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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 20

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 22 janvier 2002
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de loi modifiant la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion (n° 3540) et proposition de loi relative aux conditions de publicité des résultats de sondages de nature électorale (n° 2708) (rapport)



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- Proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui (n° 3522) (rapport)


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- Proposition de loi complétant la loi du 15 juin 2000 (n° 3539) (amendements)

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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bernard Derosier, la proposition de loi modifiant la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion (n° 3540) et la proposition de loi relative aux conditions de publicité des résultats de sondages de nature électorale (n° 2708).

M. Bernard Derosier, rapporteur, s'est d'abord réjoui que sa proposition de loi relative aux conditions de publicité des sondages électoraux, déposée avec les membres du groupe socialiste en novembre 2000 vienne, en définitive, à l'ordre du jour. Après avoir observé que l'évolution des technologies dans le domaine de la communication et de l'information avait rendu la loi du 19 juillet 1977 difficilement applicable, il a indiqué que le Gouvernement avait récemment décidé de déposer un projet de loi sur cette question pour mettre en conformité le droit et la réalité. Soulignant que le Conseil d'Etat et la Cour de cassation avaient appliqué la loi sans soulever d'objections juridiques jusqu'à une date récente, il a rappelé que la haute juridiction de l'ordre judiciaire était cependant revenue sur sa jurisprudence en estimant que l'interdiction de publier, de diffuser ou de commenter des sondages électoraux dans la semaine précédant le scrutin était incompatible avec la Convention européenne des droits de l'Homme. Pour cette raison il a considéré qu'il était nécessaire de s'orienter vers la réduction du délai d'interdiction prévu par la loi, tout en soulignant que celle-ci ne permettrait pas de régler le cas de la diffusion d'informations sur les sites internet à compter de la veille du scrutin. Rappelant que le Sénat avait adopté une proposition de loi sur cette question le 17 mai 2001 et avait introduit ces dispositions dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité par voie d'amendement, il a souhaité que les deux assemblées puissent trouver rapidement un terrain d'entente sur cette question. Il a fait part de son intention de déposer des amendements renforçant la transparence en matière d'élaboration des sondages d'opinion, après avoir procédé préalablement à une concertation avec le rapporteur de la commission des Lois du Sénat pour permettre un vote conforme du projet de loi. Annonçant que la Commission serait éventuellement saisie de ces amendements au cours de la réunion prévue par l'article 88 du Règlement, il a demandé à la Commission d'adopter dans l'immédiat le projet de loi sans modification.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Articles 1er (art. 3 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977) : Délai de dépôt de la notice relative aux conditions d'élaboration des sondages, 2 (art. 11 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977) : Interdiction de publication de diffusion ou de commentaires des sondages électoraux, 3 (art. 14 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977) : Application outre-mer, et 4 : Application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Puis la Commission a adopté le projet de loi sans modification.

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La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Christine Lazerges, la proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui (n° 3522).

La rapporteure a rappelé, en préambule, que le rapport de la mission d'information commune sur les différentes formes de l'esclavage moderne, déposé le 12 décembre dernier après neuf mois de travaux, démontrait clairement l'existence en France de phénomènes d'exploitation des êtres humains, qu'elle soit d'ordre sexuel ou par le travail. Infirmant la position de certains juristes internationaux pour qui l'absence d'incrimination spécifique de cette infraction de traite dans notre droit signifierait une certaine désuétude de la pratique, elle a indiqué qu'elle concernait en fait plusieurs milliers de personnes, la plupart du temps étrangères et en situation irrégulière. Après avoir estimé que cette réalité trop méconnue et mal combattue appelait une mobilisation ferme de la représentation nationale, elle a indiqué que les membres de la mission d'information, toutes tendances politiques confondues, avaient souhaité placer les victimes au c_ur d'une nouvelle politique.

Tout en précisant que la présente proposition de loi ne reprenait pas toutes les mesures suggérées par la mission - dont certaines, pourtant essentielles comme l'affectation de certains CHRS à l'accueil des victimes de la traite, ont un caractère réglementaire -, elle a indiqué que le texte visait essentiellement, par ses articles premier et 2, à mieux punir les trafiquants et à offrir un statut à ces victimes qui, pour certaines, ne peuvent envisager un retour dans leur pays par crainte de représailles des réseaux contre elles-mêmes ou leur famille.

Elle a conclu en exprimant la satisfaction, partagée avec M. Alain Vidalies, cosignataire de la proposition de loi et rapporteur de la mission, de voir les conclusions de la mission faire aussi rapidement l'objet d'un examen en commission et en séance publique.

Après avoir rappelé que la mission d'information s'était inspirée, dans ses conclusions, de la législation de deux pays membres de l'Union européenne, la Belgique et l'Italie, M. Alain Vidalies a souligné que la proposition de loi, reprenant ses recommandations, poursuivait un objectif humanitaire de protection des victimes, tout en s'attachant à améliorer l'efficacité de la lutte contre les réseaux. Il a indiqué, à cet égard, que le travail de la police était rendu particulièrement difficile par l'intégration internationale des réseaux, alors que la coopération internationale et communautaire est encore trop peu développée. Il a ajouté que la proposition de loi devrait permettre de changer le regard porté par l'opinion publique sur les enfants et les femmes victimes d'exploitation, en leur conférant le statut de victime, alors que le droit actuel en fait des délinquants au regard de la législation sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles.

Article 1er (art. 225-4-1 à 225-4-7 nouveaux du code pénal) : Définition et répression de la traite des êtres humains :

La Commission a examiné une proposition de modification proposée par la rapporteure portant sur la rédaction de l'article L. 225-4-1 nouveau du code pénal. La rapporteure a rappelé que cet article définissait la traite comme le fait de recruter, de transporter, en échange d'une rémunération, une personne pour la mettre à disposition d'un tiers afin de permettre la commission, contre cette personne, des infractions de proxénétisme, de conditions de travail ou d'hébergement contraire à sa dignité ou de tout autre crime ou délit. Elle a jugé l'expression « tout autre crime ou délit » trop vague, ajoutant que la rédaction proposée ne permettrait pas de sanctionner une personne qui en recruterait une autre au profit d'un tiers, afin que celle-ci commette elle-même des infractions pour le compte de ce tiers, puisque ces infractions ne seraient pas commises « contre la personne », mais « par » elle. Elle a donc suggéré de supprimer la référence à « tout autre crime ou délit » et de compléter la définition de la traite en mentionnant les délits d'agression et d'atteinte sexuelles et en englobant dans cette définition le recrutement ou le transport d'une personne par une autre au profit d'un tiers en vue de la contraindre à commettre un crime ou délit.

La Commission a adopté cette modification, ainsi qu'une autre modification proposée par la rapporteure pour l'article 225-4-2 du nouveau code pénal complétant la liste des circonstances aggravantes du délit de traite des être humains, lorsque l'infraction : expose la victime à un risque de mort ou de mutilation grave ; est perpétrée avec contrainte, violence ou man_uvres dolosives ; est commise par un ascendant ou personne ayant autorité sur la victime ou encore par une personne appelée à participer, par ces fonctions, à la lutte contre la traite ou au maintien de l'ordre public.

Puis, la Commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 : Octroi d'un titre de séjour aux victimes de la traite qui coopèrent avec la justice :

La Commission a adopté l'article 2 sans modification. La rapporteure a précisé que cet article permettrait d'octroyer aux victimes de la traite d'origine étrangère, qui accepteront de coopérer avec la police, un titre de séjour temporaire, renouvelable jusqu'à l'issue de la procédure engagée, puis, sous certaines conditions, une carte de résident à l'issue de celle-ci. Elle a ajouté que ces dispositions iraient de pair avec la mise en place de quatre ou cinq centres d'hébergement et de réinsertion sociale, sécurisés, dans lesquels les victimes pourraient séjourner pendant trois mois afin de retrouver leurs repères.

Article 3 (art. 225-20 et 225-21 du code pénal) : Peines complémentaires applicables aux personnes physiques :

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4 (art. 225-25 nouveau du codé pénal) : Confiscation des biens des auteurs des crimes ou délits de traite et de proxénétisme :

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (art. 225-13 du code pénal) : Abus de la vulnérabilité de la personne - fourniture de services non rétribués - renforcement des sanctions pénales :

La Commission a examiné une proposition de modification de la rapporteure tendant simplifier la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 225-13 du code pénal. La rapporteure a rappelé que cet article punissait actuellement le fait d'obtenir d'une personne la fourniture de services non ou très insuffisamment rétribués en abusant de sa vulnérabilité, ajoutant qu'il avait fait l'objet d'interprétations jurisprudentielles souvent restrictives et défavorables aux droits des victimes. Indiquant qu'elle avait donc proposé une nouvelle rédaction de cet article conditionnant la constitution du délit à la « particulière vulnérabilité de la victime » sans qu'il soit nécessaire d'établir que l'auteur en avait abusé, elle a cependant jugé préférable de supprimer la référence à la « particulière » vulnérabilité pour éviter une nouvelle interprétation jurisprudentielle restrictive.

La Commission a adopté l'article 5 en retenant la modification proposée par la rapporteure.

Article 6 (art. 225-14 du code pénal) : Conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine - renforcement des sanctions pénales :

La Commission a adopté l'article 6 en supprimant la référence à la « particulière » vulnérabilité de la nouvelle rédaction donnée de l'article 225-14 du code pénal, par cohérence avec les modifications apportées à l'article précédent.

Article 7 (art. 225-15 du code pénal) : Délits de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine commis à l'égard de plusieurs personnes - circonstances aggravantes :

La Commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8 (art. 225-16 bis nouveau du code pénal) : Délits de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine - présomption légale de la particulière vulnérabilité de la victime mineure ou étrangère :

La Commission a adopté l'article 8 en supprimant la référence à la « particulière » vulnérabilité de la rédaction donnée à l'article 225-16, également par cohérence avec les modifications apportées aux articles précédents.

Article 9 (Art. 8 du code de procédure pénale) : Aménagement du délai de prescription lorsque les conditions de travail ou d'hébergement sont contraires à la dignité de la personne :

La Commission a adopté l'article 7 sans modification.

Articles 10 et 11 (Art. 706-30 et 706-36-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Saisie conservatoire en matière de trafic de stupéfiants et de proxénétisme :

La Commission a adopté les articles 10 et 11 sans modification.

Article 12 (Art. L. 611-1 du code du travail) : Extension des pouvoirs de verbalisation des inspecteurs du travail :

La Commission a adopté l'article 12 sans modification.

Puis, la Commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Julien Dray, les amendements à la proposition de loi complétant la loi du 15 juin 2000 (n° 3539).

Avant l'article 1er :

La Commission a repoussé les amendements nos 31 et 32 de M. Christian Estrosi, nos 64 et 66 de M. Patrick Devedjian, et n° 73 de M. Jean Leonetti.

Article 2 (art. 63-1 et 63-2 du code de procédure pénale) : Notification et exercice des droits dont disposent les personnes placées en garde à vue :

La Commission a accepté un amendement n° 75 présenté par le rapporteur indiquant, aux articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale, que le procureur de la République devra être avisé « aussi rapidement que possible », et non plus « dès le début », des décisions de placement en garde à vue, le rapporteur ayant précisé que cette modification prenait en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En conséquence, elle a accepté deux amendements identiques nos 76 et 77 du rapporteur et de Mme Christine Lazerges, supprimant dans l'article 2 de la proposition de loi la mention selon laquelle cette notification pourra intervenir dans un délai de trois heures. La Commission a par ailleurs repoussé les amendements nos 41, 42 et 43 de M. Patrick Devedjian, nos 70 et 2 de M. Jean-Yves Besselat, et n° 8 de M. André Gerin.

Après l'article 2 :

La Commission a repoussé les amendements nos 44, 45, 46, 47, 67, 48 à 55 de M. Patrick Devedjian, nos 30, 29, 17, 33, 18 et 16 de M. Christian Estrosi, et n° 3 de M. Jean-Yves Besselat.

Après l'article 3  :

La Commission a repoussé les amendements nos 10 à 14 de M. Pascal Clément, les amendements nos 20, 27, 24, 26, 19 et 25 de M. Christian Estrosi, l'amendement n° 74 de Mme Nicole Catala et les amendements nos 56 à 59 de M. Patrick Devedjian.

Article 4 (art. 145-5 du code de procédure pénale) : Détention provisoire des parents élevant seuls leurs enfants :

La Commission a repoussé l'amendement n° 4 de M. Jean-Yves Besselat, l'amendement n° 71 de M. Patrick Devedjian et l'amendement n° 9 de M. André Gerin.

Après l'article 4 :

La Commission a repoussé les amendements nos 60, 61, 39, 40, 62, 72 de M. Patrick Devedjian, ainsi que les amendements nos 28, 35 et 22 de M. Christian Estrosi.

Article 5 (art. 380-2 du code de procédure pénale) : Appel des arrêts d'acquittement :

La Commission a repoussé l'amendement n° 1 de M. Emile Blessig, avant d'accepter les amendements identiques n° 78 de Mme Christine Lazerges et n° 37 de M. Christian Estrosi étendant le droit d'appel du Parquet à l'ensemble des arrêts d'acquittement des cours d'assises.

Après l'article 5 :

La Commission a repoussé les amendements nos 18, 23 et 15 de M. Christian Estrosi et l'amendement n° 38 de M. Patrick Devedjian. Puis, elle a accepté les amendements nos 6 et 7 de M. Jean-Pierre Michel autorisant la publicité des débats devant la cour d'assise des mineurs et le tribunal pour enfants lorsque la personne poursuivie, devenue majeure le jour de l'ouverture des débats, en fait la demande.

Après l'article 6 : Application de la loi outre-mer :

La Commission a repoussé les amendements nos 16 et 36 de M. Christian Estrosi, ainsi que les amendements nos 69 et 68 de M. Patrick Devedjian.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la désignation des candidats à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité. Ont été désigné :

· membres titulaires : MM. Bernard Roman, Bernard Derosier, René Dosière, Jacques Pélissard, Marc-Philippe Daubresse, Bernard Birsinger, Mme Marie-Hélène Aubert.

· membres suppléants : MM. Pierre Cohen, Jacques Fleury, Christophe Caresche, Dominique Raimbourg, Bruno Le Roux, Michel Bouvard, Frank Dhersin.

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