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Session ordinaire de 2000-2001

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

RÉUNION DU JEUDI 2 NOVEMBRE 2000

Projet de loi de finances pour 2001

Audition de M. Daniel Vaillant, Ministre de l'Intérieur
sur les crédits de son ministère

PRÉSIDENCE de Bernard ROMAN,
président de la commission

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

M. Bernard Roman, Président de la commission des lois - Pour la deuxième année consécutive, nous expérimentons cette procédure des commissions élargies. C'est cependant la première fois que nous y avons recours pour les crédits du ministère de l'intérieur.

Cette réforme vise à rendre la discussion du budget plus vivante. Pendant la séance publique, qui aura lieu le 15 novembre, nous n'entendrons en revanche que le ministre, les rapporteurs et un orateur par groupe.

Aujourd'hui, tous les orateurs pourront présenter leurs observations au ministre. Néanmoins, les questions ponctuelles ont déjà été posées par écrit et les réponses seront publiées en annexe du compte-rendu du débat qui se tiendra le 15 novembre. Je vous remercie d'avance pour votre effort de concision.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - J'ai grand plaisir à vous retrouver ici. Comme ministre des relations avec le Parlement, j'ai été le membre du Gouvernement le plus proche des parlementaires. Mais j'étais le moins concerné par les débats budgétaires, puisque je n'avais pas de budget propre.

Devenu ministre de l'intérieur, je comprends mieux les exigences du débat budgétaire, qui constitue, quoi qu'on en dise, un moment important de notre vie démocratique.

C'est la première fois que le budget du ministère de l'intérieur est examiné selon cette nouvelle procédure, et j'y vois une heureuse innovation. C'est aussi une des dernières fois que nous examinons ce budget sous sa forme actuelle, selon ces catégories qui paraissaient immuables : dépenses ordinaires et dépenses en capital, présentation en sept titres, services votés et mesures nouvelles... Cette année encore, nous serons sous le régime de l'ordonnance de 1959, cette constitution budgétaire dont vous avez entrepris, non sans audace, la réécriture. La proposition de loi organique déposée à cet effet par votre rapporteur général M. Didier Migaud, le 11 juillet dernier, est actuellement examinée par la commission spéciale présidée par M. Forni. Le ministère de l'intérieur souscrit pleinement à cette réforme, qui donnera plus de souplesse aux gestionnaires et davantage de responsabilités aux parlementaires. A quelques réserves près, vous pouvez compter sur mon ministère, qui participera à vos travaux dans un esprit ouvert et constructif. Notre expérience de globalisation des crédits des préfectures, notre connaissance des procédures budgétaires et comptables des collectivités locales et notre statut de ministère pilote du projet ACCORD nous donneront, je crois, un rôle précieux dans les débats qui s'engagent.

Je souhaite même aller plus loin sur certains points, comme la globalisation des crédits ou l'interministérialité. Nous sommes à l'aube d'une révolution budgétaire et je veux saluer le rôle de la commission des finances. L'année prochaine peut-être, dans deux ans au plus tard, nous débattrons des différents « programmes » du ministère de l'intérieur, ces « ensembles de crédits concourant à la réalisation d'une mission spécifique », qui serviront à l'avenir de nouveaux périmètres. Il me faudra alors vous rendre compte non plus du montant des crédits et du nombre des emplois, dans une stricte logique de moyens, mais de la réalisation d'objectifs que j'aurai fixés l'année précédente, à partir d'un jeu complet d'indicateurs.

Il ne sera plus possible de confondre rentrée budgétaire et rentrée littéraire, ni de prétendre sans justification solide au Prix de la dépense publique... La qualité d'un budget se jugera à partir de critères plus précis que le seul montant des crédits inscrits. Nos débats seront plus pertinents et les deniers publics, mieux utilisés.

Par anticipation, je voudrais décrire dès cette année les grands programmes de mon ministère, les moyens affectés et les résultats attendus.

Globalement, l'effort consenti en 2001 pour le ministère de l'intérieur est le plus important depuis 1995. Pour la police notamment, on peut comparer ce budget au plan Joxe de 1985-1986. A périmètre constant, hors dotations aux collectivités locales et crédits pour les élections, la hausse est significative : notre budget, qui s'élève à 59 milliards, augmente de 4,4 % par rapport à l'année dernière, contre 0,3 % pour l'ensemble du budget de l'Etat. S'élevant à 900 millions, les mesures nouvelles, c'est-à-dire notre vraie capacité d'intervention, sont en hausse de 50 % par rapport à 2000 et de presque 130 % par rapport à 1999. Nous bénéficierons d'un milliard pour l'immobilier et d'un milliard pour l'informatique, les transmissions et les nouvelles technologies.

S'agissant des emplois, après la création nette de 713 postes, l'effectif opérationnel global du ministère sera de 185 000 agents, y compris les unités de sécurité civile et les adjoints de sécurité. Cela signifie, concrètement, davantage de policiers sur la voie publique, une plus grande capacité à prévenir les crises et un meilleur accueil dans les préfectures.

Ces chiffres valent tous les discours. Ils montrent que le ministère de l'intérieur occupe depuis 1997 une place essentielle dans les choix budgétaires du Premier ministre. J'y vois aussi la récompense accordée à un ministère qui a su s'engager résolument dans la réforme de l'Etat, qu'il s'agisse de la police de proximité ou de la réforme des préfectures.

Ce budget va permettre de généraliser la police de proximité et de moderniser la police nationale. La création de 800 postes administratifs et de police technique et scientifique nous permettra de remettre sur la voie publique un nombre équivalent de fonctionnaires de police. Cet effort, auquel s'ajoute le recrutement des 20 000 adjoints de sécurité, rendra possibles les redéploiements d'effectifs indispensables pour rapprocher la police des citoyens.

Par ailleurs, 200 millions seront affectés au fonctionnement de cette police de proximité, qui n'est pas un slogan : la présence accrue des fonctionnaires de police, l'utilisation de véhicules légers, l'enregistrement immédiat des plaintes sur micro-ordinateur sont des réalités, pour les agents comme pour la population.

Les formations de police de proximité seront renforcées. Enfin, 145 millions sont prévus pour financer et équiper les nouvelles implantations immobilières. Au terme du plan « Police de proximité » en 2003, nous compterons 320 points de contact nouveaux sur l'ensemble du territoire.

Dans le cadre de la simplification du régime indemnitaire des gardiens de la paix, un dispositif particulier encouragera le service dans la police de proximité. Cette réforme s'inscrit dans la refonte du régime indemnitaire des commissaires et des officiers. Elle s'inspirera des observations de la Cour des comptes et de votre Mission d'évaluation et de contrôle.

La police de proximité reste donc notre première priorité. Elle concernera, dès le début 2001, 180 circonscriptions nouvelles et 20 millions de nos concitoyens, soit les deux tiers de la population située en zone de police.

Les premiers résultats sont très encourageants, comme a dû vous l'indiquer votre rapporteur Tony Dreyfus. Dans les 63 circonscriptions de la première vague, la délinquance de voie publique est en baisse de 2 %, alors même que le rétablissement de la confiance en la police s'est traduit mécaniquement par un accroissement des plaintes. La police de proximité, en outre, responsabilise les agents qui doivent se montrer polyvalents et faire preuve d'initiative, ce qui se traduit par un taux d'élucidation amélioré.

Cependant, généraliser la police de proximité ne signifie pas que nous cessons de moderniser l'ensemble des forces, notamment la police scientifique et technique et les unités spécialisées dans le grand banditisme et le terrorisme. Tous les services sont concernés par cette grande réforme qui rénove les méthodes afin d'assurer une meilleure coopération de tous les services autour d'une police généraliste de terrain.

Avec 4 milliards de francs, les crédits de fonctionnement de la police augmentent de 7 %. S'y ajoute la création de cent emplois de police scientifique et technique, ce qui augmentera les moyens d'investigation.

D'autre part, il est prévu une enveloppe catégorielle de 160 millions, nettement supérieure à celles de 1999 et 2000, dont 125 millions serviront à simplifier et revaloriser le régime des agents du corps de maîtrise et d'application.

L'augmentation de 33 % du budget « informatique et transmissions » permettra notamment de poursuivre le déploiement du programme ACROPOL doté, comme en 2000, de 400 millions. En 2001, le réseau ACROPOL sera généralisé en petite couronne et sa mise en place commencera à Paris. Il sera également installé dans l'Yonne, l'Eure-et-Loir, le Nord et le Pas-de-Calais, et amélioré en Corse, dans le Rhône, la Loire et l'Isère.

S'agissant de l'immobilier, les 700 millions d'autorisations de programme, soit 18 % de plus que cette année, permettront d'améliorer l'accueil, de livrer 32 bâtiments et d'ouvrir 37 nouveaux chantiers. Un huitième grand projet immobilier, l'Ecole de police nationale de la région parisienne, devrait être lancé.

La question délicate des centres de rétention administrative et des zones d'attente a particulièrement retenu l'attention de M. Mermaz. Les efforts de construction et de rénovation de ces structures seront résolument poursuivis. L'ouverture prochaine de la zone d'attente de Roissy devrait améliorer nettement les conditions d'accueil des étrangers en situation irrégulière. Des solutions existent pour les autres cas difficiles, même si les procédures immobilières exigent toujours de longs délais. Par ailleurs, le décret harmonisant les règles d'hébergement et définissant les droits des étrangers retenus sera prochainement publié.

Ce budget donne également à la sécurité civile de nouveaux moyens pour gérer les crises, avec plus de 1,6 milliard de francs. La professionnalisation des unités de sécurité civile, engagée suite à la suppression du service national, s'achèvera en 2001 pour atteindre le format définitif avec près de 1 500 emplois. Tirant les conséquences du naufrage de l'Erika et des tempêtes, nous renforçons les états-majors des zones de défense et créons un nouvel état-major à Lille.

La modernisation du parc aérien se poursuit. 9 des 32 hélicoptères de nouvelle génération BK 117 seront livrés à partir de juin 2001 et une nouvelle base d'hélicoptères sera créée dans la zone de défense Antilles-Guyane. Enfin, la modernisation des services de déminage se poursuit avec la majoration de l'indemnité représentative d'activité de déminage et, pour la troisième année consécutive, 4,6 millions seront consacrés aux navigants de la sécurité civile.

Pour autant, ce budget de la sécurité civile reste de transition. Il achève la professionnalisation des forces et renouvelle l'équipement aérien pour de nombreuses années. Mais une nouvelle phase s'engage aujourd'hui. Nous préparons pour le second semestre 2001 un projet de loi qui tirera profit du travail remarquable, synthétique et équilibré de Jacques Fleury.

L'autre grande mission de mon ministère est l'organisation des territoires. Dans le cadre de la réforme de l'Etat, nous poursuivons la déconcentration tout en amorçant une nouvelle étape de la décentralisation.

L'administration territoriale -préfectures et sous-préfectures- est au c_ur de ces réformes. Le 23 novembre prochain se tiendront les Assises nationales des préfectures qui nous permettront de réaffirmer leur rôle de pivot. Ce projet, par bien des aspects, leur en donne les moyens.

L'expérience de globalisation des crédits de fonctionnement, engagée en 2000 dans quatre préfectures, sera étendue à dix nouveaux départements. Les dotations des quatre préfectures déjà concernées augmenteront de 0,3 %. Les premiers résultats de la globalisation semblent positifs ; elle permet une gestion plus transparente et plus efficace. Dès l'an prochain elle sera soumise à une évaluation précise et pourrait, à terme, être étendue à l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat.

Certains services stratégiques des préfectures sont également renforcés. Ainsi, 90 emplois qualifiés seront créés dans les SGAR pour améliorer la gestion des crédits européens et dans les services des étrangers pour mieux traiter les demandes d'asile.

D'autre part, la revalorisation des régimes indemnitaires, très attendue par les agents du cadre national des préfectures, est engagée. Sur 34 millions destinés à réévaluer ces régimes, 25 millions iront aux seules préfectures, soit nettement plus que l'augmentation déjà importante de 2000. Nous harmoniserons les taux de primes entre les préfectures, tout en prenant en compte la situation des agents des zones difficiles et de l'encadrement. Nous nous rapprocherons ainsi de la moyenne interministérielle pour les services déconcentrés de l'Etat.

Avec plus de 260 millions consacrés à l'immobilier, nous engagerons, outre les 56 opérations déjà retenues, plusieurs projets importants, notamment la construction de la nouvelle préfecture de Lille et des sous-préfectures de Sarcelles et de Torcy.

Les préfectures ont été câblées en 2000, toutes les sous-préfectures le seront en 2001, ce qui permettra de développer les téléprocédures et la présence du ministère de l'intérieur sur les réseaux Internet et Intranet. Cinquante préfectures ont déjà ouvert un site Internet. En 2001, la montée en puissance des systèmes d'information territoriaux, qui relient les services déconcentrés, augmentera leur efficacité.

La première partie de la loi de finances a déjà été l'occasion de débattre des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Certaines étant inscrites sur le budget de mon ministère, je confirme l'engagement du Gouvernement d'établir entre l'Etat et les collectivités locales des relations financières permettant à celles-ci de bénéficier des fruits de la croissance et d'une évolution régulière de leurs ressources.

Le Premier ministre a proposé que se tienne, en décembre, un débat au Parlement, suite à la remise des conclusions de la commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre Mauroy. Il m'a également chargé d'engager avec le ministre de l'économie une concertation sur la réforme des finances locales. Le Gouvernement déposera un premier rapport au Parlement avant la fin 2001, afin de préparer une réforme d'ensemble des ressources des collectivités, dotations de l'Etat et fiscalité propre. L'objectif est double : la détermination de ressources suffisantes pour que les collectivités exercent leurs compétences et la maîtrise par ces collectivités d'une part suffisante de leurs recettes fiscales.

Lors de l'examen au Sénat d'une proposition de loi constitutionnelle sur l'autonomie fiscale des collectivités locales, j'ai réaffirmé mon attachement à une fiscalité locale plus juste, mieux répartie et assurant un lien fort avec le citoyen. Nous aurons l'occasion d'y revenir mais, à mes yeux, les dotations de l'Etat et la fiscalité propre ne peuvent évoluer que de façon globale.

Dans l'immédiat, ce budget respecte le contrat de croissance et de solidarité qui organise depuis 1999 les relations entre l'Etat et les collectivités. En 2001, les dotations de l'Etat augmenteront de 2,32 %, compte tenu d'une augmentation prévisionnelle de 1,2 % de l'inflation et de 3,4 % du PIB. Leur total atteint 167 milliards, soit 3,6 milliards de plus qu'en 2000, et atteint même 170 milliards si on y ajoute les majorations de dotations hors contrat. Dans son discours de Lille, le 27 octobre dernier, le Premier ministre a proposé de prolonger d'un an le contrat de croissance et de solidarité. Il faudra en discuter dès le début de 2001. Je rappelle que, grâce à ce contrat, les collectivités locales ont perçu en trois ans 4 milliards de plus que ce qui leur aurait été alloué avec l'ancien pacte de stabilité.

Compte tenu de règles d'indexation plus favorables, la dotation globale de fonctionnement augmentera de 3,42 % pour atteindre 115 milliards. C'est la progression la plus élevée depuis cinq ans. Elle vaudra également en 2001 pour la dotation spéciale instituteurs, la dotation élu local et la dotation générale de décentralisation.

Cette dernière compensera la suppression de la vignette, qui représente cette année 12,6 milliards, soit 10 % des recettes fiscales des départements, afin de protéger les budgets de ces collectivités. Cette suppression a donné lieu à débats. Il me semble pourtant nécessaire de refondre la fiscalité locale, et légitime de faire profiter les contribuables locaux des allégements fiscaux que la croissance rend possibles.

La DGF comprend la dotation forfaitaire versée à toutes les communes et la dotation d'aménagement. La première progressera de 1,7 à 1,9 %, soit plus que l'inflation.

En raison du succès de la loi sur l'intercommunalité, 7 milliards étaient prévus cette année, au titre de la DGF des groupements, y compris la dotation des communautés d'agglomération..

La création de communautés d'agglomération ou de communes à taxe professionnelle unique ne s'est pas ralentie. Il pourrait y avoir une trentaine de nouvelles communautés d'agglomération au 1er janvier prochain. Le Gouvernement a affecté 500 millions supplémentaires à leur financement ; avec son avis favorable, vous y avez ajouté 200 millions supplémentaires, ce qui, au vu des dernières estimations, sera sans doute nécessaire.

En 2000, la croissance de la DSU et de la DSR a été exceptionnelle. Elle ne peut être reconduite à ce niveau chaque année. Cependant, nous proposons de majorer de 350 millions la DSU de 2001 pour maintenir son niveau en masse, sous réserve de constatations à faire lors de la répartition de la DGF. Par souci d'équilibre, et avec l'avis favorable du Gouvernement, vous avez reconduit l'abondement de 150 millions déjà décidé en 2000 en faveur de la dotation de solidarité rurale et pour les bourgs-centres. Il est prélevé sur le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. La DSR des bourgs-centres sera ainsi maintenue, la DSR de péréquation continuera à augmenter.

Parmi les autres dotations, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, variable d'ajustement de l'enveloppe du contrat de croissance et de solidarité, diminuera de 5,4 % pour atteindre 11,2 milliards. En outre, elle sera grevée, en application de la loi du 12 juillet 1999, du montant nécessaire au financement complémentaire des communautés d'agglomération nouvelles. La loi réduit toutefois de moitié la baisse de cette dotation, lorsqu'elle est versée à des collectivités défavorisées, bénéficiaires de la DSU, de la première fraction de la DSR, de la dotation de fonctionnement minimale ou du fonds de correction des déséquilibres régionaux.

Quant aux dotations d'équipement, la DGE augmentera au même rythme que la formation brute de capital fixe, soit 1,6 %, de même que la dotation régionale d'équipement scolaire et que la dotation départementale d'équipement des collèges. La DGE spécifique des SDIS sera de nouveau majorée de 300 millions, conformément à l'engagement pris.

Le montant prévisionnel du fonds de compensation pour la TVA est porté à 23,5 milliards, soit une augmentation de 7,7 %, qui intègre la poursuite de la reprise de l'investissement local depuis 1998.

Somme toute, l'aide de l'Etat aux collectivités locales connaîtra en 2001 une croissance importante, qui devrait leur permettre de faire face à leurs charges, dont elles ont su maîtriser les évolutions depuis plusieurs années. Le cap fixé depuis trois ans est ainsi maintenu : respect du contrat de croissance et de solidarité, renforcement de la péréquation, soutien à l'intercommunalité. Je serai particulièrement attentif aux réflexions de votre assemblée sur la réforme des finances locales, et je sais que vos rapporteurs, forts de leur expérience, y apporteront beaucoup, comme ils l'ont déjà fait à propos de l'intercommunalité ou de la prise en considération des effets du recensement sur les finances locales.

Si le Parlement confirme les choix du Gouvernement , le ministère de l'intérieur disposera en 2001 d'un très bon budget, substantiel et cohérent. Je remercie tous ceux qui, avant mon arrivée, ont contribué à son élaboration et adresse un salut amical à Jean-Pierre Chevènement qui en a conçu, avec le Premier ministre et le ministre des finances, les grandes orientations, l'équilibre et le détail. En votant le projet qui vous est soumis, vous donnerez un signal clair en faveur de la police de proximité à la veille de la deuxième étape de sa généralisation, vous prendrez aussi clairement position en faveur de la sécurité civile, qui fait l'objet d'un projet de loi en préparation, et vous ouvrirez la voie à une nouvelle réforme liant déconcentration et décentralisation, dont nous reparlerons à l'issue des Assises nationales des préfectures, lorsque s'ouvrira le grand débat national sur la décentralisation lancé la semaine dernière à Lille par le Premier ministre.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité - La procédure d'examen est quelque peu nouvelle, mais nous avions déjà commencé à l'améliorer en mettant sur pied la Mission d'évaluation et de contrôle. L'exposé très exhaustif du ministre m'épargnera de l'être moi-même et de répéter, avec moins de talent, ce qu'il a lui-même exposé. Ne vous attendez donc ni à un exploit oratoire, ni à une dénonciation vigoureuse de la bouteille à moitié vide qu'il a naturellement décrite comme étant à moitié pleine... (Sourires). Je me contenterai de mettre l'accent sur quelques points et de faire quelques suggestions pour améliorer encore un excellent budget qui montre, comme le précédent, la volonté du Gouvernement d'améliorer la sécurité de tous les citoyens.

Les crédits consacrés à la police nationale enregistrent un hausse de 1,86 %, soit moins que celle, sensible, observée l'an dernier : 3,02 %. Les crédits de fonctionnement progressent de 1,77 %, au lieu de 2,48 % l'an dernier. Pour la deuxième année consécutive, les crédits de rémunération augmentent moins que les crédits consacrés aux moyens de fonctionnement ; ils continuent toutefois de représenter plus de 80 % des crédits de paiement.

La modération de cette augmentation, limitée à 224 millions, résulte de créations, de suppressions et de transformations de postes. 550 emplois administratifs sont créés dans les services actifs de la police nationale et 100 dans les services de police techniques et scientifiques ; le coût de ces créations d'emplois s'élève à 96,4 millions. Le recrutement, en 2000, de 4 150 adjoints de sécurité, ne coûtera, en 2001, que 33,1 millions au budget de l'intérieur, les quatre cinquièmes du coût étant supportés par le budget de l'emploi. En revanche, la suppression des 2075 postes de policiers auxiliaires, due à la fin de la conscription, représente une économie de 36,5 millions. Au total, le nombre des emplois de la police nationale s'élèvera en 2001 à 128 439, soit une baisse de 1,11 % des effectifs.

Il n'est pas affecté de crédits à une revalorisation d'ensemble des rémunérations, puisque les négociations salariales de la fonction publique ne vont commencer que le mois prochain et que leur résultat n'aura donc d'effet que durant l'exercice 2001. En revanche, des mesures de revalorisation des indemnités sont prévues pour chaque grande catégorie ; le ministre les a détaillées, je n'y reviens donc pas.

Les crédits consacrés aux moyens d'action atteindront 4,34 milliards en 2001, soit une progression de 6,83 %. Parmi ces crédits, les crédits d'équipement progressent de 3,92 %. Ils sont destinés en premier lieu à la construction et à la réhabilitation de locaux opérationnels, techniques ou d'enseignement professionnel : seront ainsi mis en chantier dans les prochains mois les hôtels de police de Strasbourg, de Bordeaux, de Montpellier et de Bobigny, et chacun se réjouira, je le pense, que soit poursuivi l'effort accompli l'an dernier. Si le montant des crédits de paiement relatif à ces opérations baisse de 7,53 %, c'est en effet parce qu'il était exceptionnellement élevé en 2000 : les autorisations de programme, quant à elles, sont en forte hausse pour la deuxième année consécutive.

Les crédits d'équipement permettent également la poursuite de la mise en _uvre du système de transmission ACROPOL, qui se déploiera désormais sur le territoire de la grande couronne, de la région Nord-Pas-de-Calais et des départements de l'Yonne et de l'Eure-et-Loir.

Enfin, les dotations consacrées au logement des personnels ont connu depuis plusieurs années un déclin regrettable. Songez que le nombre de logements réservés à de jeunes gardiens de la paix ne sera, en 2001, à Paris, que de 21 ! Les communes de banlieue se montrent nettement plus hospitalières, et l'on ne peut imaginer qu'il n'y ait pas, à l'avenir, une action coordonnée du ministère de l'intérieur et de la ville de Paris pour loger intra-muros davantage de jeunes fonctionnaires de police et les retenir de demander, soit une réduction de leur horaire de travail, soit leur mutation en province.

Les crédits de la sécurité civile augmentent fortement : 15,83 %. Les services perdront cependant, à compter du 1er janvier 2001, les 410 postes jusqu'alors occupés par des appelés.

La mise en _uvre de la police de proximité, qu'il faut porter au crédit de l'actuel gouvernement, est très bien ressentie partout. La création prochaine de 180 nouvelles circonscriptions portera à 20 millions le nombre de nos concitoyens couverts par elle. Elu d'une circonscription parisienne voisine de celle du ministre, je suis à même de me rendre compte que la police doit être visible si l'on veut que se réduise le sentiment d'insécurité qui est, plus que l'insécurité elle-même, le lot des habitants de la capitale. Mais étant donné que la dépense globale est estimée à 380 millions et que seuls 200 millions sont inscrits au budget 2001 en plus des 100 millions déjà réservés, il faut que 80 millions supplémentaires soient inscrits au collectif.

Le parc automobile de la police nationale est aujourd'hui inutilisable pour près d'un tiers, à cause des « caillassages » qu'il subit dans certains quartiers. L'amortissement des véhicules doit s'opérer sur trois ans, et non sur six, et c'est donc un crédit de 250 millions qu'il faut prévoir chaque année. Je pense que le cabinet du ministre n'a pas manqué de s'en ouvrir à Bercy...

Enfin, il faut tenir compte de l'application de la nouvelle loi sur la présomption d'innocence, qui entraîne de nouvelles charges, non seulement pour les services judiciaires, mais aussi pour les services de police, en policiers comme en équipement. Vos services ont évalué cette charge à 70 millions, ce qui semble très raisonnable pour une loi de principe. Il faut donc un complément de crédits.

Si toutes ces modifications interviennent à temps, dans la loi de finances rectificative, votre budget sera un bon budget, cohérent avec les orientations définies depuis 1997.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la police - Je fais miens les propos de M. Dreyfus : il faut mobiliser les moyens nécessaires à la mise en route de la nouvelle loi sur la présomption d'innocence. Je sais, Monsieur le ministre, que vous vous en préoccupez, nous sommes à vos côtés.

Après m'être intéressé les années précédentes à la police de proximité et à la formation des policiers, je me suis plus particulièrement préoccupé cette année du fonctionnement des zones d'attente, des centres de rétention administrative et des centres de rétention locaux. Quiconque pénètre brusquement dans ces lieux, a l'impression de changer d'époque et de pays : c'est un spectacle horrifiant ! Si vous vous rendiez quai de l'Horloge, dans ce sous-sol qui est presque une cave, ou à l'hôtel de police de Bobigny -qui va certes être rénové, mais ce n'est pas pour tout de suite- vous seriez véritablement saisi.

Sans attendre les travaux immobiliers, des améliorations sont impératives, sans parler de la préparation des personnels, qui ne sont pas adaptés à ces tâches, comme eux-mêmes en conviennent.

Il existe 122 zones d'attente dont 98 en métropole. On y trouve des personnes qui se sont vu refuser l'accès au territoire national. Les centres de rétention administrative accueillent des personnes en voie de départ, il y en a 11 en métropole, 3 dans les DOM, sous responsabilité de la police, et 3 sous la responsabilité de la gendarmerie. Et que dire des conditions de vie dans les dizaines de centres de rétention locaux, dispersés sur le territoire et ouverts sous l'autorité du préfet. La commission des droits de l'homme s'en est préoccupée.

La zone d'attente du port de Calais, accueille les personnes inexpulsables, comme des Afghans, qui attendent pour la plupart de passer en Grande-Bretagne. Dans le centre d'accueil de Coquelles, à quelques kilomètres de là, la Croix Rouge fait de son mieux. Mais nous sommes confrontés à de nombreuses tentatives de passage clandestin vers l'Angleterre, dans des conditions très difficiles. Ne nous voilons pas la face : il y a là un trafic humain honteux, et 200 passeurs sont actuellement écroués.

Je n'insisterai pas sur la zone d'attente très inconfortable de Marseille-Marignane, sur l'exiguïté de celle de Roissy, sur ce minuscule cachot vitré de la gare du Nord où trois personnes ne tiendraient pas. Le centre de rétention d'Arenc doit être abandonné, on y voit des gens assis sur des banquettes, la literie est déchirée et, malgré le progrès que représente l'installation d'une infirmerie, ce lieu reste tout à fait déplorable. Au palais de justice, les sanitaires fuient, il n'y a pas de siège, les gens sont affalés, le personnel fait ce qu'il peut, mais il est démoralisé. Et que dire de Choisy et de Bobigny où l'on trouve des geôles dignes du tiers-monde ? Un rapport montre aussi qu'il y a beaucoup à faire pour améliorer les choses à l'hôtel Ibis de Roissy, qui accueille l'essentiel des reconductibles.

Il faut également déplorer le mélange des gens : au palais de justice, se côtoient des personnes qui sortent de prison, des expulsables, et des travestis. Cela n'est plus possible dans un pays qui se targue d'être celui des droits de l'homme. Bien sûr, Monsieur le ministre, vous n'êtes pas responsable de cela puisque vous venez d'arriver, mais prenez ce problème à bras le corps pour que la République puisse se regarder en face.

Si les demandeurs d'asile peuvent à ce titre quitter assez facilement les zones d'attente, par la suite les régularisations par l'OFPRA n'interviennent qu'au compte-goutte et les recours sont souvent rejetés. Je pense en particulier aux Algériens. Si nous entretenons des relations normales avec le gouvernement algérien, on sait bien que des événements tragiques se déroulent là-bas. Il conviendrait que la France continue à se montrer aussi accueillante que par le passé pour qu'elle reste une grande nation rayonnante.

Pour le reste du budget, la généralisation de la police de proximité est une excellente chose. Vous avancez à grands pas, les résultats sont bons puisque la délinquance recule dans les zones concernées. Si, en revanche, la délinquance générale augmente, cela tient à l'augmentation des délits financiers et sur Internet. Il faut poursuivre la fidélisation des forces mobiles dans ces zones. Elles ne sont pas toujours bien adaptées et formées. Il ne suffit pas de faire circuler une compagnie de CRS dans un quartier, il est préférable d'y mettre des policiers de proximité, le Gouvernement s'y emploie.

Je vous donne acte des nombreuses créations de postes administratifs et techniques, cela permet de mettre plus de policiers sur la voie publique, comme tout le monde le demande, y compris les syndicats. Les adjoints de sécurité constituent une véritable pépinière pour les recrutements ultérieurs de policiers.

Les mesures indemnitaires qui sont prises permettent de remettre un peu d'ordre puisque l'on passe de quinze à trois indemnités. Mais, 130 millions pour les gradés et les gardiens, cela ne fait guère que 100 francs de plus par mois pour chacun. Si vous pouviez, avec notre aide, obtenir un peu plus à l'occasion du collectif, cela serait bien vu des policiers.

Les crédits de fonctionnement atteignent 4 milliards, ce qui est sans précédent. C'est une bonne chose, à la condition que le nécessaire soit fait pour l'application de la loi sur la présomption d'innocence.

Un effort sensible est fait pour l'immobilier, mais il faut six ans entre une décision et une inauguration, or bien des centres de rétention et des commissariats ne peuvent attendre.

Les choses avancent également dans le domaine de l'informatique et des transmissions. La région PACA attend de bénéficier d'Acropol : c'est prévu pour 2002.

En ce qui concerne les véhicules, j'espère que le collectif permettra d'améliorer la situation car ce budget ne vous permet de renouveler qu'un tiers du parc, déjà en situation de réforme. Il est vrai que le code des marchés publics ne vous facilite pas la tâche. On a même dit que son application pourrait conduire tous les policiers à disposer du même véhicule, ce qui faciliterait leur reconnaissance par les gangsters...

Au total, ce budget est positif, même si l'on peut toujours l'améliorer, mais, de grâce, faites rapidement quelque chose pour les centres de rétention, qui sont aujourd'hui l'horreur de la République.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile - Ce budget s'inscrit dans un contexte un peu particulier puisqu'en 2000 notre territoire a connu de grandes catastrophes -nous en vivons encore une aujourd'hui- et puisque, la réforme des SDIS arrivant à son terme, les collectivités territoriales sont confrontées à bien des difficultés. Le rapport Fleury contient un certain nombre de propositions et vous-même, Monsieur le ministre, avez annoncé pour 2001 une loi sur la sécurité civile. On pourrait donc penser que nous examinons cette année un budget de transition. Pour ma part, considérant que bien des incertitudes pèsent sur l'avenir, je le qualifierai plutôt de budget de stagnation.

En effet, l'augmentation des moyens est essentiellement destinée au maintien de la capacité opérationnelle de la direction de la défense et de la sécurité civiles. La modernisation de la flotte aérienne se poursuit malgré quelques difficultés : insuffisances techniques des canadairs, non-achèvement du programme des trackers, retard des premiers hélicoptères. Il faut par ailleurs pourvoir au remplacement progressif des appelés. Quant à la modernisation du service de déminage, le retard accumulé est tel que les 3,5 millions dégagés semblent bien modestes. En ce qui concerne la formation, les moyens supplémentaires alloués correspondent strictement aux transferts de personnel.

Alors que les collectivités locales consacrent entre 13 et 15 milliards aux services de secours, l'Etat n'y affecte qu'1,5 milliard. Or la sécurité civile a considérablement changé et les missions des services de secours ne sont aujourd'hui plus celles qui avaient fondé une organisation communale : la prévention tient désormais une place essentielle, la diversité des risques exige des matériels plus coûteux et une formation adaptée, l'urbanisation a modifié les conditions des secours à personnes et les pompiers sont souvent amenés à intervenir à la place des autres services dans les quartiers difficiles, sans y avoir été préparés. Dans ce contexte, la départementalisation peut sembler logique, mais il faut définir plus précisément le rôle respectif de l'Etat et des collectivités territoriales. Il conviendrait aussi de développer des structures interdépartementales.

Une réforme du financement de la sécurité civile paraît également indispensable. Les services départementaux ont besoin de ressources nouvelles pour faire face à la réorganisation. Quant à la participation de l'Etat, il ne serait pas anormal qu'elle soit à la hauteur de son pouvoir de décision en matière de sécurité civile.

Ma première question concernera donc le financement des services de secours et, plus généralement, de la sécurité civile. Le rapport de M. Fleury sur les difficultés d'application de la réforme du 3 mai 1996 insiste à la fois sur la recherche de ressources nouvelles pour les SDIS, sur une répartition différente des contributions des collectivités et sur une participation logique et nécessaire de l'Etat au financement de cette mission régalienne. Quelles sont à cet égard les mesures envisagées ?

L'évolution des missions des pompiers et la nouvelle organisation territoriale donnent une importance essentielle à la formation. Désormais, au dévouement et au courage des pompiers s'ajoute la compétence technique. Or les retards sont importants. Vous avez souligné le 7 octobre la nécessité d'une école nationale de formation des officiers dotée des infrastructures nécessaires, mais les moyens dont dispose l'INESC semblent bien insuffisants. Quels sont les projets du Gouvernement ?

Le renforcement de la coordination opérationnelle, la modernisation des moyens d'information -en cas de catastrophe comme au quotidien- et de transmission vont de pair avec un service moderne. Qu'entend faire le Gouvernement pour renforcer les zones de défense et pour moderniser les réseaux de transmission ? Quels moyens engagera-t-il pour cela ?

La prévention de risques différents implique l'intervention de nombreuses structures, mais les responsabilités ne sont pas clairement définies. Quelle appréciation portez-vous sur la répartition des compétences en la matière ? On sait que la formation et la définition des zones relèvent de l'Etat, mais les difficultés que les collectivités locales éprouvent pour mettre en place les SDIS montrent bien que cette réforme structurelle devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur ce point.

Le financement des SDIS ne saurait reposer uniquement sur des recettes privées et sur une fiscalisation supplémentaire.

Je tiens à témoigner de l'inquiétude des collectivités locales face à l'ampleur des dépenses à prévoir et de leur déception de ne pas voir l'Etat s'impliquer davantage dans ce qui reste l'une de ses missions régaliennes et où il conserve le pouvoir final de décision.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances pour le budget des collectivités locales - Le propos de M. Leonetti me fournit une transition toute trouvée : nous assistons en effet à une transformation considérable des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales, qui prennent à leur charge de plus en plus de dépenses de « civilisation ». Je pense notamment à leurs nouvelles responsabilités en matière de secours, d'assainissement et de traitement des déchets. Ces phénomènes irréversibles imposent une réflexion approfondie sur l'évolution des finances locales.

Les dotations de l'Etat aux collectivités locales atteignent 336,825 milliards, soit une progression de 10,5 % par rapport à l'année dernière. Il s'agit donc d'un bon budget. S'inscrivant, tout comme son prédécesseur, dans le cadre du pacte de stabilité, il présente une structure similaire, qui reprend notamment la distinction entre les dotations sous enveloppe et hors enveloppe.

S'agissant des concours sous enveloppe, le poids de l'intercommunalité s'est accru, mais les collectivités locales ne bénéficient pas suffisamment des fruits de la croissance. A structure constante, ils progressent de 2,32 % et cette évolution est sensiblement supérieure à celles enregistrées pendant les deux années précédentes. Elle n'en demeure pas moins inférieure à la hausse de la DGF, ce qui conduit à un ajustement de l'enveloppe normée par une réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Cette dernière dotation devrait en outre subir un prélèvement complémentaire, afin de financer les nouvelles communautés d'agglomération.

Hors abondements, le montant de la DGF progresse fortement. Il atteint 113,96 milliards, soit une hausse de 3,42 % par rapport à l'année 2000. Cependant, pour les communes qui ne bénéficient pas de la dotation forfaitaire de DGF, la progression reste située dans une fourchette comprise entre 1,74 et 1,88 % en fonction des décisions du Comité des finances locales. Pour 2001, la DGF doit en outre être abondée d'au moins 2 200 millions et son montant total sera donc de 116,15 milliards. Cette importante progression profite aux diverses dotations dont l'évolution est alignée : dotation spéciale instituteurs, dotation élu local et dotation générale de décentralisation.

Le FNPTP bénéficie cette année d'une indexation particulièrement favorable puisque, en application de la loi du 2 juillet 1990, il est abondé du retour de fiscalité locale de France Télécom et de La Poste. A cet égard, le Gouvernement m'a précisé que la « normalisation » de la fiscalité locale de France Télécom ne peut être envisagée avant 2002, compte tenu des délais nécessaires pour le recensement précis par l'entreprise de ses bases. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, être plus précis sur le calendrier envisagé ?

Enfin, les dotations d'équipement sont indexées sur la formation brute de capital fixe des administrations publiques, ce qui se traduit par une progression assez faible en 2001 -1,6 % contre 3,6 % en 2000.

L'insuffisante participation des collectivités locales aux fruits de la croissance conduit à un ajustement de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. En effet, le respect de l'indexation de l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité ne peut être assuré, cette année encore, que par une réduction de 5,4 % en moyenne de la DCTP. J'ai souligné à plusieurs reprises le rôle majeur des collectivités locales en matière d'investissement, et je ne puis donc qu'être favorable à une meilleure répartition des fruits de la croissance dans le dispositif destiné à succéder au contrat de croissance et de solidarité. Toutefois, on peut se demander si cette meilleure répartition passe par une modification de l'indexation de l'enveloppe normée, destinée à éviter une réduction de la DCTP. Celle-ci peut en effet être mise en cause par l'Etat, alors que les compensations liées à des exonérations ou à des dégrèvements ont eu tendance à croître fortement au cours des dernières années.

Des réductions de DCTP peuvent cependant être tolérées au regard du caractère quelque peu virtuel de la dotation, qui continue de compenser des réductions de base de taxe professionnelle, alors que les entreprises concernées ont parfois disparu depuis longtemps. Je considère donc qu'une participation accrue des collectivités locales aux fruits de la croissance passe plutôt par une hausse de la fraction de PIB prise en compte pour indexer la DGF.

Une augmentation de la masse de la DGF semble d'autant plus nécessaire que le financement de l'intercommunalité pèse de plus en plus sur les dotations de solidarité. Ainsi en 2001, la forte progression de la DGF masque les évolutions moins favorables de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale. La DSU est en effet reconduite quasiment à l'identique ; quant à la DSR, il convient de distinguer l'évolution de la DSR « bourgs-centre », qui aurait dû baisser de 16,7 % et celle de la DSR « péréquation » qui progresse en revanche de 6,3 %. Cette situation est essentiellement imputable à la forte augmentation de la dotation des groupements, en raison notamment de la création cette année des communautés urbaines de Marseille et de Nantes.

Le financement des communautés d'agglomération ne pèse pas sur ces dotations de solidarité puisqu'il est assuré par une dotation spécifique de 500 millions. Toutefois, le montant insuffisant de cette dernière a conduit cette année à un prélèvement supplémentaire de 497 millions sur la DCTP.

Pour 2001 l'article 26 du présent projet de loi de finances propose de porter à 1 000 millions le montant annuel de la dotation spécifique d'intercommunalité. Il est à craindre que cette dotation reste insuffisante car l'on s'attend à la création d'une trentaine de nouvelles communautés d'agglomération, dont celle de Montpellier qui couvrira près de 500 000 personnes. Notre Assemblée a cherché à atténuer l'impact de l'intercommunalité sur les dotations de solidarité et sur la DCTP : elle a ainsi adopté un amendement majorant de 150 millions la DSR « bourgs-centre » et elle a également décidé de majorer de 200 millions la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération. Il ne s'agit néanmoins que de mesures de « rafistolages » à court terme et il semble hautement souhaitable de prévoir une dotation spécifique suffisante.

Pour ce qui concerne les dotations hors enveloppe, force est de constater le poids croissant des compensations des fiscalités locales. S'agissant des dotations « passives », le fonds de compensation pour la TVA augmente de 7,7 % et atteint 23,5 milliards. J'ai eu l'occasion de m'élever à plusieurs reprises contre la tentation de transformer le FCTVA en une dotation indexée. J'ai donc été extrêmement surpris de découvrir dans le rapport de la commission Mauroy qu'une telle éventualité, néfaste pour les collectivités, était à nouveau envisagée.

Près des deux tiers des dotations passives sont constitués de compensations d'exonérations et de dégrèvements législatifs, pour un montant de 68,2 milliards. Le poste principal est celui de la compensation du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée.

L'Etat est donc bien devenu le premier contribuable local. Les compensations indexées s'élèvent ainsi à près de 60 milliards, soit plus du double du montant de l'année dernière. Hors enveloppe normée, les diverses compensations de fiscalité locale atteignent 127,4 milliards ; enveloppe normée incluse, l'Etat devra prendre en charge en 2001 147 milliards au titre de la fiscalité locale. Si l'on ne tient pas compte des compensations accordées au titre de la fiscalité indirecte, cela signifie que la contribution de l'Etat aux quatre taxes directes locales est de l'ordre de 120 milliards, soit environ 38 % de leur produit voté.

Dès lors, une réforme de la fiscalité locale est indispensable.

Si la part prise par l'Etat dans la fiscalité locale ne constitue pas en soi un véritable problème, les diverses réformes qui sont intervenues ces dernières années peuvent avoir des conséquences mal maîtrisées. Ainsi la réforme de la taxe professionnelle pourrait conduire à une forte réduction de la part de la cotisation nationale de péréquation alimentant le FNTP. De même, M. Bonrepaux a souligné l'impact que cette réforme peut avoir sur le calcul potentiel fiscal et, partant, sur la répartition des dotations. Enfin, la compensation de la suppression de la part salariale devrait être intégrée à compter de 2004 dans la DGF, selon des modalités encore inconnues, alors que cette mesure portera sur plus de 60 milliards.

Au-delà de ces difficultés techniques, le plus grave problème lié à la part croissante de l'Etat dans la fiscalité locale est sans aucun doute l'aggravation du caractère virtuel de cette imposition. Après les bases virtuelles résultant de l'absence de révision des valeurs locatives, après les taux virtuels appliqués pour certains dégrèvements, on a de plus en plus aujourd'hui des contribuables virtuels.

Cette situation résulte pour une large part de l'archaïsme de notre fiscalité locale, essentiellement assise sur des stocks et non sur des flux. M. Pierre Mauroy a ainsi affirmé la semaine dernière à Lille que l'autonomie fiscale était d'abord et surtout menacée par l'archaïsme de nos impôts locaux. Que n'en a-t-il tiré toutes les conséquences dans ses propositions de réforme de la fiscalité locale ? Celles-ci restent en effet quelque peu timorées. La commission a notamment rejeté le partage d'un impôt d'Etat, principalement parce que cela ne pourrait se concevoir qu'à taux fixe, et donc en contradiction avec le principe de l'autonomie fiscale des collectivités.

Monsieur le ministre, vous avez d'ores et déjà annoncé le dépôt d'un rapport au Parlement d'ici à la fin 2001, afin de préparer les voies et moyens d'une réforme d'ensemble des ressources des collectivités locales. J'en suis pour ma part très satisfait et je suis fier que ce gouvernement ait le courage d'engager une telle démarche, que les élus eux-mêmes n'envisagent qu'avec réticence. Je souhaiterais que ce rapport étudie en dehors de tout préjugé la faisabilité du partage d'un impôt d'Etat.

Seule cette réforme peut assurer aux collectivités locales des ressources assises sur des bases évolutives, tenant compte des évolutions économiques. Que vaut aujourd'hui le calcul de la base de la taxe d'habitation ? Ce qui compte, ce n'est plus les murs, mais la présence d'un ordinateur dans la maison... Une telle réforme nous permettrait d'avoir au Parlement un véritable débat politique sur la part des ressources nationales dans les budgets des collectivités locales. Enfin, dans cette maison, on ferait de la politique, au lieu de s'engluer dans des débats techniques !

Pour le reste, ce budget est évidemment intéressant.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits des collectivités locales - La précision et l'exhaustivité dont a fait preuve M. Saumade me permettront d'être bref. La croissance économique s'est traduite par une augmentation satisfaisante des concours financiers et le mécanisme d'indexation prévu dans le contrat de croissance et de solidarité a révélé son intérêt.

J'observe, comme vous, le succès de l'intercommunalité, qui provoque néanmoins des déséquilibres dans la répartition de la DGF. Vous nous avez inquiétés, Monsieur le ministre, en affirmant que les nouvelles communautés d'agglomération seront tout juste financées par les crédits prévus, y compris la majoration votée par l'Assemblée. J'ai peur, quant à moi, que ces crédits soient insuffisants. En 2000, le financement n'a été assuré qu'au moyen de concours supplémentaires représentant 28 % des crédits initiaux. La situation risque de s'aggraver. Une réforme de la DGF me paraît donc indispensable.

Les préfectures doivent en outre veiller à ce que les nouveaux établissements publics de coopération intercommunale assurent effectivement leurs missions, sans quoi on risque de financer deux fois la même action, dans le budget des communes et au niveau intercommunal. Il faudrait étudier l'ampleur des transferts de charges, si toutefois on peut employer cette expression à propos des structures intercommunales.

Une part croissante de la fiscalité locale est prise en charge par l'Etat, évolution dont j'ai déjà signalé, dans plusieurs rapports, les effets pervers. La commission Mauroy, qui n'a fait que conforter mon analyse, a formulé des propositions intéressantes, comme une réforme de la taxe d'habitation. Quelle est la position du Gouvernement ? Vous avez évoqué, Monsieur le ministre, une « réforme d'ensemble », ce qui me fait peur : c'est généralement une façon élégante de dire qu'il est impossible de réformer. Je me contenterai volontiers d'une simple réforme de la taxe d'habitation, qui doit être calculée sur les revenus.

J'ai par ailleurs procédé à des auditions et j'ai effectué plusieurs déplacements en province pour étudier la situation des services préfectoraux, négligés depuis plusieurs années par les rapporteurs. Le budget du ministère de l'intérieur ne se réduit pas à la police.

Il faut avant tout réduire les délais de délivrance des titres, et éviter aux usagers des déplacements inutiles. En particulier, tous les services chargés de délivrer les passeports ne sont pas équipés convenablement. A quelle échéance disposeront-ils du matériel adéquat ? Pour l'immatriculation des véhicules, les préfectures doivent s'associer davantage aux mairies. Enfin, il n'est pas normal que le coût de l'édition des titres d'identité soit supporté par le budget des préfectures, alors que le nombre de ces titres varie selon l'année et le département.

Les moyens alloués au contrôle de légalité sont trop faibles, compte tenu du nombre d'actes à vérifier. Il est par ailleurs dommage de diluer les moyens existants dans les SGAR et les sous-préfectures : des regroupements sont souhaitables. Il faut aussi améliorer la collaboration avec les services comptables pour assurer un meilleur contrôle budgétaire.

Comme l'a suggéré la commission Mauroy, il faudrait revoir la liste des actes dont la transmission est obligatoire.

Les services préfectoraux doivent en outre être modernisés. L'expérience de la globalisation des crédits est intéressante, puisqu'elle permet au préfet d'arbitrer au plus près du terrain. Cette réforme devrait être étendue à toutes les préfectures et même à l'ensemble des services déconcentrés. Il faudrait toutefois, au préalable, revoir le niveau des crédits versés à chaque préfecture, afin de remédier aux inégalités actuelles. Ce nouveau système ne fonctionnera que si la concertation et la gestion des ressources humaines s'améliorent : faute d'un dialogue social sincère et permanent, la globalisation sera fortement contestée.

La souplesse doit l'emporter. L'organisation des services n'a pas besoin d'être uniforme sur l'ensemble du territoire. S'il faut, selon moi, maintenir les sous-préfectures existantes, cela ne signifie pas que leurs tâches doivent rester les mêmes.

Les effectifs de l'administration territoriale sont insuffisants et mal répartis. L'absence de perspectives de carrière risque de conduire ses meilleurs éléments à partir. Il faut donc améliorer la mobilité en prévoyant des passerelles avec la carrière préfectorale et l'administration centrale. Toutefois, la fusion du corps des cadres de préfecture avec le corps d'administration centrale suppose une harmonisation des régimes indemnitaires. Il faut aussi développer la formation au management dans le corps préfectoral, plutôt habitué à des relations d'autorité.

M. Didier Quentin - Monsieur le ministre, vous venez de déclarer à la radio que la sécurité constituait la deuxième priorité du Gouvernement. Elle va sans doute devenir la première, comme elle est la première préoccupation des Français.

Ce budget, dont vous semblez satisfait, ne vous apporte pourtant pas les moyens suffisants. Les effectifs policiers vont diminuer de 1 428 emplois, alors que l'insécurité augmente. A ce propos, j'apprends que vous souhaitez revoir le système d'analyse de la violence urbaine, ce qui semble susciter le mécontentement des Renseignements généraux. Un groupe de travail étudie, au sein de la police judiciaire, une nouvelle présentation des statistiques de l'insécurité. Des précisions seraient bienvenues.

On nous parle d'incivilités : c'est un artifice sémantique. Ces actes se développent, y compris en zone rurale, et l'insécurité n'est pas seulement un sentiment.

La gestion prévisionnelle des départs en retraite demeure insuffisante. On estime qu'avant 2004, plus de 25 000 policiers partiront, dont 25 % par anticipation. Combien y a-t-il eu de départs anticipés cette année ? Combien de fonctionnaires partis ont-ils été remplacés, et dans quelle proportion par des adjoints de sécurité ?

Le schéma directeur de la police nationale pour la période 1999-2002 prévoit le recrutement de 25 000 gardiens de la paix et de 10 000 adjoints de sécurité. Combien en avez-vous recruté ? Atteindrez-vous ces objectifs ?

Par ailleurs, il est question de concentrer les services régionaux de police judiciaire. Qu'en est-il ?

S'agissant de la formation, êtes-vous satisfait des résultats ?

Les syndicats de police déplorent l'absence de perspectives de carrière. La situation va-t-elle s'améliorer ?

On estime que 30 à 35 % des effectifs n'assurent pas de missions de police active, alors que le personnel dédié aux tâches administratives est théoriquement de 10 % de l'effectif global. Que comptez-vous faire ?

On dénonce régulièrement la précarité du statut des adjoints de sécurité, qui d'ailleurs ne rendent pas les mêmes services que les fonctionnaires de police. Leur recrutement est peu rigoureux et leur formation, sommaire. En outre, ils n'ont pas les connaissances indispensables en droit et en psychologie. Faute d'effectifs satisfaisants dans le corps de maîtrise et d'application, leur encadrement est déficient. Pensez-vous que le recrutement de 4 150 adjoints de sécurité en 2000 suffira pour mettre en place la police de proximité ? Celle-ci combat-elle efficacement la petite délinquance urbaine ? Voyez-vous d'autres façons d'y parvenir ?

S'agissant de la revalorisation des rémunérations, vous annoncez 125 millions pour 95 000 gardiens et gradés. Cela ne fait guère qu'une centaine de francs par gardien.

Votre budget est de plus en plus un budget de main d'_uvre. Les frais de personnel en représentent 82%, le fonctionnement 13 à 14 %. Il reste bien peu pour l'investissement. En particulier l'état du parc automobile est peu satisfaisant. 70% des véhicules seraient immobilisés ou ne respecteraient pas les normes de sécurité, ce qui est assez paradoxal alors qu'on lance des campagnes sur la sécurité routière ! Il faut y remédier rapidement.

Je note également un décrochage de nos investissements techniques par rapport à l'étranger, ce qui met en difficulté notre police scientifique. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Enfin est-on vraiment prêt à mettre en place les dispositions permettant de faire respecter la présomption d'innocence ?

On évoquait souvent le lien entre l'armée et la nation. Qu'avez-vous l'intention de faire pour améliorer le lien nation-police ? Il faudrait que les jeunes notamment accordent toute la considération qu'ils méritent aux fonctionnaires de police sur le terrain.

S'agissant des préfectures, je partage l'analyse de M. Dosière. Qu'il faille quatre mois pour obtenir une carte d'identité c'est choquant ; les délais de délivrance des titres sont souvent excessifs. Pour ce qui est de la modernisation des services préfectoraux, je rejoins les observations qui ont été faites sur les problèmes de carrière des agents et l'évolution de l'encadrement.

Vous allez vous rendre en Corse. J'ai pu y voir cet été les feux d'incendie ravager 10 000 hectares de forêts dont 2500 hectares de pins larizio ; j'ai constaté le courage des agents de la sécurité civile dont plusieurs ont été blessés et dont l'un est décédé. Pouvez-vous faire le point sur le résultat des enquêtes diligentées à la suite de cette véritable catastrophe écologique ?

J'en viens aux collectivités locales. La loi Chevènement a profondément modifié les procédures d'intercommunalité. Le Gouvernement a poussé les communes, parfois endettées, à se lancer dans la coopération en leur faisant miroiter une DGF attrayante et, pour les établissements publics d'intercommunalité à fiscalité unique -c'est-à-dire à taxe professionnelle unique-, une DGE bonifiée de 175 francs par habitant. Or, dans bien des cas, la DGE reste inférieure à ce montant qui est une moyenne. On a donc procédé à une sorte d'amalgame. Beaucoup d'élus locaux s'interrogent également sur la pérennité des ressources des établissements publics de coopération intercommunale après 2003. Pouvez-vous les rassurer ? Quels engagements fermes le Gouvernement prend-il à ce sujet ?

Vous avez indiqué que la dotation de solidarité rurale des bourgs-centre devrait croître. Pouvez-vous être plus affirmatif ?

Enfin, j'aimerais des prévisions sur l'application de la loi du 6 janvier 1999, relative aux animaux dangereux. C'est dans ma circonscription qu'il y a quelques mois, une vieille dame a été déchiquetée par un pitbull. L'application de la loi présente des difficultés judiciaires : le procureur préfère faire tuer le chien que sanctionner le contrevenant. Elle est difficile aussi pour les maires, qui ne savent pas forcément, d'après les textes, quand ils peuvent et quand ils doivent agir. Elle l'est pour la police, qui, surtout en province, n'a pas les moyens adaptés pour maîtriser ces chiens. S'y ajoute l'engorgement chronique des chenils des fourrières.

M. Patrick Braouezec - S'agissant du concours de l'Etat aux collectivités locales, vous soulignez que le Gouvernement respecte les priorités qu'il a fixées en ce domaine. Certes, qu'il s'agisse du contrat de croissance et de solidarité, des politiques de péréquation, du soutien à l'intercommunalité ou de la compensation des réformes fiscales, les députés communistes ne sous-estiment pas les efforts entrepris. Mais cette amélioration ne résout pas les problèmes financiers des collectivités locales. Leurs besoins sont énormes. Chômage, pauvreté, besoins d'équipements sociaux, obligations légales, multiplication des dégrèvements et des exonérations, archaïsme des impôts locaux, application des 35 heures, transformation des emplois-jeunes en emplois statutaires correctement rémunérés sont autant de contraintes qui s'imposent à elles.

Nous souhaitons présenter quelques propositions susceptibles de redéfinir les bases d'une croissance mieux partagée, notamment en développant les mécanismes de solidarité et en réalimentant la taxe professionnelle.

Indexer l'évolution de la DGF à 50% sur le taux de croissance du PIB permettrait de mieux financer l'intercommunalité car l'abondement de 1 milliard prévu cette année ne suffira pas.

Le produit du relèvement des cotisations minimales de la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée pourrait être redistribué aux collectivités et celui du relèvement des cotisations de péréquation affecté au fonds national de péréquation de la taxe. D'autre part, la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste devrait revenir aux communes. Enfin, on devrait inclure les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle. Pouvez-vous aussi nous indiquer si le Gouvernement compte appliquer l'arrêt du Conseil d'Etat donnant raison aux communes comme Pantin ou Saint-Denis qui réclament depuis 1992 la compensation intégrale de la réduction de la taxe professionnelle perçue par les collectivités locales ?

Ces mesures apporteraient un ballon d'oxygène aux collectivités locales et rendraient espoir aux élus qui attendent des réformes ambitieuses.

Je souhaite ensuite aborder la place de l'élu dans notre société. Les élus locaux sont plus de 500 000, soit 1 pour 120 habitants. Mais ce lien étroit et régulièrement renouvelé ne règle pas toutes les questions de démocratie locale. Les assemblées élues ne sont pas à l'image de notre société en ce qui concerne la place des femmes, même si elle s'améliore, celle des jeunes ou des salariés en activité. La commission Mauroy a fait des propositions à ce sujet ; les échéances électorales s'approchent : il n'y a plus de temps à perdre pour remédier à la démotivation et aux discriminations dues à l'absence d'un véritable statut de l'élu. Quelles sont vos intentions pour faire évoluer ce statut ?

En ce qui concerne l'administration territoriale, je souligne que son développement ne suit pas l'urbanisation. Le renforcement de ses moyens et de ses effectifs notamment dans les quartiers populaires, est une priorité qui n'apparaît pas ici. Ce n'est pas seulement la police qui doit être de proximité, mais tous les services de l'Etat. Ainsi, il faut que la sous-préfecture de Saint-Denis devienne sous-préfecture de plein droit pour assurer un véritable service public. Actuellement en préfecture, les délais pour obtenir une carte d'identité ou un passeport sont très longs. Le service des étrangers donne des rendez-vous à trois mois et les demandes de naturalisation prennent plus d'un an. Ce déficit d'équipement va à l'encontre de la politique de la ville. Sans demander de « discrimination positive », les habitants des quartiers populaires veulent l'égalité de traitement.

S'agissant de la sécurité intérieure, les crédits qui nous sont proposés permettent-ils de répondre aux espoirs de nos concitoyens et des personnels eux-mêmes ? Ceux-ci auront-ils les moyens d'assurer leurs missions de service public ?

Les contrats locaux de sécurité qui ont été signés sont bien accueillis par la population. En juillet dernier, en réponse à Mme Jambu, votre prédécesseur avait souligné les efforts en matière d'effectifs et de formation. Pourtant, selon de nombreuses organisations syndicales les moyens humains et matériels sont notoirement insuffisants pour que cette priorité politique se traduise sur le terrain. 25 000 agents vont partir en retraite dans les cinq prochaines années. Il aurait fallu en profiter pour lancer un véritable plan de recrutement. Or, c'est l'emploi précaire qui semble se banaliser, avec l'augmentation du nombre d'adjoints de sécurité sans statut ni véritable formation, même si celle-ci passe de six semaines à deux mois. On ne peut obtenir un service de qualité en diminuant constamment le niveau statutaire de recrutement.

Ce budget ne comble pas le retard pris pour l'application de la loi d'orientation et de programmation et ne s'inscrit pas tout à fait dans les orientations du colloque de Villepinte. Un vrai dialogue social permettrait d'avancer plus efficacement.

Nous voterons ces propositions budgétaires pour 2001, mais nous souhaitons que vos engagements soient à la hauteur des aspirations.

M. Rudy Salles - Je pourrais reprendre à mon compte toutes les questions posées par M. Quentin. Je n'y reviens pas pour vous donner le temps de mieux y répondre.

J'observe, d'abord, que nous travaillons dans des conditions difficiles. Il n'est pas normal que nous ne disposions pas des statistiques de la délinquance pour les premiers mois de 2000. Avant 1997, nous avions un tableau de bord tous les trois mois. J'espère que nous disposerons d'indications sur l'évolution de la délinquance avant les explications de vote qui auront lieu le 15 novembre. De même, les statistiques concernant l'élucidation des crimes et délits semblent aujourd'hui tenues secrètes. Les journalistes se heurtent également au refus de collaborer du ministère de l'intérieur. Il serait bon d'assurer la transparence sur ce sujet important car, je l'affirme à mon tour, la délinquance n'est pas un sentiment mais bien une réalité.

La police de proximité ne peut que susciter la sympathie. Qui souhaite, en effet, que la police soit éloignée ? C'est sa vocation que d'être proche des gens. Cependant, élu d'une ville où cette police de proximité est en place, j'ai interrogé ceux qui en ont la charge. Partout, ils expriment le même sentiment : avec les moyens dont ils disposent, il n'est pas possible de l'organiser. Il s'agit donc d'une politique d'affichage plus que d'une réalité. Dans les villes où cette police a été mise en place, elle ne suscite pas l'enthousiasme, mais plutôt le malaise de la population, des fonctionnaires et des élus.

Le problème essentiel n'est pas celui des effectifs : la France est en effet dans la moyenne européenne, ainsi que l'a établi le rapport Hyest-Carraz, qui n'a pas eu tout l'écho qu'il méritait. Nous appelons le Gouvernement à lancer un grand débat sur la sécurité intérieure, à ouvrir un grand chantier, car de petites réformes mises bout à bout provoquent plus souvent une aggravation de la situation qu'une amélioration. Il est temps en particulier de réfléchir à une véritable territorialisation des forces de sécurité, dans le cadre de circonscriptions tenant compte des nouvelles intercommunalités : il n'est pas rare qu'une même agglomération comporte des zones de police et des zones de gendarmerie, avec tous les problèmes de coordination que cela entraîne. Il faut également associer davantage les élus locaux, car l'inégalité est grande entre les communes dotées d'une police municipale et celles qui ne peuvent ou ne veulent en créer une.

J'insiste, enfin, sur le fait qu'il faudra recruter, pour compenser les départs en retraite, 25 000 policiers d'ici à 2003 et 45 000 d'ici à 2010. Quant aux emplois administratifs, il en faudrait 5 000 de plus, quand le budget 2001 n'en prévoit que 800. En outre, qui dit police de proximité dit aussi justice de proximité, mais c'est un autre débat...

M. Bruno Le Roux - Avant de parler de la politique de sécurité en général, je voudrais saluer le rapport de Louis Mermaz sur les centres de rétention administrative et inviter le ministre à lui donner, au-delà de notre discussion budgétaire, des suites concrètes.

Le ministère de l'intérieur est, de plus en plus, celui de la vie quotidienne et de la citoyenneté. La sécurité était, après l'emploi, la deuxième priorité affichée par la déclaration de politique générale du Premier ministre en 1997 ; la baisse continue du chômage est en passe de mettre la lutte contre l'insécurité au premier plan. La police de proximité est une notion si évidente que l'on pourrait penser qu'elle est mise en _uvre depuis longtemps, mais elle est en fait une vraie nouveauté, et s'il est si difficile de l'imposer, c'est parce qu'elle requiert une réorganisation importante des services. J'observe que personne ne remet en cause son bien-fondé, mais on ne peut pas dire pour autant que chacun la soutienne vraiment : si tel était le cas, les difficultés seraient moindres.

Reste que, là où la police de proximité est mise en place, les résultats sont patents : la baisse de la délinquance atteint 2 % dans les circonscriptions de la phase 1 et de la phase expérimentale, et l'on observe également une baisse du sentiment d'insécurité, sentiment qui n'est pas du tout, dans notre esprit, un fantasme, mais la réaction normale de gens qui ont peur d'avoir à subir eux-mêmes ce que certains de leurs concitoyens subissent effectivement. Il est heureux, cela dit, que les gens qui s'inquiètent simplement pour leur sécurité ou celle de leurs proches soient nettement plus nombreux que ceux qui sont vraiment victimes d'actes de délinquance.

La police de proximité est synonyme de polyvalence et de revalorisation du métier de policier, mais au-delà du changement de ce que l'on peut appeler la « doctrine d'emploi », c'est la gestion même des effectifs sur le terrain qui doit être repensée. Il est en particulier aberrant, et même scandaleux, que rien n'ait été prévu, avant 1997, alors même que la pyramide des âges était connue, pour faire face au départ à la retraite de plusieurs dizaines de milliers de policiers d'ici 2010. Si nous devons traiter ce problème dans un temps limité, c'est parce que cela n'a pas été entrepris avant.

Il faudra naturellement procéder à des redéploiements, recruter des personnels administratifs afin de remettre sur le terrain les gens dont c'est la mission, régler, même si ce n'est pas facile, le problème des tâches dites indues, ouvrir le chantier de la « fidélisation » des gardes mobiles et des CRS et faire en sorte que, dès l'an prochain, il n'y ait pas une seule place vacante dans les écoles de formation de gardiens de la paix. Le groupe socialiste vous appuiera Monsieur le ministre, pour obtenir l'autorisation de procéder à cette fin à 1 000 recrutements supplémentaires.

L'application de loi sur la présomption d'innocence requerra au bas mot 70 millions supplémentaires, si l'on ne veut pas qu'elle ait pour effet de troubler la mise en _uvre de la police de proximité. Il faut en particulier que la plupart des locaux de police situés dans les circonscriptions des phases 1, 2 et 3 soient équipés en conséquence.

Les contrats locaux de sécurité sont un succès, et vous vous êtes efforcé de clarifier les relations entre les différents acteurs, tels que polices municipales, sociétés de gardiennage, etc., mais il va de soi que la responsabilité centrale, première, doit rester celle de l'Etat. J'insiste au passage pour que l'administration de la police nationale « densifie » sa relation avec la jeunesse et fasse l'effort d'aller à sa rencontre, notamment dans les endroits dits sensibles.

Un mot, pour finir, sur les collectivités locales et l'organisation territoriale. Nous sommes attentifs à tout ce qui va dans le sens de la justice, de la solidarité, de la péréquation. Les dotations de l'Etat ne sont pas nécessairement synonymes de perte d'indépendance. Il est même paradoxal que les communes qui revendiquent le plus fort leur autonomie fiscale soient précisément celles qui ont le moins besoin d'en faire usage, tandis que celles dont les bases sont faibles sont obligées de pratiquer des taux élevés et n'ont donc pas d'autonomie. Nous sommes heureux que le Gouvernement ait entrepris, avant même de relancer le débat sur la décentralisation, de stimuler l'intercommunalité et de remodeler le territoire sur la base de la volonté des élus. Enfin, nous souhaitons que vous soyez le ministre sous lequel la question du statut de l'élu progressera de façon décisive.

M. Laurent Dominati - Vous allez pouvoir respirer un peu, Monsieur le ministre, car, à la différence de l'orateur précédent, je ne vais pas vous étouffer sous les fleurs... (Sourires)

Dans son rapport sur la politique de sécurité, M. Dreyfus s'est montré quelque peu critique, voire acerbe, comparant le budget à une bouteille à moitié vide. Je filerai volontiers la métaphore, en le qualifiant de « goutte à goutte », indigne de la priorité censément accordée à la sécurité publique. Quant au constat sévère dressé par M. Mermaz sur les centres de rétention, il pourrait s'appliquer à l'ensemble de la police nationale et aux moyens dont elle dispose. 31 milliards, cela ne fait jamais que 1,7 % du budget de l'Etat et 500 francs par citoyen. C'est pour le moins modeste, s'agissant d'une fonction essentielle, régalienne de l'Etat, et cette modicité est la preuve que la sécurité n'est pas une priorité du Gouvernement, pas plus d'ailleurs, peut-être, que des gouvernements précédents...

Alors que l'ensemble des dépenses de l'Etat progresse de 4,3 %, les crédits de la police nationale n'augmentent que de 1,8 %, et les effectifs sont même en diminution de 1,1 %. Vous n'êtes donc pas fondé à prétendre que vous faites un effort particulier : vos chiffres prouvent l'inverse ! Qui plus est, vous supprimez 200 postes d'encadrement pour les remplacer par des emplois de gardiens de la paix : loin de revaloriser la fonction policière, vous la paupérisez. Sait-on qu'un gardien de la paix débutant gagne, en France, 6.000 francs par mois, alors qu'aux Etats-Unis, pays souvent présenté comme celui du libéralisme sauvage et de la délinquance galopante, il serait payé quatre fois plus ?

Parce qu'elle se paupérise, la police nationale vient à douter de son avenir. Votre gouvernement, pas plus, sans doute, que ses prédécesseurs, n'a pas su prévoir que 25 000 fonctionnaires de police vont prendre leur retraite d'ici à 2004, dont plus des deux tiers par anticipation.

Vous n'avez pas anticipé non plus la réforme des 35 heures et, contrairement à ce qui nous avait été dit, aucune commission ne réfléchit au temps de travail des policiers. Vous vous y prenez mal également en ce qui concerne leur formation.

La police doute de son efficacité, elle n'a pas le sentiment d'être suffisamment soutenue, non pas par vous, Monsieur le ministre, mais par la justice. Ainsi les agents de police, les commissaires parisiens ne sont aucunement informés des suites données aux affaires qu'ils lui transmettent. C'est tout à fait anormal et j'ai appelé l'attention du procureur et du préfet de police sur ce dysfonctionnement majeur de l'Etat. Il y a une semaine, des policiers ont arrêté des mineurs roumains sans papiers qui pillaient les horodateurs en plein jour. Ils les ont remis à la justice ; deux heures, après ils finissaient la rue... Voilà qui illustre l'impuissance de l'Etat à assumer véritablement ses fonctions régaliennes. Oui, la police doute : quand vous avez arrêté quatorze fois les mêmes personnes, la quinzième, vous passez à côté sans les voir, quelque peu désespéré... Je sais que vous, qui rencontrez comme moi les îlotiers, connaissez ce sentiment de découragement.

Il est faux de dire que la police de proximité date de 1997 : elle n'est qu'une simple amélioration de l'îlotage. Ce qui est nouveau, c'est qu'en 1997 la gauche s'y est convertie, tant mieux ! Mais cette police se cherche encore, elle n'a toujours pas fait ses preuves. Je souhaite qu'elle y parvienne, car, pour moi, il n'est de police que dans la rue.

Cet aveu de faiblesse, ce découragement montrent que, pour l'Etat, la sécurité n'est pas une priorité essentielle. Le Gouvernement n'a pas pris conscience du changement de nature de la délinquance, qui est maintenant plus violente vis-à-vis des personnes, qui est de plus en plus le fait de mineurs, et de plus en plus organisée en réseaux internationaux, qu'il s'agisse de la prostitution, de la pédophilie, du proxénétisme, ou des délits économiques et financiers. Faute d'y avoir assez réfléchi, le Gouvernement n'a pas su répondre par la mise en place d'une police moderne.

Aujourd'hui, le sentiment d'insécurité se généralise. Contrairement à ce qui a été dit, ce n'est pas seulement un sentiment, il se fonde sur une réalité. Cette semaine dans le jardin des Halles, en plein jour, en plein centre de Paris, à quelques centaines de mètres de l'Elysée, des ministères...

M. Jean-Pierre Blazy - Et de l'Hôtel de ville...

M. Laurent Dominati - ...une jeune maman qui emmenait son enfant à la halte-garderie a été agressée et s'est fait voler son sac. Elle est tombée, s'est mise à pleurer, et ce sont les dealers, qui sont là tous les jours, tout le monde le sait, qui l'ont consolée, qui lui ont rapporté son sac et qui lui ont dit : « Ne vous inquiétez pas, surtout n'appelez pas la police ». Pourquoi ? Tout simplement parce que ce sont eux qui font la police à cet endroit et qu'ils ne veulent pas être gênés. Rue Saint-Denis, j'ai moi-même assisté à un trafic de drogue : ce n'est pas compliqué, il suffit de rester là une demi-heure et d'ouvrir les yeux. Alors, nos concitoyens ont-ils simplement un sentiment d'insécurité ou sont-ils confrontés à une réalité anormalement dangereuse ? Que la police soit exercée par les dealers, c'est quand même nouveau. J'ai moi-même mis en fuite un voleur à la roulotte il y a peu sur les grands boulevards.

Plusieurs députés - Bravo !

M. Laurent Dominati - Peu importe ! Ce qui est anormal, c'est que ce soit moi qui l'aie fait.

M. Jean-Pierre Blazy - Tout cela n'arrive pas qu'à Paris...

M. Laurent Dominati - Certes, mais je sais que le ministre de l'intérieur aime bien Paris, qu'il s'y promène souvent, qu'il y fait de l'îlotage comme moi. Dans son arrondissement, aujourd'hui même, un conducteur de bus a été agressé. Il pourra toujours essayer de le consoler...

Nous ne voterons donc pas les crédits de la police. Nous réclamons depuis longtemps un plan d'urgence pour la police et pour la justice. Le libéral que je suis considère que l'Etat doit faire respecter les règles, car il n'est pas de liberté sans sentiment de sûreté, sans respect de la loi. Nous serions donc tout à fait prêts à voter des crédits beaucoup plus importants.

J'en viens au budget de la sécurité civile. Certes, les crédits augmentent, ainsi que les effectifs, mais cela est destiné surtout à compenser le départ des 410 derniers appelés du contingent. Vous avez tenu vos engagements, je vous en donne acte, mais il n'y a quand même pas de quoi crier au miracle.

Je veux insister quelque peu sur les feux de forêt en Corse et ailleurs. Là aussi on note, et depuis des années, et quels que soient les gouvernements, un abandon et une impuissance de l'Etat. Sans doute conviendrait-il d'adopter une nouvelle législation.

Par ailleurs, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris dépend directement de l'Etat, mais en relation avec la collectivité locale, qui assure quand même 73 % de son financement. Le nombre de ses interventions a augmenté de 83 % en cinq ans, alors que les effectifs ont stagné de façon dramatique. Les neuf emplois supplémentaires prévus cette année sont tout à fait insuffisants. C'est injuste pour un personnel qui fait l'admiration non seulement de l'Ile-de-France mais du monde entier. C'est aussi risqué et, quel que soit son courage, le personnel pourrait bien perdre confiance.

Enfin, la pollution maritime est à nouveau d'actualité. Bien sûr, cela relève des ministres de l'environnement et des transports, mais vous êtes aussi concerné. L'Erika, comme ce nouveau drame, nous montrent que l'Etat ne remplit pas la mission de contrôle qui lui incombe, notamment en vertu des traités internationaux. On peut toujours rejeter la responsabilité sur les compagnies pétrolières, sur les armateurs, mais il est évident que le nombre d'inspecteurs ne permet pas d'exercer des contrôles suffisants et que l'Etat ne joue donc pas son rôle en matière de sécurité, de prévention, de contrôle et de sanction.

J'en viens pour finir au budget des collectivités locales. L'effort financier de l'Etat serait de 336 milliards. Cela montre simplement que les besoins des collectivités locales s'accroissent car elles assument des charges nouvelles obligatoires et doivent répondre aux besoins d'une population en situation difficile qui fait de plus en plus appel à elles plutôt qu'à l'Etat. On a vu aussi le rôle qu'elles ont joué à l'occasion des catastrophes naturelles.

Vous semblez donc donner plus d'argent, mais il est difficile de dire, dans le maquis de la présentation budgétaire, s'il ne s'agit pas de milliards virtuels... Faire la clarté dans ce budget serait un travail titanesque. « Plus de décentralisation, plus d'autonomie », dites-vous, mais en trois ans l'autonomie fiscale des collectivités locales a été réduite de 20 %. Quant à la réforme fiscale que chacun ici appelle de ses v_ux, elle a bien été engagée : c'est la recentralisation fiscale ! Voilà ce que fait le Gouvernement, voilà ce que dénonce l'opposition. Au mépris de la transparence et de l'autonomie, vous voulez en fait faire des collectivités les distributeurs des ressources octroyées par l'Etat. Tout élu local devrait pouvoir dire : « Voilà l'impôt que j'ai fait voter, voilà ce qui a été dépensé » ; c'est aujourd'hui impossible.

Je regrette vraiment que nous n'ayons pas un vrai débat sur la réforme de la fiscalité locale. Nos collègues de la majorité y semblent prêts. M. Saumade a même proposé le transfert d'un impôt d'Etat aux collectivités locales. Très bien ! Pour notre part, nous proposons que ce soit la TIPP.

On le voit, il y a bien entre nous une véritable opposition politique, c'est ce qui fonde notre hostilité à ces budgets.

M. Jacques Rebillard - Le respect des autres groupes aurait voulu que M. Dominati se montrât plus concis, il y aurait sans doute gagné en efficacité.

M. Laurent Dominati - Pour vous, l'opposition n'a le droit que de se taire !

M. Jacques Rebillard - Le groupe RCV a bien senti, Monsieur le ministre, que votre budget était bâti sur trois piliers : réforme de la police de proximité, amélioration du fonctionnement de l'administration territoriale, soutien aux collectivités locales dans le cadre du pacte de croissance. Nous y voyons un dénominateur commun : la sécurité des citoyens dans leur cadre de vie.

Sur le premier point, nous sommes hostiles aux polices municipales et privées. Nous apprécions donc la politique menée en faveur de la police de proximité. Le renforcement des moyens, le recrutement d'agents administratifs supplémentaires permettront une présence accrue sur le terrain. Nous saluons aussi l'effort fait en faveur de la formation, la reconnaissance accrue du risque et de la considération sociale due aux policiers, notamment par l'amélioration de leur régime indemnitaire.

Nous sommes en revanche plus réservés sur les moyens affectés à la sécurité civile, alors que les catastrophes naturelles sont en recrudescence. Nous jugeons aussi insuffisante l'augmentation des indemnités des gardiens de la paix et des gradés, 75 à 80 millions de plus serait nécessaires. Nous souhaitons aussi la poursuite de la réforme de la carte des commissariats. Nous nous associons aux propos de M. Mermaz sur les zones de rétention. Mais, globalement, ce budget va dans le bon sens : celui d'une plus grande sécurité de nos concitoyens.

J'en viens à l'administration territoriale. Il me semble que les citoyens seraient plus respectueux si l'Etat lui-même était davantage respecté sur le terrain. Je pense en particulier au rôle des préfets. Nous sommes favorables à la globalisation du budget des préfectures qui permettra aux représentants de l'Etat de mieux s'adapter au contexte local. Nous regrettons toutefois que l'on en reste au stade de l'expérimentation, la généralisation devrait être rapide.

En ce qui concerne l'efficacité des moyens administratifs, le développement des téléprocédures est un gage important de modernisation. Il devrait aller plus vite et s'accompagner d'une formation du personnel.

Enfin, les collectivités locales contribuent à la sécurité. Nous nous associons à l'excellent rapport et aux propositions de M. Saumade. Les dotations, supérieures à l'inflation, permettront d'améliorer le cadre de vie et les équipements de proximité et de développer les actions de prévention. Les collectivités locales pourront ainsi être davantage associées à la politique de la ville et limiter les phénomènes de ghettoïsation.

Pour nous, qui souhaitons un rééquilibrage démographique au profit des zones rurales, la revalorisation de la dotation en faveur des agglomérations ne paraît guère bienvenue, puisqu'elle tend à renforcer l'urbanisation.

Au-delà de l'appréciation que nous portons sur ce budget, nous considérons qu'il convient aujourd'hui de mettre à profit la reprise pour encourager une véritable intégration sociale par l'économie, seule capable de réduire durablement l'insécurité.

M. le Président - Je salue la présence parmi nous de M. le rapporteur général, qui peut constater avec quelle attention nous examinons ce budget. J'invite les différents orateurs qui vont à présent s'exprimer à faire preuve de concision afin que le ministre puisse répondre aux nombreuses questions qui lui ont été posées.

M. Jean-Pierre Blazy - Contrairement aux sceptiques de l'opposition, je crois à la réforme de la police de proximité. Laissons-lui un peu de temps pour réussir, car il s'agit d'une véritable révolution culturelle de l'institution policière. Le rapporteur Dreyfus a parlé d'une bouteille à moitié vide. Pour réussir la réforme, je considère, pour ma part, qu'il faut, certes, des effectifs supplémentaires mais veiller surtout à en assurer une meilleure gestion. Nous assistons en effet sur le terrain à des mouvements saisonniers quelque peu erratiques liés aux mutations, aux nominations non suivies d'effets ou aux promotions refusées. Cela ne fait que compliquer la gestion des effectifs des commissariats des quartiers plus sensibles. Je ne puis en outre que déplorer la faible stabilité des effectifs. La possibilité ouverte par M. Debré aux fonctionnaires originaires de province de concentrer leur emploi du temps hebdomadaire sur quelques jours n'arrange rien.

Mme Nicole Bricq - C'est une bêtise !

M. Jean-Pierre Blazy - Les fonctionnaires concernés ont en effet tendance à ne pas se loger sur place, ce qui nuit à leur implantation locale et à leur rayonnement. Quelles mesures administratives pourraient être envisagées pour faire respecter la règle de base qui veut qu'un fonctionnaire ne réside pas à plusieurs centaines de kilomètres de son lieu d'affectation ? Des primes incitatives ne peuvent-elles être envisagées pour les fidéliser ? Le recrutement régionalisé ne peut-il être généralisé ? Je considère qu'une meilleure gestion des effectifs serait susceptible de « remplir la bouteille ».

S'agissant de la mise en _uvre de la loi sur les chiens dangereux, je m'inquiète, comme M. Quentin, des difficultés rencontrées sur le terrain, qui sont liées à la fois au manque de formation des agents et à la faiblesse des équipements dont ils disposent.

Je souhaite enfin que vous nous indiquiez si la loi sur la sécurité privée, troisième volet du triptyque du programme de la gauche en matière de sécurité avec les polices municipales et la déontologie, sera enfin portée à l'ordre du jour de nos discussions. L'explosion des sociétés de gardiennage doit en effet nous conduire à proposer sans plus tarder des modes de régulation de leur activité.

M. Bernard Derosier - Sur le plan de la méthode, je regrette que l'on soit amené, à l'occasion de l'examen du budget de l'intérieur, à traiter indistinctement des questions de sécurité, de la sécurité civile et des collectivités locales.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances pour le budget des collectivités locales - Très bien !

M. Bernard Derosier - On ne peut en effet s'empêcher de voir en vous le ministre de la police plutôt que celui des collectivités locales. Vous avez rappelé la volonté du Gouvernement d'approfondir la décentralisation. A ce titre, je considère que l'organisation d'un débat annuel spécifique sur les collectivités locales serait bienvenue et je vous prie, Monsieur le président de la commission des lois, de transmettre cette demande au Premier ministre et au Président de notre assemblée.

S'agissant de la suppression de la vignette, entérinée par notre vote de la première partie de la loi de finances pour 2001, je ne puis que m'élever contre la méthode qu'a retenue le Gouvernement. Cet impôt, qui constitue une recette importante du département, a été supprimé sur proposition du Gouvernement sans aucune évaluation préalable des conséquences de cette évolution pour les finances locales. Lors de son discours de Lille, le Premier ministre a affirmé sa détermination à aborder une bonne fois pour toutes la question des moyens des collectivités locales. Il faut en effet cesser de jouer dans l'opacité et ce n'est pas en multipliant les compensations que l'on pallie l'insuffisance des ressources locales. Je souhaite donc que nous ayons prochainement la possibilité d'aborder la question de la répartition entre les dotations et les impôts locaux.

Les services départementaux d'incendie et de secours sont régis par la loi inique de 1996, que je n'ai pas votée, car je la savais inapplicable du fait du désengagement de l'Etat. Elle nous a plongés dans la confusion la plus totale : les maires restent responsables de la sécurité de leurs administrés en matière de sécurité, mais ils n'ont plus les moyens de l'assurer et l'Etat utilise les SDIS sans apporter le premier centime. Les maires sont las d'être considérés comme des cochons de payeurs et ils attendent, sur ce point, vos propositions. Nous avons demandé pendant trois ans à votre prédécesseur de modifier la loi de 1996. Il s'est entêté à ne pas le faire et je le regrette, d'autant que les rapports Fleury et Mauroy ouvrent à cet égard des perspectives intéressantes. Quand un dispositif nouveau sera-t-il enfin mis en place ?

Mme Nicole Bricq - Je ne juge pas utile de rouvrir à mon tour le procès en recherche de paternité de la police de proximité. L'essentiel est, à mes yeux, trois ans après le colloque de Villepinte, de dresser un bilan et de préciser des conditions de réussite de la réforme.

S'agissant des moyens, vous avez annoncé qu'un effort serait réalisé pour rattraper le retard en matière d'équipements et que 320 postes de police seraient créés. Je rappelle qu'à l'origine, 26 départements, dont la Seine-et-Marne, avaient été désignés comme prioritaires. La répartition des nouveaux moyens tiendra-t-elle compte de ce classement ? Les premiers éléments de réponse que vous m'avez transmis à cet égard ne me satisfont guère dans la mesure où la réalisation d'un projet qui m'est cher depuis 1996 serait différée dans le meilleur des cas à 2004 !

La réussite de la police de proximité passe aussi par un partenariat local de qualité. Or, force est de constater que l'action des différents services de l'Etat souffre souvent d'un défaut de coordination. A cet égard, une meilleure articulation doit être recherchée entre les contrats locaux de sécurité et les contrats de ville. Trop souvent en effet, le CLS, véritable bras séculier de la police de proximité, est simplement repris dans le contrat de ville sans qu'ait eu lieu au préalable une réflexion concertée sur leur convergence.

Je crois à la politique partenariale de l'Etat sur le terrain mais une évaluation fine des CLS est-elle prévue ? Comment entendez-vous les mettre en cohérence avec les contrats de ville ?

M. Jean-Luc Warsmann - Je souhaite, Monsieur le ministre, vous interroger sur une affaire qui a mobilisé l'opinion dans mon département des Ardennes en juillet dernier : il s'agit du conflit social dramatique qui a eu lieu dans la société CELATEX dont les salariés ont été menés en bateau pendant des années. Dans une région où le taux de chômage est particulièrement élevé, le conflit s'est durci et les cabinets respectifs de votre prédécesseur et de Mme Aubry ont été conduits à le suivre avec une particulière attention. Ils ont choisi, et je ne le critique pas, d'avoir recours, pour prévenir tout débordement, aux sapeurs pompiers plutôt qu'aux compagnies républicaines de sécurité. Leur choix participait d'une volonté d'apaisement que je ne conteste pas. Mais le recours aux pompiers a « dérapé » dans la mesure où il leur a été demandé d'exercer une mission de sécurité qui n'a plus rien à voir avec leur vocation. Il n'est en effet pas dans leur rôle de prévenir les actes de vandalisme ou les agressions. Or, ces interventions ont eu lieu au détriment du porte-monnaie du département des Ardennes et l'addition s'élève à 1,8 million. Je tiens donc à vous faire part de mon extrême amertume : non seulement le conflit n'a pas été résolu, mais l'Etat a puisé sans vergogne dans nos caisses, sans nous apporter la moindre compensation. Je souscris pour une large part aux propos de M. Derosier lorsqu'il plaide pour une meilleure définition des rôles respectifs de l'Etat et des SDIS. Au moins peut-on exiger que lorsque l'Etat y a recours pour des missions qui dépassent largement leur champ de compétences, il en supporte la charge financière.

M. le Président - Avant, Monsieur le ministre, de vous passer la parole, je souhaite indiquer à M. Derosier que j'accéderai bien volontiers à sa demande en transmettant au Gouvernement et au Président de notre assemblée sa suggestion que soient organisés chaque année pour l'examen du budget de l'intérieur deux débats distincts : l'un pour traiter des questions de sécurité, l'autre pour ce qui concerne les collectivités locales. Rien ne doit s'y opposer sur le plan réglementaire puisque les budgets de la culture et de la communication sont déjà débattus de manière disjointe. Il conviendrait aussi sans doute que nos commissions des finances et des lois se rapprochent, mais ces difficultés techniques ne doivent pas faire obstacle à une évolution à laquelle je suis moi-même très favorable.

Par ailleurs, comme l'a observé M. Mermaz, entre la décision d'investir et l'inauguration, il s'écoule en moyenne six ans. Nos concitoyens ont du mal à comprendre ces délais. En matière d'équipements immobiliers, les administrations centrales sont hostiles à la maîtrise d'ouvrage déléguée. Les opérations les plus longues sont justement celles qui sont intégralement conduites par les administrations centrales. Nous pourrions rechercher de meilleures méthodes pour réaliser les investissements décidés par le Parlement.

M. le Ministre - En tant qu'élu local, je trouve comme vous de tels délais insupportables, mais que dirait-on d'un ministre qui passerait outre les procédures ? Tout ce qui permettrait d'améliorer la situation mérite d'être étudié, à condition que nous ne retombions pas dans les errements du passé.

Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. M. Dreyfus a insisté sur la police de proximité, qui est l'axe essentiel de notre politique. Le problème de sa paternité n'a guère d'importance. En tout cas, ces policiers ne sont plus les îlotiers d'autrefois. En particulier, ils sont polyvalents.

Je vois qu'aujourd'hui chacun est pour la police de proximité et je m'en réjouis.

Il n'est pas question d'opposer insécurité et sentiment d'insécurité : si une voiture est volée, tous les habitants du quartier ont peur pour la leur. Le sentiment d'insécurité naît bien de problèmes vécus.

S'agissant des statistiques, chacun les interprète au gré de ses intérêts. C'est pourquoi il vaut mieux fixer des critères sûrs.

Je viens de réunir les directeurs départementaux de la sécurité. La police de proximité est entrée dans les m_urs. C'est le meilleur moyen d'assurer la sécurité des personnes et des biens, ce qui ne signifie pas que les autres missions de la police doivent être négligées. Comme M. Dreyfus, je souhaite que la police de proximité soit au c_ur du prochain budget.

Le parc automobile est pour moi une préoccupation majeure. Cependant, je ne peux laisser dire que le parc est immobilisé à 70 %. Dans certains départements, comme la Seine-Saint-Denis, le taux d'immobilisation atteint les 30 % : c'est certes inacceptable, mais la proportion n'est pas la même.

M. Didier Quentin - Je comptais non seulement les véhicules immobilisés mais aussi ceux qui ne répondent plus aux normes de sécurité.

M. le Ministre - Je prévois des crédits supplémentaires pour le parc automobile dans la loi de finances rectificative.

Pour la mise en _uvre de la loi sur la présomption d'innocence, des mesures concrètes doivent être prises. Je suis serein, connaissant la volonté de la Garde des Sceaux, du Premier ministre et du Ministre des finances de voir appliquer cette loi. Le ministère de l'intérieur prépare cette échéance.

Au 2 octobre, nous avions signé 20 000 contrats d'adjoints de sécurité depuis le début du programme emplois-jeunes. Plus de 5 000 ont déjà trouvé un autre emploi, dont 3 000 comme gardiens de la paix. Nous disposons donc actuellement de 15 000 ADS qui remplacent les anciens policiers auxiliaires, dont le recrutement est interrompu et dont l'effectif maximal a été de 10 000.

Les adjoints de sécurité ont en moyenne 22 ans et 30 % d'entre eux sont des femmes, ce qui a fortement contribué à féminiser nos effectifs. En outre, 30 % des ADS sont originaires des quartiers où la police de proximité est la plus utile. Enfin, 90 % des ADS sont affectés dans les zones sensibles, ainsi qu'à la préfecture de police de Paris.

Il ne s'agit nullement d'une police de second rang. Leur formation est sérieuse et ne fait que s'améliorer. L'encadrement est bon, puisqu'un gradé encadre aujourd'hui cinq à neuf agents, qu'il s'agisse de gardiens de la paix, d'adjoints de sécurité ou de policiers auxiliaires encore en fonctions.

Je souhaite la pérennisation de ce dispositif, d'autant qu'il constitue un véritable système de pré-recrutemement pour la police nationale. Le temps passé sur le terrain améliore la formation des policiers de demain.

Se pose le problème des contrats rompus : si un adjoint de sécurité, recruté pour cinq ans, entre dans la police au bout de trois ans, il est difficile de recruter un autre adjoint pour les deux années restantes. J'ai soulevé ce problème au plan interministériel, souhaitant plutôt qu'on reparte sur un contrat de cinq ans.

Il faut rendre ce métier plus attrayant, car le marché de l'emploi des jeunes devient plus concurrentiel. Dans certains départements -je parle sous le contrôle d'élus parisiens- certains concours demeurent infructueux.

Le problème des 15 000 logements proposés aux policiers est difficile compte tenu du coût du foncier et du poids des charges. Une étude va être lancée dans les prochains jours pour adapter notre politique aux attentes des intéressés.

Ces six dernières années, la mise en valeur des logements sociaux, au titre du chapitre 65-51, a atteint un montant cumulé de 760 millions . Le taux de satisfaction des demandes est supérieur à 50 %. Les retards sont dus à la pénurie de main d'_uvre dans le secteur du bâtiment, problème qui se pose d'ailleurs pour l'ensemble des investissements, Monsieur le Président. Dans mon arrondissement, la rénovation d'un modeste commissariat de quartier se révèle plus longue que prévu parce que les appels d'offre restent infructueux.

Monsieur Mermaz, les forces mobiles fidélisées n'ont pas vocation à assurer les missions de la police de proximité. Au contraire, elles doivent décharger des tâches de maintien de l'ordre les autres unités, qui pourront ainsi renforcer la police de proximité. La première tranche du programme de fidélisation nous a ainsi permis de redéployer 500 policiers locaux. Nous entamerons la deuxième tranche le 11 décembre prochain.

En ce qui concerne les véhicules, maintenir une grande diversité est nécessaire pour les filatures. C'est pourquoi par dérogation nous passons des marchés spécifiques avec les principaux constructeurs ; nous évitons ainsi l'uniformité qu'entraînent les appels d'offres lancés par l'UGAP pour l'ensemble des administrations, et pouvons aussi acheter des véhicules plus puissants.

Le problème des zones d'attente et des centres de rétention administrative est délicat. Les deux étages de l'hôtel Ibis de Roissy ont été refaits à neuf l'an dernier ; il y a donc un progrès même s'il faut en faire d'autres. Une nouvelle construction permettra de mieux accueillir les demandeurs d'asile début 2001, mais leur nombre double tous les cinq ans, ce qui entraîne des difficultés.

160 millions ont été mobilisés depuis quatre ans pour rénover les centres de rétention.

M. Louis Mermaz - Je suis allé à Bobigny, c'est l'horreur absolue ! Le sous-sol est immonde, y compris pour les fonctionnaires.

M. le Ministre - Mon directeur de cabinet connaît bien la question. Nous allons voir cela, mais il y a un délai de deux ans pour la nouvelle construction.

Des travaux d'amélioration ont été effectués dans certains centres mais un problème supplémentaire vient de ce que les lieux sont très rapidement détériorés. A Bobigny, les travaux d'amélioration se heurtent au fait que ces locaux sont inadaptés. C'est pourquoi le nouvel hôtel de police de Bobigny, comme la direction interrégionale de la PAF à Marseille, incluront des centres de rétention neufs -mais encore une fois dans deux ans.

S'agissant de la sécurité civile, M. Leonetti a considéré qu'il s'agissait d'un budget de stagnation. Pourtant l'arrivée à partir de juin 2001 de neuf hélicoptères BK117 pour un coût supérieur à 300 millions représente une nouveauté. Un projet de loi qui tirera les conclusions du rapport très riche de M. Fleury devrait être présenté rapidement. Comptez sur ma diligence pour qu'il n'y ait pas de retard.

La participation de l'Etat aux SDIS s'élève à 300 millions par an, ce qui n'est pas rien, et elle est garantie sur 2000, 2001, 2002. Dans le cadre du projet de loi dont je viens de parler, le Gouvernement prendra ses responsabilités, notamment sur la formation. Le plateau technique de l'INESC à Nainville-les-Roches coûtera 300 à 400 millions et en 2001 on pourra former deux fois plus d'officiers que cette année. Il y aura également concertation sur le concours du CNFPT.

Les problèmes des collectivités locales sont complexes. Le Gouvernement accepte d'examiner la suggestion faite par M. Derosier et M. Roman, si cela peut améliorer la qualité de nos débats et de nos décisions.

Je suis d'accord sur un point avec M. Saumade : l'intercommunalité pèse lourdement dans l'ensemble des dotations aux collectivités locales. C'est aussi la rançon du succès de la loi du 12 juillet 1999. Peut-être faudra-t-il réfléchir à l'architecture de ces dotations, notamment de la DGF. Mais je suis en désaccord avec lui lorsqu'il considère que les collectivités locales ne bénéficient pas de façon suffisante des fruits de la croissance. Alors que l'ensemble des dotations de l'Etat augmente de 2,32 % en application du contrat de croissance et de solidarité qui prend en compte 33 % de l'évolution du PIB, la DGF augmente de 3,42 %. Je rappelle également que si l'on avait appliqué l'ancien pacte de stabilité, c'est 4 milliards de moins que les collectivités locales auraient perçus de 1999 à 2001.

Je partage votre v_u de réformer la fiscalité locale et j'ai compris que je peux compter sur vos travaux pour élaborer cette réforme nécessaire. Avant la fin 2001, le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport qui traitera également des dotations de l'Etat et qui traduira notre double souci de simplification et de solidarité. De ce point de vue la vignette provoquait certaines injustices.

En ce qui concerne France Télécom et La Poste, c'est parce que les bases ne sont pas localisables que le produit de la taxe professionnelle, soit 2 milliards, va au Fonds national de compensation. Ces bases étant très localisées, si on rétrocédait la taxe aux communes sans aménagement, cela conduirait à de fortes inégalités. Toute normalisation devra donc s'accompagner d'une réflexion d'ensemble dans le cadre des travaux qui suivront le rapport de la commission Mauroy.

Je partage les observations de M. Dosière sur la nécessité de moderniser les préfectures. En ce qui concerne le contrôle de légalité, le développement des pôles de compétences permettra une meilleure synergie des moyens de tous les services. Les téléprocédures faciliteront également les démarches des usagers. L'expérience de globalisation des crédits est probante. Nous nous proposons de l'étendre cette année à dix nouveaux départements. Mais une évaluation sera conduite en 2001 avant d'envisager une généralisation complète. Les sous-préfectures seront maintenues de même que la répartition des tâches entre préfectures et sous-préfectures. S'agissant des effectifs il est prévu dans ce budget 52 emplois supplémentaires pour les SGAR et 38 pour les services chargés des demandes d'asile. Nous y reviendrons lors des Assises nationales des préfectures le 23 novembre. Bien entendu, les personnels de préfectures concernés seront associés à la concertation.

Pour répondre à une question de M. Quentin, les personnels techniques et administratifs passeront de 10 à 12 %. Il est vrai que ce pourcentage est de 20 à 25 % dans certains pays. Nous travaillons à rattraper un retard qui n'est pas dû à ce gouvernement. D'après la presse, vous cherchez le moyen de déposer une motion de censure ; j'ai l'impression que ce matin vous censurez plutôt les gouvernements précédents.

M. Didier Quentin - Depuis 1981 vous avez été au pouvoir pendant les deux tiers du temps !

M. le Ministre - S'agissant des effectifs, 2 075 postes de policiers auxiliaires étaient inscrits au budget 2000. Avec la fin du service national, nous avons mis en place les adjoints de sécurité. Pour ce qui est de la gestion prévisionnelle des effectifs, ne nous reprochez pas de ne pas faire assez vite ce que vous n'avez pas fait du tout (Protestations de députés du groupe du RPR). Depuis 1995 les départs en retraite massifs n'avaient donné lieu à aucune gestion prévisionnelle. En deux ou trois ans, nous avons travaillé à rattraper ce retard que vous aviez créé. J'ai dû demander des postes en surnombre et je suis obligé d'en demander encore cette année. Combler ce retard prendra du temps surtout si, comme vous le souhaitez, on se soucie de la formation de policiers. En tout cas le ministère s'est organisé pour que la mise en place de la police de proximité soit effective et que les discours se traduisent sur le terrain.

S'agissant des statistiques de délinquance, le SIVU mesure les faits de violence urbaine à partir d'enquêtes locales et du travail des Renseignements généraux. Ce dispositif demeure. Mais un travail est en cours sous la responsabilité de la police judiciaire qui assure la tenue des statistiques de délinquance pour améliorer la cohérence des dispositifs de dénombrement des infractions constatées.

Par ailleurs, la sécurité publique étudie le moyen d'adapter ces statistiques à la police de proximité, quartier par quartier. Le propos n'est pas de se substituer à la démarche partenariale, mais d'y apporter un élément supplémentaire d'efficacité.

17 000 chiens dangereux avaient été déclarés fin septembre. Les peines encourues sont de 5 000 francs d'amende en cas de non-déclaration, et de six mois d'emprisonnement en cas de défaut de stérilisation. Un module spécifique de formation des policiers a été créé. Rien qu'à Paris, 300 procédures ont été engagées, 2 500 contraventions dressées, 103 bêtes saisies.

S'agissant de la DSR des bourgs-centre, le Gouvernement a accepté, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, un amendement qui a pour effet de l'augmenter de 150 millions, c'est-à-dire 3 %.

J'ai noté les suggestions de M. Braouezec sur la taxe professionnelle ; le dossier est à l'étude au ministère des finances, et la solution devrait aller dans le sens qu'il souhaite. L'équilibre financier de la CNRACL est assuré pour cette année, mais la question ne peut être disjointe de celle des retraites dans leur ensemble. Enfin, il doit y avoir, bien sûr, une administration de proximité comme il y a une police de proximité ; en trois ans, la Seine-Saint-Denis aura bénéficié de 15 millions d'investissements immobiliers pour l'accueil du public, ce qui permettra notamment, l'an prochain, de lancer la construction de nouvelles sous-préfectures à Saint-Denis, Torcy et Sarcelles, et de rénover celle du Raincy.

A Nice, M. Salles sera heureux d'apprendre que le nombre des policiers présents sur le terrain passera, au 1er janvier, de 822 à 886.

J'ai apprécié l'intervention objective de M. Le Roux (Sourires) et lui confirme que nous sommes en train de remédier à l'absence de gestion prévisionnelle des effectifs. Cette année, 6 920 élèves-gardiens auront suivi une formation en école, et ils seront 4 620 l'an prochain, compte non tenu des surnombres que j'ai l'intention de demander pour faire face aux départs prévus. Ces chiffres sont à comparer aux 3 000 des années précédentes.

Le caractère excessif des propos de M. Dominati me permettra de les relativiser... En ce qui concerne la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, il ne faut pas s'arrêter au budget 2001. La stabilisation des effectifs s'accompagne de leur professionnalisation, qui coûtera 260 millions en trois ans. Un plan de modernisation est en cours, qui sera traité à partir de 2002, en concertation avec la ville de Paris. Quant au transfert de 200 postes d'encadrement sur des postes de gardiens de la paix, ce n'est que la stricte application de la loi de 1995. Enfin, le salaire moyen hors prime d'un gardien de la paix n'est pas de 6 000 francs par mois mais de 9 000 francs.

Je répondrai par écrit aux questions très précises de M. Rebillard.

M. Warsmann m'a interrogé sur CELATEX. Les sapeurs-pompiers n'ont fait que procéder à des mesures et à des contrôles relevant de leur mission de prévention.

M. Jean-Luc Warsmann - C'est faux ! Ils faisaient encore des rondes en septembre !

M. le Ministre - Il n'y a pas de raison de faire une exception budgétaire, le surcoût financier engendré par la durée du conflit et le recours à des renforts extérieurs étant à la charge du SDIS.

M. Jean-Luc Warsmann - Le coût des renforts n'est que de 200 000 francs sur 1,8 million ! Ce n'est pas sérieux ! Les réponses aux dernières questions sont bâclées !

M. le Président - Si le temps nous est maintenant compté, c'est notamment parce que M. Dominati a parlé vingt minutes au lieu de dix...

M. le Ministre - Le délai de cinq ans fixé par la loi de 1996 va expirer dans quelques mois. La départementalisation est presque achevée dans la très grande majorité des départements, seuls les transferts immobiliers créant quelque difficulté. La commission nationale d'arbitrage se réunira dans quelques jours, et les seuls cas qui posent de vrais problèmes sont ceux des DOM. Le rapport Fleury a établi que le coût des SDIS était passé, entre 1996 et 1999, de 230 à 250 francs par habitant, la moyenne européenne étant légèrement supérieure à 300 francs. La loi en préparation permettra de remédier aux divers dysfonctionnements et de clarifier les responsabilités des différentes collectivités.

M. Bernard Derosier - Et de l'Etat !

M. le Ministre - Enfin, si le projet qui tient à c_ur à Mme Bricq a pris quelque retard, c'est parce qu'il a changé d'ampleur et de nature. Les effectifs supplémentaires affectés seront de 1 400 pour la première tranche, de 1 100 pour la deuxième et de 1 000 pour la troisième.

Il me reste à remercier les rapporteurs et tous les parlementaires qui se sont livrés à cet exercice nouveau pour eux comme pour moi. Je crois cette procédure utile, car elle permet un dialogue plus direct et des questions plus précises. Je remercie également le rapporteur général, qui est à son origine, ainsi que le président de votre commission, qui a dirigé les débats avec autorité et doigté, et que je ne vais d'ailleurs pas quitter pendant deux jours, puisque nous partons ensemble, à l'instant, pour la Corse : j'ai souhaité, en effet, associer étroitement la représentation nationale à l'élaboration du projet de loi relatif à cette collectivité.

M. le Président - Je vous remercie à mon tour de vous être prêté à cet exercice rendu difficile par le nombre, la variété et la précision des questions.

VOTE SUR LES CRÉDITS

M. le Président - Il nous reste à donner notre avis sur les crédits de l'intérieur, étant entendu que seuls les membres de la commission des lois peuvent se prononcer.

Le rapport pour avis de M. Dosière sur l'administration générale et les collectivités territoriales, mis aux voix, est adopté, de même que celui de M. Mermaz sur la police et celui de M. Leonetti sur la sécurité civile.

La séance est levée à 13 heures 25.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

Jacques BOUFFIER

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Jeudi 2 novembre 2000
(Séance de 9 heures)

Audition de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur les crédits de son ministère.


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