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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 70

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 1er juillet 1998
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

– Examen du projet de loi modifiant la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 976) (rapport)

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Dolez, le projet de loi modifiant la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 976).

M. Marc Dolez, rapporteur, a indiqué que le Gouvernement entendait introduire une nouvelle étape dans la modernisation de notre vie politique en modifiant la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.

Concernant l’objet de la réforme, il a rappelé que les représentants français au Parlement européen étaient élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne dans le cadre d’une circonscription unique, les listes devant avoir obtenu au moins 5% des suffrages exprimés pour participer à la répartition des sièges. Il a précisé que le projet ne modifiait pas la nature de ce scrutin mais se limitait à introduire huit circonscriptions, dont une outre-mer, fixées par le tableau annexé au projet de loi qui précise le nombre de sièges à pourvoir dans chacune d’elles. Il a estimé que le projet de loi respectait le principe constitutionnel d’égalité du suffrage, le total des sièges à pourvoir étant réparti entre les circonscriptions au prorata de leur population. Il a souligné que le projet créait, non pas huit régions, mais huit circonscriptions électorales propres aux élections européennes, qui n’avaient, en aucune manière, vocation à se substituer aux régions actuelles et ne préfiguraient ni un nouveau découpage régional, ni une dilution de l’Etat-Nation dans l’ensemble européen.

Concernant les raisons de la réforme, le rapporteur a insisté sur les insuffisances de l’actuel mode de scrutin qui, mis en oeuvre quatre fois, n’avait jamais suscité de participation importante du corps électoral, le taux d’abstention ayant toujours été supérieur à 40 % et ayant même légèrement dépassé les 50 % en 1989. Tout en convenant que le mode de scrutin ne suffisait pas, à lui seul, à expliquer le désintérêt des Français, il a estimé que son côté peu attractif était néanmoins un élément d’explication, le taux d’abstention étant nettement inférieur dans les autres pays de l’Union européenne. Il a considéré que le caractère national du scrutin ne permettait pas d’identifier clairement les quatre-vingt-sept élus européens, qui étaient trop éloignés de leurs électeurs, seuls une vingtaine d’entre eux ayant d’ailleurs ouvert une permanence. Il a également mis en avant le fait que le mode de scrutin ne permettait pas d’assurer la représentation du pays dans sa diversité, la composition des listes étant l’apanage des états-majors parisiens, ce qui conduisait à une surreprésentation des élus originaires de la région parisienne. Reprenant à son compte l’analyse de M. Henri Nallet, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, il a considéré que les caractéristiques de ce mode de scrutin conduisaient finalement à un affaiblissement de la France au sein du Parlement européen, renforcé par l’absentéisme non négligeable des élus français et la « volatilité particulière du mandat européen », qui se traduit par de fréquentes démissions. Ainsi, a-t-il souligné, les listes étant tirées par des personnalités nationales, nombre d’entre elles abandonnent relativement rapidement leur mandat, suivies par des élus qui renoncent à leur mandat européen au profit d’un mandat national.

Présentant enfin le sens de la réforme, le rapporteur a mis en avant la volonté de rapprocher les citoyens des élus au Parlement européen et de rendre l’Europe plus perceptible aux Français. Il a estimé que le changement d’échelle géographique, tenant à la réduction de la taille des circonscriptions, permettrait à la fois de rendre les élus européens plus proches de leurs électeurs et de représenter le plus correctement possible tous les courants politiques du pays. Il a considéré que ces deux objectifs militaient pour le maintien de la représentation proportionnelle, les élections européennes n’ayant pas pour objet de dégager une majorité de gouvernement, ce choix correspondant d’ailleurs à celui fait par tous les pays de l’Union européenne, puisque même la Grande-Bretagne est sur le point de renoncer au scrutin majoritaire pour élire ses représentants au Parlement européen.

En conclusion, le rapporteur a estimé que le projet de loi était équilibré car, conformément à l’article 138 du Traité de l’Union européenne, il permettait à la fois de représenter tous les courants politiques et d’assurer une plus grande proximité des électeurs et des élus, équilibre vers lequel tendent tous les pays représentés au Parlement européen.

M. Robert Pandraud, en préambule, a rappelé qu’il avait fait adopter un amendement lorsque M. Pierre Joxe était ministre de l’intérieur, selon lequel aucun changement de mode de scrutin, ou aucune modification de la délimitation des circonscriptions ne pourrait survenir dans l’année précédant une élection. Après avoir fait part de sa préférence pour le système en vertu duquel les représentants au Parlement européen étaient issus des parlements nationaux, il s’est interrogé sur l’éventuelle modernisation de la vie politique résultant du mode de scrutin proposé par le projet de loi, exprimant ses doutes sur le fait qu’il conduise à un rapprochement entre les députés européens et leurs électeurs dès lors que les investitures continueront à se faire au niveau national. Il a, par ailleurs, considéré que le nouveau régime n’aurait d’impact, ni sur le taux d’abstention aux élections européennes, équivalent à celui observé à l’occasion d’autres consultations électorales, ni sur l’absentéisme des parlementaires européens, qui n’est pas supérieur à celui constaté au niveau national. Evoquant la décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1976, il s’est, en outre, interrogé sur la représentativité des futurs députés européens qui seront considérés comme représentant leur circonscription électorale et non l’ensemble de la Nation. Il a conclu son propos en observant que les électeurs nationaux n’avaient pas conscience, à l’occasion des élections européennes, de voter en faveur d’une grande coalition, puisque le Parlement européen est en réalité dirigé par le parti populaire européen (P.P.E.) et par le parti socialiste.

Après avoir rappelé que la délégation pour l’Union européenne ne s’était pas prononcée sur le fond de la réforme mais avait, en revanche, formulé des observations sur son contexte, M. Henri Nallet a souligné que les responsables politiques français devaient prendre en compte l’importance croissante du Parlement européen, notamment du fait de la conclusion du traité d’Amsterdam. Il a jugé qu’il convenait, en conséquence, de réfléchir à la meilleure représentation nationale possible, sachant qu’actuellement, l’influence de la France au sein de cette instance est déclinante. A cet égard, il a estimé que, contrairement à une idée reçue, cette évolution préoccupante ne résultait pas de l’absentéisme ; il a stigmatisé, en revanche, le fait que les représentants français ne se voient plus confier les rapports les plus importants et regretté l’éclatement de la représentation française au sein de huit groupes différents alors que le fonctionnement du Parlement européen privilégie, sur le modèle anglo-saxon, les grandes formations politiques. Dans ces conditions, il a fait valoir qu’il ne convenait pas seulement de changer le mode de scrutin mais aussi d’organiser un système de représentation de la France au sein du Parlement européen qui soit plus efficace. Il a toutefois reconnu que la réforme proposait un mode de scrutin plus satisfaisant que celui actuellement en vigueur, parce qu’elle permettait de rapprocher la situation française de celle de la plupart des pays européens – le Royaume Uni ayant lui-même opté pour un scrutin proportionnel au sein de quatre grandes régions – et tenait ainsi compte des souhaits du Parlement européen en faveur d’une désignation des représentants nationaux selon des principes harmonisés. En conclusion, M. Henri Nallet a attiré l’attention de la Commission sur l’articulation du projet de loi avec celui limitant le cumul des mandats, actuellement en cours de navette.

M. Thierry Mariani a estimé que le problème essentiel était celui de la dispersion des représentants français au sein du Parlement européen, difficulté face à laquelle il a constaté que le projet de loi n’apportait aucune solution. Il a en revanche considéré que le nouveau mode de scrutin conduirait à un démantèlement de la circonscription nationale au profit d’une Europe des régions sans rapprocher, pour autant, les représentants français de leurs électeurs, compte tenu de la taille des circonscriptions électorales. Après avoir souligné que le régime proposé, de nature hybride, cumulait tous les inconvénients, il a fait valoir que cette réforme obéissait en réalité à des arrière-pensées politiques.

Après avoir rappelé que la constitution des listes pour la première élection au Parlement européen en 1979 avait donné lieu à une partie de bras de fer entre les formations de la majorité attachées à l’idée européenne et celles qui fustigeaient le parti de l’étranger, M. Gérard Gouzes a estimé que le compromis à l’origine du mode de scrutin actuel n’était pas satisfaisant pour la cause européenne. Il a considéré en effet qu’il privilégiait le débat national, avec l’affrontement des différentes forces politiques, au détriment des enjeux européens. Tout en souscrivant à la proposition de rapprocher les élus européens des électeurs, il a relevé que le Président de la République avait préféré le terme de circonscription à celui de grande région et souligné qu’en tout état de cause, la référence à une Europe des régions était inadaptée à la réalité. Il s’est inquiété du cumul possible entre les fonctions de président de région et le mandat de représentant au Parlement européen et a souhaité qu’une réflexion s’engage sur ce thème, sans attendre les effets de la législation sur le cumul en cours de discussion, ajoutant que cette réflexion devait prendre en compte la réforme des fonds structurels européens dont l’octroi augmentera les pouvoirs des présidents de région. Constatant que l’existence de huit circonscriptions permettrait d’assurer une représentation des petits partis, il a regretté la dispersion de la représentation française au Parlement européen, observant qu’elle nuisait à l’influence de la France au sein de cette enceinte.

Mme Nicole Ameline a considéré que l’on ne pouvait imputer au mode de scrutin pour l’élection au Parlement européen le déficit démocratique dont souffre l’Europe, estimant qu’il résultait plutôt du mode de désignation des candidats, des modalités d’organisation de notre représentation tant à Strasbourg qu’à Bruxelles et du fonctionnement même des institutions européennes. Elle a jugé peu convaincant l’argument de proximité de l’électeur invoqué à l’appui du projet de loi, s’interrogeant sur la notoriété effective des conseillers régionaux. Elle a indiqué que neuf pays sur quinze avaient d’ailleurs fait le choix d’une circonscription unique, le mode de scrutin particulier appliqué à cette élection en Belgique, en Irlande et en Italie s’expliquant par des considérations de culture politique locale. Evoquant le traité d’Amsterdam, elle a souligné que celui-ci mentionnait l’existence de principes communs pour désigner les représentants au Parlement européen. Elle s’est demandé s’il était réellement opportun de procéder aujourd’hui à une réforme du mode de scrutin, alors que l’élargissement de l’Europe en 2004 devrait ramener à soixante le nombre des représentants français au Parlement européen. Jugeant que c’était le peuple français et non les populations ou les territoires qui devait être représenté au Parlement européen, elle s’est inquiété du découpage du territoire national, considérant que les élus représenteraient désormais leur circonscription ; elle a évoqué, à cet égard, la proposition de M. Georgios Anastassopoulos selon laquelle 20 % des membres du Parlement européen devraient être élus sur l’ensemble du territoire européen.

Rappelant qu’il avait siégé pendant deux mandats au Parlement européen, M. Dominique Baudis s’est démarqué du rapporteur pour considérer que le mode de scrutin actuel n’avait pas d’effet négatif sur la présence des représentants français au Parlement européen. Soulignant que l’absentéisme était, en définitive, limité, il a, en revanche, déploré qu’essaimés dans huit groupes, les représentants français soient encore plus dispersés que leurs homologues italiens. Il a expliqué ce phénomène par la conjonction de plusieurs facteurs, évoquant les décisions des partis politiques, le mode de scrutin, le comportement des électeurs et l’attitude de certains parlementaires européens qui sont tentés d’utiliser leur élection comme tremplin pour leur carrière politique. Constatant que les représentants français disposaient d’une large possibilité d’expression du fait de leur dispersion en plusieurs groupes, il a souligné qu’ils ne pouvaient, en revanche, peser sur les votes, le groupe du P.P.E. et le groupe socialiste étant seuls en mesure d’exercer une réelle influence, la majorité des deux tiers étant souvent requise. Il a ajouté que nombre d’élus français, coupés de tout lien avec les électeurs, vivaient dans un état d’apesanteur politique, certaines régions n’ayant plus aucune représentation du fait des multiples remplacements intervenus sur chaque liste en cours de législature. Admettant qu’une élection au scrutin majoritaire dans 87 circonscriptions aurait le mérite de rapprocher les élus de leurs électeurs, il a cependant considéré qu’une telle singularité nous placerait en porte-à-faux par rapport aux autres pays européens. Il s’est interrogé, par ailleurs, sur l’opportunité de retenir le même mode de scrutin outre-mer et en métropole. Relevant la méfiance exprimée par MM. Gérard Gouzes et Henri Nallet à l’égard des présidents des conseils régionaux, il a considéré que l’on ne pouvait à la fois prôner la décentralisation et s’inquiéter du risque de constitution de féodalités locales. Il a également jugé contradictoire de justifier la réforme proposée par la nécessité de rapprocher les députés européens des citoyens, et de s’attacher, par ailleurs, à interdire le cumul des mandats. A cet égard, il a regretté que les textes adoptés par l’Assemblée introduisent des distorsions au détriment des députés européens s’agissant de la date à laquelle un élu placé en situation d’incompatibilité du fait d’un cumul interdit doit y mettre fin.

Après avoir évoqué un problème de forme concernant l’annexe du projet de loi, qui range la Nouvelle-Calédonie parmi les territoires d’outre-mer, M. Dominique Bussereau a estimé que le problème de fond soulevé par le projet de loi était celui de la légitimité démocratique des membres du Parlement européen. Il a jugé que le projet de loi ne permettait pas de renforcer cette légitimité à la fois parce qu’il n’était pas examiné au moment opportun et parce que les circonscriptions retenues manquaient de cohérence. S’agissant de la programmation du texte, il a déploré que son examen intervienne avant l’adoption définitive des textes relatifs au cumul des mandats. A cet égard, il a insisté sur la nécessaire incompatibilité entre les fonctions de président de conseil régional et le mandat de membre du Parlement européen. S’agissant du découpage des circonscriptions mis en place par le projet de loi, il a estimé qu’il était totalement artificiel et technocratique et qu’il ne permettrait en rien de rapprocher les élus de leurs électeurs.

Ayant fait observer que l’ensemble des groupes politiques, à l’exclusion du groupe socialiste, étaient opposés au projet de loi, M. Alain Tourret s’est interrogé sur les raisons de cette situation. Refusant d’établir un lien entre la perte d’influence française au Parlement européen et le mode de scrutin, il a jugé que le problème principal résidait dans le faible attrait que représentent les élections européennes pour les personnalités de premier plan. Il a, par ailleurs, estimé que l’importance numérique des groupes politiques au Parlement européen n’était pas, à elle seule, un gage d’influence. Considérant que le but véritable de cette réforme était d’éviter que le jeu des partis majoritaires ne soit troublé par les petits partis, alors même que les élections européennes constituent traditionnellement une élection de « défoulement », il a indiqué que le mode de scrutin proposé par le Gouvernement empêcherait l’émergence de nouveaux leaders nationaux du fait du découpage en circonscriptions interrégionales. Constatant que le mode de scrutin uninominal constituait le meilleur moyen de rapprocher l’électeur de son représentant, il a jugé que le découpage électoral proposé ne répondait pas à cet objectif. Il a ainsi regretté que les règles retenues pour délimiter les circonscriptions aient obéi davantage au souci de l’équilibre démographique qu’à la réalité humaine correspondant à chaque territoire.

M. Pierre Lellouche a indiqué qu’il avait pour préoccupation première la défense de l’intérêt national au sein des instances communautaires. Pour cette raison il a déploré la faiblesse de la représentation française au Parlement européen, alors même que les traités communautaires renforcent les prérogatives de cette institution. Jugeant utile de trouver un système qui rapproche les membres du Parlement européen de leurs électeurs, il a toutefois exprimé son désaccord avec le projet de loi. Il a ainsi fait remarquer que le problème essentiel était celui de l’organisation des partis politiques français et de leurs groupes au Parlement européen, jugeant que la situation actuelle était révélatrice du faible intérêt des hommes politiques français pour les questions européennes. Il a par ailleurs estimé que cette réforme intervenait trop peu de temps avant les prochaines élections européennes et qu’elle anticipait sur les réformes institutionnelles de l’Union. S’agissant du découpage électoral, il a indiqué qu’il aurait été préférable de faire de chaque région une circonscription, ou de créer autant de circonscriptions qu’il y a de mandats à pourvoir. Il a estimé que le découpage retenu n’était pas compréhensible par les citoyens, qu’il était totalement aberrant pour l’outre-mer et qu’il n’améliorerait pas la représentation française au Parlement européen.

M. Pierre Albertini a exprimé des réserves sur le projet de loi, tant en ce qui concerne la méthode retenue que sur le fond. Il a ainsi regretté que cette réforme soit engagée sans qu’une large concertation ait eu lieu. Considérant que le débat sur les questions européennes était faible et caricatural, parce qu’il se limite à la défense d’intérêts pointillistes, il a déploré l’émiettement de la représentation française au sein du Parlement européen. Estimant que le mode de scrutin n’expliquait pas les problèmes actuels, il a jugé que la réforme risquait d’entraîner une atomisation de la représentation, nuisible à la légitimité des représentants français au Parlement européen. Il a en outre regretté le caractère totalement artificiel du découpage retenu, soulignant que seule l’Ile-de-France voyait son poids renforcé du fait qu’elle était l’unique région constituant à elle seule une circonscription électorale. S’inquiétant d’un possible renforcement du centralisme, il a indiqué que le groupe U.D.F. s’était prononcé en faveur d’un autre découpage électoral.

Après avoir fait remarquer que le rapprochement des élus et des citoyens constituait un but louable, M. Jean-Pierre Michel a considéré que le projet de loi ne permettait pas d’y parvenir. Il a ainsi jugé que le désintérêt des citoyens pour la construction européenne s’expliquait davantage par son caractère technocratique que par le mode de désignation des représentants au parlement européen. Ayant fait observer que les circonscriptions électorales retenues étaient totalement artificielles, il a estimé qu’il serait préférable de connaître l’évolution institutionnelle de l’Union européenne pour entamer une réforme du mode de scrutin qui, en l’état actuel, n’avait d’autre but que de conforter le parti majoritaire. Pour ces raisons, il a indiqué que les députés du mouvement des citoyens voteraient contre le projet de loi.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

—  Le projet de loi ayant été déposé le 10 juin dernier, le Gouvernement a bien respecté la règle non écrite selon laquelle on ne modifie pas un mode de scrutin moins d’un an avant les élections ; le Président de la République n’aurait d’ailleurs pas accepté d’inscrire à l’ordre du jour de la session extraordinaire un texte qui serait le produit de manœuvres politiques.

—  Les observations sur le déficit démocratique et la faiblesse de la représentation française au Parlement européen sont fondées et s’expliquent en partie par le mode de scrutin actuel. S’il ne faut pas sous-estimer la réforme proposée, il ne faut pas non plus la surestimer : elle ne permettra pas en effet de remédier à tous les dysfonctionnements évoqués.

—  Le projet de loi ne créée pas des « super-régions », mais seulement des circonscriptions électorales dont la vocation est de fournir un cadre géographique à l’élection. Les élus ne seront pas les représentants de ces circonscriptions, mais ceux de la nation toute entière. Le rapport de M. Georgios Anastassopoulos rappelle que lorsqu’un pays décide d’instituer plusieurs circonscriptions électorales sur son territoire, les membres du Parlement européen restent les représentants du pays qui les a élus et non de leur circonscription.

—  Le texte propose un équilibre entre ces deux impératifs contradictoires que sont la volonté de rapprocher l’élu de l’électeur, qui, à l’extrême, pourrait se traduire par l’institution d’un scrutin uninominal majoritaire dans quatre-vingt-sept circonscriptions, et le souci d’assurer la représentation des différents courants politiques, que garantit le scrutin proportionnel. Les huit circonscriptions proposées sont de taille suffisante pour permettre d’y appliquer la représentation proportionnelle et sauvegarder ainsi la présence au Parlement européen de petites formations politiques. S’agissant de l’outre-mer, la solution proposée n’est pas parfaite, mais elle est de loin la moins mauvaise.

—  Le problème du cumul des mandats doit être traité dans le cadre des projets en cours de discussion au Parlement et non dans un texte qui ne concerne que les élections européennes. Le projet de loi ordinaire adopté par l’Assemblée nationale prévoit notamment une incompatibilité entre le mandat européen et celui de président de conseil régional : il n’empêchera donc pas un président de région de se présenter aux élections européennes, mais l’obligera à abandonner son mandat en cas d’élection. Les problèmes d’articulation de ces textes avec le projet de réforme du mode de scrutin pour les élections européennes pourront être réglés au cours de la deuxième lecture de ce dernier.

La Commission a rejeté l’exception d’irrecevabilité n° 1 présentée par M. François Bayrou et les membres du groupe U.D.F. ainsi que la question préalable n° 1 présentée par M. Philippe de Villiers.

La Commission est ensuite passée à l’examen des articles du projet de loi.

Article premier (art. 3 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977) : Le mode de scrutin :

La Commission a rejeté un amendement de M. Robert Pandraud visant à substituer au mode de scrutin à la représentation proportionnelle un scrutin majoritaire uninominal à un tour. Regrettant l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct mais prenant acte de cette situation, M. Robert Pandraud a indiqué que la seule solution pour rapprocher l’électeur de l’élu était l’institution du scrutin majoritaire uninominal à un tour. Après avoir observé que son amendement changeait complètement l’économie du projet de loi, il a jugé qu’il était également intéressant d’organiser une représentation géographique équilibrée du territoire français au Parlement européen. S’étonnant de la démarche de M. Robert Pandraud qui lui a semblé contradictoire avec les réserves qu’il exprime habituellement à l’égard du Parlement européen, M. Christophe Caresche a souligné que le scrutin majoritaire uninominal dans le cadre de circonscriptions regroupant un grand nombre d’habitants renforcerait la légitimité des députés européens vis-à-vis des parlementaires nationaux.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (art. 4 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977) : Les circonscriptions :

Après avoir rejeté un amendement présenté par M. Robert Pandraud visant à abroger l’article 4 de la loi du 7 juillet 1977, par coordination avec l’amendement qu’il présentait à l’article premier, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (art. 9 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977) : La déclaration de candidature :

La Commission a adopté un amendement présenté par Mme Catherine Tasca prévoyant que chaque liste aux élections européennes assurera la parité entre candidats féminins et masculins.

Elle a également adopté un amendement du rapporteur rectifiant une erreur dans le décompte des alinéas.

La Commission a adopté l’article 3 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 3 :

La Commission a été saisie de deux amendements présentés par MM. Michel Crépeau et Alain Tourret visant à organiser un parrainage des candidats aux élections européennes par des élus locaux, des députés ou des sénateurs, mais aussi à permettre le remboursement aux candidats, quel que soit le score obtenu, du coût du papier, de l’impression des bulletins de vote, des affiches, des circulaires et des frais d’affichage. M. Alain Tourret a indiqué que ces amendements s’inspiraient des textes relatifs à l’élection présidentielle, observant qu’ils garantissaient le sérieux des candidatures par le mécanisme du parrainage, il a souligné qu’ils permettraient aux petits partis d’émerger puisque l’essentiel de leurs frais de campagne seraient remboursés, quel que soit le score obtenu par la liste, le seuil actuel étant fixé à 5 %. M. Robert Pandraud a estimé que l’amendement aurait, au contraire, pour conséquence d’empêcher les petits partis de participer aux élections, dans la mesure où le parrainage constituait une entrave évidente à la liberté de candidature, d’autant plus contraignante que la liste des parrains possibles, aux termes des amendements, était très restrictive et n’incluait pas les conseillers municipaux. Comprenant la préoccupation de M. Alain Tourret, M. Gérard Gouzes a néanmoins indiqué que le texte même de ces amendements était contraire à l’objectif poursuivi, remarquant, par ailleurs, qu’ils étaient sans doute irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution parce qu’ils auraient pour effet d’aggraver les charges publiques. Exprimant la crainte qu’un tel dispositif ne favorise une atomisation complète du paysage politique, M. Pierre Albertini a, en outre, insisté sur le fait que le système du parrainage, s’il était compréhensible pour l’élection présidentielle dont la nature est toute particulière, portait néanmoins atteinte à la liberté de candidature. Le rapporteur ayant indiqué qu’il partageait les arguments avancés par les trois précédents intervenants, la Commission a rejeté les deux amendements.

Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur avançant la date de dépôt de déclaration des candidatures au troisième lundi précédant le jour de scrutin, au lieu du troisième vendredi, afin de permettre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de disposer d’un délai suffisant pour organiser, dans le cadre de la campagne officielle, les temps de parole des différentes listes, à la radio et à la télévision.

Article 4 (art. 19 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977) : La campagne radiophonique et télévisée :

La Commission a adopté cinq amendements du rapporteur :

—  Un amendement réglant la question de la répartition des temps d’antenne entre les formations politiques représentées à l’Assemblée nationale et au Sénat, même lorsque celles-ci ne disposent pas d’un groupe parlementaire propre. Le rapporteur a indiqué que le système retenu consistait à permettre l’accès à la campagne officielle aux groupes parlementaires ayant agréé au moins cinq listes se présentant dans cinq circonscriptions différentes, sachant qu’un même groupe ne pourrait agréer plus d’une liste par circonscription, et qu’une liste ne pourrait être agréée par plusieurs groupes.

—  Un amendement permettant l’accès à l’antenne pour la campagne officielle aux partis et groupements bénéficiaires de la première fraction de l’aide publique prévue à l’article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 et présentant au moins cinq listes dans cinq circonscriptions différentes. En réponse à Mme Catherine Tasca qui souhaitait savoir si le Conseil supérieur de l’audiovisuel avait été consulté sur ces questions, le rapporteur a indiqué que tel avait bien été le cas et souligné que ce dispositif, proche par certains aspects de celui applicable aux élections législatives, permettrait d’éviter un émiettement excessif des temps de paroles, tout en maintenant un réel pluralisme.

—  Un amendement supprimant la mention qui prévoit dans la loi du 7 juillet 1977, que les émissions télévisées et radiophoniques sont diffusées dans le même texte, ce qui méconnaît complètement le caractère propre de chacun de ces médias. Répondant à une interrogation de M. Robert Pandraud, le rapporteur a confirmé que les émissions de la campagne officielle étaient bien nationales, ce qui n’empêchait nullement d’organiser, en dehors de la campagne officielle, des émissions à caractère régional. Approuvé sur ce point par M. Robert Pandraud, M. Dominique Baudis a regretté que le projet de loi ne prévoie pas la possibilité d’émissions régionales dans le cadre de la campagne télévisée et suggéré que l’on introduise un dispositif qui permette des émissions officielles nationales et régionales. Mme Catherine Tasca a appelé l’attention des commissaires sur la nécessité de distinguer la campagne officielle et les émissions qui n’entrent pas dans ce cadre, le C.S.A. contrôlant le respect de la règle d’équité pour ces dernières. M. Pierre Albertini a considéré que cette question regardait effectivement, avant tout, le C.S.A., observant, par ailleurs, que les ressorts régionaux de France 3 ne correspondaient pas nécessairement aux circonscriptions introduites par le présent projet de loi. Le rapporteur a fait savoir qu’il se rapprocherait de cette autorité administrative indépendante pour étudier la possibilité de décrochages régionaux.

—  Un amendement précisant que les temps de parole fixés par la loi, dans le cadre de la campagne officielle, ne s’entendent pas pour l’ensemble des chaînes nationales de télévisions et de radios, mais bien pour chacune d’entre elles et que, par ailleurs, les émissions devront être diffusées dans le même texte sur les antennes de télévisions, d’une part, et sur les antennes de radios, d’autre part.

—  Un amendement, enfin, indiquant que lorsque différentes formations politiques présentent des listes communes, elles peuvent s’exprimer dans le cadre d’une même émission télévisée ou radiophonique, leurs temps de parole ne s’additionnant pas mais fusionnant. Le rapporteur a ajouté que cet amendement proposait également d’expliciter la compétence du C.S.A. pour répartir les temps d’antenne dans le cadre des élections européennes.

La Commission a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Articles 5 (art. 19-1 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977) : Le plafonnement des dépenses électorales, 6 (art. 25 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977) : Le contentieux de l’élection et 7 (art. 2 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977) : Participation des électeurs français résidant dans un autre Etat de l’Union européenne :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

La Commission a adopté l’ensemble du projet de loi (n° 976) ainsi modifié.

——fpfp——


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