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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION
et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 14 novembre 2000
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

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Projet de loi de finances pour 2001 : fonction publique et réforme de l'Etat

- Audition de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur les crédits de son ministère et sur le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale

- Avis : fonction publique et réforme de l'Etat

Information relative à la commission

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La Commission a procédé à l'audition de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur les crédits de son ministère pour 2001 et sur le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Après avoir souhaité la bienvenue au ministre en rappelant que celui-ci avait présidé la commission des Lois de 1988 à 1991, M. Bernard Roman, président, a souligné que l'audition serait consacrée, à la fois, au budget du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et au projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a indiqué que le budget de son ministère atteignait 1,422 milliard de francs, alors que l'ensemble des crédits de l'Etat consacrés à la rémunération des agents publics s'élevait à 714 milliards de francs. Notant que le budget de son ministère était en augmentation de 8 % par rapport à l'an dernier, il a observé qu'on pouvait distinguer en son sein trois grandes masses. Il a tout d'abord présenté les crédits affectés à l'action sociale interministérielle, qui s'élèvent à 856 millions de francs, en précisant notamment que les aides au logement étaient en hausse de 30 millions de francs, que les prestations repas étaient revalorisées, tandis que les crédits consacrés aux chèques-vacances atteignent 270 millions de francs, le gonflement de ces crédits soulevant une difficulté qui devrait conduire à envisager une réforme de ce dispositif. Le ministre a ensuite indiqué que les sommes affectées au fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées étaient de 15 millions de francs, en insistant sur la nécessité de trouver un nouvel accord en la matière, les personnes handicapées représentant actuellement 4,2 % des agents de la fonction publique alors que le niveau légal est de 6 %. Concernant les subventions de fonctionnement des écoles sous la tutelle du ministère
- l'Ecole nationale d'administration, l'Institut international d'administration et les cinq instituts régionaux d'administration - qui atteignent 376 millions de francs pour 2001, il a constaté que n'apparaissaient pas de modifications fondamentales dans les crédits qui leur étaient affectés, rappelant cependant qu'une réforme de l'ENA était actuellement mise en _uvre. Enfin, abordant le fonds pour la réforme de l'Etat, dont le montant s'élève à 109 millions de francs pour 2001, le ministre a souligné l'importance qu'il attachait à cet outil, qui permet la mobilisation des moyens de l'Etat pour faire progresser certains projets comme, par exemple, les maisons et les plates-formes de services publics. Il a également insisté sur les formations qui devront être dispensées aux agents publics pour leur permettre d'assurer une meilleure gestion des services, dans la perspective de la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Puis il a évoqué les négociations prochaines qui doivent se tenir avec les organisations syndicales à propos de l'accord sur les rémunérations, exprimant son souhait de voir cet accord porter sur plusieurs années afin d'assurer une certaine visibilité aux fonctionnaires. A ce titre, il a rappelé que 40 % de ceux-ci partiraient à la retraite d'ici 10 à 12 ans et qu'en conséquence, il faudrait procéder à deux fois plus de recrutements que dans le passé. Observant que le contexte du marché de l'emploi était désormais plus favorable, en particulier pour les cadres qui représentent 50 % de la fonction publique d'Etat, alors que, dans le secteur privé, ce chiffre n'atteint que 20 %, il a insisté sur la nécessité de susciter des vocations pour la fonction publique, non seulement par une rémunération adaptée, mais aussi par le renouvellement des modes d'exercice des compétences. Il a souligné que la question essentielle pour les années prochaines serait, bel et bien, de disposer de suffisamment de fonctionnaires pour faire face aux emplois vacants.

Présentant ensuite le projet de loi sur l'emploi précaire, le ministre a souhaité, en premier lieu, insister sur l'urgence qui s'attachait à légiférer en la matière, rappelant que le dispositif précédent, mis en place dans la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996, dite « loi Perben », s'achevait à la fin de l'année 2000. Précisant que le nouveau dispositif proposé s'articulait autour de trois volets, qui sont la résorption de l'emploi précaire, la modernisation du recrutement et l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique territoriale, le ministre a rappelé que, s'agissant du premier point, le dispositif de titularisation prévu dans la loi Perben ne concernait que les agents de catégorie C et les maîtres auxiliaires de l'enseignement. Constatant l'échec d'un dispositif, qui se traduit à l'heure actuelle par l'existence d'un nombre de non-titulaires atteignant 37 000 dans la fonction publique d'Etat, 10 000 dans la fonction publique territoriale et 3 000 dans la fonction publique hospitalière, le ministre a plaidé pour un dispositif plus ambitieux, qui reprendrait le dispositif précédent et l'étendrait aux personnels de catégorie B et de catégorie A, à l'exception du personnel d'encadrement. Evoquant ensuite les motifs pour lesquels la fonction publique avait eu autant recours à du personnel non titulaire, le ministre a dénoncé les lourdeurs du principe du concours, qui incitent à reporter l'organisation d'un concours dans l'attente d'un nombre suffisant de postes à pourvoir. Il a constaté que cette attitude se traduisait dans les faits par un nombre croissant de vacances de postes, pourvus le plus souvent dans l'urgence par des agents non titulaires. Il a, en outre, évoqué les très nombreux cas de personnes se présentant à un concours dans des régions autres que celle dans laquelle elles vivent et qui, une fois reçues, demandent et obtiennent leur mutation dans leur propre région. Il a constaté que l'ensemble de ces comportements plaidait pour un assouplissement et une déconcentration des modalités de recrutement des agents publics, que ce soit pour l'organisation des concours ou pour le recrutement hors concours ; citant, sur ce dernier point, la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994, dite « loi Hoeffel », qui autorise les collectivités locales à procéder à des recrutements de personnel de catégorie C sans passer par la voie du concours, le ministre a estimé qu'il était souhaitable de s'inspirer de cette procédure pour les agents de la fonction publique de l'Etat, ajoutant qu'il faudrait néanmoins rester très vigilant sur le respect du principe de neutralité du service public.

S'agissant de la question de la gestion prévisionnelle des effectifs de la fonction publique, il a estimé que celle-ci ne pouvait concerner uniquement l'Etat, mais devrait également s'appliquer aux collectivités locales. Evoquant les cellules de gestion mises en place, pour la fonction publique de l'Etat, dans les ministères et au niveau des services déconcentrés, il a indiqué que le dispositif législatif proposé permettrait aux centres de gestion locaux existants de jouer à leur tour, pour la fonction publique territoriale, un rôle d'étude et de concertation facilitant l'anticipation des évolutions.

Concernant le dernier volet du projet de loi portant sur le temps de travail dans la fonction publique territoriale, il a rappelé que le choix avait été fait de l'application des 35 heures à la fonction publique de l'Etat au 1er janvier 2002. Il a précisé que la mise en place des 35 heures dans la fonction publique territoriale nécessitait une loi, compte tenu du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Se félicitant de l'étroite concertation qui avait eu lieu sur le sujet avec les associations des représentants des élus locaux, il a indiqué que le projet de loi proposait un cadre d'action laissant aux élus locaux une grande liberté d'application. Il a ajouté que de nombreuses collectivités locales n'avaient pas attendu un dispositif législatif pour proposer le régime des 35 heures, précisant que l'on dénombrait actuellement plus de la moitié des communes de plus de 10 000 habitants qui appliquaient déjà le dispositif d'aménagement du temps de travail. Il a, en outre, considéré que l'expérience avait permis de démontrer que le passage aux 35 heures se révélait bénéfique en termes d'amélioration des procédures administratives.

Evoquant enfin le rôle qu'aurait à jouer le Parlement dans l'examen du texte proposé, il a admis qu'une réflexion pourrait être menée sur des questions annexes, telles que la définition juridique de l'action sociale dans les collectivités locales ou les modalités de procédure de gestion et de recrutement. Rappelant néanmoins que les « accords Perben » devenaient caducs à la fin de l'année, le ministre a, en conclusion, émis le souhait que le texte puisse être adopté définitivement avant cette date.

Soulignant qu'en dépit de sa modestie le budget du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat constituait le principal budget d'impulsion de l'Etat, rapporteur pour avis, M. Alain Tourret, s'est félicité de son augmentation de 8,05 % pour l'exercice 2001, qui permettra notamment une progression de 10,5 % des crédits d'action sociale. Après avoir rappelé les résultats positifs de l'accord salarial du 8 février 1998, qui a permis d'importants gains de pouvoir d'achat dans la fonction publique et une évolution des salaires de la fonction publique de l'Etat plus favorable que celle du secteur privé sur la période 1990-1998, il a souhaité que les prochaines négociations salariales, qui doivent s'ouvrir le 21 novembre, débouchent sur un accord de cette qualité et a salué la décision du ministre de proroger le congé de fin d'activité pour l'année 2000, étant donné le succès rencontré par ce dispositif, qui a permis en 1999 à 10 683 agents de l'Etat de cesser leur activité. Constatant avec satisfaction que le projet de loi de finances pour 2001 prévoit la création de 10 112 emplois supplémentaires pour les effectifs civils de l'Etat, concentrés sur les ministères de l'éducation nationale, de la justice, de l'intérieur et de l'environnement, le rapporteur a souligné que la gestion des effectifs serait marquée par la mise en _uvre du plan de résorption de la précarité, l'application des 35 heures à compter du 1er janvier 2002 et, enfin, par l'instauration d'outils de gestion prévisionnelle.

Evoquant une rencontre avec une délégation d'élèves de l'ENA, fort critique à l'égard de l'école, il s'est inquiété de la diminution du nombre de candidats aux concours d'entrée - qui traduit une perte d'attrait pour cette école, notamment par comparaison avec le regain d'intérêt suscité par l'école nationale de la magistrature - et du vieillissement des élèves, dont l'âge moyen est de 28 ans ; il a, en conséquence, souhaité une augmentation du traitement des élèves, jugeant qu'il était trop faible, notamment en raison des surcoûts liés à la double localisation de l'école à Paris et à Strasbourg. Estimant, par ailleurs, que l'Etat devait se montrer exemplaire dans le domaine de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et de l'insertion des personnes handicapées, il a appelé le ministre à poursuivre les efforts menés pour permettre un meilleur accès des femmes aux postes d'encadrement de la fonction publique et insisté sur la nécessité de prévoir une action d'envergure pour l'emploi des personnes handicapées, qui pourrait passer notamment par la mise en _uvre de plans d'accès à la fonction publique ou de dispositifs contraignants de recrutement, telle que l'obligation de recruter annuellement 6 % de personnes handicapées sur les emplois ouverts, sous peine de sanction financière ou de vacance de postes.

Faisant référence aux mesures qu'il entend proposer dans la seconde partie de son rapport pour accroître la mobilité dans la fonction publique et contrôler, sans interdire, la mobilité vers le secteur privé, le rapporteur a souhaité savoir quand serait mis en place le détachement européen et quelle suite le ministre entendait donner au rapport du Conseil d'Etat sur le cumul d'activités et de rémunérations des agents publics. Il a rappelé, par ailleurs, la nécessité d'engager une réflexion sur la situation des agents publics exerçant un mandat politique. Partageant les analyses de M. Edmond Maire sur la nécessité de mieux sanctionner les résultats individuels dans la fonction publique, il a évoqué la nécessité de réformer le système de notation et d'assurer l'effectivité du pouvoir disciplinaire, insistant sur la faiblesse du nombre de sanctions prises pour insuffisance professionnelle.

Evoquant la nécessaire transparence des rémunérations dans la fonction publique, le rapporteur a rappelé que la Cour des comptes avait, dans son rapport de décembre 1999 sur la fonction publique d'Etat, mis en évidence de nombreuses irrégularités concernant le régime des rémunérations accessoires, soulignant en particulier que la plupart des primes étaient dépourvues de base légale, que les textes indemnitaires, rarement publiés, étaient parfois rétroactifs ou encore que certaines primes étaient défiscalisées de façon irrégulière. Citant une note critique sur la gestion des emplois dans les cabinets ministériels adressée par le Premier président de la Cour des comptes au Premier ministre en 1998, il a estimé, par ailleurs, que des règles précises devaient être prévues pour la rémunération des membres de cabinet et que le versement de primes en liquide, abondées par les fonds spéciaux du Gouvernement, devait être prohibée. Il a terminé son intervention en saluant l'action du ministre qui contribue à la rénovation de la fonction publique.

Evoquant, tout d'abord, la mise en _uvre anticipée des 35 heures par certaines collectivités locales, M. Jean-Yves Caullet a indiqué qu'il partageait l'analyse du ministre sur les effets bénéfiques qu'avait engendré cette mesure, notamment en terme de qualité du service rendu aux usagers. Puis, il a rendu hommage à la volonté exprimée par le ministre d'adopter une démarche tendant à promouvoir une gestion prospective des effectifs de la fonction publique, soulignant qu'elle devrait, par ailleurs, faciliter l'instauration de passerelles entre les fonctions publiques de l'Etat, des collectivités locales et hospitalières. Il a estimé que le Gouvernement faisait preuve de prudence en envisageant des créations de postes de fonctionnaires pour surmonter les conséquences éventuelles des pénuries d'effectifs susceptibles de résulter des départs à la retraite massifs et simultanés qui doivent intervenir dans l'ensemble des corps des différentes fonctions publiques. Il a jugé que les tenants de la réduction des effectifs de la fonction publique devraient davantage prendre en considération les évolutions démographiques à venir, qui sont dès aujourd'hui prévisibles.

Concernant le projet de loi relatif à la lutte contre la précarité dans la fonction publique, il a considéré qu'il était légitime de tout mettre en _uvre pour éviter que les mécanismes qui ont conduit à l'apparition d'emplois précaires ne produisent les mêmes effets à l'avenir. Il a constaté, par ailleurs, que le projet de loi proposait la résorption de la précarité dans les collectivités locales selon une méthode et des critères équitables, prenant en compte, notamment, l'ancienneté et les compétences. Il a souhaité toutefois que la mise en _uvre de ces mesures ne conduise pas à la création de « noyaux durs » d'emplois précaires, qui ne concerneraient plus que les personnels les moins qualifiés. Faisant référence au critère de l'ancienneté dans les services publics, il a exprimé la crainte qu'il ne soit dévaforable à ceux qui ont effectué toute leur carrière au sein d'une administration sous le régime juridique contractuel, au travers d'une succession de contrats à durée déterminée. Evoquant, à cet égard, le cas des agents contractuels des communes qui, à l'occasion de la création des communautés de communes, ont bénéficié d'opportunités intéressantes en termes d'emplois, il a souligné qu'ils seraient pénalisés si leur ancienneté n'était prise en compte qu'au seul titre de leurs nouvelles fonctions. Observant, enfin, que l'un des critères retenus par le projet de loi pour la titularisation était la carence des concours, il a jugé qu'il était également souhaitable de prendre en compte la situation des personnels qui n'ont pu faire acte de candidature en raison de circonstances malheureuses ou par manque d'information.

Evoquant les négociations salariales en cours entre le ministre de la fonction publique et les organisations syndicales ainsi que les dispositions tendant à la mise en _uvre des 35 heures dans la fonction publique, M. Dominique Perben a souligné que l'ensemble des mesures qui en résulteraient créeraient nécessairement de lourdes charges pour les finances publiques, de l'Etat comme des collectivités territoriales. Il a considéré que l'évolution modeste de la dotation globale de fonctionnement allouée aux collectivités locales devait inciter les responsables politiques locaux à être particulièrement prudents dans la mise en _uvre des 35 heures au regard du coût estimatif de cette mesure. Puis, faisant référence aux propos du ministre en faveur de la conclusion d'accords salariaux pluriannuels, et tout en reconnaissant qu'il avait soutenu une position identique lorsqu'il exerçait les mêmes fonctions ministérielles, il s'est cependant demandé si de tels accords n'avaient pas pour effet d'introduire davantage de rigidités dans la gestion des personnels de la fonction publique.

Sans remettre en cause le bien fondé de l'objectif poursuivi par le Gouvernement au travers du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, il a exprimé la crainte qu'une lutte excessive contre le recours aux emplois contractuels n'ait pour effet pervers de conduire les collectivités locales à confier plus fréquemment à des entreprises privées extérieures la réalisation de certaines tâches, notamment lorsqu'elles exigent un personnel hautement qualifié.

M. Bernard Derosier s'est étonné, tout d'abord, que le ministre n'ait fait aucune allusion au statut de la fonction publique. Exprimant la crainte que cette omission n'accrédite son caractère immuable, il a estimé, au contraire, que le contexte de déconcentration et de décentralisation des missions de l'Etat justifiait qu'il fasse l'objet d'adaptations importantes, afin que l'administration évolue au rythme de la société. Il a préconisé, à cet égard : la régionalisation de certains concours ; la suppression des rigidités qui conduisent, par exemple, à conserver à l'Etat la gestion des personnels chargés de l'entretien des lycées et des collèges, pourtant placés sous la responsabilité des régions et des départements ; la possibilité, pour les collectivités locales, de satisfaire des besoins nouveaux en créant les emplois nécessaires pour y répondre autrement qu'en ayant recours à des contractuels ; l'ouverture d'un débat libre et approfondi sur la pérennisation du système des emplois jeunes et leur intégration future dans la fonction publique. Il a, par ailleurs, interrogé le ministre sur le rôle exact qui sera conféré aux élus, et plus particulièrement aux parlementaires, en ce qui concerne la gestion des personnels, au sein de l'Observatoire sur l'emploi public. Abordant, enfin, la question de la mise en place des 35 heures dans la fonction publique territoriale, et tout en réaffirmant son attachement au principe de la libre administration des collectivités locales, il a estimé que, compte tenu des enjeux financiers, les charges nouvelles devaient normalement faire l'objet d'une compensation intégrale.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa 1, du Règlement, M. Elie Hoarau a regretté que les particularités de la fonction publique territoriale dans les départements d'outre-mer n'aient pas été prises en compte dans le projet de loi sur l'emploi précaire et le recrutement dans la fonction publique. Soulignant qu'à la Réunion 11 000 des 13 000 agents publics territoriaux ne sont pas titulaires et disposent d'un salaire dont le niveau est laissé à la discrétion du maire de leur commune, il a considéré que cette situation était insupportable, tant pour les agents concernés que pour leurs employeurs. Il a précisé, à cet égard, que vis-à-vis de l'objectif de résorption de la précarité des emplois en outre-mer, l'attitude des organisations syndicales de la Réunion était plutôt raisonnable. Il a expliqué, en effet, que ces dernières admettaient le principe d'une première étape consistant à aligner progressivement le statut des agents de la Réunion sur celui de la fonction publique territoriale métropolitaine, avant que des discussions ne débutent sur la question de l'harmonisation du niveau de leurs revenus.

M. Jacques Floch a regretté le manque de lisibilité des « bleus budgétaires » en ce qui concerne les rémunérations des personnels de la fonction publique. Il a expliqué qu'en face du grade et du nombre des agents, n'étaient mentionnés que des indices, voire des « échelles lettres » pour la haute fonction publique. Il a considéré qu'il serait préférable de faire figurer le niveau exact de leur rémunération.

Intervenant également en application de l'article 38 précité, M. Roger Meï s'est félicité que les emplois jeunes aient permis de rendre solvables de véritables besoins, jusqu'à présent non satisfaits, et a considéré qu'il était impératif de pérenniser ces métiers, soulignant que cela supposerait nécessairement qu'un soutien particulier soit accordé aux communes concernées.

M. Jacky Darne a observé, en ce qui concerne la gestion des emplois publics, qu'il était regrettable que des décisions soient prises, sans concertation, au niveau central, alors même qu'elles créent des charges nouvelles importantes pour certaines collectivités locales. Il a cité l'exemple de la bonification indiciaire supplémentaire, qui doit être accordée aux agents publics dans certaines zones jugées sensibles. Il a estimé que ce type de décisions devrait faire l'objet d'une compensation au moyen de la dotation générale de décentralisation ou, à tout le moins, d'une concertation à l'échelon local. S'agissant des recrutements, il a souhaité que les collectivités locales puissent bénéficier d'une certaine souplesse, afin de pouvoir répondre aux besoins qui s'expriment autrement qu'en recourant à des structures périphériques, au moyen de fausses délégations de services publics. Il a cité l'exemple de la formule des groupements d'intérêt public comme un modèle possible. Par ailleurs, face au nombre important de départs en retraite attendus dans les années à venir, il a estimé qu'il serait souhaitable de permettre aux collectivités locales de titulariser des agents qui disposent du niveau de diplôme requis pour exercer leurs fonctions, sans pour autant les contraindre à passer un concours. Il a regretté, enfin, le manque de mobilité entre les trois fonctions publiques, territoriale, d'Etat et hospitalière, et a préconisé, à cet égard, un assouplissement des règles en vigueur.

Mme Nicole Feidt s'est associée aux critiques formulées par le rapporteur pour avis sur la situation des femmes dans la haute fonction publique et a souligné la nécessité d'améliorer les modalités de gestion des carrières des agents.

M. Bernard Roman a également souhaité que les collectivités locales puissent recruter plus souplement des fonctionnaires de catégorie A, insistant particulièrement sur les difficultés qu'elles rencontrent parfois pour trouver les compétences nécessaires dans des secteurs spécifiques, tels que ceux des techniques de l'information et de la communication. A cet égard, il a recommandé que la possibilité soit donnée aux collectivités locales de pérenniser des emplois existants ou que des filières spécialisées soient créées à l'intérieur des concours administratifs. Il a, par ailleurs, souligné l'importance de la mise en place de l'Observatoire sur l'emploi public, en rappelant qu'environ un million de fonctionnaires partiront en retraite dans les dix années à venir. Il a rejoint le point de vue du ministre en considérant que le problème essentiel n'était pas tant le nombre d'agents qu'il faudra recruter que le choix de leur affectation et la définition de leurs missions. Il a regretté, lui aussi, le manque de porosité entre les trois fonctions publiques, revenant sur l'exemple aberrant de la gestion par l'Etat des personnels en charge de l'entretien des lycées et collèges. Il a considéré que l'enjeu sous-jacent à l'ensemble de ces questions était essentiel, puisqu'il s'agit de la modernisation, non seulement de la fonction publique, mais, plus largement, de l'Etat.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

· Sur les crédits du ministère de la fonction publique pour 2001 :

-  Déjà prévue pour 2001, la prorogation, d'année en année, du congé de fin d'activité est justifiée par la nécessité de tenir compte de l'évolution des dispositifs similaires qui sont applicables aux salariés du secteur privé, des régimes de retraites et des modalités de gestion des effectifs.

-  Si une réduction du pouvoir d'achat des agents publics n'est pas souhaitable, il faut cependant tenir compte des incidences budgétaires considérables d'une revalorisation des traitements dans la fonction publique, une augmentation de 1 % de la valeur du point « fonction publique » entraînant, par exemple, un coût de 6,7 milliards de francs pour la seule fonction publique de l'Etat.

-  Les créations d'emplois prévues dans le projet de loi de finances pour 2001 visent à répondre à des besoins avérés en matière d'éducation, de justice ou d'environnement et ne sont pas liées à l'aménagement et à la réduction du temps de travail qui, dans la fonction publique de l'Etat, sont envisagés dans une perspective de stabilité des effectifs, ce qui rend nécessaire une réflexion sur l'organisation du travail et la mobilité des agents. Enfin, les collectivités locales ont toute liberté pour, d'ores et déjà, réduire la durée du temps de travail de leurs agents.

-  Le manque de transparence des rémunérations des hauts fonctionnaires ne concerne pas leur traitement de base, mais leurs rémunérations accessoires, qui varient fortement selon les corps. Dans un souci de sécurité juridique, le Gouvernement publie désormais systématiquement l'ensemble des textes relatifs aux primes des fonctionnaires, ceux afférents aux rémunérations accessoires des fonctionnaires du ministère des Finances devant l'être prochainement.

-  Il se présente aujourd'hui autant de candidats au concours d'entrée à l'ENA qu'au cours des années 1970 ; la détérioration du marché de l'emploi ayant entraîné, dans les dernières années, une augmentation du nombre de candidats, sa diminution récente ne marque pas une désaffection à l'égard de ce concours, mais reflète l'amélioration de la situation économique, les étudiants se dirigeant désormais vers la fonction publique davantage par choix que par crainte du chômage ; des évolutions similaires sont d'ailleurs observés dans les autres concours de la fonction publique.

-  Alors que les femmes occupent 56 % des emplois dans la fonction publique, il est choquant de ne voir que 13 % d'entre elles occuper un poste de direction dans l'administration centrale ou 8 % à la tête d'administrations déconcentrées. S'agissant du corps préfectoral, il importe notamment de veiller à organiser les changements d'affectation durant l'été, de façon à permettre aux femmes de concilier, le plus facilement possible, leurs vies familiale et professionnelle. Le Gouvernement a, en outre, constitué un comité de pilotage pour l'égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques, présidé par M. Anicet Le Pors.

-  Il est, enfin, anormal que la fonction publique ne satisfasse pas aux exigences posées par la loi en matière d'emploi de personnes handicapées ; il n'est pas concevable que les employeurs publics, à l'instar de certaines entreprises privées, s'acquittent de cette obligation d'emploi en recourant aux solutions alternatives prévues dans le code du travail pour les entreprises. Un effort supplémentaire de la part des administrations est donc nécessaire dans ce domaine.

· Sur le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale :

-  La résorption de l'emploi précaire n'implique pas la suppression de tous les emplois contractuels, puisque certains d'entre eux ont actuellement la forme de contrats à durée indéterminée et qu'ils garantissent, en conséquence, aux personnels concernés la stabilité de leur emploi. Ainsi, les personnels des collectivités territoriales titulaires de contrats à durée indéterminée, en application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale, ainsi que les personnels ayant reçu la qualité d'agent public en application de la jurisprudence Berkani qui ont opté pour un contrat de droit public à durée indéterminée, conformément à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, n'entrent pas dans le champ d'application du projet de loi.

-  Le recours aux emplois contractuels dans la fonction publique est justifié dès lors que ceux-ci correspondent à des besoins non permanents de l'administration. Il est, en outre, particulièrement adapté aux secteurs concernés par des évolutions technologiques rapides. Il n'y a donc pas lieu de modifier les dispositions statutaires prévoyant la possibilité d'un recours aux emplois contractuels dans ces cas de figure.

-  Le critère d'ancienneté requis pour bénéficier des mesures de titularisation est souple, puisqu'il est de trois années d'activité de service public en équivalent temps plein, sur les huit dernières années précédant la titularisation. Le cas des personnels contractuels des établissements publics de coopération intercommunale, qui étaient antérieurement employés par les communes membres de ces établissements et ne satisfont pas à ce critère, pourrait donner lieu à la mise en place d'un dispositif spécifique.

-  Le projet de loi donne aux responsables communaux de la Réunion la possibilité de titulariser les personnels actuellement en situation précaire. Le problème soulevé par les élus de la Réunion n'est, toutefois, pas celui de la titularisation de ces personnels, mais celui de la charge financière qu'elle pourrait représenter, dans la mesure où les fonctionnaires des départements d'outre-mer bénéficient d'une surrémunération. Une telle mesure aurait donc des conséquences financières lourdes, qui ne pourront être réglées, tant que la question des surrémunérations n'aura pas été résolue.

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Après le départ du ministre, la Commission a procédé à l'examen pour avis des crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2001.

Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, M. Alain Tourret, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des services généraux du Premier ministre, fonction publique pour 2001.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Patrick Delnatte, rapporteur pour la proposition de loi de MM. Bernard Accoyer, Jean-Louis Debré et Patrick Delnatte relative à la conduite automobile sous l'emprise de stupéfiants (n° 2148).

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