ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de
lADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE
COMPTE RENDU N° 1
(Application de l'article 46 du Règlement)
Jeudi 1er octobre 1998
(Séance de 15 heures)
Présidence de M. Robert Pandraud, président dâge
puis de Mme Catherine Tasca, présidente
SOMMAIRE
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Election du bureau
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Examen du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature (n° 1017) (deuxième lecture)
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Information relative à la Commission
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Présidence de M. Robert Pandraud, président dâge.
La Commission sest réunie en vue de procéder à la nomination de son Bureau.
Election du Président :
La Commission a été saisie de la candidature de Mme Catherine Tasca.
La Commission nétant saisie que dune seule candidature, Mme Catherine Tasca a été proclamée présidente de la Commission.
Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente.
Election des vice-présidents
La Commission a été saisie des candidatures de Mme Christine Lazerges, de MM. Gérard Gouzes et Pierre Albertini.
Le nombre de candidats nétant pas supérieur à celui des postes à pourvoir, Mme Christine Lazerges, MM. Gérard Gouzes et Pierre Albertini ont été proclamés vice-présidents de la Commission.
Election des secrétaires
La Commission a été saisie des candidatures de MM. Arnaud Montebourg, André Gerin et Richard Cazenave.
Le nombre des candidats nétant pas supérieur à celui des postes à pourvoir, MM. Arnaud Montebourg, André Gerin et Richard Cazenave ont été proclamés secrétaires de la Commission.
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En conséquence, le Bureau de la Commission est ainsi constitué :
Présidente Mme Catherine Tasca
Vice-Présidents MM. Pierre Albertini
Gérard Gouzes
Mme Christine Lazerges
Secrétaires MM. Richard Cazenave
André Gerin
Arnaud Montebourg
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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Floch, le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature (n° 1017).
Après avoir rappelé que ladoption définitive des projets de loi constitutionnelle nécessitait un accord entre les deux assemblées, M. Jacques Floch, rapporteur, a indiqué que le Sénat avait procédé à dimportantes modifications du texte adopté par lAssemblée nationale en première lecture. Il a évoqué lattitude véhémente du président de la commission des Lois du Sénat à légard du texte issu des travaux de lAssemblée nationale. Ne souhaitant pas susciter dinutiles polémiques, le rapporteur a estimé quil convenait dadopter une attitude constructive à légard des modifications apportées par le Sénat.
Il a considéré que la plupart de ces modifications pouvaient être retenues par lAssemblée, à lexception de celles relatives à la nomination des procureurs généraux. Sagissant des premières, il a cité le rétablissement de la double formation du Conseil supérieur de la magistrature suivant le partage entre siège et parquet, ainsi que la suppression du pouvoir de nomination conférée par lAssemblée au Président du Conseil économique et social. A cet égard, il a jugé que les modifications introduites par le Sénat concernant la composition du Conseil supérieur de la magistrature pouvaient être retenues à ce stade de la navette parlementaire. Sagissant des secondes, il a considéré que le maintien du pouvoir de nomination des procureurs généraux en Conseil des Ministres dénaturait lensemble de la réforme. Evoquant le caractère houleux de la discussion qui sest déroulée au Sénat sur cette disposition, il a jugé nécessaire de rétablir la nomination de ces hauts magistrats du parquet sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il a estimé quen tout état de cause le pouvoir que garderait le Garde des Sceaux de donner des directives générales en matière de politique pénale donnerait un caractère satisfaisant aux liens entre la Chancellerie et les magistrats du parquet.
Relevant les grandes qualités de conciliateur que le rapporteur déployait à légard de la seconde chambre, M. Louis Mermaz a considéré que les amendements adoptés par le Sénat avaient rompu léquilibre du projet de loi constitutionnelle. Il a rappelé que la réforme visait à assurer lindépendance des magistrats, les deux corollaires à ce principe étant la légitimité des juges et leur responsabilité, en labsence de laquelle on est inéluctablement confronté à des dérives. Après avoir souligné que la majorité des membres du Conseil supérieur de la magistrature seraient désormais choisis en dehors des magistrats de lordre judiciaire, il a rappelé que, sous la IVème République, ses membres étaient désignés par lAssemblée nationale et le Sénat, ce quil a jugé la solution la plus démocratique. Il a, par ailleurs, estimé quon ne pouvait laisser les procureurs et les procureurs généraux livrés à eux-mêmes, faute de quoi lEtat républicain serait mis à mal. Enfin, considérant que cette réforme était un signe donné pour lavenir, il a conclu quelle serait sans nul doute suivie dautres projets.
M. Robert Pandraud sest interrogé sur lautorité qui détiendrait le pouvoir de révoquer, le cas échéant, les magistrats du parquet. Rappelant la nécessité de telles révocations dans certaines situations, notamment en période de crise, et observant les dérives que lindépendance des procureurs a pu engendrer aux Etats-Unis dans un passé très récent, il a considéré que conférer ce pouvoir de révocation à une autorité collégiale conduirait à une situation aberrante. Il a estimé que si ce pouvoir de révocation nétait pas attribué au garde des sceaux, des problèmes apparaîtraient tôt ou tard.
Rappelant le principe selon lequel la justice est rendue au nom du peuple français, M. Philippe Houillon a appelé lattention des commissaires sur la nécessité déviter la confusion des genres, des rôles et des fonctions. Se référant à une déclaration récente des premiers présidents de cours dappel, il a considéré que le lien entre le peuple français et le parquet devait être préservé. Insistant sur la responsabilité des magistrats qui est le pendant de leur indépendance, il a regretté que le texte soumis à la Commission ne traite pas cette question. Il a ensuite demandé que soient fournis les chiffres relatifs aux procédures disciplinaires intentées contre les magistrats du parquet et du siège. Rappelant les outrances du procureur indépendant Kenneth Starr outre-atlantique et évoquant des risques similaires en France, il a souhaité que lon sen tienne au texte adopté par le Sénat.
Indiquant quil naccepterait jamais le démantèlement de lEtat républicain, M. Michel Crépeau a considéré que les procureurs devaient rester liés au pouvoir politique. Il sest interrogé sur la responsabilité de ces magistrats et a estimé que le projet de loi, en supprimant le lien entre le parquet et le ministère de la justice, remettait en cause les fondements républicains du droit public.
M. François Colcombet a rappelé quavant guerre tous les magistrats étaient nommés par le pouvoir politique, le Conseil supérieur de la magistrature nayant été institué quen 1946. Il a évoqué les circonstances difficiles dans lesquelles il avait dû évoluer, notamment à cause de conflits récurrents avec le garde des sceaux, le Président de la République, M. Vincent Auriol, jouant le rôle de médiateur dans ces conflits. Il a indiqué quen 1958 les pouvoirs attribués douze ans auparavant au Conseil supérieur de la magistrature lui avaient été retirés au profit du Président de la République. Regrettant cette évolution du droit, il a considéré quune désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature par le Parlement, tel que cela existait en 1946, était une solution intéressante. Il a, en effet, exprimé la crainte que les nominations effectuées par le Conseil nécartent les personnalités les plus originales et récompensent plutôt les magistrats formés strictement dans le moule de linstitution. Il a cependant observé que, quelle que soit la procédure retenue, le vivier restait le même et considéré quen définitive, le système permettrait déviter les excès de conformisme. Pour ce qui concerne la discipline du parquet, en réponse aux interrogations exprimées par M. Robert Pandraud, il a rappelé que lordonnance de 1958 reconnaissait au garde des sceaux le pouvoir de suspendre un membre du parquet jusquà ce que le conseil de discipline statue. Il a noté que cette procédure avait été mise en oeuvre par le passé à légard de substituts. En conclusion, il a estimé que le texte proposé par le Gouvernement constituait un progrès indéniable ainsi quune étape vers dautres réformes qui interviendraient nécessairement.
Madame la Présidente Catherine Tasca a remarqué que les observations formulées sur le manque doriginalité des hauts magistrats pouvaient être aisément transposées à la haute fonction publique.
M. Renaud Donnedieu de Vabres sest interrogé sur la logique de la chronologie retenue pour la discussion des projets de loi soumis au Parlement, qui donne priorité à la réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature sur le projet de loi relatif aux relations entre le parquet et la chancellerie. Il a exprimé la crainte que ladoption du projet de loi constitutionnel, en instituant une procédure symétrique de nominations des magistrats du siège et des magistrats du parquet, ne lie ensuite le législateur pour le reste de la réforme de la justice. Considérant quil aurait été souhaitable de choisir entre une réelle séparation du parquet et du siège ou, au contraire, la suppression de toute séparation, il a constaté quactuellement certaines affaires mettaient en lumière lexistence dune symbiose totale entre le parquet, le juge dinstruction et la presse, qui fait peu de cas de la présomption dinnocence.
Convenant de la difficulté de ce débat, M. Henri Nallet a regretté quune confusion sinstalle dans les esprits entre linstitution américaine du procureur indépendant et celle du parquet français. Il a rappelé que le procureur indépendant américain, désigné par lattorney général, disposait à la fois des pouvoirs du parquet et dun juge dinstruction français. Considérant quil était nécessaire que le garde des sceaux puisse adresser au parquet des instructions générales pour définir la politique pénale, il a précisé que ce qui était contestable cétait les instructions portant sur des affaires individuelles, soulignant dailleurs que, dores et déjà, le procureur de la République avait toute liberté pour faire valoir oralement ses réserves par rapport à son réquisitoire écrit. Sagissant de lordre des textes, il a déclaré souscrire au choix opéré par la Garde des sceaux, estimant quil convenait davancer précautionneusement. Jugeant quil ne fallait pas entretenir de faux débat sur le rôle du parquet et son indépendance, il a souligné que le vrai problème à lheure actuelle touchait beaucoup plus aux pouvoirs du juge dinstruction, à ses rapports avec les médias et aux limites de la présomption dinnocence, les réformes à introduire dans ce domaine supposant linstitution dun véritable habeas corpus.
En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :
La réforme constitutionnelle ne modifie pas les compétences disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature. A cet égard, il convient de rappeler quentre 1991 et 1997, quarante-trois procédures disciplinaires ont été engagées contre des magistrats ; en outre, entre 1994 et 1996, vingt-quatre dentre-eux ont fait lobjet de procédures judiciaires dont cinq ont donné lieu à condamnation.
Le Parlement est appelé à examiner en premier lieu la réforme constitutionnelle parce que le Conseil dEtat refuse de se prononcer sur une loi organique tant que la Constitution na pas été préalablement révisée.
On peut regretter que le débat dorientation sur la justice nait pas été loccasion pour les parlementaires de faire connaître leur vision globale concernant la réforme des relations entre le parquet et la chancellerie.
Le vécu dune procédure pénale confirme que le débat essentiel est celui de la présomption dinnocence et notamment celui de la divulgation des informations préalablement à tout jugement.
La Commission est ensuite passée à lexamen des articles du projet de loi constitutionnelle.
Article premier A : Coordination :
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article premier (art. 65 de la Constitution) : Composition et compétences du Conseil supérieur de la magistrature :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la référence à la nomination des présidents des tribunaux supérieurs dappel et des tribunaux de première instance qui, par assimilation aux présidents des tribunaux de grande instance, entrent déjà dans le champ de compétences du Conseil supérieur de la magistrature. Puis elle a adopté un amendement du rapporteur maintenant la nécessité dun avis conforme du C.S.M. pour la nomination des procureurs généraux.
Larticle premier, ainsi modifié, a été adopté.
Article 2 : Dispositions transitoires :
La Commission a adopté cet article sans modification.
Lensemble du projet de loi constitutionnelle, ainsi modifié, a été adopté.
Information relative à la Commission

La Commission a nommé M. Raymond Forni, rapporteur de la proposition de résolution de M. Jacques Kossowski, tendant à créer une commission denquête visant à évaluer le coût, pour les comptes sociaux et les finances publiques, de la régularisation des étrangers liée à la circulaire du ministère de lintérieur du 24 juin 1997 (n° 1037).
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