Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (2000-2001)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 44

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 23 mai 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales (n° 3040) (deuxième lecture)


2

- Projet de loi organique relatif au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (n° 3042) (deuxième lecture)

2

- Projet de loi, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 3041) (rapport)


6

- Projet de loi relatif à l'accès aux origines personnelles (n° 2870) (rapport)

7

- Informations relatives à la Commission

16

La Commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de Mme Catherine Picard, la proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales (n° 3040).

Rappelant que cette proposition de loi, adoptée, par le Sénat, en deuxième lecture, le 3 mai dernier, résultait d'un travail approfondi et conduit par des députés et sénateurs de la majorité et de l'opposition, Mme Catherine Picard, rapporteure, a constaté que les positions des deux assemblées étaient désormais très proches. Elle a observé, en particulier, que les principes de la mise en place d'une procédure de dissolution judiciaire, d'une extension de la responsabilité pénale des personnes morales et de la capacité des associations de lutte contre les sectes à exercer les droits reconnus à la partie civile faisaient désormais l'objet d'un large accord. Revenant sur les travaux du Sénat, elle a indiqué que le principal changement par rapport au texte de l'Assemblée nationale était la substitution au délit de manipulation mentale d'un renforcement de l'« abus de faiblesse ». Elle a expliqué que la modification de l'article 313-4 du code pénal permettrait d'appréhender l'ensemble des préjudices matériels et moraux ainsi que la sujétion psychologique ou physique exercée sur certaines personnes. Elle a jugé très significatif le fait que l'initiative de l'Assemblée nationale ait provoqué le courroux des organisations sectaires, tout en indiquant que la solution retenue par le Sénat, d'ailleurs préconisée par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), recueillait son agrément. En revanche, elle a regretté la suppression, par le Sénat, de deux dispositions tendant à permettre aux maires d'interdire l'installation ou de refuser un permis de construire à une organisation sectaire à proximité de certains établissements sensibles, observant que, sur cette question, la réflexion devait être poursuivie. Elle a également précisé que la responsabilité pénale des personnes morales pour exercice illégal de la pharmacie, malencontreusement supprimée au Sénat mais souhaitée par les deux assemblées, serait réintroduite par voie d'amendement, dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.

Conformément à l'avis de la rapporteure, la Commission a adopté chacun des articles ainsi que l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

*

* *

La Commission a examiné en deuxième lecture, sur le rapport de M. Jacques Floch, le projet de loi organique relatif au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (n° 3042).

Le rapporteur a rappelé, à titre liminaire, qu'en alignant la carrière indiciaire des magistrats judiciaires sur celle des magistrats des tribunaux administratifs, le projet de loi organique permettait de répondre aux revendications exprimées, depuis de nombreuses années, par l'ensemble des organisations syndicales. Après avoir noté que vingt-neuf articles étaient venus s'ajouter, au cours de la navette, aux six articles initiaux du projet de loi organique, il a rendu hommage au travail effectué par les sénateurs.

S'agissant des apports de l'Assemblée nationale, approuvés par le Sénat, il a mentionné, tout d'abord, l'attribution aux procureurs généraux d'un pouvoir de saisine du Conseil supérieur de la magistrature aux fins de poursuites disciplinaires à l'encontre des magistrats du parquet, ce pouvoir de saisine répondant à une demande des organisations syndicales, ainsi que la publicité des audiences en la matière. Il a également évoqué l'augmentation du nombre de conseillers et d'avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation et l'instauration d'une procédure d'admission des pourvois en cassation, qui correspondent aux souhaits de son président. Observant que ce filtre était nécessaire pour faire face à l'augmentation du nombre de pourvois, notamment devant la chambre sociale, il a jugé souhaitable de réfléchir, en amont, à une éventuelle réforme du système prud'homal. Il a indiqué que la modification du mode de scrutin applicable pour la désignation des représentants des magistrats au sein du Conseil supérieur de la magistrature permettrait une représentation plus fidèle des différentes sensibilités présentes dans le corps judiciaire. Evoquant la limitation à sept ans de la durée d'exercice des fonctions de chef de juridiction dans un même tribunal de grande instance ou une même cour d'appel, il a considéré que cette disposition n'était pas contraire au principe constitutionnel d'inamovibilité des magistrats du siège, ce principe restant applicable pendant ce délai. Après avoir rappelé que l'ancienneté moyenne dans un poste par grade était inférieure à quatre ans, il a précisé que le Conseil supérieur de la magistrature tenait compte, dans ses décisions, de la mobilité effectuée. Il s'est félicité que le Sénat ait approuvé la disposition permettant de prendre en compte les années antérieures d'activité professionnelle des magistrats recrutés par les deuxième et troisième concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature ou ayant été nommés auditeurs de justice sur titre, avant d'indiquer que les sénateurs avaient également adopté sans modification les dispositions transitoires pour l'accès aux emplois hors hiérarchie, la date d'entrée en application des dispositions relatives à la limitation de la durée d'exercice de certaines fonctions juridictionnelles et la saisine pour avis de la Cour de cassation en matière pénale.

Puis, évoquant les modifications apportées par le Sénat, il a cité la limitation de la durée d'exercice des fonctions de procureur général près la cour d'appel, l'instauration de voies de concours complémentaires et l'interdiction de l'arbitrage. Quant à cette dernière procédure, il a estimé qu'il n'était pas souhaitable qu'elle puisse être mise en _uvre par des magistrats de l'ordre judiciaire qui pourraient, en cas d'échec, être appelés à statuer sur les mêmes affaires, ajoutant que cette interdiction était souhaitée par les organisations syndicales.

S'agissant des dispositions nouvelles introduites par le Sénat, il a évoqué, notamment, l'assouplissement des dispositions relatives aux magistrats placés, la limitation à dix ans de l'exercice de certaines fonctions juridictionnelles spécialisées, l'augmentation pour 2002 et 2003 de la part de magistrats pouvant être recrutés par concours complémentaires, la possibilité de suppléance des formations compétentes au Conseil supérieur de la magistrature ainsi que celle des directeurs des services judiciaires, la non-application aux magistrats de la loi Roustan sur le rapprochement des conjoints et, enfin, l'harmonisation de la loi sur la liberté de la presse avec le principe de publicité des audiences.

Tout en considérant que le projet de loi organique comportait quelques lacunes, le rapporteur a proposé, en conclusion, de l'adopter sans modification, soulignant qu'un vote conforme permettrait d'appliquer la loi au plus tôt.

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Pascal Clément a jugé que le délai de dix ans pour l'exercice des fonctions juridictionnelles spécialisées était beaucoup trop long et a souhaité réduire ce délai à sept ans, comme pour les chefs de juridiction, considérant qu'une durée réduite était le seul moyen pour les chefs de cour d'avoir une réelle autorité sur les magistrats.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa 1, du Règlement, Mme Marie-Thérèse Boisseau s'est interrogée sur la limitation de l'interdiction de l'arbitrage aux seuls magistrats de l'ordre judiciaire, estimant qu'il convenait, si l'on maintenait cette interdiction, de l'étendre également aux juges administratifs et aux juges consulaires. Elle s'est opposée à l'interdiction de l'arbitrage international, considérant qu'une telle pratique était nécessaire au rayonnement de la magistrature française.

Après avoir rappelé que ce projet de loi organique était attendu depuis de nombreuses années, le premier texte sur cette question ayant été déposé à l'automne 1996, M. Jean-Luc Warsmann a considéré qu'il aurait un impact positif sur la carrière des magistrats, se félicitant notamment de la disposition qui permet de prendre en compte l'expérience des magistrats recrutés au tour extérieur ou ayant été nommés auditeurs de justice sur titre. Il a néanmoins exprimé des réserves sur la nécessité d'adopter le projet de loi organique sans modification, estimant que la réflexion devait se poursuivre sur certains points, notamment sur la nécessité de compenser pour les procureurs généraux la limitation de la durée d'exercice de leurs fonctions ou sur la question de l'interdiction de l'arbitrage.

Après avoir jugé souhaitable de laisser l'arbitrage à d'autres personnes tout aussi qualifiées que les magistrats de l'ordre judiciaire, M. Robert Pandraud a rappelé qu'il demandait depuis de longues années la liste des commissions administratives comprenant des magistrats, considérant qu'une telle participation était inutile et empêchait ces mêmes magistrats d'être présents dans les juridictions.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur à apporté les précisions suivantes :

-  S'agissant des magistrats du parquet, afin d'améliorer les conditions de mise en _uvre de leur mobilité obligatoire, l'Assemblée nationale avait prévu, en première lecture, que les magistrats appelés à exercer les fonctions de procureur général d'une cour d'appel seraient nommés concomitamment au parquet général de la Cour de cassation. Toutefois, cette disposition présentait un risque d'inconstitutionnalité, puisque le Conseil supérieur de la magistrature, qui doit donner son avis pour les nominations d'avocats généraux à la Cour de cassation, aurait ainsi été conduit à se prononcer sur toutes les désignations de procureurs généraux dans les cours d'appel, ce qui ne relève pas de sa compétence actuelle. Cette situation met en lumière les inconvénients de l'interruption de la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature. Le Sénat a donc supprimé le principe de la nomination des procureurs généraux des cours d'appel comme avocats généraux de la Cour de cassation. Pour autant, les magistrats du parquet bénéficieront grâce à ce projet de loi, d'une amélioration sensible de leur situation matérielle.

-  Il n'est pas satisfaisant de laisser les magistrats en activité exercer des activités d'arbitrage. Les hauts magistrats qui, grâce à leur réputation, sont très sollicités, délaissent ainsi leurs fonctions. Toutes les personnes auditionnées à l'occasion de l'examen de ce projet étaient en accord sur ce point. L'interdiction de l'arbitrage devrait être étendue aux magistrats consulaires, aux juges administratifs ou aux membres des juridictions financières, mais ne peut l'être par le présent projet de loi organique, qui ne concerne que les magistrats judiciaires.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Les articles 2 quater A (nouveau) et 2 quater ont été adoptés sans modification.

Article 5 ter (nouveau) (art. 25-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958) : Prise en compte des années d'activité professionnelle antérieures pour les magistrats recrutés au second grade par intégration directe :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Claude Goasguen permettant la prise en compte de l'intégralité de l'expérience professionnelle des personnes recrutées en tant que magistrat par voie d'intégration directe, alors que le projet de loi la limite à deux ans. Hostile à cet amendement, le rapporteur a fait valoir que la commission d'avancement, lorsqu'elle fixe le grade et le groupe auquel l'intéressé est recruté, prend, de fait, en compte son expérience professionnelle. Il a, par ailleurs, indiqué que les magistrats recrutés par concours exceptionnel ne bénéficiaient pas eux mêmes de la reprise de l'intégralité de leur expérience professionnelle. Après que M. Pascal Clément, favorable à l'amendement, eut indiqué que la prise en compte de l'expérience professionnelle des personnes recrutées par voie d'intégration directe ne jouait pas pour le passage du deuxième au premier grade, la Commission a rejeté cet amendement. Puis elle a adopté cet article sans modification.

Article 6 bis : Application des dispositions relatives à la limitation de la durée d'exercice de certaines fonctions juridictionnelles :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 ter (art. 8 de l'ordonnance du 22 décembre 1958) : Interdiction de l'arbitrage privé :

La Commission a rejeté deux amendements présentés respectivement par M. Henri Plagnol et M. Claude Goasguen tendant à supprimer cet article, qui interdit aux magistrats en activité de participer à des arbitrages privés. Défendant ces amendements, Mme Marie-Thérèse Boisseau a considéré que l'interdiction de l'arbitrage ne devait pas être introduite uniquement pour les magistrats de l'ordre judiciaire.

La Commission a également rejeté un amendement présenté par M. Henri Plagnol précisant explicitement que, dans le cadre des dérogations individuelles au principe de l'incompatibilité des fonctions de magistrat avec toutes fonctions publiques et toute autre activité professionnelle, les magistrats peuvent être désignés comme arbitre unique ou comme arbitre tiers, ainsi que deux amendements du même auteur tendant à permettre aux magistrats de participer aux arbitrages internationaux.

La Commission a ensuite adopté cet article sans modification.

Les articles 6 quater (nouveau), 8 bis (nouveau), 9 quater (nouveau), 10 A, 10 B (nouveau), 11 ter (nouveau), 12 bis (nouveau), 12 ter (nouveau), 12 quater (nouveau) et 16 (nouveau) ont été adoptés sans modification.

Puis, la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jérôme Lambert, le projet de loi, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 3041).

Rappelant qu'il s'agissait de la troisième loi d'habilitation concernant l'outre-mer depuis le début de la législature, M. Jérôme Lambert, rapporteur, a précisé que cette habilitation, comme les précédentes, se justifiait par la complexité des procédures applicables outre-mer ; décrivant le caractère essentiellement technique des mesures envisagées par le Gouvernement dans le cadre de cette habilitation, destinées principalement à étendre l'application d'un certain nombre de textes à l'outre-mer, il a déploré que les contraintes inhérentes au droit outre-mer ne soient pas mieux prises en compte au moment de l'élaboration des projets de loi. Il a, néanmoins, considéré que les textes pris en vertu d'une habilitation avaient permis une remise à niveau et une modernisation rapide du droit ultra-marin, accompagnant ainsi les évolutions fondamentales que l'outre-mer connaît depuis 1997. Rappelant que le projet de loi initial se composait initialement de trois articles, le premier précisant le champ de l'habilitation, le second les modalités de consultation des assemblées locales et le dernier les délais d'adoption et de dépôt des ordonnances, le rapporteur a indiqué que le Sénat, qui a examiné le projet de loi le 3 mai dernier, avait adopté un article additionnel, indiscutablement sans lien avec le texte initial, supprimant l'institution du Congrès à la Réunion. Il a rappelé, à ce sujet, que le Congrès, créé par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, était destiné à être une instance de concertation entre le Conseil régional et le Conseil général spécifique aux régions monodépartementales. Reconnaissant que, lors de l'examen de la loi d'orientation pour l'outre-mer, la discussion avait exclu l'instauration d'un Congrès à la Réunion, puisque la bidépartementalisation de l'île était prévue simultanément, avec l'accord de l'ensemble des parlementaires réunionnais, il a observé que le retrait de l'article relatif à la bidépartementalisation avait conduit à doter de facto la Réunion d'un Congrès, ce que ne souhaitaient pas véritablement les élus réunionnais et la population, attachée au droit commun en matière d'organisation territoriale.

Enumérant les huit chefs d'habilitation énoncés à l'article premier, le rapporteur a rappelé que, sur le premier d'entre eux, concernant les transports intérieurs dans les départements français d'Amérique, une habilitation avait précédemment été autorisée par le Parlement, mais n'avait pu aboutir à une ordonnance dans le délai imparti en raison des négociations difficiles avec les syndicats de transporteurs dans ces départements. S'agissant de l'habilitation concernant Mayotte, il a précisé que les ordonnances auraient pour objectif de doter l'archipel d'un régime complet de protection sociale et d'un droit du travail adapté. Il a ajouté que le Sénat avait adopté, à la demande du gouvernement, un neuvième champ d'habilitation concernant l'armement des navires dans les TAAF.

M. Robert Pandraud a déploré ce recours constant à l'habilitation, qui revient à dessaisir le Parlement de sa compétence ; s'agissant notamment de l'habilitation concernant Mayotte, il a rappelé qu'un projet de loi réformant le statut de l'archipel était actuellement en cours de discussion au Parlement et s'est interrogé sur les possibilités d'introduire dans ce projet de loi les mesures que le Gouvernement s'apprêtait à prendre dans le cadre des ordonnances. Il a estimé que seraient ainsi évitées les difficultés juridiques inhérentes à la nature des ordonnances, qui suscitent toujours de nombreux contentieux. Il a également déploré que le Gouvernement demande, à nouveau, une habilitation dans un domaine qui avait déjà fait l'objet d'une habilitation, pour lequel il n'a visiblement pas pu publier les ordonnances dans les délais imposés.

Ne souhaitant pas revenir sur l'habilitation demandée par le Gouvernement, qui présente, pour Mayotte notamment, un intérêt essentiel, M. Claude Hoarau s'est interrogé sur la portée juridique de l'amendement adopté au Sénat supprimant le Congrès à la Réunion. Il a considéré qu'il s'agissait, à l'évidence, d'un « cavalier législatif » qui encourrait, sans aucun doute, la censure du Conseil constitutionnel si le texte était déféré ; il a ajouté qu'il existait, sur le fond, un autre motif d'inconstitutionnalité dans la mesure où l'amendement introduisait, dans la catégorie des départements d'outre-mer, des spécificités entre ces départements. Il s'est, dès lors, interrogé sur les modalités du contrôle de constitutionnalité, qui permettent ainsi de laisser subsister des dispositions manifestement non conformes à la Constitution dans des textes dont on sait pertinemment qu'ils ne feront pas l'objet d'une saisine.

En réponse aux intervenants, le rapporteur, observant que les lois d'habilitation restaient peu nombreuses, a jugé que l'on ne pouvait donc évoquer un véritable dessaisissement du Parlement. S'agissant de l'habilitation relative à Mayotte, il a indiqué que, les ordonnances n'ayant pas encore été élaborées, leur insertion dans le projet de loi réformant le statut de Mayotte aurait dès lors retardé l'examen du projet. Il a également précisé que l'ordonnance réformant les transports intérieurs dans les départements français d'Amérique n'avait pu être publiée dans les délais en raison de l'hostilité des syndicats consultés sur l'avant-projet d'ordonnance.

La Commission a ensuite adopté les articles 1er A, 1er à 3, ainsi que le projet de loi sans modification.

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Puis la Commission a examiné, sur le rapport de Mme Véronique Neiertz, le projet de loi relatif à l'accès aux origines personnelles (n° 2870).

Présentant l'objet du projet de loi, Mme Véronique Neiertz, rapporteure, a relevé qu'il tendait à faciliter l'accès aux origines des personnes dont la mère a accouché anonymement ou dont l'acte de naissance ne mentionne pas le nom des parents ainsi que de celles que leurs parents ont remis au service de l'aide sociale à l'enfance en demandant la préservation du secret de leur identité. Puis elle a souligné que ce projet de loi ne tendait à remettre en cause ni l'adoption plénière et la sécurité des liens de filiation qu'elle procure, ni l'accouchement anonyme, auquel ont recours certaines femmes. Après avoir indiqué que l'étude réalisée en octobre 1999 par Mme Fériel Kachoukh pour le service des droits des femmes du ministère de l'emploi et de la solidarité avait permis de mieux connaître le profil et les motivations de ces femmes, elle a fait observer que, abordant modestement une question complexe, le projet de loi tendait à concilier le droit de tout parent à la protection du secret de son identité et celui de l'enfant adopté ou pupille de l'Etat d'accéder à ses origines, ce qu'elle a jugé être une véritable « gageure ».

Rappelant que la question de l'accès aux origines personnelles avait été longuement débattue lors de l'examen de la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption, elle a considéré que le Parlement avait adopté des dispositions permettant alors le meilleur équilibre entre les droits des parents à la discrétion et les aspirations des enfants à la connaissance de leurs origines. Mais, relevant que la position de ces derniers, comme celle des femmes ayant accouché anonymement et des parents adoptifs avait désormais évolué, que les conventions internationales invitaient à prendre davantage en compte les aspirations des personnes à la connaissance de leurs origines, tandis que les décrets d'application sur les modalités de recueil des renseignements dits « non identifiants », pourtant prévus par la loi du 5 juillet 1996, n'avaient jamais été publiés, elle a jugé qu'il convenait aujourd'hui de revoir la législation pour prendre en compte ces différents éléments.

Abordant les dispositions du projet de loi, la rapporteure a insisté sur le caractère novateur que constituait la création d'un Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, chargé de recevoir les demandes d'accès aux origines et les déclarations de levée du secret de l'identité des parents de naissance, de recueillir des éléments sur l'identité de ces derniers et de solliciter de leur part la levée du secret de leur identité. Après avoir considéré que ce dernier point permettait de commencer à organiser la réversibilité du secret des origines, elle a indiqué que le projet de loi, dans un souci d'équilibre entre les droits des uns et des autres, réaffirmait le droit des femmes à accoucher anonymement, tout en les invitant, à cette occasion à consigner leur identité sous pli fermé. Faisant état de la détresse des femmes qui accouchent anonymement, elle a souligné la nécessité d'améliorer leur accompagnement. A cet égard, elle a souligné tout l'intérêt d'instituer, comme le prévoit le projet de loi, des correspondants du Conseil national pour l'accès aux origines au sein des services départementaux, qui auraient également pour fonction de recueillir des renseignements sur l'enfant, jugeant cependant nécessaire que deux personnes, et non une comme le prévoit le projet de loi, exercent ces fonctions. Elle a ensuite rappelé que le projet de loi supprimait la possibilité qu'ont aujourd'hui les parents de remettre au service de l'aide sociale à l'enfance, leur enfant de moins d'un an en demandant la préservation du secret de leur identité, considérant que des pratiques de trafic d'identité qui semblent de plus en plus choquantes seraient ainsi évitées.

En conclusion, la rapporteure s'est félicitée que les amendements déposés par les différents groupes respectent l'équilibre délicat auquel le texte s'efforce de parvenir et a souhaité qu'ils soient examinés dans un esprit d'ouverture.

Intervenant au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, Mme Danielle Bousquet a indiqué que, tant d'un point de vue éthique que juridique, il importait de mettre l'accent sur l'expression de la volonté et du consentement de la mère comme de l'enfant. Elle a jugé qu'il ne serait pas souhaitable que la possibilité donnée à l'enfant de connaître ses origines personnelles aille à l'encontre de la volonté contraire exprimée par la mère. Soulignant à quel point le fait d'accoucher dans le secret constituait une situation douloureuse pour la mère, elle a insisté sur la nécessité de ne pas permettre à un enfant, à la recherche de ses origines personnelles, de faire ultérieurement irruption, sans son consentement, dans la vie de sa mère biologique. Observant, cependant, qu'en la matière, la mère - comme d'ailleurs l'enfant - était susceptible de changer d'avis au cours de sa vie, elle a ajouté qu'il était souhaitable que le législateur trouve un mécanisme permettant de vérifier si leurs volontés se rencontraient.

Mme Danielle Bousquet a ensuite fait part des recommandations adoptées par la Délégation aux droits des femmes tendant :

-  à maintenir la procédure de l'accouchement anonyme qui demeure le seul recours pour les femmes en très grande détresse ;

-  à offrir aux femmes qui y ont recours une information simple et complète sur les conséquences de leur acte, leur indiquant, notamment, qu'elles ont la possibilité de lever le secret de leur identité à tout moment, et non pas uniquement lors de l'accouchement ;

-  à mettre réellement en _uvre l'accompagnement psychologique et social au bénéfice des femmes, institué par la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption, qui peut inciter la mère à laisser à son enfant des éléments d'information sur son histoire, sans pour autant révéler son identité ;

-  à élargir la composition du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles à des associations de personnes confiées à l'adoption, de femmes et de familles adoptives ;

-  à confier à ce conseil national le soin d'harmoniser les pratiques des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance et la responsabilité d'élaborer le document d'information qui sera remis aux femmes ayant recours à la procédure de l'accouchement anonyme ;

-  à lui interdire de solliciter la levée du secret des origines personnelles de l'enfant - l'initiative ne devant relever que de la seule volonté des parents - sa mission exclusive devant être d'organiser le rapprochement des consentements entre la mère et l'enfant ;

-  à préciser que l'accès à la connaissance des origines personnelles ne pourra donner lieu à aucune action relative à la filiation, ni à fins de subsides, ni à indemnisation, sur quelque fondement que ce soit, au profit de qui que ce soit.

Jugeant que le législateur devait s'adapter à l'évolution des m_urs, M. Jean-François Mattei a constaté que ce qui n'avait pas été possible lors de l'adoption de la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption semblait le devenir aujourd'hui. Il a observé que l'objectif assigné au projet de loi constituait effectivement une gageure, puisqu'il semblait impossible de proposer une solution satisfaisante à la question de l'abandon d'un enfant par sa mère, qui constitue toujours un drame. Constatant que les sociétés occidentales contemporaines s'efforçaient de faciliter l'accès à leurs origines personnelles des enfants abandonnés, il a observé que, paradoxalement, le nombre des pays dans lesquels la procédure de l'accouchement anonyme était reconnue, ou en voie de l'être, progressait, évoquant, à cet égard, l'Italie, la Suisse, l'Autriche, le Luxembourg, l'Allemagne ou la Belgique. Rappelant que, depuis 1996, de nombreux rapports avaient été rendus sur ce sujet, certains préconisant purement et simplement la suppression de l'accouchement anonyme, tandis que d'autres présentaient des conclusions plus nuancées, il a jugé particulièrement positive la contribution à ce débat de la Délégation aux droits des femmes. Observant ensuite que, sur ce sujet, il n'existait pas de clivages partisans, il a fait part de sa volonté de contribuer à l'amélioration du projet de loi afin d'être en mesure de le voter. Par ailleurs, il s'est indigné que les décrets d'application de la loi du 5 juillet 1996 relatifs aux données non identifiantes n'aient pas encore été publiés, jugeant que cette situation témoignait de la volonté d'obstruction de certaines administrations. Evoquant, ensuite, le cas d'un enfant dont la mère avait accouché dans le secret et dont le père, n'avait pu, de ce fait, exercer une action en reconnaissance de paternité, il a appelé la Délégation aux droits des femmes à prendre également en compte la situation des pères et les droits liés à la paternité. Puis, il a observé que le titre du projet de loi n'était pas satisfaisant puisque le texte était relatif à l'accès aux origines personnelles des seuls enfants dont la mère a accouché anonymement ou dont le secret de la filiation a été demandé, à l'exclusion de ceux nés grâce à la procréation médicalement assistée avec un tiers donneur, dont la situation soulève également de graves problèmes qui ne sont cependant pas abordés par le présent projet de loi. Souhaitant, ensuite, mettre en évidence les difficultés auxquelles les médecins peuvent être confrontés, M. Jean-François Mattei a évoqué le cas d'une femme qui, après avoir eu recours à une assistance médicale à la procréation, avait souhaité la destruction de l'un des deux embryons implantés parce que l'échographie faisait apparaître qu'il était affecté d'une fente labio-palatine et, n'ayant pu l'obtenir du corps médical ni en France, ni au Royaume-Uni, avait décidé d'accoucher anonymement de cet enfant et de ne garder que l'autre jumeau. Il a conclu que de tels exemples faisaient ressortir la nécessité d'une intervention législative à la suite de l'arrêt « Perruche » de la Cour de cassation, qui a reconnu la responsabilité d'un médecin dans la naissance d'un enfant souffrant d'un handicap.

Faisant état du fait que se trouvaient dans sa circonscription de nombreuses personnes abandonnées à la naissance et prises en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, M. François Colcombet a souligné que, même très âgées, elles restaient préoccupées par la question de leurs origines, ajoutant que l'établissement, par les maires et les magistrats, de leurs états civils se heurtait souvent à de nombreuses difficultés. Observant que la sensibilité collective de la société s'était modifiée sur la question de l'accès aux origines personnelles, il a estimé qu'il était du devoir du législateur d'intervenir dans ce domaine, bien que les évolutions soient vraisemblablement amenées à se poursuivre. Puis, indiquant qu'il partageait l'indignation de M. Jean-François Mattei sur l'attitude des administrations qui s'arrogent le droit de ne pas appliquer la loi, il a jugé tout aussi critiquables les différences de comportement des travailleurs sociaux selon les départements. Il a estimé que le projet de loi était un texte courageux, qui marquait une avancée certaine. Il a, enfin, considéré que les évolutions en matière d'accès aux origines personnelles devraient se poursuivre, évoquant la réforme de l'adoption internationale ainsi que celle, à venir, des droits afférents à la paternité.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a reconnu l'utilité du projet de loi, observant qu'il tentait de trouver un équilibre entre les revendications des enfants et le droit de la femme. Soulignant qu'elle avait été frappée, au cours des auditions conduites par la Délégation aux droits des femmes, par la souffrance des personnes nées dans l'ignorance de leurs origines, elle a jugé indispensable de tout faire pour qu'elles puissent retrouver en partie leur histoire et indiqué qu'il serait nécessaire, parallèlement à l'adoption du projet de loi, de mettre en _uvre dans les maternités les moyens nécessaires pour entourer les femmes venant accoucher de façon anonyme et les encourager à consigner leur identité. Se référant aux propos tenus par M. Jean-François Mattei, elle a estimé que le rôle du père ne devait pas être minimisé et souhaité également que le titre du projet de loi soit modifié.

Mme Nicole Feidt a estimé que le projet de loi renforçait l'égalité de toutes les personnes en quête de leurs origines, en permettant une harmonisation des pratiques administratives, et assurait la conciliation de l'intérêt de l'enfant avec celui de la mère. Elle a souligné que la création d'un Conseil national pour l'accès aux origines personnelles constituait une novation utile qui devrait permettre d'engager un travail important en collaboration avec les départements. Elle a, par ailleurs, approuvé la suppression de la possibilité pour les parents de confier leur enfant de moins d'un an à l'aide sociale en demandant le secret de leur identité. Considérant que le projet de loi représentait un bon compromis entre le maintien du statu quo et la suppression de l'accouchement anonyme, en incitant la mère à laisser son identité, tout en maintenant la possibilité d'accoucher dans le secret, elle s'est enfin déclarée favorable aux dispositions favorisant la communication des documents en possession des organismes autorisés et habilités pour l'adoption.

Exprimant son hostilité résolue à la suppression de l'accouchement anonyme, M. Pascal Clément a marqué son accord avec le projet de loi qui encourage la mère à donner son identité sans, pour autant, l'y obliger.

Après s'être félicitée que les membres de la Commission soient unanimes pour reconnaître la nécessité de tenir compte des évolutions qui se sont faites sur cette question depuis 1996, d'une part, et pour respecter l'équilibre proposé dans le projet de loi, d'autre part, la rapporteure a confirmé que le texte ne remettait pas en cause l'anonymat des donneurs dans le cadre d'une procréation médicalement assistée, précisant qu'elle présenterait donc, d'ici la séance publique, un amendement sur le titre afin de lever toute ambiguïté à cet égard. Elle a également indiqué qu'elle présentait à la Commission un amendement précisant qu'aucune action en responsabilité ne pourra être engagée à l'encontre des parents de naissance qui auraient tu leur identité, afin d'éviter que les mères ne soient dissuadées de lever le secret par crainte d'une action judiciaire.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier (chapitre VI du titre IV du livre Ier du code de l'action sociale et des familles) : Institution d'un Conseil national pour l'accès aux origines personnelles :

- Art. L. 146-1 du code de l'action sociale et des familles : Compétence et composition du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles :

La Commission a adopté quatre amendements de la rapporteure, deux d'ordre rédactionnel, un troisième précisant la mission du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles et le dernier donnant à ce conseil un pouvoir de proposition et de consultation sur les mesures prises dans les matières relevant de sa compétence. Puis elle a été saisie d'un amendement de la rapporteure, de deux amendements de M. Jean-François Mattei et de deux amendements de M. Emile Blessig modifiant la composition du conseil national. La rapporteure a indiqué que la composition prévue par le projet de loi était déséquilibrée, parce qu'elle comportait un trop grand nombre de fonctionnaires, tandis que les associations de défense des droits des femmes et des droits des enfants étaient insuffisamment représentées. Elle a également souhaité que le conseil comprenne des personnes qualifiées représentant le monde médical. M. Jean-François Mattei s'est dit prêt à retirer ses deux amendements si le dispositif proposé par la rapporteure précisait explicitement qu'une des deux personnalités qualifiées appartiendrait au corps médical. M. Pascal Clément a estimé qu'il était nécessaire de limiter le nombre de fonctionnaires présents au sein du conseil, voire de les en exclure, afin de permettre aux associations et aux élus de s'impliquer pleinement dans le fonctionnement de cette institution. Jugeant qu'il n'était pas souhaitable d'exclure du conseil toute représentation des services de l'Etat, mais exprimant son accord pour la limiter au seul ministère des affaires sociales, la rapporteure a modifié son amendement en ce sens. Souscrivant à cette modification, Mme Marie-Thérèse Boisseau a, par ailleurs, considéré qu'il fallait préciser que les personnes qualifiées membres du conseil devraient exercer des fonctions médicales ou paramédicales. La rapporteure ayant également accepté cette proposition, la Commission a adopté l'amendement de la rapporteure ainsi modifié. En conséquence, M. Jean-François Mattei a retiré ses deux amendements tandis que les amendements de M. Emile Blessig devenaient sans objet.

- Art. L. 146-2 du code de l'action sociale et des familles : Demandes et déclarations adressées au conseil national :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteure précisant que la déclaration de levée du secret de l'identité formulée par le père et la mère de naissance ne peut concerner que chacun d'entre eux. Elle a ensuite adopté un amendement du même auteur autorisant les ascendants, descendants et collatéraux privilégiés des parents de naissance décédés à déclarer au conseil national leurs identités, en vue de leur communication éventuelle à l'enfant.

- Art. L. 146-2-1 du code de l'action sociale et des familles : Règles applicables aux demandes et déclarations adressées au conseil national :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-François Mattei précisant les conditions dans lesquelles la demande d'accès aux origines et la déclaration expresse de levée du secret doivent être formulées. M. Bernard Roman, président, ayant fait observer que cette disposition était de nature réglementaire, M. Jean-François Mattei a souligné que ce dispositif permettrait d'accélérer l'application de la loi, en évitant le risque d'une inertie administrative. S'agissant du cas où une déclaration de levée du secret concerne une personne ayant préalablement formulé une demande d'accès à la connaissance de ses origines, Mme Nicole Feidt a indiqué qu'elle avait déposé à l'article L. 146-4 un amendement ayant un objet similaire, tout en étant plus protecteur pour le demandeur, celui-ci devant être consulté pour savoir s'il maintient sa demande. M. Jean-François Mattei ayant accepté de retenir l'amendement de Mme Nicole Feidt et de modifier le sien en conséquence, la Commission l'a adopté, sous réserve d'une modification de coordination avec des dispositions précédemment adoptées.

- Art. L. 146-3 du code de l'action sociale et des familles : Eléments d'information recueillis par le conseil national :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteure tendant à prévoir la communication, par les établissements de santé, au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, des informations dont ils disposent sur les femmes ayant demandé à accoucher anonymement. Elle a rejeté, en revanche, un amendement présenté par M. Emile Blessig prévoyant la communication au conseil des éléments relatifs aux antécédents médicaux des parents. Puis la Commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure, ainsi qu'un amendement présenté par M. Jean-François Mattei prévoyant que le conseil est destinataire des renseignements transmis par une autorité étrangère dans le cadre d'une adoption internationale et des informations relatives aux identités des parents de naissance que détient un organisme d'adoption s'il cesse ses activités.

- Art. L. 146-4 du code de l'action sociale et des familles : Levée du secret :

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement présenté par la rapporteure proposant une nouvelle rédaction de l'article L. 146-4 du code de l'action sociale et des familles. Jugeant nécessaire de préciser les modalités selon lesquelles le conseil pourra entreprendre des démarches tendant à l'identification des parents de naissance et à la communication de ces renseignements aux personnes autorisées à en faire la demande, la rapporteure a proposé qu'elles émanent d'un membre dudit conseil ou de l'un de ses correspondants départementaux, que seul le consentement de chaque parent puisse permettre la levée du secret de leur identité, que celle des parents décédés puisse également être communiquée. Mme Danielle Bousquet a observé que l'amendement de la rapporteure laissait subsister l'une des ambiguïtés majeures de ce projet de loi, qui n'envisage jamais, de façon explicite, l'hypothèse d'un refus de la mère de révéler son identité. M. Jean-François Mattei a considéré que la possibilité d'irruption du conseil dans la vie privée des parents était effectivement l'un des aspects les plus sensibles de ce projet de loi. Il a estimé que demander à des parents, de nombreuses années après une naissance, de confirmer qu'ils ne veulent pas que leur identité soit communiquée, semblait peu opportun. Il a donc suggéré à la rapporteure de prévoir, au minimum, que la sollicitation de la levée du secret des origines personnelles devrait se faire dans le respect de la vie privée du père et de la mère. Il a également observé que l'ouverture d'un droit d'accès automatique aux origines personnelles en cas de décès de la mère de naissance pouvait constituer une violation de sa volonté d'anonymat exprimée de son vivant et ne prenait pas en compte les difficultés que cette révélation pouvait causer, le cas échéant, à ses autres enfants. M. Pascal Clément a insisté sur le danger qu'il y aurait à répondre à un enfant en quête de l'identité de ses parents que celle-ci figure dans son dossier mais que son père ou sa mère persiste à ne pas vouloir la lui révéler. Il s'est lui aussi déclaré choqué par la possibilité de communiquer l'identité d'une personne décédée lorsque celle-ci ne l'a pas souhaité de son vivant. Mme Marie-Thérèse Boisseau a approuvé ce point de vue et réaffirmé son opposition à une sollicitation extérieure, postérieure à la naissance, auprès du père ou de la mère, de la révélation de leur identité. Elle a considéré que cette démarche ne pouvait émaner que des parents eux-mêmes, jugeant que toute autre solution aurait pour effet d'inciter les mères, qui souhaitent conserver le secret de leur identité, à accoucher de façon totalement anonyme. La rapporteure a estimé que ces observations faisaient ressortir toute la difficulté de l'accès aux origines personnelles. Elle a indiqué qu'elle acceptait de modifier son amendement de façon à prévoir que la sollicitation de la levée du secret des origines personnelles devra se faire « dans le respect absolu de la vie privée du père et de la mère » et à supprimer la communication, de droit, de l'identité de la mère de naissance, lorsque celle-ci est décédée. En revanche, elle s'est prononcée en faveur du maintien de la possibilité, pour le conseil, de solliciter du père ou de la mère de naissance la levée du secret sur leur identité. Elle a considéré qu'il s'agissait de l'apport essentiel de ce projet de loi et souligné qu'il serait inutile de légiférer sur cette question si ce principe n'était pas reconnu. Elle a, par ailleurs, proposé d'intégrer dans la nouvelle rédaction de l'article L. 146-4 un amendement de Mme Nicole Feidt précisant qu'avant de communiquer à une personne ayant formulé une demande les informations qu'il aurait recueillies ultérieurement sur ses origines, le conseil doit s'assurer que celle-ci maintient sa demande. Enfin, elle a proposé de prévoir que le conseil communique à l'enfant qui a fait une demande d'accès à ses origines, l'identité des collatéraux, ascendants et descendants des parents de naissance, dès lors que ceux-ci auraient, de leur vivant, consenti à le levée du secret de leur identité. La Commission a adopté l'amendement ainsi modifié de la rapporteure.

- Art. L. 146-4-1 du code de l'action sociale et des familles : Absence d'effets de la levée du secret de l'identité en matière de responsabilité, de filiation et d'état civil :

La Commission a examiné deux amendements, l'un de la rapporteure et l'autre de M. Jean-François Mattei, tendant à écarter toute action en responsabilité à l'encontre des parents de naissance d'une personne à qui son identité serait révélée et précisant, pour l'amendement de M. Mattei, que le droit à la connaissance des origines personnelles est sans effet sur l'état civil et la filiation. Après avoir insisté sur le fait que faciliter l'accès aux origines personnelles ne devait pas conduire à des actions à l'encontre des parents biologiques, la rapporteure s'est ralliée au dispositif plus complet présenté par M. Jean-François Mattei, moyennant une adaptation rédactionnelle. La Commission a adopté l'amendement de M. Jean-François Mattei ainsi modifié.

- Art. L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles : Transmission par le ministère public des éléments figurant dans les actes de naissance d'origine d'enfants ayant été adoptés plénièrement :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure ainsi qu'un amendement présenté par Mme Nicole Feidt confiant au conseil national pour l'accès aux origines personnelles les pouvoirs attribués au Trésor public en matière de recouvrement des pensions alimentaires, afin de lui permettre de mener à bien ses missions.

La Commission a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Avant l'article 2 :

M. Jean-François Mattei a présenté un amendement disposant que toute personne née dans le secret de ses origines a droit à la connaissance de l'identité de ses parents, sous réserve de l'accord exprès donné par la mère ou le père de naissance pour la levée du secret. Après avoir insisté sur la nécessité de concilier le droit de toute femme enceinte d'être protégée et d'accoucher en sécurité et dans la confidentialité, et le droit de l'enfant à accéder à son histoire personnelle, M. Jean-François Mattei a retiré son amendement, estimant qu'il était déjà satisfait.

Article 2 (art. L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles) : Recueil de l'identité de la femme demandant à accoucher anonymement :

La Commission a examiné quatre amendements, l'un de M. Emile Blessig, l'autre de M. Jean-François Mattei et les deux derniers présentés par la rapporteure, chacun visant à améliorer la rédaction de l'article 2 du projet de loi, jugée insatisfaisante par l'ensemble des intervenants. M. Jean-François Mattei a estimé important que la mère, qui souhaite accoucher de façon anonyme, soit informée des aides qui lui sont offertes, des conditions de placements de l'enfant en vue de son adoption ainsi que des possibilités qu'elle a de lever ultérieurement le secret frappant la naissance de son enfant. Mme Marie-Thérèse Boisseau a jugé que le dispositif proposé par M. Jean-François Mattei était le plus complet et a insisté sur la nécessité de distinguer l'accouchement sous le secret de l'accouchement totalement anonyme. Intervenant en application de l'article 38, alinéa 1, du Règlement, M. Patrick Delnatte s'est interrogé sur l'opportunité de permettre à la mère de mentionner dans le formulaire l'identité du père, observant, en tout état de cause, qu'il faudrait faire référence au père présumé. La rapporteure a convenu que la rédaction de l'article 2 méritait d'être revue, insistant sur le fait que les femmes qui demandent le secret de l'accouchement devaient pouvoir donner des informations sur leur identité, tout en demeurant libres d'accepter ou non cette démarche. A l'issue de cette discussion, M. Bernard Roman, président, a suggéré qu'un accord soit trouvé sur une rédaction plus satisfaisante d'ici la tenue de la séance publique, proposant que, sous cette condition, l'article 2 soit adopté en l'état. Avec l'accord des différents intervenants, la Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article additionnel après l'article 2 (art. L. 224-6 du code de l'action sociale et des familles) : Placement de l'enfant dans une famille d'accueil agréée :

La Commission a adopté un amendement de M. Emile Blessig imposant que les enfants remis à l'aide sociale à l'enfance soient placés dans les meilleurs délais dans des familles d'accueil agréées, Mme Marie-Thérèse Boisseau ayant souligné l'intérêt d'éviter les ruptures dans la vie de l'enfant occasionnés par des placements successifs.

Article 3 (art. L. 223-7 du code de l'action sociale et des familles) : Correspondant départemental du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles - Obligation de communication des informations détenues par les organismes autorisés pour l'adoption sur les enfants ayant fait l'objet d'un accouchement anonyme :

Après que la rapporteure eut fait valoir qu'il était satisfait par l'amendement adopté par la Commission à l'article L. 146-4 du code de l'action sociale et des familles, Mme Nicole Feidt a retiré un amendement prévoyant que les professionnels désignés par les présidents de conseils généraux sollicitent la déclaration expresse de levée du secret par le père et la mère de naissance. Elle ensuite adopté un amendement de M. Jean-François Mattei portant au moins à deux le nombre de personnes désignées par le président du conseil général pour assurer les relations avec le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, pour organiser la mise en _uvre de l'accompagnement psychologique de la femme et pour recevoir, lors de la naissance, le pli fermé. En réponse à Mme Marie-Thérèse Boisseau qui estimait que deux personnes n'étaient pas suffisantes pour faire face à ces nouvelles tâches, la rapporteure a indiqué que l'amendement prévoyait « au moins » deux personnes. La Commission a également adopté deux amendements de M. Emile Blessig, l'un prévoyant la mise en place d'un accompagnement psychologique pour l'enfant, l'autre précisant que les personnes désignées par le président du conseil général devront suivre une formation, assurée par le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, leur permettant de remplir leur mission. La Commission a ensuite adopté un amendement de M. Jean-François Mattei, étendant à la santé des parents et à l'histoire originaire de l'enfant les informations éventuellement recueillies au moment de sa naissance, après que son auteur eut fait valoir que les origines personnelles ne concernaient pas seulement l'identité de l'enfant, mais aussi son histoire et la santé de sa famille, de telles informations pouvant être utiles en cas de maladie grave. Elle a également adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par la rapporteure, puis l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (art. L. 224-5 du code de l'action sociale et des familles) : Suppression de la possibilité pour les parents de remettre leur enfant âgé de moins d'un an à l'aide sociale en demandant le secret de leur identité :

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (titre IV du livre V du code de l'action sociale et des familles) : Application à Mayotte :

La Commission a adopté quatre amendements de la rapporteure, deux d'ordre rédactionnel, un troisième rectifiant un oubli de coordination dans le code de l'action sociale et des familles, et le dernier corrigeant une erreur de numérotation. Puis elle a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 (titre V du livre V du code de l'action sociale et des familles) : Application de la loi aux îles Wallis et Futuna - Coordinations :

La Commission a adopté deux amendements d'ordre rédactionnel présentés par la rapporteure, puis l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 (titre VI du livre V du code de l'action sociale et des familles) : Application de la loi à la Polynésie française - Coordinations :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure. Elle a ensuite adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8 (titre VII du livre V du code de l'action sociale et des familles) : Application de la loi à la Nouvelle-Calédonie - Coordinations :

La Commission a adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par la rapporteure, puis l'article 8 ainsi modifié.

Titre :

La rapporteure a indiqué qu'elle proposerait une rédaction nouvelle du titre du projet de loi dans le cadre de la réunion de l'article 88, en vue de préciser le champ d'application du texte.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

-  M. Bernard Derosier, rapporteur pour le projet de loi relatif à la démocratie de proximité et aux institutions locales ;

-  M. Camille Darsières, rapporteur pour sa proposition de résolution sur les régions ultrapériphériques et sur les propositions de règlement du Conseil (COM [2000] 774 final/E 1631, COM [2000] 791 final/E 1647) (n° 3035).

-  Mme Nicole Feidt, rapporteure pour la proposition de résolution de Mme Marie-Hélène Aubert et plusieurs de ses collègues, visant à la création d'une commission d'enquête relative au recensement des sites de stockage de munitions et d'armes chimiques de la première et de la deuxième guerre mondiale et aux dangers qu'ils présentent (n° 3037).

La Commission a ensuite procédé à la désignation des candidats à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne. Ont été désignés :

· membres titulaires : MM. Bernard Roman, Bruno Le Roux, Jean-Pierre Blazy, Jean-Luc Warsmann, Renaud Donnedieu de Vabres, Patrice Carvalho, Jean-Pierre Michel.

· membres suppléants : MM. Jacques Floch, Bernard Derosier, René Dosière, Michel Bourgeois, Mme Catherine Picard, MM. Estrosi, Claude Goasguen.

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