Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (2001-2002)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 octobre 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

Projet de loi de finances pour 2002 : Intérieur

- Audition de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur les crédits de son ministère pour 2002


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- Avis : Police

Sécurité civile

Administration générale et collectivités locales

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La Commission a procédé à l'audition de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur les crédits de son ministère pour 2002.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a tout d'abord souligné que l'évolution globale du budget de son ministère était, cette année encore, très favorable, ce qui constituait un soutien solide pour les politiques qu'il conduisait. Il a précisé que la partie strictement régalienne de ce budget, c'est-à-dire l'ensemble des crédits hormis les dotations aux collectivités locales et celles pour les élections, augmentait de 3,5 % pour atteindre 9,16 milliards d'euros (60 milliards de francs), ce qui permettrait au ministère de disposer de capacités nouvelles d'engagement financier d'un montant de plus de 472 millions d'euros (3 milliards de francs). Il a ajouté que le budget prévu autoriserait, outre le maintien des emplois de l'administration centrale et des préfectures, un recrutement important de policiers, de sorte que le ministère devrait compter l'année prochaine près de 190 000 emplois.

Rappelant que le Premier ministre avait accordé une priorité à la police nationale et à la sécurité de proximité, il a indiqué que les crédits correspondants dépasseraient pour la première fois 5 milliards d'euros (33 milliards de francs), soit une hausse de 3,5 % par rapport à l'année précédente. Il a observé que 3 000 nouveaux emplois seraient créés, dont 2 700 pour les personnels actifs et 300 pour les personnels administratifs et techniques, ce qui permettrait de généraliser la police de proximité, tout en réduisant le temps de travail. Il a précisé que 55 millions d'euros (361 millions de francs) de mesures catégorielles étaient prévus pour les gardiens de la paix, les officiers, les commissaires et les personnels administratifs et techniques. Il a également annoncé que les crédits de fonctionnement de la police nationale bénéficieraient d'une mesure nouvelle de 22,87 millions d'euros (150 millions de francs), qui seraient affectés à la protection des personnels et à l'acquisition de véhicules et matériels informatiques. S'agissant des dépenses en capital, il a indiqué que les capacités d'investissement pour l'informatique et les transmissions, comme pour l'immobilier, seraient maintenues avec plus de 0,21 milliard d'euros (1,4 milliard de francs) supplémentaires en 2002. Il a observé, à ce propos, que le déploiement d'ACROPOL serait effectué selon le calendrier prévu, tandis que le développement des antennes de sécurité et la rénovation du parc immobilier s'amplifieraient. Enfin, il a tenu à souligner que les crédits pour le logement social des policiers augmenteraient de 60 %, avec 12,20 millions d'euros (80 millions de francs). Au total, il a estimé que le budget de la police pour 2002 était comparable au plan Joxe lancé en 1985.

S'agissant des préfectures et de l'administration centrale, le ministre a indiqué que le Gouvernement avait décidé de stabiliser les emplois, des renforts ciblés étant prévus dans les services des préfectures qui en ont le plus besoin, notamment ceux responsables de l'accueil des publics défavorisés, du contrôle de légalité, de l'asile territorial et du contrôle de gestion. Il a souligné, par ailleurs, que le plan de requalification des emplois administratifs et techniques des préfectures allait s'accélérer, avec la création de 600 nouveaux postes d'adjoints administratifs, ajoutant que le projet de loi de finances prévoyait près de 125 millions de francs de mesures catégorielles pour les personnels placés sous l'autorité du directeur général de l'administration, les personnels des préfectures bénéficiant à eux seuls de plus de 100 millions de francs, afin de rapprocher leur régime indemnitaire de celui des autres services déconcentrés de l'Etat. Il a, enfin, fait remarquer que l'expérience de globalisation des crédits de préfecture, lancé pour trois ans en 2000, serait poursuivie, le champ de cette expérimentation devant s'étendre à quatre nouvelles préfectures.

Observant que la sécurité civile sortirait également renforcée du projet de budget, il a souligné que les crédits de fonctionnement de la direction de la défense et de la sécurité civiles, en augmentation, devraient atteindre 3,2 millions d'euros (209 millions de francs) en 2002. Il a expliqué que ces crédits serviraient d'abord à financer la modernisation du service de déminage, la mise en _uvre du plan de traitement des munitions anciennes et l'augmentation des rémunérations accessoires des métiers les plus difficiles, avec la création d'une prime pour les démineurs et l'achèvement de la réforme du régime indemnitaire des personnels navigants de la sécurité civile. Il a indiqué que les fonds prévus permettraient également de lancer, avec l'ensemble des élus parisiens et des départements de la petite couronne, un plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris prévoyant, sur six ans, environ 500 millions de francs supplémentaires, de renforcer la formation des officiers, grâce à la transformation de l'école nationale supérieure en véritable école d'application installée en province, et de renouveler la flotte d'hélicoptères, avec des crédits d'investissements portés à plus de 53,36 millions d'euros (350 millions de francs) en 2002. Rappelant que la direction de la défense et de la sécurité civiles occupait une place essentielle dans le dispositif de vigilance mis en place par le Gouvernement à la suite des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, il a annoncé, par ailleurs, que des crédits budgétaires supplémentaires seraient certainement inscrits dans la loi de finances rectificative de décembre.

Abordant la question des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, le ministre a souligné que le Gouvernement était soucieux de faire bénéficier les collectivités locales des fruits de la croissance et de leur garantir une évolution régulière de leurs ressources. Il a indiqué que le Premier ministre l'avait chargé, à cette fin, conjointement avec Laurent Fabius, d'élaborer un rapport sur la réforme des ressources des collectivités locales, afin d'accroître la péréquation des dotations et de rénover la fiscalité locale ; il a précisé qu'une note d'orientation avait été transmise, le 12 juillet dernier, au comité des finances locales et aux commissions parlementaires, afin que ceux-ci lui fassent part de leurs suggestions. Dans l'attente d'une réforme d'envergure, il a expliqué que le projet de budget permettrait, conformément à l'engagement du Premier ministre, de prolonger pour l'année 2002 le contrat de croissance et de solidarité, le montant de l'enveloppe normée s'établissant à 28,7 milliards d'euros (188,3 milliards de francs), tandis que la dotation globale de fonctionnement connaîtrait une croissance de 4,07 % par rapport à l'année précédente. Il a indiqué, par ailleurs, qu'il assurerait la poursuite du financement de l'intercommunalité, puisque la dotation des communautés d'agglomération serait intégrée au sein de la dotation d'aménagement, augmentée en conséquence de 309 millions d'euros pour assurer le financement d'une DGF aux communautés d'agglomération. Enfin, il a observé que le budget accroîtrait la péréquation, puisque les dotations de solidarité rurale et urbaine bénéficieraient de majorations exceptionnelles, respectivement de 22,6 millions d'euros (150 millions de francs) et 122 millions d'euros (800 millions de francs). Il a précisé que la dotation de compensation de taxe professionnelle connaîtrait, pour sa part, une diminution de 2,43 %, tandis que les dotations globales d'équipement, la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges bénéficieraient d'une croissance de 1,7 %

En conclusion, le ministre a estimé que son ministère disposerait, pour 2002, d'un excellent budget traduisant l'attention que lui portait le Premier ministre.

Après avoir indiqué qu'en plus des auditions traditionnelles, il avait effectué des déplacements à Toulouse, dans le Val d'Oise, à la préfecture de police de Paris et dans le XIXe arrondissement de la capitale, M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis des crédits de la police, a annoncé que son rapport écrit comporterait deux parties, la première consacrée à l'analyse des crédits budgétaires et la seconde faisant un rapide bilan de la police de proximité et évoquant la question du terrorisme. Commentant le projet de loi de finances, il a souligné que l'augmentation prévue confortait celle des exercices précédents, observant qu'elle était supérieure au taux d'évolution moyen du budget général. Il a souligné que les 3 000 créations d'emplois prévues permettraient la généralisation de la police de proximité et la réduction du temps de travail, cette dernière perspective étant intégrée dans les mesures catégorielles et indemnitaires qui sont proposées par ailleurs. S'agissant des crédits de paiement d'équipement, qui reculent de 14,2 % par rapport à l'année précédente, il a observé que cette baisse devait être relativisée, les reports étant, comme chaque année, très importants. Il a ensuite souligné l'augmentation des autorisations de programmes, qui progressent de près de 4 %.

Détaillant les mesures applicables aux personnels, il a expliqué que les montants inscrits en loi de finances permettraient de poursuivre la refonte du régime indemnitaire des agents du corps de maîtrise et d'application (ACMA), d'étendre la qualification d'officier de police judiciaire à 1 000 agents de ce corps, d'améliorer la carrière et le régime indemnitaire du corps de commandement et d'encadrement et de mettre en _uvre diverses mesures au bénéfice des commissaires et des autres catégories de personnel. Abordant la question de la mise en _uvre de la « nouvelle bonification indiciaire ville », il s'est inquiété des modalités d'application de ce dispositif, soulignant que celles-ci risquaient de provoquer un sentiment d'incompréhension et de dévalorisation chez les personnels qui n'en bénéficieraient pas.

Il a observé que, sur les 3 000 créations d'emplois prévues, 1 000 concernent des agents qui sont d'ores et déjà en formation et devraient ainsi pouvoir rejoindre les services actifs dès le début de l'année prochaine. Après avoir souligné les difficultés de recrutement des adjoints de sécurité, il a constaté que la sortie du dispositif se passait dans de bonnes conditions, rappelant que 5 000 d'entre eux avaient déjà réussi le concours de la police nationale. Tout en se félicitant de l'effort de recrutement sans précédent qui devrait résulter du projet de budget, il a reconnu qu'il existait dans certaines régions, notamment en Ile-de-France, une tension sur les effectifs, en raison notamment de la multiplication des missions attribuées à la police nationale, de la mise en place de la police de proximité et de la rotation trop rapide des personnels. Après avoir observé que le niveau élevé des départs à la retraite se poursuivrait jusqu'en 2004, puis diminuerait régulièrement, avant d'atteindre un niveau moyen vers 2010, il a estimé que ce dossier illustrait l'imprévoyance de la majorité précédente, qui n'a rien fait pour anticiper ces départs. Il a également souligné l'effort du Gouvernement en faveur de la généralisation des logements de fonction des policiers.

En conclusion, il s'est félicité de ce budget en augmentation, qui permet de poursuivre les différentes réformes engagées, tout en souhaitant que le ministre puisse obtenir, dans le cadre de la loi de finances rectificative, un complément de financement pour assurer, notamment, la mise en _uvre dans de bonnes conditions de la réduction du temps de travail dans la police nationale.

M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis des crédits de la sécurité civile, a tout d'abord insisté sur le contexte difficile dans lequel se déroule la présente discussion budgétaire, rappelant que plusieurs catastrophes de grande ampleur et l'actualité récente avaient démontré la diversité et la dangerosité des risques ainsi que la fragilité de notre société ; en outre il s'est fait l'écho de l'inquiétude de nombreux élus au sujet des difficultés organisationnelles, techniques et financières rencontrées dans le cadre de la mutation des services d'incendie et de secours, évoquant les modifications législatives en cours de discussion ou seulement annoncées.

Il a relevé le décalage existant entre un budget structurellement inchangé depuis quatre ans et essentiellement destiné aux moyens d'intervention de l'Etat qui, avec 1% des effectifs budgétaires du ministère de l'Intérieur et 1,6 milliard de francs, dont le quart est affecté aux services de secours de la ville de Paris, demeure particulièrement limité et les sommes consacrées par les collectivités territoriales au financement des services départementaux d'incendie et de secours, qui s'élèvent à près de 16 milliards de francs. Relevant l'immense champ d'intervention de la sécurité civile, il a regretté qu'elle demeure le parent pauvre du budget du ministère de l'Intérieur.

Evoquant le projet de loi à venir sur la sécurité civile, dont le Premier ministre a récemment exposé les grandes lignes, et rappelant l'opportunité de l'échelon zonal pour faire face à des crises de grande ampleur, il s'est interrogé sur les missions et le statut des personnels du futur établissement public de zone et s'est inquiété de la part que prendrait l'Etat dans son financement. Revenant sur les difficultés rencontrées par les services départementaux d'incendie et de secours, il a interrogé le ministre sur les aides financières susceptibles d'être mises en _uvre, tels que les prêts bonifiés à long terme annoncés par son prédécesseur, ou reconduites, comme la DGE destinée au financement des services départementaux d'incendie et de secours. Il a également souhaité connaître les modalités d'organisation du travail chez les sapeurs-pompiers.

Après avoir regretté la pérennisation d'une situation transitoire en attendant une grande réforme de la sécurité civile, il a plaidé pour un engagement de l'Etat à la hauteur de la multiplicité, de la diversité et de la gravité des risques, qui pourrait au moins se traduire par sa prise en charge de la formation, des transmissions et des structures interdépartementales.

M. René Dosière, rapporteur pour avis des crédits de l'administration générale et des collectivités locales, a exprimé sa satisfaction à l'égard d'un budget qui, pour l'année 2002, se révèle excellent, puisque l'administration générale, comme l'administration territoriale, connaissent une stabilisation de leurs effectifs, avec une revalorisation substantielle du régime indemnitaire des agents.

S'agissant des dotations aux collectivités locales, il a observé que le montant de la DGF connaîtrait cette année une progression exceptionnelle de 4,07 %, à laquelle s'ajouteraient des majorations pour la dotation d'aménagement, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale. En dépit de cette progression tout à fait satisfaisante, il a plaidé pour une réforme de la DGF, estimant que la réforme de l'intercommunalité exigeait une remise à plat des critères de répartition entre les différentes composantes de cette dotation. S'agissant des crédits de l'administration territoriale, il a souhaité réitérer ses remarques, faites l'année précédente, sur le nombre excessif de préfets hors cadre, les réponses obtenues auprès du ministère restant ambiguës sur le sujet.

Puis il a évoqué la mise en place de crédits globalisés pour les préfectures, présentée comme une véritable révolution dans les modes de gestion publique, et plaidé pour une généralisation rapide du dispositif. Il a abordé également la question de sous-administration que connaît la région parisienne et les zones fortement urbanisées par rapport aux zones rurales, qui comptent, par rapport à leur population, un nombre d'agents de préfecture bien supérieurs.

Il a conclu en indiquant qu'il entendait évoquer dans son avis budgétaire les crédits destinés aux cultes en Alsace-Moselle. Rappelant qu'ils assuraient, selon le Conseil d'Etat, un service public, il s'est déclaré convaincu, à la suite d'un déplacement réalisé à Strasbourg, que le régime concordataire était vécu dans ces régions de façon non conflictuelle, démontrant ainsi que la République n'a pas besoin d'être uniforme pour être forte. Evoquant l'ignorance totale qui existait à propos de ce régime particulier, il a regretté qu'il ne soit pas porté davantage attention à l'évolution de ces crédits, certaines indemnités n'ayant pas fait l'objet de revalorisation depuis de nombreuses années.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa 1er, du Règlement, M. Christian Estrosi a estimé, à titre liminaire, que le budget présenté ne prenait pas la mesure de l'augmentation de la délinquance enregistrée ces derniers mois. Après avoir fait part de son admiration pour le courage montré quotidiennement par les policiers, il a regretté que la justice assure, trop souvent, l'impunité des délinquants arrêtés par la police et relevé l'absence, de plus en plus prégnante, de repères chez les jeunes. Il s'est ensuite inquiété de la répartition des 2 700 emplois créés sur le terrain, se demandant s'ils seraient exclusivement affectés aux zones urbaines, actuellement en sous-effectifs, ou répartis sur tout le territoire de manière proportionnelle. Après avoir réfuté l'analyse selon laquelle les gouvernements de droite seraient les seuls responsables du problème posé par les départs à la retraite, il a exprimé la crainte que les recrutements proposés ne suffisent pas à compenser ces départs. Il a regretté que les événements du 11 septembre ne soient pas pris en compte dans le projet de loi de finances, s'interrogeant notamment sur le coût supplémentaire engendré par le plan Vigipirate. Evoquant les services départementaux d'incendie et de secours, il a souhaité savoir si les conseils généraux, qui prendraient en charge une partie des dépenses des municipalités, pourraient bénéficier, tout au moins partiellement, des crédits actuellement attribués à ces dernières, soulignant qu'en l'absence d'une telle compensation, les conseils généraux seraient amenés à différer cette prise en charge. Il a enfin interrogé le ministre sur la mise en place des structures intercommunales, se demandant si les dotations prévues seraient suffisantes pour répondre, au 1er janvier prochain, à toutes les demandes.

Après avoir contesté le caractère de priorité nationale du budget de la police, M. Francis Delattre a considéré que les 3 000 emplois proposés ne seraient pas suffisants pour faire face à l'augmentation de la délinquance, ni même pour assurer la mise en place des 35 heures, qui nécessiterait - a-t-il estimé - au moins 10 000 emplois. Rappelant que les adjoints de sécurité représentaient environ 15 % des effectifs des policiers, il s'est demandé si ce pourcentage permettait effectivement aux équipes de terrain de fonctionner convenablement. Il a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de corriger le déséquilibre géographique actuel dans la répartition des effectifs de police lors de l'attribution de nouveaux postes ou à l'occasion des départs en retraite. Evoquant la police de proximité, il a considéré que les effectifs actuels étaient insuffisants et souffraient d'un manque de formation, mettant en cause la crédibilité de cette réforme. Il a ensuite souhaité savoir dans quel délai ACROPOL serait déployé sur l'ensemble du territoire national, estimant que ce plan était déterminant pour assurer une réelle sécurité des communications. Evoquant, enfin, les problèmes spécifiques à la région parisienne, il a demandé si le fonds de garantie continuait à fonctionner, considérant qu'il était essentiel de favoriser la résidence sur place des policiers, avant de regretter la faiblesse des crédits consacrés au logement social. Il a également souhaité que le ministre fasse le point sur la politique de régionalisation des concours, observant que c'était un moyen d'enraciner plus durablement les policiers dans l'agglomération parisienne, ainsi que sur la régionalisation des dotations de fonctionnement.

M. Bruno Le Roux a considéré que le budget présenté par le ministre de l'intérieur, et les réformes importantes engagées dans la police nationale, en particulier la mise en place de la police de proximité, témoignaient de la priorité accordée par ce Gouvernement à la sécurité des Français, jugeant ces deux réalités, budgétaire et doctrinale, complémentaires. Il a estimé, toutefois, qu'il ne fallait pas occulter les contraintes qui pèsent sur les effectifs de la police et donc sur la généralisation, dans de bonnes conditions, de la police de proximité, qui résultent de facteurs conjoncturels, liés à la mise en place du plan « Vigipirate renforcé » et à la sécurisation des transports de fonds dans la perspective du passage à l'euro, ou structurels, compte tenu du nombre important des départs en retraite et de la réduction prochaine du temps de travail. S'agissant des départs à la retraite qui interviennent depuis plusieurs années, il a jugé incontestable le fait que ceux-ci n'avaient pas été suffisamment anticipés par la majorité précédente, les recrutements ayant été interrompus à partir de 1994, pour n'être repris que par l'actuelle majorité. Dans ce contexte, il a souhaité que le ministre de l'intérieur bénéficie de dotations complémentaires et a indiqué que le groupe socialiste le soutiendrait dans ce sens. Il a estimé, par ailleurs, que certaines réformes mériteraient dans l'avenir d'être approfondies. Il a cité, en particulier, la question du rééquilibrage et du redéploiement fonctionnel de la présence policière sur la voie publique et plus particulièrement dans les zones sensibles. Il a également jugé, en ce qui concerne la gestion des effectifs et notamment des mutations, que les règles en vigueur devaient être respectées, observant qu'il était cependant difficile d'admettre que des départs massifs et non anticipés puissent totalement désorganiser le travail dans certaines circonscriptions de sécurité. En conclusion, il a considéré que, si certains budgets, comme celui proposé pour 2002, confortaient la police nationale, le discours de l'opposition en faveur d'une municipalisation de la police nationale, qui s'est traduit par le dépôt de nombreux amendements dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, l'affaiblissait.

S'élevant contre une présentation caricaturale des intentions de l'opposition, M. Jean-Antoine Léonetti a tenu à préciser qu'elle n'était pas favorable à une municipalisation de la police nationale mais souhaitait seulement renforcer les compétences des maires, au contact des difficultés quotidiennes des citoyens, en matière de sécurité. Il a précisé que certains des amendements présentés dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne n'avaient pas d'autre objectif que d'ouvrir le débat et de permettre des expérimentations.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

-  La police nationale a effectivement été considérée comme une priorité dans le projet de loi de finances pour 2002. Elle bénéficiera l'année prochaine d'un très bon budget. Seule l'opposition refuse de reconnaître la forte progression de ses crédits, qui est pourtant saluée par tous, y compris par les syndicats représentatifs des différentes catégories de personnel, même si ces derniers ne cessent pas, pour autant, de faire valoir leurs revendications.

-  Le bilan de la mise en place de la police de proximité est très positif. La présence policière a été élargie en soirée et l'accueil du public amélioré, ce qui s'est d'ailleurs traduit par des dépôts et des enregistrements de plaintes plus fréquents.

-  3 000 créations d'emplois sont proposées cette année, dont 1 000 pour accompagner la généralisation de la police de proximité. Sur les 2 000 emplois restant, 300 concernent des postes administratifs, mais ils permettront de redéployer, corrélativement, un nombre équivalent de personnels actifs sur la voie publique. Les écoles de police tournent « à plein régime », 6 360 élèves gardiens de la paix étant actuellement en formation.

-  Il est exact, malgré tout, que les départs à la retraite font peser de fortes tensions sur les effectifs de la police, notamment en Ile-de-France. C'est la raison pour laquelle ce Gouvernement a procédé à de nombreux recrutements « en surnombre » au cours des exercices précédents. Les créations d'emplois précitées correspondent évidemment à des postes nouveaux, qui s'ajoutent au remplacement des policiers qui partent à la retraite.

-  La réduction du temps de travail dans la police recouvre aussi un enjeu important qui soulève de nombreuses questions. Les négociations se poursuivent actuellement autour d'une solution mixte, conjuguant du « temps libéré », des emplois nouveaux et des mesures indemnitaires. Le coût définitif de cette réforme n'est pas encore connu, mais sa mise en _uvre devra nécessairement tenir compte des délais inhérents à la formation des nouveaux agents, de la saturation des places disponibles dans les écoles et de la nécessité de maintenir, voire d'accroître, la capacité opérationnelle de la police.

-  Le mouvement d'externalisation de certaines tâches devra être poursuivi, en particulier en ce qui concerne l'entretien du parc automobile. Il permet aussi de renforcer la présence policière sur la voie publique.

-  La mise en place récente du plan « Vigipirate renforcé » mobilise fortement les services de police, y compris les unités mobiles, qui sont également présentes sur le terrain. Les dotations nécessaires pour faire face aux nouvelles dépenses liées au dispositif de prévention du terrorisme ne pouvaient figurer dans le projet de loi de finances pour 2002, celui-ci ayant été élaboré avant l'été. Des moyens supplémentaires devront être prévus dans la loi de finances rectificative.

-  La part des adjoints de sécurité dans le total des effectifs de la police est importante, mais il convient de se féliciter que leur recrutement ait plus que compensé le départ des policiers auxiliaires. De surcroît, on ne peut prétendre que le ratio ADS/policiers actifs se détériore, de nombreux emplois actifs étant créés par ailleurs. Enfin, les adjoints de sécurité apportent beaucoup à la police nationale et finissent souvent, d'ailleurs, par intégrer ses rangs, plus de 5 000 d'entre eux ayant réussi, à ce jour, le concours de gardien de la paix.

-  La fidélisation des agents dans les zones urbaines, et plus particulièrement en région parisienne, est difficile. Une prime « Ile-de-France » a été instituée à cet effet dans le cadre de la réforme du régime indemnitaire des agents de maîtrise et d'application. De plus, le projet de budget pour 2002 majore fortement les crédits destinés à réserver des logements pour les policiers et à apporter des garanties de loyers à des propriétaires privés.

-  Le projet de loi de finances pour 2002 poursuit les réformes engagées en ce qui concerne les régimes indemnitaires des personnels, notamment celui des agents du corps de maîtrise et d'application. La réflexion autour des questions statutaires et indemnitaires devra se poursuivre à l'occasion des prochains exercices. En revanche, la mise en place de la « nouvelle bonification indiciaire ville » devra faire l'objet d'une réflexion approfondie.

-  L'organisation d'un concours régionalisé pour les circonscriptions de Paris et Versailles, qui a lieu chaque année depuis dix ans, n'est pas remise en cause.

-  Des moyens importants sont prévus cette année encore pour le déploiement du réseau ACROPOL. Sa généralisation sera achevée en 2007, conformément au nouveau calendrier arrêté l'année dernière pour privilégier les zones sensibles.

-  La police a besoin de savoir que les réformes en cours seront poursuivies dans la durée, en particulier la mise en place de la police de proximité dans le cadre d'une approche privilégiant la « coproduction » en matière de sécurité. Elle doit être rassurée quant à la pérennité de son statut, alors que l'opposition défend, dans les amendements qu'elle présente de façon récurrente, sa municipalisation, et donc son démantèlement.

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-  S'agissant de la sécurité civile, si le budget n'a pas considérablement évolué depuis quatre ans, en raison même du mode de financement des services départementaux d'incendie, qui incombe aux collectivités territoriales en application de la loi, l'Etat assume, cependant, ses obligations, comme en témoignent la modernisation engagée de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le renouvellement de la flotte d'hélicoptères. De même, des secours d'urgence ont pu être alloués à la suite des inondations, de l'accident de Toulouse ou des opérations de déminage de Wimy, les mesures appropriées étant souvent prises dans le cadre de lois de finances rectificatives.

-  La définition du financement des structures zonales serait, quant à elle, déterminée par le futur projet de loi sur la sécurité civile.

-  Quant à la dotation globale d'équipement prévue jusqu'en 2002, il n'y aura pas de désengagement de l'Etat, celui-ci assumant ses responsabilités.

-  Il est prévu, dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, une stabilisation - jusqu'en 2006 - de la participation des communes au financement des SDIS. Les départements devront ensuite, à partir de cette date, prendre en charge l'ensemble du financement.

-  Un décret cadre relatif à la durée du travail chez les sapeurs-pompiers, sur lequel toutes les organisations syndicales, à l'exception d'une, se sont prononcées favorablement, vient d'être soumis à l'examen du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

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-  Dans le contexte actuel de modernisation des préfectures, l'intérêt manifesté par M. René Dosière, rapporteur pour avis des crédits de l'administration générale et des collectivités locales, pour les services préfectoraux est très utile ;

-  L'effectif des préfets hors cadre n'est pas défini par le ministère de l'intérieur, mais dépend de décisions discrétionnaires prises en conseil des ministres ; depuis le début de l'année, l'intégralité des préfets hors cadre a reçu une affectation ou une mission de service public.

-  Le manque d'effectifs dans les services préfectoraux des zones urbaines, et notamment en Ile-de-France, doit faire l'objet d'un examen attentif avec les préfets concernés et les organisations syndicales, afin que les besoins en personnel soient évalués en tenant compte des contraintes spécifiques qui pèsent sur ces zones ; à titre d'exemple, la préfecture du Nord a reçu quarante cinq nouveaux agents entre les mois d'avril et de septembre de cette année.

-  Les sommes nouvelles dégagées pour améliorer le régime indemnitaire des agents des préfectures permettront la remise à niveau des indemnités versées dans les préfectures les moins favorisées ; des efforts spécifiques ont, par ailleurs, déjà été entrepris au profit des personnels de l'Ile-de-France et des autres zones urbanisées.

-  Le financement de l'intercommunalité, et notamment de la création de communautés d'agglomération, a nécessité la reconduction d'une majoration exceptionnelle, intégrée dans la dotation d'aménagement.

-  S'agissant des concours de l'Etat aux finances locales, une note d'orientation a été remise à tous les élus locaux en juillet. Elle servira de base à une prochaine réforme des finances locales.

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Après le départ du ministre, la Commission a procédé à l'examen pour avis des crédits du ministère de l'intérieur pour 2002.

Conformément aux conclusions de ses rapporteurs pour avis, MM. Jean-Pierre Blazy, pour la police, et René Dosière, pour l'administration générale et les collectivités territoriales, et contrairement à celles de M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'intérieur pour 2002 : police, sécurité civile, administration générale et collectivités locales.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement présenté par M. Bruno Le Roux, portant article additionnel après l'article 73 et destiné à être rattaché à la discussion des crédits de l'intérieur et de la décentralisation. Indiquant qu'il s'agissait de prendre en compte, parmi les critères d'éligibilité à la dotation de fonctionnement minimale des départements, le nombre de logements sociaux, M. Bruno Le Roux a estimé que les critères actuels favorisaient de manière excessive les départements ruraux. Il a jugé indispensable d'ouvrir, sur ce sujet, le débat en séance avec le Gouvernement, afin d'exprimer clairement une volonté de rupture avec le dispositif actuel fondé sur des critères inadéquats, compte tenu des charges assumées par certains départements urbanisés.

Tout en convenant que les critères retenus pour la répartition de la dotation de fonctionnement minimale privilégient les départements ruraux, alors même que les départements plus urbanisés doivent faire face à des charges spécifiques, M. René Dosière, rapporteur pour avis des crédits de l'administration générale et des collectivités territoriales, a jugé cet amendement quelque peu prématuré par rapport au projet de réforme des finances locales annoncé par le Gouvernement. Il a souhaité que, dans le cadre de cette réforme, qui devrait intervenir au plus tard en 2004, soient revus ces critères de répartition.

Déclarant partager l'analyse de M. René Dosière sur le caractère prématuré de l'amendement, M. Bernard Roman, président, a rappelé que, dans le cadre de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de l'intercommunalité, avaient été mis en place des dispositifs de péréquation retenant le critère de revenu fiscal par habitant, qu'il a jugés beaucoup plus modernes et ambitieux que ceux retenus dans l'amendement présenté par M. Bruno Le Roux. Précisant que les critères de péréquation définis dans la loi sur l'intercommunalité avaient été établis dans l'absolu, avant que les communes qui en seraient bénéficiaires ne soient connues, il a souhaité que l'amendement présenté aujourd'hui réponde à la même exigence de neutralité, jugeant nécessaire que, derrière la modélisation, il n'y ait pas de projections. Il a jugé, en définitive, que la proposition de M. Bruno Le Roux s'éloignait de l'objectif de péréquation retenu notamment pour l'intercommunalité, et s'est déclaré, en conséquence, défavorable à l'amendement.

Regrettant de ne pouvoir disposer de simulation sur un amendement de cette importance, M. Francis Delattre a estimé, néanmoins, que le critère du nombre de logements sociaux, proposé par l'amendement, ne semblait pas pertinent pour évaluer la richesse d'un département. Tout en réitérant ses réserves sur le présent amendement, le rapporteur pour avis a indiqué qu'il serait néanmoins intéressant d'interroger le Gouvernement sur ses intentions en la matière.

La Commission a ensuite adopté l'amendement présenté par M. Bruno Le Roux.


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