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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 56

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 juin 1999
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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–  Audition de MM. Dominique STRAUSS-KAHN, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et Christian SAUTTER, secrétaire d’Etat au budget, sur les orientations budgétaires pour 2000



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–  Examen du rapport d’information préalable au débat d’orientation budgétaire pour 2000 (M. Didier MIGAUD, Rapporteur général)


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La Commission des finances, de l’économie générale et du plan a d’abord procédé à l’audition de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et de M. Christian Sautter, secrétaire d’Etat au budget, sur les orientations budgétaires pour 2000.

Après avoir remercié les ministres d’avoir répondu à l’invitation de la Commission, le Président Augustin Bonrepaux a rappelé l’importance de ce débat d’orientation, qui permettra au Parlement de mieux connaître les perspectives dans lesquelles s’inscrira le projet de loi de finances présenté à l’automne, de mesurer l’incidence des divers scénarios possibles et d’être associé en amont aux décisions.

S’agissant des perspectives budgétaires, il a constaté que la politique économique du Gouvernement se traduisait par des données plutôt favorables, en termes de réduction des déficits publics, de diminution du poids de la dette et de stabilisation des dépenses. Il a observé qu’au-delà, un débat de fond s’esquisse sur les enjeux de cette politique économique et sur l’affection des marges de manœuvre susceptibles d’être dégagées. Il a souhaité que la Commission soit informée de la façon dont le Gouvernement entend les utiliser, et en particulier des baisses de prélèvements obligatoires envisagées.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, observant que la plupart des prévisions macro-économiques anticipaient une amélioration générale de la situation de l’économie mondiale, a interrogé les ministres sur les incertitudes qui continuaient de peser sur ce scénario, notamment du fait de la médiocrité des performances allemande et italienne et du risque d’éclatement de la bulle financière aux Etats-Unis.

Constatant que des plus-values de rentrées fiscales étaient probables par rapport aux prévisions initiales pour 1999, il a demandé quelle pourrait être leur ampleur et quelles seraient les catégories de recettes susceptibles d’être concernées au premier chef. Il a également souhaité savoir, compte tenu des résultats prévisibles en matière de recettes et de maîtrise des dépenses, si une réduction supplémentaire du besoin de financement de l’ensemble des administrations publiques, initialement évalué à 2,3% du PIB pour 1999, était envisageable.

Saluant le fait que le Gouvernement actuel avait toujours eu le souci d’informer la Commission des finances des inflexions apportées, le cas échéant, à l’exécution budgétaire, il a souhaité savoir si le Gouvernement allait préciser à la représentation nationale les contours de la « mise en réserve de crédits » envisagée et, au cas où cette méthode devrait acquérir un caractère pérenne, s’il entendait matérialiser dès la loi de finances initiale le périmètre et le montant potentiel des crédits susceptibles d’être concernés.

Abordant la question de l’exécution des lois de finances et se fondant sur les travaux de la Cour des comptes, il s’est demandé s’il était justifié que l’effort de modération des dépenses de l’Etat porte prioritairement sur les dépenses d’équipement, observant, à ce sujet, que les efforts de réorientation entrepris par le Gouvernement ne paraissaient guère avoir eu de résultats sensibles en 1998. A cet égard, il a jugé insuffisantes les dotations consacrées aux prochains contrats de plan.

Il a ensuite demandé des précisions sur les conditions d’alimentation du fonds de réserve pour les retraites.

Enfin, se situant dans l’hypothèse favorable où l’économie française se placerait sur un sentier de croissance « à l’américaine », il s’est enquis de la façon dont les marges budgétaires supplémentaires ainsi dégagées pourraient être réparties, rappelant, à cet égard, que la majorité de la Commission des finances souhaitait une diminution des prélèvements obligatoires et, plus particulièrement, des baisses ciblées de la TVA.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, a abordé, en premier lieu, les perspectives macro-économiques de l’économie mondiale.

Il a considéré que la situation américaine était bonne, et que, si l’hypothèse de son ralentissement demeurait d’actualité, celui-ci avait tellement été annoncé dans le passé sans se réaliser qu’il convenait d’être très prudent. Il a admis qu’il existait effectivement un risque d’éclatement de la bulle financière, mais qu’aucun signe avant-coureur ne s’était manifesté. Il a observé que, si ce risque devait se réaliser, ses conséquences seraient très différentes selon son ampleur, un ajustement limité ne lui paraissant pas de nature à remettre en cause les effets de patrimoine et la confiance des consommateurs américains.

Il a jugé que les prévisions étaient cependant plus fiables en ce qui concerne la situation de nos principaux partenaires de l’Union européenne. Il a estimé que les performances du Royaume-Uni étaient peu satisfaisantes, mais qu’elles n’étaient pas inquiétantes pour autant, surtout pour un pays connaissant, à la différence des autres Etats membres, une situation de bas de cycle. S’agissant de l’Italie, il a relevé la conjonction de plusieurs facteurs négatifs expliquant la médiocrité de la situation d’ensemble de ce pays : l’effondrement de la demande interne des pays d’Asie en crise, qui a réduit ses exportations, l’appréciation de sa monnaie avant l’entrée dans l’euro, qui a accru les pressions à l’importation, la guerre du Kosovo et la baisse des taux d’intérêt, qui a eu un impact plus fort qu’ailleurs sur le revenu des ménages, compte tenu de l’importance des titres de la dette publique dans le patrimoine financier des ménages italiens. Il a estimé la situation de l’Allemagne plus difficile, compte tenu du vieillissement de son économie, de son décalage par rapport aux marchés en forte croissance et du manque persistant de confiance des ménages, contribuant à entretenir un climat négatif. Le ministre a considéré que l’environnement européen de la France n’était donc pas très satisfaisant, mais que certains pays, comme l’Espagne, réalisaient tout de même des performances intéressantes et, surtout, que la croissance de notre pays, d’abord fondée sur la demande interne, restait vigoureuse.

Il a ainsi noté que les décalages observés en 1998 perduraient en 1999, avec une croissance française supérieure de 0,6 à 0,7 point de PIB à celle enregistrée par nos voisins, rompant ainsi avec les tendances caractérisant la première moitié des années 1990.

Abordant la question des recettes fiscales, il a précisé que leur forte croissance observée en début d’année résultait, pour une large part, de la croissance économique plus forte que prévu en 1998, se traduisant par un plus grand dynamisme des recettes assises sur cet exercice et notamment de l’impôt sur les sociétés. Il a remarqué que, si les recettes brutes de TVA restaient en ligne avec les prévisions initiales, malgré la révision à la baisse de la prévision de croissance pour 1999, les recettes nettes de TVA étaient légèrement affectées par une augmentation des remboursements et dégrèvements dont l’origine n’était pas encore clairement identifiée.

Il a jugé qu’à ce stade, il était très difficile de savoir quels pourraient être les excédents de recettes par rapport aux prévisions et le niveau du besoin de financement en fin d’année. Il a fait valoir que des dépenses exceptionnelles liées au conflit dans les Balkans n’avaient pas été prévues en loi de finances initiale, indiquant que, si le coût des opérations militaires passées était d’ores et déjà connu, celui du stationnement des troupes françaises au Kosovo et des aides à la reconstruction serait sans doute élevé. Il a précisé que la question de la reconstruction serait abordée par le Président de la République lors de la prochaine réunion du G7 devant se tenir à Cologne. Il a réaffirmé qu’en tout état de cause, face à ces dépenses et à d’éventuels excédents de recettes, l’objectif d’un besoin de financement des administrations publiques ramené à 2,3% du PIB ne serait pas remis en question.

Faisant référence aux évolutions du sentier de croissance américain, il a fait part de sa conviction que l’économie française pourrait connaître une croissance plus forte pendant quelques années, au sein d’un environnement européen qui retrouverait toute sa vigueur. Il a noté que, si jusqu'en 1994, les modèles économiques classiques expliquaient de façon satisfaisante la relation entre croissance et emploi, les évolutions récentes conduisaient à observer un décalage croissant entre leurs prévisions et les résultats effectifs, traduisant une modification de la composition de la croissance française au profit des services et des nouvelles technologies. Il a indiqué que, le Gouvernement ayant d’ores et déjà fixé une norme de progression des dépenses, les éventuels excédents de recettes liés à cette croissance pourraient être utilisés pour réduire les déficits ou les prélèvements obligatoires. Après avoir expliqué qu’il avait bien noté la priorité accordée par la majorité parlementaire à une réduction du poids de la TVA, il a jugé que cette question se poserait sans doute lors des prochains exercices, rappelant que les marges de manœuvre pour 2000 resteraient étroites.

M. Christian Sautter, secrétaire d’Etat au budget, a relevé que la situation en 1999 était inédite, puisque la hausse des prix, initialement estimée à 1,3%, serait sans doute, en fait, sensiblement plus basse. Il a jugé nécessaire, dans un souci de bonne gestion des dépenses et de maintien de l’articulation de la politique budgétaire et monétaire, de respecter un objectif clair d’évolution de la dépense en volume, ce qui justifiait la procédure inédite des contrats de gestion. Il a souligné que cette dernière ne pouvait être assimilée à une régulation budgétaire, puisqu’elle se développait dans le cadre d’une négociation avec les différents ministères, et non pas de façon brutale et unilatérale.

Evoquant les travaux de la Cour des comptes sur l’évolution des investissements de l’Etat, il a précisé que ces études ne tenaient pas compte des financements transitant par les comptes spéciaux du Trésor. Il a précisé que, tous modes de financement confondus, les autorisations de programme civiles avaient crû de 10% de 1997 à 1999.

S’agissant des contrats de plan pour la période 2000-2006, il a indiqué que les 90 milliards de francs prévus par le Gouvernement correspondaient à la reconduction sur sept ans de l’effort consenti lors de la période précédente et qu’une réserve de 15 milliards de francs était en outre prévue.

M. Dominique Strauss-Kahn a exposé que le fonds de réserve en faveur des retraites, initialement doté de 2 milliards de francs, serait alimenté par les recettes exceptionnelles tirées notamment de la cession de parts coopératives de caisses d’épargne pour un montant d’environ 18 milliards de francs. Il a jugé qu’afin de surmonter le choc démographique à venir, l’effort devrait être prolongé au moyen du versement des excédents des comptes sociaux attendus à partir de 2000. Il a estimé que la démarche réussie par l’Etat en matière de réduction de son besoin de financement devait pouvoir également être menée à bien s’agissant des comptes sociaux et qu’un appui significatif pourrait être ainsi apporté au financement des retraites.

Le Président Augustin Bonrepaux a relevé que, s’agissant des contrats de plan, la programmation budgétaire présentée par le Gouvernement semblait consister en une reconduction sur sept ans des dépenses précédemment étalées sur une période six ans, ce qui constituait un ralentissement significatif de l’effort, étant donné qu’en outre, les dotations précédentes avaient été initialement calculées sur une base de cinq ans.

M. Christian Sautter a fait observer que les 90 milliards de francs prévus correspondaient au maintien de l’annuité effectivement dépensée sur la période antérieure et qu’il ne convenait donc pas de parler de diminution de l’effort budgétaire.

Le Président Augustin Bonrepaux a insisté sur le fait que la dotation précédente avait initialement été prévue pour cinq ans, avant d’être étalée sur six ans par le précédent Gouvernement.

M. Philippe Auberger, après s’être félicité de la remise par le Gouvernement de deux rapports complets, a déploré que la publication des comptes de la Nation calculés à partir de la nouvelle base n’intervienne que le 18 juin, c’est-à-dire au lendemain même du débat d’orientation budgétaire.

Il s’est étonné de la présentation, par le Gouvernement, d’une évolution de la croissance française supérieure à la moyenne de l’Union européenne. Faisant état de la dernière note de conjoncture internationale publié par la direction de la prévision, il a remarqué que, pour 1999, la croissance pondérée de l’Allemagne, de l’Espagne, des Pays-Bas, de l’Italie et de la Belgique s’élevait à 2,3% et que la situation de la France n’avait donc rien d’exceptionnel par rapport à cette moyenne. Il a jugé nécessaire d’effectuer des comparaisons plus homogènes, notamment avec les pays de la zone euro.

Abordant la situation des comptes des administrations sociales, il a observé que les prévisions pour 1998 et 1999 retenues par le Gouvernement n’avaient pas été actualisées, alors que la Commission des comptes de la sécurité sociale avait annoncé fin mai la persistance d’un déficit. Il a estimé que ce dernier rendait aléatoire la prévision d’un besoin de financement des administrations publiques de 2,3% du PIB.

Après s’être réjoui de la création annoncée de 500.000 emplois depuis le 1er juillet 1997, il a relevé que la dernière note de conjoncture de l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) précisait que le travail temporaire avait connu une croissance de 14% durant les douze derniers mois et enregistré la création de 250.000 emplois depuis juillet 1997. Il a jugé que, si ces calculs étaient exacts, la moitié des emplois créés relevait du travail temporaire, ce qui minorait singulièrement la portée des résultats obtenus.

Evoquant la présentation faite par le Gouvernement du projet de réforme des cotisations patronales, il a noté qu’il était question de 43 milliards de francs d’allégement au titre de l’actuelle ristourne des cotisations patronales sur les bas salaires et de 25 milliards de francs financés par des impôts supplémentaires. Il a fait observer que ces allégements n’atteignaient donc pas les 110 milliards de francs précédemment annoncés

Il a considéré que les effets de l’actuelle suppression de la surtaxe de 10% au titre de l’IS en 1999, dont le produit est de 12 milliards de francs, seraient, en fait, annulés par un nouveau dispositif et qu’en conséquence, la promesse de l’allégement de l’impôt sur les sociétés ne serait pas vraiment tenue. Evoquant un possible décalage entre les recettes tirées de ces réformes et les dépenses devant suivre le rythme des accords passés au sein des entreprises sur les 35 heures, il s’est demandé si les entreprises bénéficieraient vraiment, en 2000, des 68 milliards de francs d’allégements annoncés.

Enfin, il a souhaité connaître le coût budgétaire exact de la deuxième étape de l’allégement de la taxe professionnelle, notant que la presse avait récemment évoqué un chiffre de deux milliards de francs, relativisant très sensiblement la portée de la réforme.

Après s’être félicité des résultats de la politique menée par le Gouvernement, soutenue par sa majorité et comprise par les électeurs, M. Jean-Louis Idiart a insisté sur l’attachement du groupe socialiste à maintenir la lutte pour l’emploi comme objectif primordial et fait part de sa vigilance en vue d’obtenir une diminution de la TVA, dans un avenir qui ne saurait qu’être très proche. Soulignant la nécessité de soutenir l’investissement, il a estimé nettement insuffisantes les propositions esquissées en matière de contrats de plan, craignant que l’Etat ne soit trop enclin à oublier que les collectivités locales ont dû pallier ses défaillances pour permettre l’exécution des contrats en cours. Il a demandé qu’une discussion s’ouvre, dès cette année, sur un renforcement de l’effort d’investissement nécessaire au développement de l’activité économique. Abordant la modernisation de l’Etat, M. Jean-Louis Idiart a souhaité que sa mise en œuvre soit l’occasion d’une démarche innovante permettant de mieux associer à la conception des réformes ceux qui sont chargés de les appliquer. Après avoir demandé que la création de l’écotaxe soit mieux située dans une perspective environnementale, il a souhaité obtenir des précisions sur la situation future des agences de l’eau au regard de la taxe générale sur les activités polluantes et sur les dotations aux collectivités locales.

M. Gilbert Gantier a observé que les affirmations gouvernementales d’un solde primaire à l’équilibre en 1999 et excédentaire en 2000 contredisaient les indications fournies par M. André Gauron, membre du Conseil d’analyse économique, devant la Commission, distinguant un déficit public en diminution et un solde primaire encore négatif. Il a souhaité savoir où en était l’engagement de maintenir le ratio de la dette rapportée au PIB sous le plafond de 60% fixé par le traité sur l’Union européenne, compte tenu des conséquences mécaniques d’une inflation faible sur le montant du PIB, observant qu’un pourcentage de 62% était parfois avancé. Il a enfin demandé quelles conséquences le Gouvernement entendait tirer des décisions du Conseil d’Etat écartant les validations législatives prises en méconnaissance de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’enjeu étant de trois milliards de francs pour les redevances versées par les compagnies aériennes.

M. Pierre Méhaignerie a d’abord souligné que le fort dynamisme des recettes fiscales, en 1998 et 1999, allait encore alimenter la dépense publique, choix critiqué par l’OCDE, la Cour des comptes et le Gouverneur de la Banque de France, au lieu d’être utilisé pour baisser la TVA et les charges sociales, ou du moins, compenser la hausse du coût du travail résultant de la généralisation des 35 heures. Il a craint qu’on ne se retrouve, en cas de retournement brutal de la conjoncture, dans une situation analogue à celle de 1992-1993. Après avoir demandé des précisions sur l’utilisation des recettes de privatisation, dont la Cour des comptes critique le fait qu’elles financent des dépenses de fonctionnement renouvelables, il s’est interrogé sur l’existence de considérables freins structurels pour accéder, malgré la bonne conjoncture, à un sentier de croissance forte. Il a enfin souhaité connaître les intentions du Gouvernement quant à la mise en œuvre des préconisations de la Mission d’évaluation et de contrôle, constituée par la Commission des finances, et de la Cour des comptes et obtenir une estimation du coût de l’application des 35 heures dans les fonctions publiques d’Etat, territoriale et hospitalière.

En réponse à M. Philippe Auberger, M. Dominique Strauss-Kahn a indiqué que les comptes nationaux pour 1998 avaient déjà été publiés selon le nouveau système de comptabilité nationale, leur commentaire devant l’être, lui, dès la fin de la semaine. Il a fait observer que le terme de comparaison le plus significatif, s’agissant de l’analyse de la croissance, était soit la moyenne des Etats membres de l’Union européenne, soit la moyenne des quatre plus grands pays de l’Union ayant une structure économique comparable, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, la France obtenant bien, dans les deux cas, un résultat supérieur à la moyenne.

Le ministre a rappelé que la prévision de résultats des comptes sociaux pour 1999 demeurait bien celle d’un excédent pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale, même compte tenu d’un déficit prévisionnel, récemment annoncé, de 5 milliards pour le régime général.

Il a ensuite fait valoir qu’il n’apparaissait pas possible de rapprocher un chiffre de créations nettes d’emplois et un chiffre de créations brutes d’emplois temporaires, l’interrogation pertinente, au-delà du constat qu’en période de reprise économique, l’emploi temporaire se développe plus rapidement que l’emploi durable, étant de savoir si, en phase longue de croissance, le rapport du premier au second va se stabiliser.

Reconnaissant que des clarifications étaient nécessaires s’agissant de la réforme des cotisations sociales, il a précisé qu’il fallait distinguer la part correspondant à la ristourne dégressive actuelle, l’allégement supplémentaire correspondant à l’abattement accordé jusqu’à 1,8 SMIC, et l’aide « structurelle » accompagnant la réduction du temps de travail. Il a ajouté que l’allégement supplémentaire, estimé, à terme, à 25 milliards de francs, était financé pour moitié par l’écotaxe et pour moitié par la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés. Par ailleurs, ce qu’il est convenu d’appeler le « recyclage » concerne, pour une estimation de 40 milliards de francs, les conséquences positives sur les ressources de l’Etat, de l’UNEDIC et de la sécurité sociale, des engagements en termes d’emplois résultant du passage aux 35 heures.

Il a précisé que la majoration temporaire de l’impôt sur les sociétés instituée en 1997 disparaîtra effectivement, l’assimilation de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés à la surtaxe temporaire ne pouvant être faite qu’en méconnaissance du caractère progressif de la montée en charge de la première et par ignorance de son affectation franc pour franc à des baisses de charges.

M. Dominique Strauss-Kahn a fait observer que l’allégement global réel résultant de la suppression de la part salariale de l’assiette de la taxe professionnelle serait bien de l’ordre de 20 à 25 milliards de francs, mais qu’il fallait distinguer l’allégement brut et l’allégement net, compte tenu notamment des conséquences de cette suppression sur le montant de l’impôt sur les sociétés. Il a précisé que cet effet aboutit, pour la deuxième année, après un allégement net de charge fiscale de 7 milliards de francs en 1999, à un allégement net de l’ordre de 2 milliards de francs en 2000.

Répondant à M. Jean-Louis Idiart, M. Dominique Strauss-Kahn a affirmé que le Gouvernement n’était pas opposé à l’utilisation d’une partie des éventuelles marges de manœuvre fiscales pour une baisse limitée de TVA. Il a cependant rappelé qu’il convenait, de façon générale, de s’interroger sur l’utilisation de ces marges la plus favorable à l’emploi, dont le développement est l’objectif principal de la politique économique.

Il a ensuite fait part de son doute sur le caractère prétendument insuffisant des 105 milliards de francs de dotations budgétaires annoncées par le Gouvernement pour sa participation à la prochaine génération de contrats de plan Etat-régions. Il a estimé que le montant de ces dotations marquait une augmentation sensible par rapport à la situation antérieure, que l’examen des projets transmis jusqu’ici par les régions laissait supposer un calibrage correct de la dotation, enfin que le Gouvernement s’engageait à ne pas allonger la durée des contrats, contrairement à ce qui avait été fait auparavant.

Il a rappelé le caractère inéluctable de l’introduction d’une écotaxe dans la fiscalité française, compte tenu de décisions communautaires attendues. Il a souligné la portée économique de l’affectation du produit de cette taxe à la réduction des cotisations sociales, maximisant ainsi son effet sur l’emploi.

Répondant à M. Gilbert Gantier, il a confirmé le fait que le solde primaire de l’Etat serait quasi nul en 1999 avant d’être positif en 2000. Il a reconnu que la modification du système de comptabilité nationale entraînerait probablement une augmentation du ratio d’endettement public, qui pourrait s’établir aux alentours de 61% à 62% du PIB. Il a souligné que cette dégradation, due pour l’essentiel à l’inclusion dans la dette publique de montants qui en étaient auparavant exclus, représentait un simple recalage de l’ensemble des ratios passés sur une nouvelle base et non pas une inflexion des tendances. Il en a déduit que la prévision gouvernementale d’une stabilisation du ratio d’endettement public en 2000, suivie d’une baisse les années ultérieures, n’en était aucunement affectée.

En réponse à M. Pierre Méhaignerie, il a regretté que certaines critiques se soient attachées à une analyse de l’évolution des recettes publiques en valeur absolue, alors que la variable réellement significative, au plan économique, est le ratio des recettes rapportées au PIB. Il a souligné que la décroissance, amorcée en 1997, du ratio des dépenses publiques rapportées au PIB libérait des espaces d’initiatives pour la sphère privée. De même, il a estimé que l’interprétation des évolutions du solde budgétaire pouvait être utilement complétée par la notion de « solde structurel », malgré le caractère non uniforme des définitions et modes de calcul de cet indicateur. Il a souligné que la France était le pays du G 7 qui connaîtrait, en 1999, la plus forte diminution de son solde structurel, soit 0,5 point de PIB. Il a fait valoir que les recettes de privatisation ne servaient pas à financer des dépenses courantes de l’Etat.

M. Dominique Strauss-Kahn a ensuite fait part de l’intérêt qu’il attachait aux activités de la Mission d’évaluation et de contrôle, créée à l’initiative du Président de l’Assemblée nationale, du Président de la Commission des finances et de son Rapporteur général. Il a considéré que l’implantation prochaine d’une antenne de l’INSEE à l’Assemblée nationale était une première étape dans le renforcement nécessaire des moyens d’expertise du Parlement. Il a réaffirmé sa volonté de mieux prendre en compte les travaux réalisés par les parlementaires, rapports d’information ou missions, qui apportent des éclairages intéressants pour la décision publique. Il a rappelé que les discussions sur l’introduction des 35 heures dans les fonctions publiques étaient conduites par M. Émile Zucarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation, et qu’il serait normal que la Commission des finances soit informée des conclusions de ces négociations dès lors qu’elles seraient achevées.

Evoquant les relations financières entre l’Etat et les collectivités locales, M. Christian Sautter a mis en avant le contraste entre les conséquences du « pacte de stabilité » décidé par le précédent Gouvernement et les perspectives ouvertes par le « pacte de croissance et de solidarité » négocié par l’actuel Gouvernement. Il a rappelé que ce dernier pacte avait cadré l’évolution de l’enveloppe normée sur l’évolution des prix plus un quart du taux de croissance du PIB.

S’agissant de l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat pour les redevances versées par les compagnies aériennes, il a rappelé la validation récemment intervenue.

Il a également souligné l’intérêt de la démarche engagée par la Mission d’évaluation et de contrôle, relevant que la dépense publique devait être évaluée de façon plus approfondie.

M. Thierry Carcenac s’est interrogé sur la possibilité d’améliorer les modes de gestion de la dette de l’Etat et d’accroître la part de dette émise à taux variable. Il a estimé que, face au « choc démographique » annoncé à l’échéance des toutes prochaines années, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ne pouvait pas faire l’économie d’une réforme de ses services, dont les rapports Lépine, Baert et Champsaur pouvaient tracer les linéaments. Revenant sur le décalage entre les encaissements de TVA brute et de TVA nette, il a fait part de ses inquiétudes sur le développement de la fraude à la TVA intracommunautaire et sur certaines conséquences du développement rapide du commerce électronique.

Faisant usage de la faculté qui lui est reconnue par l’article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Hervé Morin a suggéré d’isoler les ressources et les charges du régime de retraite des agents de l’Etat au sein d’un budget annexe, afin d’améliorer la lisibilité des comptes publics. Il a estimé que les orientations générales retenues par le Gouvernement en matière de réduction du temps de travail étaient peu compatibles avec les pistes ouvertes par M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan, dans son rapport sur l’avenir des retraites remis récemment au Premier ministre. Face au développement important des accords de réduction du temps de travail mis en avant ces jours derniers par Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, il a fait part de ses craintes concernant d’éventuelles insuffisances des crédits afférents au financement de l’aide de l’Etat. Il a souhaité que le Gouvernement clarifie ses intentions sur la contribution possible de l’UNEDIC au financement des aides accordées pour le passage aux 35 heures. Il s’est réjoui de ce que les éléments d’information apportés ce jour par les ministres confirment, à son sens, la déconnexion entre le processus d’allégement des charges sociales sur les bas salaires, d’une part, et la politique d’incitation à la réduction de la durée du travail d’autre part. Relevant que le taux d’imposition sur les sociétés était, en France, supérieur à celui applicable chez nos principaux partenaires européens, il a souhaité connaître l’ampleur des phénomènes de délocalisation des bénéfices par les groupes multinationaux.

M. Dominique Strauss-Kahn a rappelé que l’Etat ne pouvait pas « faire de pari » sur l’évolution et la structure des taux d’intérêt et que, dans ces conditions, le financement de la dette devrait faire place à une certaine répartition des risques. Il s’est déclaré disposé à venir présenter devant la Commission des finances les plus récentes évolutions en matière de politique de gestion de la dette.

Après que M. Pierre Méhaignerie eut souligné le paradoxe que constituait la coexistence d’un taux de chômage élevé et de difficultés, pour les entreprises, à recruter du personnel, particulièrement dans des secteurs comme le BTP, M. Dominique Strauss-Kahn a affirmé de nouveau que, parmi les trois grands dispositifs d’allégement des charges sociales sur les bas salaires qui prévaudraient en 2000, celui dénommé « recyclage » était un corollaire direct des mécanismes légaux de réduction du temps de travail, mais qu’en revanche, la « ristourne supplémentaire » n’était pas conçue pour compenser le passage aux 35 heures. Il a souligné qu’au demeurant, la volonté du Gouvernement de maximiser les effets sur l’emploi des allégements de charges sociales l’avait conduit à décider de limiter l’octroi de la « ristourne supplémentaire » aux seules entreprises engagées dans un processus de réduction de la durée du travail.

S’appuyant sur l’importance des investissements étrangers à destination de la France, il a estimé que le taux de l’impôt sur les sociétés, certes élevé, mais s’appliquant à une base étroite, ne pouvait pas constituer un facteur incitatif aux comportements de délocalisation des bénéfices ou des entreprises.

M. Christian Sautter a indiqué que le départ prévu en retraite de 40% des agents du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie à l’horizon 2004 offrait une véritable opportunité de redéployer les effectifs en fonction des priorités. Il a souligné, cependant, les dimensions multiples et la complexité d’une telle réforme.

Il a fait part de sa détermination à lutter contre le développement de la fraude à la TVA intracommunautaire, mais a souhaité relativiser les risques encourus du fait du développement du commerce électronique. Il a mis en avant que les biens échangés dans ce cadre finissaient, un jour ou l’autre, par franchir une frontière, et donc entraient dans le champ normal d’action des services douaniers. Cependant, il a reconnu que le développement du commerce électronique des services soulevait des questions délicates.

Il a rappelé que le Gouvernement s’était engagé à améliorer l’information du Parlement en matière de retraites et avait décidé de compléter le document traditionnellement annexé au projet de loi de finances, relatif aux rémunérations des fonctionnaires, par un fascicule « jaune », relatif aux pensions de retraite dans la fonction publique.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, le rapport d’information préalable au débat d’orientation budgétaire pour 2000.

Après avoir précisé que, sous réserve de la décision de la Commission, son rapport pourrait être disponible avant le débat d’orientation budgétaire prévu pour le jeudi 17 juin 1999, le Rapporteur général a évoqué les perspectives de croissance pour l’année.

Il a fait valoir que ces perspectives permettraient au Gouvernement de respecter les engagements souscrits dans le cadre de la loi de finances pour 1999, à savoir la stabilisation puis la réduction des prélèvements obligatoires, la réduction du déficit, et, enfin, une évolution maîtrisée de la dépense, au service de l’emploi et de la solidarité.

S’agissant du niveau des prélèvements obligatoires, il s’est réjoui de leur stabilisation, rappelant qu’ils avaient augmenté, de 1993 à 1995, de 0,6 point de PIB, puis, de 1995 à 1996, de 1,2 point de PIB. Il a estimé que les perspectives de croissance ouvraient la voie à une réduction de certains prélèvements obligatoires, rappelant que les membres du groupe socialiste et la Commission des finances s’étaient exprimés en faveur de réductions ciblées du taux de la TVA.

Abordant la question du déficit public, il a souligné que celui-ci s’élevait, pour 1998, à 2,9% du PIB. Il s’est réjoui de son évolution, faisant valoir que la politique de réduction du déficit public mise en œuvre depuis 1997 n’avait pas, loin s’en faut, nuit à la croissance.

Evoquant enfin le programme pluriannuel de finances publiques, le Rapporteur général a souligné qu’il s’agissait en l’espèce d’un exercice nouveau, introduit à l’échelon communautaire par le Pacte européen de stabilité et de croissance. Il a souligné que, quelles que soient les hypothèses de croissance retenues pour la période 2000-2002, la France devrait connaître un assainissement accru de ses finances publiques.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport d’information.


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