Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (2000-2001)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 17

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 décembre 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Constitution d'une mission d'information

2

- Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale (n° 2740) (rapport)



2

- Proposition de loi tendant à améliorer l'accès aux fonctions électives locales (n° 2738) (rapport)


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M. Bernard Roman, président, a proposé la mise en place d'une mission d'information chargée de suivre l'application de la loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997 relative à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales.

Rappelant que le Parlement avait voté la loi du 10 novembre 1997 aux fins de rendre automatique l'inscription des jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales, M. Bernard Roman, président, a observé que cette disposition n'était pas mise en _uvre de manière satisfaisante. Constatant qu'une part importante des jeunes Français n'était pas inscrits sur ces listes, il a jugé utile que la commission des Lois puisse tirer le bilan de l'application de cette loi en mettant en évidence les difficultés de mise en _uvre rencontrées sur le terrain. M. Jacques Brunhes s'est déclaré favorable à la création d'une telle mission, tout en s'interrogeant sur l'opportunité de procéder à des déplacements dans les communes alors que la campagne municipale a débuté. M. Jean-Pierre Dufau a constaté que le passage du vote de la loi à son exécution pratique soulevait des difficultés manifestes qu'il fallait résoudre. Estimant l'observation de M. Jacques Brunhes justifiée, il a souhaité que la mission puisse débuter ses travaux rapidement, en reportant cependant ces déplacements après la clôture des listes électorales.

A l'issue de cet échange, la Commission a décidé la création d'une mission d'information chargée de suivre l'application de la loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997 relative à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales, constituée de trois membres. Elle a désigné pour y siéger M. Jean-Pierre Dufau, qui en serait le rapporteur, et M. Jacques Brunhes, le troisième siège étant réservé à un candidat présenté par l'opposition.

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Puis la Commission a procédé à l'examen de la proposition de loi adoptée par le Sénat, tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale (n° 2740).

Mme Christine Lazerges, rapporteure, a souligné que la proposition de loi adoptée par le Sénat avait principalement pour objet d'harmoniser le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents sur celui, devenu plus favorable depuis l'adoption de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence, des personnes placées en détention provisoire dans une procédure terminée, à leur égard, par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive. Elle a ajouté que le dispositif proposé procédait, par ailleurs, à diverses coordinations techniques et rédactionnelles nécessaires à l'application de loi du 15 juin 2000 dans des conditions satisfaisantes. Elle a donc indiqué qu'elle proposerait à la Commission d'adopter, dans la rédaction du Sénat, la plupart des articles de la proposition, tout en présentant quelques amendements destinés à compléter le travail entrepris par le Sénat.

Puis, évoquant certains articles parus dans la presse faisant état d'un report des dispositions de la loi du 15 juin 2000 relatives à la « juridictionnalisation » de l'application des peines, elle a souligné que l'amendement n° 1 du Gouvernement n'avait nullement cet objet. Elle a précisé, en effet, qu'il se limitait à instaurer une période transitoire de six mois, au cours de laquelle le détenu, assisté à sa demande de son avocat, pourrait bien être entendu par le juge de l'application des peines, la dérogation essentielle au régime prévu par la loi du 15 juin 2000 tenant au fait qu'il n'y aurait pas de greffier lors de l'entretien. Après avoir indiqué qu'elle présenterait à la Commission deux sous-amendements tendant à permettre au condamné de faire appel de la décision du juge, elle a conclu en observant que, compte tenu de la sortie de la prochaine promotion de l'école nationale des greffes au mois de mai 2001, la date d'expiration de la période transitoire proposée par l'amendement du Gouvernement s'établissait au 16 juin 2001 et coïncidait, fort opportunément, avec la date d'entrée en vigueur de l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue des mineurs.

La Commission a rejeté la question préalable n°1 présentée par M. Jean-Louis Debré.

Puis, elle a procédé à l'examen des articles.

Article premier (art. 149 du code de procédure pénale) : Réparation intégrale du préjudice subi par les personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement définitifs :

La Commission a adopté un amendement présenté par la rapporteure, permettant de réparer un oubli du Sénat, qui a souhaité substituer, pour le préjudice subi du fait d'une détention injustifiée, le terme « réparation » au terme « indemnisation » ; puis elle a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er bis (nouveau) (art. 149 du code de procédure pénale) : Substitution du terme de réparation à celui d'indemnisation ; article 1er ter (nouveau) (art. 149 du code de procédure pénale) : Complément d'information au bénéfice de la personne ayant été placée à tort en détention provisoire ; article 1er quater (nouveau) (art. 149-1 du code de procédure pénale) : Substitution des mots « la réparation » aux mots « l'indemnité » :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article additionnel après l'article 1er quater (art. 150 du code de procédure pénale) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement de coordination présenté par la rapporteure tendant à substituer au terme « indemnité » le terme « réparation ».

Article 2 (art. 626 du code de procédure pénale) : Harmonisation du régime d'indemnisation des personnes condamnées reconnues innocentes avec celui des personnes ayant été placées à tort en détention provisoire :

La Commission a adopté un amendement de coordination présenté par la rapporteure tendant à substituer au terme « indemnité » le terme « réparation », ainsi qu'un amendement rectifiant une erreur de référence.

Elle a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 2 (sous-section 3 de la section VII du chapitre premier du titre III du code de procédure pénale et article 149-3 du même code) : Dénomination de la Commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires :

La Commission a adopté un amendement présenté par la rapporteure, harmonisant la dénomination de la Commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires avec la rédaction adoptée par le Sénat en lui substituant le nom de Commission nationale de réparation des détentions.

Article 3 : Sanction en cas de non-comparution de témoin ; article 4 : Sanction prononcée par la cour d'assises en cas de non-comparution de témoin ; article 5 : Sanction prononcée par le tribunal correctionnel en cas de non-comparution de témoin ; article 6 : Refus d'un témoin de prêter serment ou de déposer ; article 7 : Communication de l'adresse personnelle de la personne ayant fait l'objet d'une première comparution ; article 7 bis (nouveau) : Extension de la compétence territoriale du juge des libertés et de la détention ; article 8 : Audition des parties civiles ou du témoin assisté à leur demande par les officiers de police judiciaire dans le cadre d'une commission rogatoire ; article 9 : Couverture d'éventuels vices de procédure par l'ordonnance de règlement devenue définitive ; article 10 : Référé-liberté ; article 11 : contrôle de la durée de l'instruction par la chambre de l'instruction ; article 12 : Annulation par la Cour de cassation des arrêts rendus par les chambres de l'instruction ; article 13 : Juridiction vers laquelle est renvoyé un arrêt de cour d'assises annulé du chef des intérêts civils ; article 14 : Juridiction compétente pour connaître des appels formés contre les arrêts rendus par les cours d'assises spécialement composées ; article 15 : Placement en semi-liberté pour les personnes condamnées à une peine assortie d'une période de sûreté supérieure à quinze ans ; article 15 bis (nouveau) : Localisation des débats contradictoires en matière d'application des peines :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Articles additionnels après l'article 15 bis (art. 77-2, 82-1, 175-1, 185, 374, 627 et 632 du code de procédure pénale ; art. 9 et 11 de l'ordonnance du 2 février 1945) : Coordinations - Appel incident d'une ordonnance de mise en accusation par le procureur de la République - Possibilité pour le juge des libertés et de la détention de prononcer une mesure de liberté surveillée ou de garde provisoire pour un mineur :

La Commission a été saisie de neuf amendements de la rapporteure, tendant à insérer des articles additionnels prévoyant diverses coordinations et harmonisations rendues nécessaires par l'adoption de la loi du 15 juin 2000. Elle a ainsi adopté trois amendements de coordination tendant respectivement, à corriger une erreur de référence à l'article 77-2 du code de procédure pénale, à supprimer la référence à la procédure d'envoi d'une lettre recommandée à l'article 82-1 de ce code ainsi que celle relative à l'ordonnance de transmission de pièces au procureur général faite dans l'article 175-1. Elle a également adopté un amendement alignant les délais d'appel du parquet pour les ordonnances du juge d'instruction prononçant une mise en accusation sur les délais d'appel accordés à la personne mise en examen, ainsi qu'un amendement tendant à corriger une erreur matérielle dans la rédaction de l'article 374 du code de procédure pénale. Puis elle a adopté trois amendements modifiant les articles 627 et 632 de ce code, ainsi que l'article 9 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, afin d'assurer l'harmonisation de leur rédaction avec la terminologie retenue dans la loi du 15 juin 2000. Enfin, elle a adopté un amendement tendant à modifier l'article 11 de l'ordonnance précitée afin de permettre au juge des libertés et de la détention de prononcer une mesure de liberté surveillée ou de garde provisoire, lorsqu'il estime ne pas devoir ordonner un placement en détention ou la prolongation de la détention d'un mineur ni faire droit à une demande de mise en liberté.

Article 16 (art. 722-1-A, 823, 868-1 et 901-1 du code de procédure pénale) : Application outre-mer de certaines dispositions de la loi du 15 juin 2000 ; article 16 bis (nouveau) (art. L 640-1 et L 640-2 du code de l'organisation judiciaire) : Désignation, attributions du juge des libertés et de la détention - Exercice concurrent de ses fonctions dans plusieurs juridictions ; article 16 ter (nouveau) (art. L. 221-1 du code de l'organisation judiciaire) : Délégation des magistrats du siège des tribunaux d'instance et de grande instance ; article 16 quater (nouveau) (art. L. 221-3 du code de l'organisation judiciaire) : Exercice des compétences du ministère public près plusieurs juridictions :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article additionnel après l'article 16 quater (nouveau) (art. 140 de la loi du 15 juin 2000) : Dispositif transitoire reportant l'organisation des débats contradictoires préalables à la décision du juge de l'application des peines :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 1 du Gouvernement tendant à préciser que, du 1er janvier au 16 juin 2001, les décisions du juge de l'application des peines seront rendues, après avis de la commission de l'application des peines, au vu des observations écrites du condamné ou de son avocat, le condamné, assisté le cas échéant de son avocat, pouvant également, à sa demande, formuler des observations orales devant ce magistrat, qui, dans cette hypothèse, n'aura pas besoin d'être assisté d'un greffier. Soulignant les effets que pourraient avoir, dans les juridictions mais surtout dans les prisons, l'annonce d'un report des dispositions de la loi du 15 juin 2000 relatives à la « juridictionnalisation » de l'application des peines, M. Jacques Floch a jugé nécessaire de ne pas accréditer cette idée et d'énoncer clairement la portée réelle limitée de cet amendement. La rapporteure a confirmé que, loin de reporter ce volet de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence, l'amendement du Gouvernement devait, au contraire, permettre, dès le 1er janvier prochain, son application sereine, en autorisant le juge de l'application des peines à statuer sans greffier. Considérant que cet aménagement n'aurait aucune incidence négative pour les détenus, elle a ajouté qu'ils pourraient même, peut-être, trouver avantage à la tenue d'un entretien moins formel avec le juge et leur avocat. Puis la Commission a adopté cet amendement, modifié par deux sous-amendements de la rapporteure, tendant à préciser que, dès le 1er janvier 2001, le condamné pourra, comme le procureur de la République, faire appel des décisions rendues par le juge de l'application des peines.

Article 17 : Entrée en vigueur de la loi et article 18 : Application de la loi outre-mer :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Puis elle a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jacques Brunhes, la proposition de loi tendant à améliorer l'accès aux fonctions électives locales (n° 2738).

M. Jacques Brunhes, rapporteur, a tout d'abord souligné le rôle irremplaçable des élus locaux dans notre démocratie, observant que les lois de décentralisation avaient considérablement accru leurs pouvoirs et leurs responsabilités. Il a constaté qu'il existait, sur le terrain, un problème de participation des citoyens à la vie locale. Évoquant les travaux de la commission sur l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy, ainsi que la mission d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation, présidée par M. Jean-Paul Delevoye, il a noté que la proposition de loi de Mme Jacqueline Fraysse s'inscrivait dans un mouvement général de réflexion sur ces questions, le Premier ministre ayant lui même annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi consacré à la démocratie locale. Il a convenu que la proposition de loi soumise à la Commission ne traitait pas de l'ensemble du statut de l'élu local, ce texte n'abordant d'ailleurs que le cas des élus municipaux. Il a considéré qu'il était néanmoins nécessaire de franchir, dès aujourd'hui, une première étape, compte tenu des échéances électorales très proches et du tout récent développement des structures intercommunales, qui engendrent un surcroît de travail et de contraintes pour les élus.

Après avoir rappelé les principales étapes de la réflexion sur le statut de l'élu local, il a observé la persistance d'un déséquilibre dans la représentation des différentes catégories socioprofessionnelles parmi les élus locaux. Il a également insisté sur le faible taux de féminisation des assemblées locales, tout en témoignant de son espérance que la récente loi sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux améliore sensiblement la situation. Sur ce point, rappelant qu'actuellement seulement 7,5 % des maires sont des femmes, il a souligné la nécessité de permettre aux femmes d'exercer leurs charges électives dans les meilleures conditions. Il a considéré qu'il fallait donc accompagner l'augmentation de la présence féminine dans les conseils municipaux, qui résulterait de la loi sur la parité, de mesures visant à résoudre les difficultés matérielles auxquelles elles sont particulièrement confrontées, notamment en ouvrant droit au remboursement des gardes d'enfant. Il a également estimé nécessaire d'améliorer la situation des élus municipaux poursuivant parallèlement une activité professionnelle salariée, en maintenant leur rémunération durant les absences autorisées liées à leur mandat, en augmentant le volume des crédits d'heures, ainsi qu'en prévoyant de meilleures garanties quant au déroulement de leur carrière professionnelle. Enfin, il a souhaité que les élus municipaux soient confortés dans l'exercice de leur mandat par le développement de leur formation et la reconnaissance de l'expérience qu'ils ont acquise dans leurs fonctions électives.

Abordant ensuite le dispositif de la proposition de loi, le rapporteur a présenté les règles en vigueur concernant les autorisations d'absence et les crédits d'heures. Rappelant que l'employeur est aujourd'hui tenu de laisser à tout salarié de son entreprise, membre d'un conseil municipal, le temps nécessaire pour se rendre aux séances de cette assemblée, aux réunions de commission ainsi que dans les assemblées délibérantes et bureaux des organismes où l'élu représente la commune, il a précisé qu'il n'était pas, cependant, contraint de payer ces absences au salarié, les pertes de revenu supportées par les élus qui ne bénéficient pas d'indemnités de fonction pouvant, sous certaines limites, être compensées par la commune ou l'organisme local intéressé. Il a constaté, néanmoins, que cette compensation apparaissait bien modeste, voire dérisoire, au regard des pertes de revenu supportées par ces salariés. Par ailleurs, il a indiqué que les crédits d'heures, dont bénéficient certains élus municipaux pour assumer leurs charges électives, ne donnent lieu ni à rémunération de la part de l'employeur, ni à indemnisation. Soulignant que la proposition de loi présentait des avancées réelles sur ces sujets, en posant le principe du maintien de la rémunération de l'élu au titre des absences autorisées et des crédits d'heures, ce qui rapprocherait ainsi la situation des salariés de droit privé de celle dont bénéficient généralement, en fait, les fonctionnaires, il a précisé que ce dispositif était évidemment limité aux élus ne bénéficiant pas d'indemnité de fonction ou dont l'indemnité ne couvre pas les pertes de salaire, tout en observant que, dans la plupart des cas, la perte de rémunération serait supérieure à l'indemnité. Convenant qu'en faisant peser sur l'employeur des charges relevant en réalité du financement de la vie publique, la proposition de loi faisait sortir les entreprises du cadre dans lequel elles interviennent habituellement, il a estimé qu'elle prenait ainsi en compte l'exigence, largement partagée, de créer une nouvelle articulation entre le monde économique et la vie publique. Il a néanmoins tenu à préciser que les entreprises les plus fragiles devraient pouvoir bénéficier d'une compensation pour assumer ces charges.

Puis, il a présenté les différentes mesures prévues par la proposition de loi qui doit permettre d'étendre à tous les conseillers municipaux le droit aux crédits d'heures tout en augmentant leur durée, de renforcer les garanties dans leur carrière professionnelle et de faciliter leur retour à la vie professionnelle, en permettant aux élus d'accéder aux concours de la fonction publique et au congé individuel de formation selon des modalités spécifiques. Il a également souligné que ce texte renforçait le droit des élus à la formation et permettait le remboursement des frais de garde d'enfants engagés du fait de l'exécution de mandats spéciaux, actuellement prohibé par la jurisprudence. Le texte propose enfin que les dispositions applicables aux élus locaux salariés soient insérées au sein du code du travail afin de faciliter l'accès à ces règles de droit.

M. Michel Hunault a estimé que les propositions de loi émanant de la majorité bénéficiaient d'un traitement de faveur, puisque le rapporteur avait pu présenter les articles du texte sans que la Commission n'ait préalablement statué sur le passage à la discussion des articles.

M. Bernard Roman, président, a observé que le rapporteur était fondé à présenter, dans le cadre de son exposé liminaire, les dispositions de la proposition de loi, soulignant que cette présentation ne préjugeait pas des décisions de la Commission sur les articles.

M. Michel Hunault a ensuite remarqué que l'amélioration de l'accès aux fonctions électives constituait un objectif partagé par tous les groupes de l'Assemblée. Evoquant la revalorisation des indemnités des maires, il a rappelé que des mesures relatives au statut de l'élu avaient, d'ores et déjà, été adoptées au cours de la précédente session dans le cadre de la loi relative à la limitation du cumul des mandats. Il a néanmoins regretté que l'état des finances locales ne permette pas à toutes les communes de procéder à la revalorisation autorisée par cette loi et a souligné l'opposition du ministre de l'intérieur à la revalorisation parallèle des indemnités des maires adjoints. Il s'est, par ailleurs, étonné que la présente proposition de loi tende à imposer aux employeurs le financement des obligations liées aux mandats électifs exercés par leurs salariés. Il a également relevé que le texte visait les seuls salariés et ne permettait donc pas de répondre au cas des élus exerçant une profession indépendante.

M. André Vallini a estimé que l'amélioration de la condition de l'élu local constituait la suite logique du mouvement de décentralisation initié par la majorité. Soulignant les obligations croissantes pesant sur les élus locaux dans un contexte où leur responsabilité, y compris pénale, est de plus en plus souvent mise en cause, il a jugé nécessaire d'apporter une réponse aux difficultés que suscite cette situation. Il a ainsi rappelé que le Gouvernement avait annoncé le dépôt d'un projet de loi tendant à mettre en _uvre la deuxième étape de la décentralisation, ce texte devant avoir pour objectif la clarification des compétences et des financements des collectivités locales, ainsi que l'amélioration de l'accès aux fonctions électives. Il a ensuite fait part de son accord de principe sur la proposition de loi soumise à la Commission, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Gérard Gouzes a remarqué que la question du statut de l'élu local était régulièrement évoquée, sans avoir jamais été véritablement réglée. Il a considéré que la nature même de son activité - métier ou fonction - n'était pas clairement définie, estimant, pour sa part, qu'elle ne s'apparentait pas à un métier à part entière. Il s'est également interrogé sur les garanties professionnelles qui devraient être mises en _uvre pour les élus exerçant une profession indépendante, en insistant sur leurs difficultés à assumer des mandats électifs. Il a ensuite souhaité, afin d'éviter que les responsabilités politiques ne soient exercées par les seuls fonctionnaires et retraités, que soit étudiée la mise en place d'un fonds de compensation à destination des entreprises subissant les charges les plus lourdes au titre des droits reconnus à leurs salariés élus.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  Il serait effectivement souhaitable de procéder à une réforme d'ensemble tendant à mettre en place un véritable statut de l'élu local. Cette perspective est d'ailleurs évoquée, de façon récurrente, depuis 1982, et le Gouvernement s'est engagé à présenter, en 2001, un texte de portée générale. Mais, compte tenu de la proximité des prochaines élections municipales et de la mise en place de la parité, qui induit des besoins nouveaux, en termes de gardes d'enfants notamment, il convient de procéder, sans plus attendre, à de premières avancées. Tel est l'objet de la proposition de loi présentée par le groupe communiste, qui sera naturellement appelée à être complétée par la suite, en direction des commerçants et des artisans notamment.

-  Cette proposition de loi est effectivement une suite logique à la mise en _uvre de la décentralisation. Elle apporte également une réponse aux problèmes posés par la complexité croissante des fonctions exercées par les élus locaux, qui ne disposent que rarement des moyens techniques nécessaires pour faire face à leur mission dans de bonnes conditions.

-  La question du financement de la réforme est essentielle. Celui-ci ne pourra pas être assuré par les communes, qui n'ont déjà pas, dans bien des cas, les moyens de financer les indemnités de leurs élus, que ces derniers s'abstiennent d'ailleurs, parfois, de demander. Il est légitime de solliciter les employeurs, qui bénéficient, au demeurant, des activités et des services rendus par les communes, bien qu'il soit encore difficile d'évaluer la charge que représentent les mesures proposées. Cela étant, il serait tout à fait envisageable d'opérer une distinction selon la taille des entreprises. En toute hypothèse, le Gouvernement devra au moins s'engager à prendre les mesures nécessaires au financement de la réforme, qu'il s'agisse d'abonder un fonds de compensation ou de mettre en place un mécanisme de mutualisation des charges entre les collectivités locales.

-  La proposition de loi ne peut pas être qualifiée de « texte mineur », car elle procède à de premières avancées décisives, qu'il s'agisse de garantir les salaires des élus salariés, d'augmenter les crédits d'heures et les droits à formation des élus ou d'ouvrir un droit à des gardes d'enfants.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles.

Article premier (art. L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales) : Rémunération du salarié durant les autorisations d'absence et les crédits d'heures :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. André Vallini tendant à supprimer cet article, qui prévoit que l'employeur assure le maintien de la rémunération de l'élu non indemnisé au titre des absences autorisées et des crédits d'heures. Son auteur a considéré que cet article risquait de poser des problèmes financiers aux entreprises, lesquelles pourraient alors être tentées de culpabiliser leurs salariés élus ou seraient dissuadées d'employer des élus locaux. Le rapporteur a souligné qu'il était indispensable de maintenir, sous une forme ou sous une autre, la rémunération du salarié élu, afin d'élargir l'accès aux fonctions électives et de ne pas le réserver aux fonctionnaires ou aux retraités. Il a souhaité que le Gouvernement fasse des propositions, si aucune solution n'était adoptée.

Estimant également que l'élu salarié ne devait pas connaître de perte de revenu en raison de l'exercice de ses fonctions électives, M. Jean-Pierre Dufau a, toutefois, jugé que le coût de cette compensation devait être supporté par la collectivité au nom de laquelle le mandat est exercé, et non par l'entreprise. Il a suggéré que cette compensation fasse partie des dépenses obligatoires des collectivités locales. Après que M. Bernard Roman, président, eut souligné qu'il était nécessaire de mettre un terme au mythe de l'élu bénévole, la Commission a adopté l'amendement de M. André Vallini. Les amendements du rapporteur, améliorant la rédaction de l'article premier et subordonnant l'entrée en vigueur de ses dispositions à la mise en place d'un fonds de compensation destiné aux entreprises rencontrant des difficultés pour assurer dans les conditions prévues par la proposition de loi le maintien de la rémunération aux salariés élus, sont ainsi devenus sans objet.

Article 2 (art. L. 2123-2 du code général des collectivités territoriales) : Suppression de la compensation par les collectivités locales des pertes de revenu subies par l'élu du fait de sa participation à certaines séances ou réunions :

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur donnant une nouvelle rédaction à cet article pour ajouter à la compensation par les collectivités des pertes de revenu subies par l'élu du fait de sa participation à certaines séances ou réunions prévues par l'article L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales, la compensation des frais engagés pour la garde d'un ou plusieurs enfants pour assister à ces réunions.

Article 3 (art. L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales) : Conditions d'attribution des crédits d'heures :

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels présentés par le rapporteur, ainsi qu'un amendement de conséquence présenté par M. André Vallini pour maintenir la disposition du code général des collectivités territoriales, selon laquelle l'employeur n'est pas tenu de payer les crédits d'heures des salariés élus.

Puis elle a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (art. L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales) : Garanties dans la carrière professionnelle :

La Commission a été saisie de deux amendements tendant à donner une nouvelle rédaction de cet article, le premier présenté par le rapporteur faisant une référence explicite à l'article L. 412-2 du code du travail pour les garanties accordées au salarié exerçant un mandat municipal, le second présenté par M. André Vallini substituant aux différents cas énoncés par la proposition de loi pour lesquels une garantie est accordée au salarié, un principe général de protection s'appuyant sur les dispositions existantes contenues dans le code général des collectivités territoriales.

M. André Vallini a fait valoir que l'énumération contenue dans la proposition de loi des cas de figure justifiant la protection de l'élu salarié n'était pas exhaustive, ajoutant qu'une telle rédaction donnerait lieu à de nombreux contentieux et pénaliserait finalement les salariés. Rejoignant les observations formulées par M. André Vallini sur le caractère trop limitatif de la rédaction de la proposition de loi, le rapporteur a estimé que la rédaction qu'il présentait, par une référence expresse au code du travail, permettait de couvrir tous les cas, le code du travail comprenant déjà des dispositions explicites relatives à l'exercice de fonctions syndicales. Il a observé, en outre, que cette modification respectait le principe de codification du code pilote et du code suiveur, le code du travail étant, en l'occurrence, considéré comme code pilote en matière de garanties et de protection du salarié. Au bénéfice de ces observations, M. Vallini a retiré son amendement et la Commission a adopté l'amendement du rapporteur donnant une nouvelle rédaction à l'article 4.

Article 5 (art. L. 2123-10 du code général des collectivités territoriales) : Retour à la vie professionnelle :

La Commission a adopté un amendement de précision relatif au congé individuel de formation présenté par le rapporteur.

Un débat s'est ensuite engagé sur la compatibilité de l'article avec certaines dispositions contenues dans le projet de loi, en voie d'adoption prochaine, relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique. M. Jean-Yves Caullet a observé qu'un certain nombre de dispositions prévues par le projet de loi, qui ont fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire, permettaient déjà de prendre en compte l'expérience acquise au cours d'un mandat électif pour la candidature aux concours externes de la fonction publique dits « troisièmes concours ». Il a exprimé la crainte que de l'article 5 de la proposition de loi ne résultent de possibles interférences avec les dispositions contenues dans le projet de loi, s'interrogeant notamment sur la rédaction proposée, qui pourrait être interprétée comme permettant non seulement les candidatures aux troisièmes concours, mais également une validation de l'expérience élective pour l'obtention de diplômes.

Faisant valoir que les tâches confiées aux élus locaux étaient de plus en plus lourdes et qu'ils devaient désormais assumer des responsabilités identiques à celles de chefs d'entreprise, M. Bernard Roman, président, s'est déclaré très favorable à toutes les dispositions permettant de valoriser l'expérience acquise au cours d'un mandat électif. Souscrivant entièrement aux propos du président, M. Jean-Yves Caullet a précisé qu'il souhaitait simplement appeler la vigilance de la Commission sur la mise en cohérence des décrets en Conseil d'Etat prévus à la fois dans le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et dans la proposition de loi en discussion aujourd'hui. Le rapporteur a conclu en soulignant que l'article proposé dans la proposition de loi se plaçait dans la stricte continuité des dispositions du projet de loi sur la résorption de l'emploi précaire. La Commission a ensuite adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 (art. L. 2123-13 et L. 2123-14 du code général des collectivités territoriales) : Droit des élus municipaux à la formation :

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. André Vallini, supprimant le paragraphe II de l'article relatif à la compensation intégrale des pertes de revenu du salarié suivant une formation dans le cadre de son mandat électif. Son auteur a jugé irréaliste le principe de la compensation intégrale des pertes de revenu, estimant que les charges qui en résulteraient pour les communes seraient extrêmement lourdes, notamment dans le cas d'élus exerçant une profession bénéficiant d'un haut revenu.

Rappelant que les crédits alloués à la formation étaient aujourd'hui sous-utilisés, le rapporteur a insisté sur le caractère primordial de cette formation, notamment dans le contexte actuel de renforcement des structures intercommunales, qui exigent de la part des élus locaux une spécialisation et une technicité accrues. Indiquant qu'il comprenait cependant les réticences de M. André Vallini au sujet d'un dispositif qui accroîtrait les charges des communes, il a plaidé pour l'instauration d'un fonds destiné aux élus locaux, susceptible de permettre ce principe de compensation intégrale. Il a regretté, à ce sujet, que le ministère de l'intérieur, qui a déjà été saisi de cette proposition, ne dispose pas de statistiques exhaustives permettant d'évaluer l'ampleur de l'effort financier qu'exigerait cette compensation intégrale.

M. André Vallini ayant observé qu'il serait préférable de prévoir, à la place du principe de compensation intégrale, un fonds de mutualisation des moyens, à l'identique de ce que suggère le rapporteur, ou un remboursement dégressif en fonction des rémunérations de l'élu, M. Bernard Roman, président, a considéré que le principe de la compensation intégrale irait à l'encontre de l'objectif recherché en grevant trop lourdement les finances communales. Il a ajouté que le dispositif existant, prévoyant un remboursement forfaitaire dans la limite de une fois et demie le SMIC, conjugué à la proposition du rapporteur de porter à dix-huit jours la période de formation susceptible d'ouvrir le droit à remboursement, paraissait suffisant. Suivant ses observations, la Commission a adopté l'amendement de M. Vallini supprimant le second paragraphe de l'article, rendant ainsi sans objet un amendement d'ordre rédactionnel présenté par le rapporteur. Puis elle a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 (art. L. 2123-18 du code général des collectivités territoriales) :  Remboursement des frais de garde d'enfants nécessités par l'exécution de mandats spéciaux :

La Commission a adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur, puis l'article 7 ainsi modifié.

Article 8 : Introduction des dispositions concernant les élus locaux salariés dans le code du travail :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. André Vallini, tendant à substituer à l'exigence du dépôt, dans un délai de trois mois, d'un projet de loi intégrant dans le code du travail les dispositions relatives au statut des élus locaux salariés, une demande de rapport portant sur l'état d'avancement de cette codification. La Commission, après avoir accepté, à la demande du rapporteur, de rectifier cet amendement, de façon à ce que le rapport porte sur les dispositions relatives aux élus « municipaux » et non pas « locaux » et qu'il soit présenté dans un délai de trois mois à compter de la « promulgation » et non pas de l'« adoption » de la loi, a adopté cet amendement. Un autre amendement, de portée rédactionnelle, présenté par le rapporteur, est alors devenu sans objet. Puis la Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9 : Gage financier :

La Commission a examiné un amendement tendant à la suppression de cet article présenté par M. André Vallini. Son auteur a estimé qu'il était difficile d'admettre que la charge de l'ensemble de ces propositions puisse être reportée sur l'Etat, à travers une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement ou de la dotation générale de décentralisation. Il a, d'ailleurs, observé qu'un tel choix serait contradictoire avec les orientations défendues par certaines collectivités locales qui se plaignent, dans le même temps, d'une tendance à la recentralisation et à la perte de leur autonomie. La Commission a adopté cet amendement.

Titre de la proposition de loi :

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à modifier le titre de la proposition de loi, afin que celui-ci fasse référence à l'accès aux fonctions « municipales » et non pas « locales ».

Puis elle a adopté l'ensemble de la proposition de loi.

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