dimensions seront rapidement élargies à l’ensemble de l’Europe du fait de l’interconnexion des réseaux.

Il a, par ailleurs, souhaité connaître les conséquences de la transposition de la directive sur l’organisation de l’entreprise, en particulier dans le domaine de la maintenance et des investissements sur le réseau de transport.

Évoquant les craintes que pouvait susciter l’étendue des pouvoirs de la Commission de régulation de l’électricité (CRE), il a cité l’arrêt récent par lequel la Cour de cassation avait proscrit la participation d’un rapporteur de la Commission des opérations de bourse aux activités juridictionnelles de cette instance, et invité à en faire une lecture positive en considérant qu’il confirmait l’impossibilité pour le régulateur d’être à la fois juge et partie. Il a souhaité recueillir le sentiment du président d’EDF sur les attributions de la CRE, en particulier dans le domaine de la fixation des tarifs. A cet égard, il a demandé si l’engagement pris par l’entreprise de diminuer les tarifs proposés aux clients non éligibles serait respecté à l’avenir.

Enfin, relevant le souci de l’ensemble des partenaires de renforcer les missions de service public assumées par l’entreprise en direction des plus démunis, il a souhaité obtenir des précisions quant au financement de ces missions et l’organisation des différents mécanismes prévus dans le projet de loi. Sur ce point, il a rappelé que les taxes sur la consommation d’électricité prélevées par les collectivités locales servaient parfois à alimenter le budget général de ces collectivités.

Répondant au Rapporteur, M. François Roussely a confirmé qu’en l’absence de loi ou de tout autre texte, l’ensemble des clients immédiatement éligibles pourraient demander à être desservis par d’autres producteurs à partir du 20 février prochain et que se poseraient alors un problème de franchissement des frontières par les producteurs étrangers et un problème d’accès au réseau de transport français. Il a souligné le risque que ferait peser la fermeture éventuelle de nos frontières sur EDF, qui est un exportateur net. Dans le cas d’une ouverture avec l’accès au réseau de transport, il a considéré que la principale difficulté devenait la base légale de la tarification. Il a plaidé, à défaut de loi, pour la définition d’un cadre réglementaire transitoire pour la fixation des tarifs, exposant qu’en l’absence de cadre légal, nos concurrents ne feraient payer à leurs clients que le coût de l’énergie alors qu’EDF est contrainte de facturer en sus les frais de transports et d’assistance.

Le Président d’EDF a, en outre, souligné que les clients éligibles pourraient également s’adresser aux concurrents nationaux de l’entreprise, qui peuvent faire des offres globales, alors qu’EDF, en vertu du principe de spécialité, ne peut aller dans cette voie. Il a cité, à titre d’exemple, les possibilités d’accords entre Usinor et L’Air Liquide et a rappelé l’importance de l’enjeu représenté par les clients éligibles, dont le marché est de 30 milliards de francs.

Évoquant le gestionnaire du réseau de transport (GRT), il a souhaité qu’EDF ne soit pas juge et partie, et affirmé que l’entreprise pouvait soutenir la concurrence dans de bonnes conditions. Il a déploré certaines critiques injustes qui méconnaissent le fait qu’EDF assumait depuis 52 ans sa mission de service public en respectant trois principes : l’impartialité, l’égal accès et la continuité du service public. Il a estimé que l’intégration du GRT dans le cadre de l’entreprise ne le conduirait pas à être complaisant à son égard et invoqué, à l’appui de cette observation, le précédent des relations entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF. Il a ajouté que la définition des rapports entre la CRE et EDF posait plus un problème culturel qu’un problème juridique, dans la mesure où l’entreprise, nourrie d’une culture d’arbitrage, doit s’habituer à travailler dans un environnement, commun en Europe, de médiation et de régulation. Il s’est déclaré confiant dans l’apport que constituerait à cet égard la pratique des relations avec les autorités de régulation dans le cadre des activités des filiales d’EDF par exemple à Buenos Aires et à Londres.

M. François Roussely a ajouté que si la diminution des tarifs pour les ménages était effectivement inscrite dans le contrat d’entreprise, il ne serait pas raisonnable, face aux entreprises concurrentes, d’afficher la politique des prix prévue dans le secteur éligible. Affirmant que la coupure de courant était la négation même du service public, il a exprimé l’intention de définir des règles de mise à disposition minimale de l’énergie électrique qui ne remettent pas en cause les équilibres économiques de l’entreprise et soient conçues de manière à éviter les abus. Il a par ailleurs jugé que les collectivités locales avaient plutôt vocation à définir une politique de l’énergie, plutôt que considérer l’électricité comme une ressource fiscale, et a souhaité en conséquence l’établissement de relations plus étroites avec les collectivités locales passant par une conception plus active du rôle de concessionnaire d’EDF.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, citant le récent rapport public de la Cour des comptes, a interrogé M. François Roussely sur le provisionnement des charges futures du secteur nucléaire.

Répondant sur ce point, M. François Roussely a souligné que le système de provisionnement des charges d’amortissement du secteur nucléaire ne répondait à aucune des pratiques suivies en économie dans la mesure où les cycles d’amortissement sont extrêmement longs. Il a ajouté que la règle habituelle constituait en un provisionnement à hauteur de 15 % du coût de construction d’une centrale. Il a évalué à 103 milliards de francs le montant du démantèlement des centrales, la première étant Fessenheim en 2018. Il a indiqué que près de la moitié de cette somme (44,6 milliards de francs) était actuellement provisionnée.

M. Gilbert Gantier, se référant à la date du 20 février, s’est demandé pourquoi le débat que tenait aujourd’hui la commission des Finances n’était pas intervenu plus tôt. Il a ensuite interrogé M. Roussely sur l’évolution de la dette d’EDF, le maintien de la part d’origine nucléaire de la production totale d’électricité, la réalité de l’écart des tarifs d’EDF par rapport à celui des concurrents, et enfin sur la poursuite du programme d’enfouissement des lignes à haute tension.

Après s’être félicité des conditions dans lesquelles était intervenue la récente réorganisation de la direction générale d’EDF, M. Gérard Fuchs a demandé à M. François Roussely s’il estimait possible un élargissement de la politique européenne de l’énergie, actuellement concentrée sur la concurrence et la notion européenne de service public consacrée par le traité d’Amsterdam, vers une démarche d’anticipation à échéance de quinze ou vingt ans, intégrant les questions de coordination des politiques et de sécurité des approvisionnements ; il a souhaité savoir si cette approche était actuellement susceptible d’éveiller l’intérêt d’autres partenaires ou d’autres gouvernements. Il s’est ensuite enquis du calendrier d’élaboration de la prochaine génération de réacteurs nucléaires. Enfin, évoquant de récentes opérations d’achat d’entreprises au Royaume-Uni et en Argentine, il s’est interrogé sur la politique d’EDF en matière d’investissements extérieurs, particulièrement en Europe centrale.

M. Yves Cochet a d’abord demandé si le lancement de la construction de la nouvelle génération de réacteurs nucléaires exigeait une décision politique dès cette année, avant de questionner M. François Roussely sur l’avenir du combustible Mox. Il a ensuite remarqué qu’en France, la politique de l’offre en matière électrique avait été forte, sinon « forcenée », notamment pour la promotion du chauffage électrique et fait observer que ce mode de chauffage était d’ailleurs interdit dans certains pays de l’Union européenne. Il s’est interrogé sur l’impact de ce suréquipement sur les conditions de vie des ménages vivant en grande précarité.

Il a ensuite souhaité recueillir l’avis de M. Roussely sur le concept de « centrale virtuelle » qui consisterait dans la vente aux clients d’EDF de solutions d’économie d’énergie dans le cadre de la politique multi-services. Enfin, après avoir insisté sur la grande concentration des moyens de transport dans le couloir rhodanien, il s’est demandé quelles pouvaient être les conséquences économiques d’un incident sérieux dans une centrale nucléaire située sur cet axe particulièrement vulnérable.

Mme Nicole Bricq, après avoir estimé nécessaire la transposition aujourd’hui engagée de la directive européenne, a demandé des précisions sur la stratégie industrielle suivie par EDF pour promouvoir la diversification des sources d’énergie électrique.

M. Alain Rodet a souhaité des informations sur les rapports entre EDF et la Compagnie nationale du Rhône et sur les possibles diversifications de l’entreprise dans les secteurs des déchets et du chauffage.

Répondant aux différents intervenants, M. François Roussely a apporté les précisions suivantes.

– s’il est vrai que EDF n’a pas montré ces dernières années un grand enthousiasme pour la concurrence et la construction européenne, cette attitude relève aujourd’hui du passé. La situation de concurrence est, plus qu’une conséquence de la directive, le fruit de l’évolution du courant des échanges. Il est souhaitable que le droit accepte le fait et ne le gêne pas. Il faut tout faire pour que la réussite d’EDF, observée depuis cinquante ans, ne soit pas contrariée par une entrée médiocre dans une période nouvelle ;

– l’endettement d’EDF lié à la réalisation du programme nucléaire, a été utilisé, dans le passé, comme un élément de régulation des flux macro-économiques ; la cotation triple A due à la présence de l’actionnaire public unique a permis à l’entreprise de s’endetter au moindre coût. Les excellents résultats d’EDF ont permis un désendettement régulier qui a atteint, en 1998, 3,8  milliards de francs.

– la proportion d’électricité d’origine nucléaire se monte actuellement à 82 % du total de la production. Si, à l’échéance de vingt-cinq ans, le volume des réserves et le prix du gaz naturel demeurent à leur niveau actuel, EDF aura besoin de lancer des opérations de construction d’équipements faisant appel au gaz, plutôt que de la simple reproduction des centrales nucléaires existantes. Il n’existe aucun site susceptible d’accueillir un équipement en énergie hydraulique – seule source significative d’énergie renouvelable – propre à augmenter la part actuelle de cette énergie dans la production. Par conséquent, l’indépendance énergétique sera indiscutablement assurée par le nucléaire, la France n’étant pas, contrairement à d’autres, en situation d’aller vers l’option « nucléaire zéro ». Et, pour maintenir ouverte l’option nucléaire, il faut maintenir les capacités d’exploitation et le savoir technique au niveau d’excellence. Les énergies renouvelables n’assureront pas le développement économique du pays, et au demeurant on peut vraiment se demander si l’implantation d’éoliennes serait bien accueillie par l’opinion ;

– les activités du service public ne subventionneront pas l’effort de compétitivité et n’en pâtiront pas. Dans le service public, les tarifs demeureront régulés : les prix des éligibles seront tirés par le marché. Mais il n’y a pas de client captif, car les formes d’énergie répartie donnent à tout client le moyen de choisir d’autres sources d’approvisionnement énergétique ;

– l’enfouissement des lignes conduit à majorer le coût du transport de l’énergie d’au moins cinq fois pour la très haute tension et une fois et demie pour la moyenne tension. Les coûts sont prohibitifs. Les seules opérations envisageables sont locales et doivent être conduites en liaison avec les collectivités locales.

– EDF n’a rien à craindre de la mise en place d’une politique européenne de l’énergie puisqu’elle peut compter sur son savoir–faire et son fort potentiel de recherche (EDF réalise 3 milliards de francs d’investissement et emploie 3.000 chercheurs) ; la mise en place d’une telle politique pourrait permettre, grâce à l’interconnexion des réseaux, de tirer profit des caractéristiques de la situation énergétique de chacun des États membres ; ceux-ci ont en effet chacun leurs atouts : la France ne dispose pas, par exemple, des mêmes réserves de charbon ni des mêmes relations gazières avec la Russie que l’Allemagne ;

– le programme EPR se poursuit normalement, mais il n’est pas possible de déterminer avec précision son calendrier ; on admet communément qu’il faut sept à dix ans pour installer un nouveau réacteur et qu’il est nécessaire de disposer de cinq à six années d’exploitation pour bénéficier du retour d’expérience nécessaire ; il faudra donc, dans les mois ou les années qui viennent, prendre une décision qui aura de fortes répercussions sur l’organisation industrielle dont la France souhaite se doter ; en effet, l’industrie nucléaire est une industrie lourde qui doit se maintenir à un haut niveau d’excellence et ceci suppose le maintien d’investissements réguliers (c’est le cas notamment grâce aux projets en cours en Chine) pour éviter la dispersion des équipes et des bureaux d’études ;

– EDF est présente en Autriche, en Hongrie (où elle dessert 1,6 million de clients), en Suède (où elle détient le tiers du capital du sixième producteur), en Suisse et en Grande-Bretagne ; de plus, elle est fortement présente en Ukraine où elle veille à ce que l’exploitation du parc nucléaire existant et l’abandon progressif du site de Tchernobyl se fasse dans les meilleures conditions de sécurité ;

– depuis l’abandon de Superphénix, le principal atout du combustible Mox est d’offrir une plus grande flexibilité en aval du site du combustible, puisqu’il divise par six la production de déchets ; à ce propos, les capacités existantes d’EDF, de la Cogema et de l’ANDRA permettent une cinquantaine d’années d’exploitation du parc sans que le problème des déchets ne se pose ; pour ce qui est du Mox, il n’y a pas lieu d’aller au delà des objectifs initiaux.

– EDF n’a pas à rougir de la politique qu’elle a menée en matière de chauffage électrique, même si celle-ci ne s’est pas faite toujours dans des conditions parfaites ; aujourd’hui, EDF modifie son offre pour montrer que le chauffage électrique reste adapté au logement social ou au logement collectif et qu’il est possible d’en réduire le coût pour le consommateur ; cependant il est vrai qu’elle doit faire face aux difficultés rencontrées dans certains types de logement, notamment ancien, dans lesquels les charges de chauffage sont parfois élevées ;

– EDF entend développer une nouvelle politique en matière de chauffage électrique, ce qui constitue un bon exemple de « centrale virtuelle », l’ensemble de ses services visant à améliorer l’efficacité énergétique des installations de ses clients ;

– l’accumulation de grands équipements d’infrastructure dans le couloir rhodanien ne saurait être niée, mais il convient de rappeler que les centrales nucléaires ont besoin d’eau et que, dans cette optique, la présence du Rhône constitue un atout incomparable ;

– en ce qui concerne la diversification en direction des énergies renouvelables, il est regrettable que l’on oublie de mentionner l’importance de la contribution de l’électricité hydraulique qui représente 15 % de notre production ; à cette aune, la France est le premier pays pour la place accordée aux énergies renouvelables ; s’agissant des autres énergies de ce type, le dispositif existant est encore balbutiant et les recherches doivent être poursuivies, notamment pour s’assurer de la qualité de l’électricité produite et pour réduire les coûts de production ; ceux-ci sont encore aujourd’hui supérieurs à ceux du parc nucléaire, même s’il est vrai qu’il s’agit encore d’outils expérimentaux ;

– si tous les juristes semblent s’accorder aujourd’hui pour reconnaître à la Compagnie nationale du Rhône le statut de producteur indépendant, il convient encore de déterminer dans quelles conditions elle peut exploiter ses installations et comment s’effectuera le partage de celles-ci ; dans la mesure où EDF en a financé une grande partie, cet effort financier passé devra être pris en compte ;

– EDF n’est pas absente du marché de la propreté et du chauffage urbain, notamment au travers de sa filiale Cogetherm présente sur le marché de la cogénération, mais il est vrai que cela reste encore limité.

Le Président Augustin Bonrepaux s’est félicité que M. François Roussely insiste sur le caractère renouvelable de l’énergie hydraulique, donnée dont il a regretté qu’elle soit trop souvent oubliée. Il s’est interrogé sur la possibilité de développer cette source d’énergie, notamment en réexaminant un certain nombre de grands projets qui ont été abandonnés au cours des dernières années alors qu’ils avaient fait l’objet d’études préalables concluant à leur rentabilité. Remarquant que de nombreux petits projets hydrauliques étaient aujourd’hui portés par des entreprises privées et présentaient donc une rentabilité jugée suffisante, il a estimé que celle-ci résultait avant tout de l’obligation d’achat pesant sur EDF. Dès lors, il s’est interrogé sur l’avenir de cette obligation dans le nouveau contexte de concurrence.

Répondant au Président, M. François Roussely a souligné que la montée en puissance du parc nucléaire, qui avait entraîné une diminution des coûts de production, avait suffi à rendre non rentable un certain nombre de projets énergétiques, en matière hydraulique comme de cogénération. Il a précisé qu’un réexamen des projets suspendus serait concevable si l’on estimait souhaitable un rééquilibrage de la structure de notre production électrique en faveur des énergies non nucléaires. Il a admis la légitimité de l’obligation d’achat lorsqu’elle porte sur de petits projets qui ne pourraient pas voir le jour sans elle ou lorsqu’il s’agit, dans une première étape, de donner une crédibilité industrielle à certains investissements. Il a indiqué qu’elle n’est plus justifiée, par contre, dans le cas de projets de plus grande importance qui trouvent seuls leur équilibre financier et qu’elle conduit EDF à acheter une énergie dont elle n’a pas besoin et à des coûts supérieurs à ses propres coûts de production.

——fpfp——


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