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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 41

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 mars 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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– Examen du projet de loi relatif à l’épargne et à la sécurité financière (n° 1244) (M. Raymond Douyère, rapporteur pour la première partie : réforme des caisses d’épargne ; M. Dominique Baert, rapporteur pour la seconde partie : renforcement de la sécurité financière)

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– Information relative à la Commission

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La commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan a commencé l’examen, sur les rapports de MM. Raymond Douyère (première partie : de la réforme des caisses d’épargne) et Dominique Baert (seconde partie : du renforcement de la sécurité financière), du projet de loi relatif à l’épargne et à la sécurité financière (n° 1244).

M. Raymond Douyère, rapporteur pour la première partie du projet de loi, a tout d’abord rappelé que le présent projet de loi, qui faisait suite aux deux importantes réformes de 1983 et de 1991, avait pour principal objet de transformer les caisses d’épargne en sociétés coopératives, tout en réaffirmant leurs missions d’intérêt général, conformément à leur culture, fondée sur l’éducation de la population à l’épargne et le but non lucratif de leurs activités. Il a ajouté que la clarification des missions et du statut des caisses d’épargne opérée par le projet de loi permettrait de renforcer leur insertion dans l’économie sociale, notamment par le bais de l’affectation d’une partie de leurs résultats à des projets d’économie locale et sociale.

Puis il a indiqué que le futur réseau serait constitué, à la base, de groupements locaux d’épargne (GLE), destinés à porter les parts sociales des caisses régionales et à assurer l’animation démocratique du sociétariat, la cohérence et l’homogénéité de l’ensemble étant assurées par une Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance, qui jouera le rôle d’organe central, et une Fédération nationale des caisses d’épargne et de prévoyance, garante de la diversité et de la richesse des caisses régionales.

Il a rappelé que, pour la négociaiton des accords collectifs nationaux, les nouvelles règles de vote au sein de la Commission paritaire nationale, en se rapprochant du droit commun, sans toutefois s’y confondre, constituaient l’aboutissement d’un processus, initié en 1991, avec le passage d’une règle de l’unanimité à la règle de la majorité des trois quarts, et permettraient de débloquer le dialogue social au sein du réseau des caisses d’épargne.

Par ailleurs, il a souligné que les bouleversements apportés par le projet de loi favoriseraient le développement européen et financier des caisses d’épargne et garantiraient, ainsi, la pérennité de ces organismes en améliorant leur rentabilité et en leur accordant un statut juridique bien identifié. Il a observé que la privatisation aurait été une solution qui aurait trahi l’histoire et la culture des caisses d’épargne en allant, au surplus, à l’encontre de la volonté gouvernementale, alors que le statut coopératif offrait, en revanche, un cadre particulièrement bien adapté à des organismes bancaires soucieux de se développer de manière équilibrée, respectueux de leur environnement local et social, contribuant par l’intermédiaire des fonds du livret A à l’action en faveur du logement social, et attachés à la lutte contre les exclusions.

Présentant la seconde partie du projet de loi, M. Dominique Baert, rapporteur, a tout d’abord indiqué que les dispositions du projet de loi relatives au renforcement de la sécurité financière trouvaient leur fondement dans les difficultés que les systèmes bancaires de certains pays développés avaient pu connaître depuis la fin des années 80. Il a rappelé que celles-ci étaient dans une large mesure nées de la déréglementation des activités financières, qui avaient conduit les banques, devant l’intensification de la concurrence, à vendre leurs produits au coût marginal ou à perte, diminuant ainsi leur rentabilité. Il a mis l’accent sur la nécessité qui fut celle de la puissance publique d’intervenir dans le traitement de sinistres bancaires face à l’incapacité des actionnaires à remplir leurs obligations.

Le Rapporteur a noté également que le projet de loi renforçait un dispositif législatif et réglementaire mis en place depuis une dizaine d’années par notre pays et la Communauté européenne. Il a indiqué que le projet répondait à deux préoccupations : protéger les consommateurs et assurer une sécurité financière maximale pour les opérateurs sur le territoire français. S’agissant du premier objectif, il a estimé que la plupart des défaillances avait pour origine des cas de malversation, mais qu’il convenait cependant de définir les règles générales d’une meilleure protection des déposants et des assurés. Quant à la sécurité financière, il a considéré qu’elle constituait un argument de compétitivité dans la concurrence que se livrent les grandes places financières européennes.

M. Dominique Baert a ensuite présenté les grandes lignes du projet de loi. Il a indiqué que le titre premier du projet renforçait la surveillance des établissements de crédit, des entreprises d’investissement et des entreprises d’assurance, dans un souci préventif, afin de détecter en amont les dérives comptables ou les gestions hasardeuses. Il a, à cet égard, décrit les dispositions réformant la délivrance des agréments, l’institution d’un collège des autorités de contrôle et le renforcement de la connaissance de la situation financière des entreprises et des conglomérats financiers. Il a également relevé les modifications aux règles de présentation des contrats et les contrôles plus stricts sur les activités des courtiers et des associations souscriptrices d’assurance. En revanche, il a estimé que la réforme du mode de rémunération des sociétaires des banques coopératives n’avait pas de fondement et a indiqué qu’il en proposerait la suppression.

Abordant le titre II du projet, relatif aux mécanismes de garantie, le Rapporteur a indiqué que le dispositif parachevait un processus initié il y a plusieurs années. Il a rappelé les différentes étapes conduisant à l’établissement d’un système de garantie des déposants avant d’indiquer que le projet de loi instituait une sorte de « maison commune », à laquelle devaient adhérer tous les établissements de crédit quel que soit leur statut ou leur forme juridique. Il a relevé que ce choix fondamental n’était pas accepté spontanément par les réseaux mutualistes et coopératifs, mais qu’il présentait l’avantage de la simplicité et de l’efficacité. Il a estimé que la Commission bancaire disposerait de davantage de pouvoirs pour garantir la solidarité de place.

Après avoir décrit le fonctionnement du fonds de garantie, M. Dominique Baert a mis l’accent sur la possibilité pour ce fonds d’intervenir à titre préventif, mais a annoncé qu’il proposerait un aménagement du dispositif afin de permettre au président du directoire de ce fonds d’être entendu par la Commission bancaire. Il a ensuite analysé le système de garantie des assurés, en soulignant que son organisation et son fonctionnement étaient étroitement inspirés par le fonds de garantie des dépôts, son intervention étant liée aux prérogatives de la Commission de contrôle des assurances, et entraînant automatiquement la liquidation de l’entreprise d’assurance concernée. Il a enfin annoncé que le projet de loi instaurait un mécanisme de garantie des titres, ce qui permettait à la France de mettre en oeuvre une directive européenne du 3 mars 1997.

Le Rapporteur a indiqué que le titre III du projet de loi modifiait les procédures de règlement judiciaire et de liquidation applicables aux établissements de crédit, aux entreprises d’investissement et aux entreprises d’assurance, en accroissant le rôle des autorités administratives de contrôle. Abordant le titre IV du projet, il a ensuite présenté la réforme des sociétés de crédit foncier, considérant qu’il convenait de dynamiser et de développer les mécanismes de refinancement des prêts à l’immobilier. Il a relevé que le projet s’inspirait du régime allemand des « Pfandbriefe », qui connaissait un développement important. Il a indiqué que les obligations foncières ne pourraient être émises que par des établissements de crédit spécialisés, à savoir les sociétés de crédit foncier, ce qui obligerait les établissements financiers à créer une filiale spécialisée. Il a souligné que les obligations foncières seraient soumises à des normes de gestion spécifiques, notamment sur le ratio de l’actif par rapport aux obligations foncières émises. Il a, enfin, présenté la réforme du Crédit foncier de France (CFF), qui conduira à la création d’une entité financière dont la notation serait vraisemblablement élevée. Il a estimé que la filialisation de l’activité foncière du CFF lui permettrait de trouver de meilleures conditions de ressources, et lui donnerait tous les atouts pour réussir la procédure d’adossement.

Un débat a suivi l’exposé des Rapporteurs.

M. Christian Cabal a regretté que le Gouvernement ait décidé de regrouper des dispositions de nature très différente dans un projet « fourre-tout », alors qu’une séparation entre plusieurs textes aurait permis une discussion plus sérieuse. Il a estimé que la Commission des finances n’avait pas rempli son rôle pour l’examen de ce projet, le débat ayant été esquivé et réduit aux auditions que le Rapporteur a pu organiser à titre individuel. Sur le fond, il a exprimé un sentiment d’insatisfaction, tenant au fait que la réforme se limitait aux aspects formels du statut et à la clarification de l’appartenance des fonds propres. Il a notamment estimé que les groupements locaux d’épargne étaient des structures trop complexes, véritables usines à gaz, dont le fonctionnement risquait d’être très peu lisible pour les sociétaires. Il a considéré que les dispositions juridiques contraignantes prévues pour la structure spécifique d’intérêt général, où l’on retrouverait nombre des actions antérieurement menées par les caisses, ne permettraient pas d’appréhender clairement le degré d’autonomie et les limites de compétence de cet organisme. Il a particulièrement dit craindre que la règle comptable applicable aux résultats ne rende illusoire la mise en œuvre d’un dispositif qui, par conséquent, risquait de rester lettre morte. Il s’est, d’autre part, demandé s’il était légitime de laisser les seules caisses d’épargne abonder le Fonds de réserve des retraites alors que la dernière loi de finances a déjà effectué à son profit un prélèvement important sur leurs ressources ; il a déploré que l’on n’ait pas commencé par régler les problèmes graves posés par le financement de leur propre régime de retraite. Il a enfin regretté que le projet de loi ne contienne aucune disposition sur les relations entre le réseau des caisses d’épargne et la Caisse des dépôts et consignations, dont on sait pourtant qu’elles font actuellement l’objet, en privé, d’actives discussions.

Le Président Augustin Bonrepaux a rappelé que le récent examen du projet de loi prévoyant la prolongation du mandat des dirigeants des caisses d’épargne, puis le débat, il y a quelques jours à l’Assemblée nationale, sur l’avenir du secteur bancaire avaient donné l’occasion aux parlementaires et aux groupes politiques qui le souhaitaient d’organiser, dans le cadre de la préparation de leurs interventions, des auditions des syndicats. Il a relevé que le Rapporteur avait lui-même pris l’initiative de telles auditions auxquelles il n’est pas d’usage que la Commission serve de cadre.

M. Alain Rodet a rappelé que le projet de loi touchait un sujet sensible qui concernait 30 millions de livrets et 15 millions de clients. Il a considéré qu’il se situait dans la continuité des textes adoptés en 1983 et en 1991 dont il a souligné l’importance, la loi de 1983 ayant notamment permis d’enrayer la déliquescence des caisses d’épargne. Il a rappelé que les problèmes posés par le régime de retraite des caisses d’épargne étaient connus depuis longtemps. Il a estimé que la configuration actuelle du réseau des caisses d’épargne était très différente de celle à laquelle le législateur était confronté en 1986, lors de la privatisation de la Caisse nationale de crédit agricole. Il s’est félicité de voir, à l’occasion de l’examen du projet de loi, établir les bases d’un partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, et réaffirmer l’attachement au livret A. Il a approuvé la réforme de la structure dirigeante du réseau des caisses d’épargne, constatant que la dualité actuelle de ses organes centraux était à l’origine de sa faible présence sur le marché des crédits à la clientèle. Il s’est enfin prononcé pour la constitution d’un puissant groupe coopératif, adossé à la Caisse des dépôts et consignations et dans lequel le Crédit foncier de France pourrait être appelé à s’intégrer. Il a considéré que l’existence de ce groupe, qui jouerait un rôle très important dans l’économie nationale, correspondrait à la fois aux attentes du monde coopératif et aux idéaux défendus par le mouvement des caisses d’épargne depuis le député libéral Benjamin Delessert.

M. Jean-Jacques Jegou a estimé que le projet de loi regroupait trois textes d’importance inégale. Il a en effet considéré que, si les dispositions relatives au renforcement de la sécurité financière constituaient un enjeu capital pour l’avenir de la place de Paris, la réforme des caisses d’épargne correspondait à un projet ancien et répondait à un engagement pris à la fois par le précédent et l’actuel Gouvernements. Evoquant les points de consensus tels que le statut coopératif du réseau des caisses d’épargne, il a émis l’espoir que l’examen du projet permette de parvenir à une simplification bienvenue du dispositif, que les amendements présentés par le groupe UDF-Alliance recherchaient pour leur part, en remplaçant notamment les groupements locaux d’épargne par des groupements régionaux d’épargne et de prévoyance. Il a relevé dans les propos tenus par M. Raymond Douyère une contradiction entre l’affirmation du but non lucratif des caisses d’épargne et la mission qui leur était donnée, conformément d’ailleurs aux principes de la coopération, de rechercher des bénéfices afin d’assurer leur mission d’intérêt général.

M. Philippe Auberger s’est étonné qu’un projet de loi préparé de longue date et dont il existait douze versions successives, ait été déclaré d’urgence, et a jugé que le Gouvernement abusait ainsi des facilités constitutionnelles de procédure mises à sa disposition. Estimant que, sur le fond, le projet de loi laissait un goût d’inachevé, il a déploré, en premier lieu, que la réforme des caisses d’épargne ne donne pas aux caisses les moyens de s’ouvrir sur l’extérieur par la signature d’accords avec des organismes étrangers similaires, et que, d’autre part, aucune disposition ne se rapporte à la réforme de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui fait pourtant l’objet, de notoriété publique, d’un projet de réforme préparé par le Directeur général de la Caisse. Il a estimé que le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ne pouvait prétendre sérieusement ne pas être au courant, compte tenu de son ampleur, d’un tel projet, qui prévoit de filialiser certaines activités de la CDC, comme la gestion des SICAV et des fonds communs de placement. Il a ajouté qu’en l’état nul ne pouvait dire si les caisses d’épargne devraient confier la gestion de leurs fonds à ces filiales ou conserver des liens financiers directs avec la Caisse des dépôts et consignations.

Abordant en second lieu la partie du projet relative à la sécurité financière, il a salué l’avancée incontestable qu’elle réalisait et a rappelé que la précédente réforme de même nature avait été obtenue, en 1996, contre l’avis du ministère de l’Économie et des Finances. Il a évoqué ses propres suggestions traduites par son rapport d’information de 1996 et sa proposition de loi de 1997, en vue d’une évolution du statut de la Commission bancaire. Il a estimé que l’absence de toute disposition relative à cette commission dans le projet de loi apparaissait particulièrement surprenante à la lumière des évolutions observées à l’étranger, que ce soit la récente décision du gouvernement britannique de créer un organisme indépendant chargé de contrôler l’ensemble de la place financière de Londres, ou, à l’opposé, les dérives constatées au sein du système financier japonais dont le contrôle est toujours confié au ministre des Finances. Il a considéré qu’il s’agissait là d’une occasion manquée.

Se félicitant que la réforme des caisses d’épargne se fonde sur le caractère à la fois moderne et démocratique du statut des coopératives alors même que l’économie sociale est actuellement confrontée au mauvais vent des attaques dans un contexte de libéralisation, M. Jean-Louis Dumont a demandé que l’on veille à la pleine compatibilité du texte avec la loi de 1947 telle que révisée par la loi de 1992. Il a observé que les banques mutualistes et coopératives n’avaient pas attendu le présent projet de loi pour mettre en place une garantie primaire des dépôts et souhaité que cette architecture satisfaisante ne soit pas remise en cause par le système de fonds unique prévu par le projet de loi.

Rappelant que ce texte faisait suite à l’excellent travail préparatoire accompli par M. Raymond Douyère à la demande du Gouvernement, M. Jean-Pierre Balligand a considéré que le projet de loi constituait une vraie avancée, permettant à la fois de revigorer le réseau des caisses d’épargne par l’adoption du statut coopératif et de donner un véritable exécutif à la caisse centrale dont l’hétérogénéité des résultats des caisses régionales révèle le caractère indispensable. Abordant la sécurité financière, il a souligné que la solidarité de place ne pouvait être assurée par les seuls établissements privés, mais incombait à l’ensemble de la profession, en tenant compte des efforts déjà accomplis par les banques mutualistes et coopératives. Convenant que le texte ne modifiait ni l’organisation ni les compétences de la Commission bancaire, il a toutefois estimé que la création d’un fonds de garantie unique était fondamentale. Évoquant le rôle de la Caisse des dépôts et consignations, il a indiqué que le projet de loi se bornait à réduire les positions qu’elle détient aujourd’hui tant au niveau du CENCEP qu’au niveau de la caisse centrale. Reconnaissant que les débats en cours à la Caisse des dépôts avaient donné lieu à la rédaction d’un certain nombre d’avant-projets de réforme, il a cependant relativisé leur portée en indiquant qu’ils n’avaient pas été soumis à la commission de surveillance. Soulignant que, dans le contexte concurrentiel actuel, la conduite d’activités telles que la conservation de titres et la gestion de dépôts supposait pour les établissements intéressés une certaine taille financière, il a estimé, à titre personnel, que ce constat encourageait à essayer de monter, pour ces activités, des structures communes.

Relevant que le Gouvernement, en donnant son agrément au président du directoire de la Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance, et en maintenant le taux de rémunération du livret A, continuerait à jouer un rôle déterminant dans l’avenir des caisses d’épargne, M. Jean-Pierre Delalande a estimé que le projet de loi traduisait une volonté d’évolution à pas comptés. Il a cependant admis que le texte avait pour traits positifs d’écarter le risque d’une OPA grâce au statut mutualiste et de commencer à identifier les fonds propres des caisses. Il a ajouté que demeurait posé le problème du niveau de ces fonds. Constatant que les seuls fonds propres clairement identifiables consistaient dans les dotations statutaires des caisses d’épargne, globalement évaluées à 18,8 milliards de francs, il s’est inquiété de leurs conditions de rentabilité, compte tenu du fait qu’il paraît impossible de diminuer le taux de commissionnement et qu’il faudra à la fois distribuer un dividende et identifier un dividende social, tout en s’efforçant de constituer les réserves nécessaires au développement de l’activité des caisses. Il s’est donc déclaré très prudent quant à l’avenir des caisses d’épargne, d’autant que le projet de loi n’aborde pas la question du statut du personnel, que la mise en concurrence ne manquera pas de mettre en lumière. Observant que les caisses d’épargne ne pourraient effectuer les opérations de marché autorisées aux banques, il a rappelé que, placé dans une situation analogue, le Crédit agricole avait été amené à créer une filiale et il s’est demandé si les caisses d’épargne ne se verraient pas obligées de recourir aux filiales spécialisées de la Caisse des dépôts. Abordant le volet « sécurité financière » du projet de loi, il a évoqué les difficultés récemment apparues dans l’application de la loi du 19 décembre 1990 qui fait obligation aux particuliers et aux constructeurs de souscrire une garantie pour la conduite à bonne fin des contrats de construction de maison individuelle, en indiquant que la faillite de l’un des organismes chargés de gérer cette garantie mettait actuellement 1.200 familles dans une situation particulièrement difficile. Il a donc suggéré que soit créé un fonds de garantie des maîtres d’ouvrage non seulement pour l’avenir mais aussi pour dédommager les victimes des insuffisances de la loi de 1990.

M. Jean-Pierre Brard a salué l’apparition, à la faveur de la discussion en cours, d’un axe Philippe Auberger - Tony Blair, qui est un hommage involontaire à la majorité de gauche actuelle. Rappelant que l’objet du projet de loi n’est pas de réformer la Caisse des dépôts et consignations, il a regretté que la discussion soit jusqu’alors restée floue sur la détermination exacte de la frontière entre secteur concurrentiel et intérêt général, alors même qu’un tel flou, comme le montre l’attitude du président de la SCIC, est de nature à favoriser la disparition du logement social. Il s’est félicité que le projet de loi soit le résultat d’une élaboration collective ayant étroitement associé le Parlement depuis le rapport de M. Raymond Douyère. Enfin, voyant dans les propos tenus par M. Jean-Jacques Jegou la volonté d’avancer à pas menus vers la privatisation, il a constaté que le projet de loi précisait de façon opportune les finalités des caisses d’épargne et les rendait inaliénables, les protégeant ainsi contre tout risque de privatisation.

Faisant observer qu’en matière de garantie des dépôts le projet de loi arrivait à la dernière heure, compte tenu du fait que dès le 1er janvier prochain, les succursales des banques étrangères pourront offrir des garanties très supérieures au système français en vigueur, M. Michel Inchauspé a salué un texte qui met fin à une spécificité française, notre pays étant le seul à ne pas disposer d’un fonds de garantie. Il a toutefois appelé l’attention sur les charges pesant sur les établissements financiers, résultant à la fois de la contribution sur les institutions financières, que celles-ci ont aujourd’hui plus de mal à acquitter que lors de son instauration, en 1979, et de la taxe sur les salaires.

M. Francis Delattre a indiqué que le groupe Démocratie libérale ne votera pas un texte qui constitue un nouvel hymne à l’économie administrée. Il a regretté que la réforme des caisses d’épargne prévoie même de revenir sur certains des atouts dont elles bénéficiaient, notamment leur caractère décentralisé, et de renforcer la tutelle du ministère de l’Économie et des Finances sur leur réseau. Même s’il peut comprendre la concupiscence que suscite l’importance de leurs fonds de réserves, il s’est déclaré peu convaincu de la nécessité de discuter le projet de loi selon la procédure d’urgence. Estimant que les caisses d’épargne avaient bénéficié, pendant de longues années, de la spoliation des petits épargnants, il a jugé que cette période était achevée puisque les épargnants se voient offrir, aujourd’hui, de nombreux autres produits d’épargne. Évoquant le poids des charges pesant sur les caisses d’épargne, notamment en matière de personnel, il a considéré que leur avenir était donc loin d’être assuré.

A propos de la sécurité de place, il a indiqué que le collège des autorités de contrôle institué par le projet de loi, ne correspondait pas à son attente. Il a regretté qu’il s’agisse davantage d’une amicale d’anciens fonctionnaires du Trésor que d’une véritable autorité indépendante. Enfin, se fondant sur les réticences passées de grands établissements bancaires à remplir leur devoir d’actionnaire, il a douté que le nouveau fonds de garantie suffise à assurer une véritable solidarité de place.

En réponse aux différents intervenants, M. Raymond Douyère, rapporteur pour la première partie du projet de loi, a notamment indiqué :

– s’agissant de l’organisation des travaux de la Commission, il a rappelé qu’il n’était pas dans les usages de celle-ci d’entendre les représentants des organisations syndicales à l’occasion de la discussion d’un projet de loi ;

– le nouveau statut donné aux caisses d’épargne respecte totalement les principes de la coopération ; considérer qu’il ne s’agit que d’une étape revient à se déclarer favorable à une démutualisation, voire à une privatisation, à laquelle le Gouvernement est légitimement hostile ;

– l’exigence de rentabilité est nécessaire pour renforcer l’efficacité des caisses d’épargne, renforcement qui profitera, bien évidemment, à leurs sociétaires ou à leurs clients ; elle n’est absolument pas contradictoire avec le caractère non lucratif de leurs missions, celui-ci signifiant que les sociétaires ne sont pas mus par le seul souci d’une meilleure rémunération de leur apport ; en ce qui concerne la distribution d’un « dividende social » prévue pour les caisses d’épargne, cette possibilité existe déjà pour les réseaux mutualistes, en vertu de l’article 16 de la loi de 1947, dont on peut regretter qu’il ne soit appliqué que par le Crédit mutuel ;

– le statut du personnel ne peut évidemment être traité dans un projet de loi ; cependant, en modifiant la composition de la Commission paritaire nationale, le projet est de nature à lever une partie des difficultés qui avaient entravé son fonctionnement et devrait donc permettre de faciliter la recherche d’une solution au problème de la caisse générale des retraites du personnel des caisses d’épargne ;

– aujourd’hui, la Caisse des dépôts et consignations dispose d’une minorité de blocage, à la fois au sein de la Caisse nationale et du CENCEP ; le projet de loi procède, comme le Rapporteur le suggérait depuis longtemps, à la fusion de ces deux organes, les caisses régionales devant détenir au moins 60 % du capital de la nouvelle structure ; pour le solde, il leur sera possible de choisir librement leurs autres partenaires ;

– le projet de loi ne bride pas l’ouverture internationale des caisses d’épargne qui pourront, par ailleurs, parfaitement effectuer toutes les opérations de marché ; sans doute, le feront-elles au début en association avec la Caisse des dépôts et consignations mais elles gardent toute liberté pour choisir leurs partenaires en ce domaine.

Répondant à son tour, M. Dominique Baert, rapporteur pour la seconde partie du projet de loi, a également apporté les précisions suivantes :

– si le projet de loi ne modifie pas le statut de la Commission bancaire, il ne convient pas de minimiser l’importance du collège des autorités de contrôle qui facilitera l’échange d’informations en ce qui concerne l’ensemble de l’activité financière ;

– la création d’un fonds unique de garantie répond à un besoin de lisibilité et de clarté dans l’affirmation de la solidarité de place, auquel les réseaux mutualistes ont semble-t-il, fini par se ranger ; mais pour tenir compte de la situation particulière des réseaux mutualistes, il proposera un amendement précisant que les cotisations devront refléter les risques objectifs de chaque établissement, ce qui permettra de tenir compte des mécanismes de garantie mis en place par leur organe central ;

– les problèmes de la garantie financière d’achèvement, évoqués par M. Jean-Pierre Delalande, ne sont pas abordés par le projet de loi car celui-ci ne vise pas les assurances-dommages ; ce dossier devra sans doute être traité ultérieurement ; mais, la constitution d’un fonds de garantie pose tant d’importants problèmes, notamment de définition des risques couverts et des modalités de calcul des cotisations, qu’il est nécessaire d’engager la concertation la plus large ;

– il ne faut pas confondre la solidité de la place financière de Paris et l’exercice de la solidarité de place ; en effet, le fonds de garantie ne pourra pas, à l’évidence, faire face seul à des sinistres de grande ampleur.

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Information relative à la Commission

La commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan a désigné M.  Didier Migaud, rapporteur général, comme rapporteur sur la proposition de résolution (n° 1409) de M. Gérard Fuchs, rapporteur au nom de la Délégation pour l’Union européenne, sur :

– l’établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 (COM [98] 164 final/E 1049) ;

– le projet d’accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l’amélioration de la procédure budgétaire (SEC [98] 698 final/E 1128).

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