Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de
l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 15 octobre 1998
(Séance de 9 heures)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

– Projet de loi de finances pour 1999 : Justice

 

• Audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la Justice

2

• Avis : Administration centrale et services judiciaires

8

Services pénitentiaires et protection judiciaire de la jeunesse

10

– Projet de loi de finances pour 1999 : Outre-mer

 

• Avis : Départements d’outre-mer

11

Territoires d’outre-mer

13

– Information relative à la Commission

16

La Commission a procédé à l’audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de son ministère pour 1999.

Madame Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, s’est réjouie du fait que son ministère bénéficie, dans le cadre des engagements pris par le Gouvernement de mener une réforme d’ensemble de la justice, d’une progression encore plus marquée pour 1999 que pour l’année précédente. Après avoir souligné que les crédits totaux de la Justice augmenteraient en 1999 de 1 milliard 400 millions, soit une progression de 5,6 % dans un contexte de progression du budget général de l’Etat de 2,3 %, elle a ajouté que la Justice bénéficierait de la plus forte création d’emplois parmi tous les ministères, 930 créations d’emplois contre 752 en 1998. Elle a indiqué que les mesures nouvelles affectées au fonctionnement des services s’élevaient à 394 millions, soit 75 millions de plus qu’au budget 1998, précisant qu’en matière d’équipements, la Justice se situait au premier rang après le secteur des transports pour les investissements civils directs de l’Etat, avec 1,7 milliard d’autorisations de programmes nouvelles et une augmentation des crédits de paiement de l’ordre de 13 %. Elle a enfin annoncé que des mesures substantielles avaient été prévues en faveur des personnels, avec plus de 70 millions de crédits indemnitaires et statutaires prévus pour 1999.

S’agissant des services judiciaires, elle a déclaré que les moyens nouveaux dégagés devraient permettre à la fois de financer les réformes de la justice soumises au Parlement et de remettre à niveau le fonctionnement des juridictions, faisant observer que le rythme de ces réformes était soutenu puisque l’Assemblée a été saisie du projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale et du projet de loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et des droits des victimes tandis que le Sénat a déjà examiné le projet relatif à la simplification des procédures pénales. Elle a ainsi annoncé que la possibilité pour les personnes placées en garde à vue de bénéficier d’un avocat dès la première heure serait financée au titre de l’aide juridictionnelle par une mesure nouvelle de 20 millions de francs, et a ajouté que la création de la fonction de juge de la détention serait mise en œuvre par l’affectation de la moitié des postes de magistrats nouvellement créés. En matière d’amélioration du fonctionnement des juridictions, elle a fait remarquer que le projet de loi de finances pour 1999 accentuait l’effort entrepris de renforcement des moyens en personnel avec la création de 140 emplois de magistrats, soit le nombre le plus élevé des quinze dernières années et un doublement de l’effort réalisé en 1998. A cet égard, elle a précisé que les recrutements seraient accélérés grâce à l’organisation de deux concours exceptionnels en 1998 et 1999, tandis que 185 postes seraient offerts au concours d’entrée à l’E.N.M. pour 1999. Elle a par ailleurs annoncé que ces créations d’emplois seraient accompagnées de 230 nouveaux emplois de fonctionnaires, dont 122 greffiers et greffiers en chef et 35 techniciens informatiques, et que les effectifs des juridictions se verraient renforcés par 400 assistants de justice supplémentaires, ce qui portera leur nombre à 950. Elle a par ailleurs précisé qu’une enveloppe de 18 millions de francs avait été dégagée pour financer la réforme du statut de la magistrature destinée à améliorer le déroulement de carrière et la mobilité des magistrats, alors même que cette réforme initiée par son prédécesseur n’avait pas reçu les moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Elle a en outre évoqué l’augmentation de 64,4 millions de francs de la dotation de fonctionnement des juridictions, ainsi que la hausse de l’effort d’investissement en autorisation de programmes avec 673 millions de francs contre 567 en 1998 et la stabilisation des crédits de paiement avec 961 millions de francs contre 976 en 1998. En matière de construction et de mise en sécurité des juridictions, elle a fait part du lancement de la construction des palais de justice de Toulouse, Besançon et Rodez, de l’achèvement des chantiers de Rennes, Grasse, Nantes et Nice et d’une dotation de 80 millions de francs pour la poursuite du programme de sécurité au palais de justice de Paris.

La ministre de la Justice a ensuite détaillé les conditions de mise en œuvre des politiques judiciaires. Elle a ainsi expliqué que la plupart des mesures innovantes en matière pénale serait financée au titre du chapitre des frais de justice, dont les crédits se montent à 1 milliard 776 millions de francs pour 1999, soit une hausse de 121 millions de francs et une mesure nouvelle de 42 millions de francs. Elle a fait observer que cette hausse devrait permettre l’amélioration du contrôle judiciaire socio-éducatif, des enquêtes sociales ou de personnalités, le développement des alternatives aux poursuites avec la médiation pénale et les classements sous condition ainsi que la relance de la politique pénale d’aide aux victimes prévue par une circulaire du 13 juillet 1998. En matière civile, elle a annoncé que le chapitre de l’aide juridictionnelle en hausse de 215 millions de francs bénéficiait d’une mesure nouvelle de plus de 97 millions de francs destinée à la mise en œuvre des réformes législatives en cours ou récemment adoptées, telles que la réforme de l’accès au droit ou la loi relative à la lutte contre les exclusions. Elle a, par ailleurs, rappelé qu’un décret relatif à la procédure civile serait prochainement publié en vue de remédier à l’engorgement des cours et tribunaux, notamment en redéfinissant les compétences matérielles des juridictions et en transférant une partie du contentieux des tribunaux de grande instance vers les tribunaux d’instance. Elle a également fait état du développement des modes alternatifs de règlement des conflits en citant successivement l’augmentation notable des crédits consacrés à la médiation familiale, qui passent de 1,75 millions de francs en 1998 à 3,45 millions pour 1999, et la création de huit nouveaux conseils départementaux d’aide juridique dont le rôle sera renforcé par le projet de loi relatif à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits en cours d’examen par le Parlement. Enfin, elle a annoncé que l’inspection générale des services judiciaires recevrait cinq postes supplémentaires et que le budget des juridictions administratives devrait permettre la création de vingt et un emplois de magistrats, de quarante emplois d’agents de greffe, le financement du recrutement à titre temporaire de quinze magistrats, la création au titre des crédits d’investissements de la nouvelle cour administrative d’appel de Douai ainsi que l’installation définitive du tribunal administratif de Melun.

S’agissant de la lutte contre la délinquance des mineurs, elle a expliqué que le Gouvernement avait arrêté ses orientations lors du Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998, à la suite des travaux réalisés par la mission conduite par Madame Christine Lazerges et Monsieur Jean-Pierre Balduyck, une circulaire ayant été adressée le 15 juillet 1998 aux parquets. Dans ce cadre, elle a annoncé que 200 délégués des procureurs spécialisés en matière de mineurs seraient recrutés afin d’apporter une réponse à tous les faits de délinquance commis par les mineurs quelle que soit leur gravité, que les mesures de réparation seraient développées et que les dispositifs d’accueil de jour et d’hébergement seraient améliorés pour permettre de prendre en charge sans délai tous les jeunes adressés par les juges. Elle a par ailleurs fait part de l’accroissement des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse en vue de répondre à l’augmentation du nombre de mineurs interpellés par les services de police et de gendarmerie, passé de 92.000 en 1993 à 126.000 en 1995 et à 154.400 en 1997. Elle a ainsi annoncé qu’une cellule de coordination de l’accueil d’urgence associant secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, secteur associatif habilité et l’aide sociale à l’enfance, en concertation avec les juridictions, serait mise en place dans 26 départements prioritaires. Enfin, elle a informé la Commission que le nombre des dispositifs éducatifs renforcés permettant d’organiser des séjours de rupture pour les mineurs les plus difficiles passerait de treize à vingt d’ici fin 1999. Elle a également indiqué que la protection judiciaire de la jeunesse connaîtrait pour 1999 le plus fort taux annuel d’augmentation de ses effectifs depuis 1982 avec 150 créations d’emplois, dont 113 d’éducateurs et de chefs de service éducatif, et que ses crédits de fonctionnement augmenteraient de 6,8 %, soit une hausse de 19 millions de francs, les crédits d’investissements affectés entre autres à la création de nouveaux foyers d’hébergement et à la rénovation des foyers existants s’élevant pour leur part à 97 millions de francs.

La garde des Sceaux a ensuite précisé les orientations de sa politique vis-à-vis des services pénitentiaires. Rappelant qu’elle avait présenté en conseil des ministres le 8 avril 1998 une communication sur le rôle et la place des services pénitentiaires dans l’amélioration de l’exécution des décisions de justice, elle a déploré la surpopulation carcérale, précisant que le nombre des détenus au 1er juillet 1998 était de 57.458 tandis que la durée moyenne d’incarcération continuait de s’allonger, passant de 7,8 mois en 1996 à 8,1 mois en 1997. Elle a, en outre, fait état de l’augmentation des publics suivis en milieu ouvert avec un effectif de 123.000 personnes en 1997, soit une augmentation de 5 % par rapport à 1996. Annonçant un taux de croissance du budget de l’administration pénitentiaire proche de 6 % avec 344 créations d’emplois dont 220 de personnels de surveillance, elle a indiqué que 11,7 millions de francs seraient consacrés à l’amélioration de la situation indemnitaire ou statutaire de ces personnels. Elle a ensuite précisé qu’elle souhaitait améliorer la prise en charge des détenus tout en développant des alternatives à l’incarcération. S’agissant des conditions de détention, elle a déclaré qu’elle souhaitait généraliser la mise en place d’un projet d’exécution des peines, reconsidérer les conditions de détention des prévenus, améliorer les conditions d’hygiène et l’assistance accordée aux indigents à leur entrée et à leur sortie de prison, maintenir les liens familiaux en réfléchissant à la mise en place des unités de visite familiale pour les établissements de longue peine, augmenter le nombre de postes de surveillants affectés aux quartiers des mineurs, poursuivre la modernisation du parc pénitentiaire avec la construction de trois nouveaux établissements à Lille, Toulouse et Le Pontet, et entamer la rénovation des établissements anciens, dont Fresnes, Fleury, La Santé, Loos et les Baumettes. Enfin, évoquant le développement des alternatives à l’incarcération, elle a considéré que la réforme en cours des services pénitentiaires d’insertion et de probation fondée sur la mise en place d’une organisation unique à compétence départementale et la création de 78 emplois nouveaux pour 1999 devait améliorer le fonctionnement des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires et des comités de probation et d’assistance aux libérés. Elle a, par ailleurs, indiqué que les sites de Metz-Barrès et des Baumettes avaient été retenus pour la réalisation de centres pour peines aménagées qui ont pour objet d’améliorer la prise en charge des détenus de courte peine et a ajouté que des études pour la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique institué par la loi du 19 décembre 1997 étaient actuellement en cours.

Tout en saluant l’augmentation du budget de la justice pour 1999, M. Jacques Floch, rapporteur pour avis des crédits de la justice (administration centrale et services judiciaires) a rappelé le souhait de la majorité de voir porter ce même budget à environ 30 milliards de francs pour la fin de la législature. Il a insisté sur la nécessité d’ouvrir les moyens financiers permettant la mise en place effective des réformes engagées, regrettant qu’un tel principe n’ait pas été respecté pour la réforme de la cour d’assises, sous la précédente législature. Rappelant le nombre de décisions de justice rendues annuellement, il a considéré que la majeure partie de la population était essentiellement concernée par les deux millions de décisions de nature civile. Après avoir émis le vœu de recevoir dès que possible les réponses manquantes au questionnaire budgétaire, le rapporteur a, tout d’abord, interrogé le ministre sur la gestion des personnels, s’étonnant en particulier des différences de traitement constatées au détriment des magistrats affectés en administration centrale par rapport aux personnels administratifs occupant des postes similaires. Il a ensuite attiré l’attention de la ministre sur le recrutement croissant de vacataires du service public de la justice, regrettant que, dans certains cas, ceux-ci accomplissent des tâches qui excèdent leur vocation, telle que la rédaction des arrêts. Il a de surcroît fait observer que, à terme, cette situation pourrait susciter des demandes tendant à la création de corps permanents composés de ces vacataires ou contractuels.

Evoquant tout d’abord les crédits budgétaires afférant à la protection judiciaire de la jeunesse, M. André Gerin, rapporteur pour avis des crédits de la justice (services pénitentiaires et protection judiciaire de la jeunesse) a souligné que la priorité devrait porter sur le traitement de la délinquance des mineurs et se traduire par la mise en place de réponses judiciaires plus rapides, par le raccourcissement des délais pour l’application des mesures de prise en charge, par l’accroissement du suivi médico-psychiatrique et enfin par l’augmentation du nombre de mesures de réparation. Il a, toutefois, insisté sur le fait que le problème de la délinquance des mineurs était inséparable de celui de l’enfance en danger, ajoutant qu’il devait recevoir une réponse globale associant notamment les parents, lesquels doivent renouer avec leurs responsabilités dans la chaîne de l’autorité. S’agissant des crédits consacrés à l’administration pénitentiaire, il a évoqué l’amélioration de la prise en charge des détenus lors de leur sortie de prison, l’amélioration des conditions de travail des personnels, la nécessaire rénovation d’établissements pénitentiaires trop souvent vétustes et le développement des alternatives à l’incarcération. Le rapporteur a ensuite interrogé la garde des sceaux sur des éventuels recrutements en surnombre afin de compenser les départs en retraite des personnels de surveillance, liés à la bonification du cinquième, estimant, par ailleurs, qu’environ 250 agents de l’administration pénitentiaire, exerçant actuellement des tâches administratives, pourraient être réaffectés à des missions de surveillance. Il a également souhaité connaître le délai d’achèvement de la réforme statutaire des personnels techniques, ainsi que l’état d’avancement de la revalorisation des indemnités des personnels administratifs et de la construction d’un septième établissement pénitentiaire. Après avoir déploré le délabrement et la vétusté des prisons de Lyon, il a souhaité obtenir des précisions sur les réflexions du ministère concernant l’avenir de ces établissements. Enfin, le rapporteur a attiré l’attention de la garde des sceaux sur le dossier de l’extraction des détenus en cas de consultation hospitalière, indiquant que celui-ci devrait, au plus tôt, faire l’objet d’un accord entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice, conformément aux conclusions du rapport confié à M. Guy Fougier.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a, en préambule, exprimé le souhait des commissaires membres de l’opposition d’entendre la garde des sceaux sur les nouvelles propositions de loi relatives au PACS. S’agissant du budget de la justice, il a rappelé que l’opposition, tout en plaidant pour une stabilisation en francs constants des dépenses publiques, estimait néanmoins que les grandes fonctions régaliennes constituaient une priorité. A cet égard, il s’est interrogé sur l’opportunité de proposer au Parlement une programmation pluriannuelle afin de mesurer les besoins et de planifier les moyens budgétaires correspondant. Reconnaissant que les lois de programmation faisaient l’objet d’une application souvent aléatoire, il a cependant fait valoir que celles-ci constituaient un instrument utile pour les ministères dépensiers au moment des arbitrages budgétaires.

Après s’être félicité de l’augmentation du budget de la justice qui permet de combler une partie du retard accumulé ces dernières années, M. Louis Mermaz s’est interrogé sur l’évolution de la carte judiciaire. Il a souhaité savoir quels seraient les moyens consacrés aux juges de la détention provisoire afin qu’ils puissent étudier de manière approfondie les dossiers. Tout en approuvant les différentes mesures évoquées par la ministre pour lutter contre la délinquance des mineurs, il a estimé nécessaire de mettre en place un suivi médico-psychologique de cette population. Il a ensuite souhaité savoir si la réforme des cours d’assises était abandonnée. Après avoir considéré qu’il y avait trop de détenus dans les prisons françaises, il a suggéré que l’on réfléchisse aux moyens d’humaniser les conditions de détention des personnes condamnées à perpétuité, faisant valoir que la peine de mort n’avait pas été supprimée pour être remplacée par une « mort à petit feu ».

Se déclarant sceptique sur l’efficacité du budget proposé, M. Jean-Luc Warsmann s’est interrogé sur le caractère suffisant du nombre de postes pour les juges de la détention provisoire. Il a estimé nécessaire d’améliorer la visibilité de la politique judiciaire et d’anticiper les besoins financiers, comme par exemple pour la réforme des tribunaux de commerce. Evoquant le nombre de mineurs interpellés, il s’est demandé si les mesures prévues étaient à la hauteur des difficultés que connaissent certains quartiers. Il a ensuite souhaité connaître le nombre de magistrats en fonction et celui de postes non pourvus. Il a conclu en évoquant le malaise de l’administration pénitentiaire, qui s’est traduit récemment par des mouvements de protestation.

Après s’être félicité de l’augmentation du budget de la justice, M. Alain Tourret a souhaité que des moyens soient débloqués pour le développement de la vidéo-conférence dans les tribunaux. Il a estimé nécessaire que les prévenus puissent, comme les condamnés, disposer de cellules individuelles. Faisant valoir que la justice devait participer à l’aménagement du territoire, il s’est inquiété du fait que les pouvoirs publics envisagent de supprimer des tribunaux et des postes de police ou de gendarmerie dans sa circonscription.

Considérant que le budget présenté cette année était le meilleur budget depuis longtemps, M. Gérard Gouzes a souhaité savoir s’il existait un plan de développement informatique, indispensable pour moderniser l’administration judiciaire, et des moyens pour former les personnels. Il s’est interrogé sur le statut des 400 assistants de justice et a demandé des précisions sur la réforme des tribunaux de commerce. Il a enfin souhaité savoir où en était la réforme des cours d’assises.

Après avoir souligné que le budget de la justice progressait de manière significative, même si cette progression était inférieure à celle du budget de l’environnement, d’un volume certes plus réduit, M. Pascal Clément a regretté que les créations d’emplois concernent principalement les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse, les magistrats étant comme d’habitude les moins bien traités. Il a souhaité savoir si la réforme, qui a permis de passer de quatre à deux grades dans la magistrature, était considérée au sein de ce corps comme un élément d’amélioration de la carrière. Faisant valoir que les meilleurs magistrats étaient à Paris, il a souhaité savoir si l’E.N.M., école d’application, resterait définitivement à Bordeaux. Après avoir évoqué le problème des tribunaux de grande instance de son département, il a demandé si la réforme des cours d’assises avait été abandonnée pour des motifs financiers ou en raison d’un désaccord de fond.

Après avoir fait part de sa satisfaction de voir le budget de la justice augmenter, M. Jacky Darne a néanmoins remarqué que quelques points faibles demeuraient concernant en particulier le suivi des décisions de justice. Il a insisté sur la nécessité de renforcer l’effort en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse. Après avoir constaté que la prison n’assurait pas correctement sa fonction de dissuasion et de réinsertion, ce qui conduit à de nombreuses récidives, il a souhaité que soient développées des mesures d’évaluation pour remédier à ces faiblesses du système. Il a ajouté que le suivi psychologique et psychiatrique était nettement insuffisant, jugeant qu’il convenait, là aussi, de prendre les dispositions adéquates. Il a ensuite soulevé la question du partage des financements entre les communes et le ministère de la justice à propos de la création des maisons de justice, dont la charge essentielle échoit aux budgets municipaux. Enfin, il a souhaité que soit simplifié le mode de répartition des compétences entre les différents ministères qui interviennent pour la délivrance de pièces d’identité, la complexité actuelle des procédures administratives qui associent plusieurs ministères, suscitant des difficultés, notamment pour les ressortissants algériens.

Considérant que l’établissement pénitentiaire de la Guadeloupe n’était pas suffisamment sûr et soulignant que l’on y observait bon nombre d’évasions, M. Ernest Moutoussamy a demandé à la ministre de lui faire connaître quels étaient les moyens qui pourraient être dégagés pour améliorer cette situation.

M. Emile Blessig a constaté que le montant du budget affecté à l’aide juridictionnelle était important puisqu’il atteignait 1,44 milliard, marquant une augmentation de 215 millions. Il s’est cependant interrogé sur les conséquences budgétaires que pourrait avoir la réforme relative à la présomption d’innocence se demandant en particulier sur quelles bases statistiques avait été calculé le coût de l’intervention de l’avocat lors de la première heure de la garde à vue, évalué à 20 millions de francs.

Mme Christine Lazerges a exprimé tout d’abord sa satisfaction de voir que, dans la circulaire du 15 juillet 1998, un grand nombre de ses propositions avaient été reprises. Elle a jugé que la création de 200 postes de délégués du Procureur était suffisante pour une première année, soulignant qu’il convenait d’organiser sérieusement leur recrutement et leur formation. En revanche, elle a considéré que la création de 150 postes nouveaux pour la protection judiciaire de la jeunesse était en deçà des véritables besoins qu’elle a évalués à 300 postes. Elle s’est demandé si sur les 140 postes de magistrats créés, il serait possible d’en affecter la moitié en qualité de juges de la détention, compte tenu de la nouvelle carte judiciaire. Par ailleurs, relevant la création à Toulouse d’un quartier pour l’emprisonnement des mineurs doté de 50 places, alors que l’effectif maximal devrait être de 25 pour qu’un tel quartier fonctionne dans des conditions satisfaisantes, elle s’est demandé s’il ne s’agissait pas en fait de deux quartiers. Concernant la prison, elle s’est félicitée des moyens mis en œuvre pour une meilleure organisation du temps de détention et a émis le vœu que ces moyens soient également à disposition de la protection judiciaire de la jeunesse au sortir des maisons d’arrêt. Enfin, elle a souhaité savoir si les 3 millions de francs affectés à la médiation familiale permettraient la mise en place de nouvelles associations orientées vers la médiation ou favorisant la réparation.

M. Philippe Houillon s’est tout d’abord félicité de la progression du budget de la justice. Il s’est néanmoins interrogé sur l’affectation des 140 nouveaux magistrats, se demandant en particulier s’ils allaient constituer un renfort ou plutôt être employés à de nouvelles tâches. Il a souhaité connaître les conséquences de la réforme annoncée des tribunaux de commerce sur ces affectations. Il a conclu en faisant état des sous-effectifs dont le tribunal de grande instance de Pontoise souffrait.

M. Jérôme Lambert a jugé nécessaire de développer une vision à long terme de l’évolution du ministère de la justice qui constitue un pilier de notre régime démocratique. Concernant la réforme visant à instaurer une procédure d’appel des jugements des cours d’assises, il s’est demandé si un assouplissement de la procédure de révision ne pourrait pas constituer une solution simple et pragmatique à cette question. Il a également souhaité avoir des précisions sur la réforme de la profession des commissaires-priseurs.

Rappelant les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’emploi des fonds publics en Corse, M. Christian Paul a souligné que depuis une année des moyens nouveaux avaient été mis en œuvre. Il a souhaité connaître quelles étaient, en la matière, les intentions du ministre pour 1999, en particulier en ce qui concerne les moyens en personnel, la situation de l’immobilier et la sécurité des magistrats en Corse.

Mme Catherine Tasca, Présidente, s’est réjouie que les commissaires aient pu poser un grand nombre de questions de fond à la ministre. Elle a considéré que cela témoignait du grand intérêt que la commission des Lois attachait au budget du ministère de la justice. Elle a souhaité savoir si une réflexion était en cours sur l’évolution de la politique globale de formation des métiers de la justice, prenant l’exemple de la réforme des tribunaux de commerce ou de la création de postes de délégués du procureur de la République qui nécessitent des formations spécifiques.

En réponse aux questions des commissaires, la ministre de la justice a apporté les précisions suivantes.

S’agissant de l’administration générale et des services judiciaires :

—  La comparaison entre le budget de la justice et celui de l’Etat n’est pas vraiment pertinente. Ce dont la justice a le plus besoin c’est de créations d’emplois pour les services judiciaires, l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse ; or, ce n’est pas ce qui coûte le plus cher.

—  Les emplois d’assistant de justice sont exclusivement confiés à des étudiants en D.E.A. ou en thèse qui ont vocation à poursuivre leurs études ou à passer le concours externe de magistrat mais en aucun cas à intégrer le corps judiciaire par la voie interne.

—  Toutes les réformes en cours et à venir seront accompagnées des moyens nécessaires à leur bonne application.

—  Des efforts restent à faire pour harmoniser le statut des fonctionnaires, originaires de différents corps, qui travaillent à l’administration centrale et pour rendre plus attractives les primes perçues par les administrateurs civils et les attachés d’administration centrale, d’autant plus que de nombreux magistrats sont sollicités pour travailler dans des organismes extérieurs au corps judiciaire.

—  Les lois de programmation pluriannuelles donnent plus souvent lieu à des effets d’annonce qu’à des résultats effectifs. Il est préférable de faire preuve d’une volonté politique confirmée année après année par l’obtention de moyens supplémentaires que de définir des objectifs chiffrés pour les cinq années à venir sans assurance qu’ils seront respectés.

—  La réforme de la carte judiciaire repose sur une méthode nouvelle tenant à l’analyse précise des données géographiques, démographiques et économiques et non sur un a priori de départementalisation. Elle s’inscrit dans une démarche interministérielle car il doit être tenu compte des autres réformes en cours ayant des incidences au plan local.

—  La révision de la carte judiciaire des tribunaux de commerce devrait être terminée dès la fin de l’année 1999. Quant à la réforme des tribunaux eux-mêmes, un projet de loi devrait être prêt à la fin du premier semestre de cette même année. Compte tenu de la nécessité de revoir le statut des professions judiciaires impliquées dans le fonctionnement de ces tribunaux, l’ensemble de la réforme devrait pouvoir entrer en vigueur au début de l’an 2000. Le ministère des finances a d’ores et déjà donné son accord pour la création de 350 emplois de magistrats professionnels supplémentaires et l’Ecole nationale de la magistrature va organiser une formation spécifique.

—  Le taux de vacances est actuellement d’environ 3 %, mais il devrait être inférieur en 1999 compte tenu du recrutement de 265 magistrats (dont 100 par concours exceptionnels et 145 par la voie de l’E.N.M.) pour seulement 70 départs à la retraite. Les créations de postes de magistrats se sont élevées à 60 en 1995 et 1996, 30 en 1997, 70 en 1998 et 140 en 1999.

—  La visio-conférence est certainement une méthode de travail qui mériterait d’être développée.

—  Le plan d’informatisation est poursuivi ; en 1998, 500 magistrats ont été équipés d’ordinateurs.

—  Une circulaire sur l’état civil a été envoyée dans les services concernés mais sans doute conviendrait-il de rechercher encore des améliorations.

—  Dans le Val d’Oise, les postes vacants de magistrats seront proposés au prochain mouvement de janvier 1999 et les postes vacants de greffiers à la commission administrative paritaire de décembre prochain. A Bastia, tous les postes de magistrats viennent d’être pourvus et les assistants spécialisés affectés au pôle économique et financier vont arriver sous peu. Seuls les travaux de rénovation du palais de justice ont pris du retard, la procédure d’appel d’offres devant être réengagée.

—  Les critères objectifs de répartition des magistrats par juridictions seront rendus publics par circulaire.

En ce qui concerne les services pénitentiaires et la protection juridique de la jeunesse :

—  Il est nécessaire d’attendre l’évaluation du coût des trois établissements pénitentiaires prévus dans la première tranche du programme de construction pour savoir si le ministère dispose de moyens suffisants pour construire un septième établissement qui, en tout état de cause, ne dépassera pas 400 places, puisque son budget ne peut être supérieur à 300 millions de francs.

—  Les personnels de surveillance, qui exercent un métier très difficile, ne se sentent pas suffisamment reconnus. Il existe sans doute une insuffisance des effectifs mais ce corps connaît également un très fort taux d’absentéisme, reconnu par les syndicats eux-mêmes, qui résulte souvent de l’insuffisance du dialogue social. L’objectif du ministère est de ramener les 200 personnels de surveillance affectés à des tâches administratives à des postes de surveillance dans le cadre du programme de gestion informatisée des détenus en établissement (G.I.D.E.). S’agissant de la compensation des départs anticipés à la retraite, les 502 postes d’élèves-surveillants en surnombre que le ministère vient d’obtenir permettront de régler le problème pour cette année.

—  Concernant la provision de 7,4 millions de francs destinée au régime indemnitaire des personnels administratifs, seul l’accord du ministère de la fonction publique est encore nécessaire pour pouvoir débloquer cette somme, le ministère du budget ayant donné son feu vert.

—  Les extractions pour consultation dans les hôpitaux suscitent de réelles difficultés, les réticences de la police et de la gendarmerie pour assurer la sécurité des escortes étant de plus en plus fortes.

—  Il est difficile d’assurer la visibilité des grandes décisions prises en matière de politique pénitentiaire, personne ne voulant voir ce qui se passe dans les prisons. Il convient cependant de noter qu’une communication a eu lieu en Conseil des ministres le 8 avril dernier et que le Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire s’est réuni cette année pour la première fois depuis douze ans.

—  L’enveloppe financière consacrée à la médiation familiale a été multipliée par deux et les emplois destinés à la protection judiciaire de la jeunesse ont fortement augmenté, mais il est difficile de combler les déficits accumulés les années précédentes.

—  Les dispositifs d’urgence mis en place dans les vingt-six départements prioritaires permettront une meilleure articulation entre les différents services qui concourent à la protection de la jeunesse. La diversification des modes d’accueil, la création des délégués du procureur et les mesures de simplification de la procédure pénale permettront d’apporter une réponse mieux adaptée et plus systématique aux actes de délinquance.

—  Pour être effectives, les mesures de réparation, notamment le travail d’intérêt général, nécessitent la collaboration des collectivités locales. Elles doivent être organisées dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Une réflexion est actuellement en cours avec les présidents de conseils généraux, qui sont chargés de la prévention de la délinquance, pour arriver à une meilleure articulation avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

—  L’éducation nationale a largement contribué à la création de classes-relais. Mais il faut avoir conscience qu’on ne peut pas tout demander à la justice, notamment de régler le problème des incivilités.

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Après le départ de la Ministre, la Commission a procédé à l’examen pour avis des crédits du ministère de la justice pour 1998.

Conformément aux conclusions de ses rapporteurs pour avis, M. Jacques Floch et M. André Gérin, elle a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de l’administration centrale et les services judiciaires ainsi que des services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.

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La Commission a ensuite procédé à l’examen des crédits du secrétariat d’Etat à l’outre-mer pour 1999 : départements d’outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis, a d’abord signalé à la Commission la nouveauté que constitue le grand débat sur l’outre-mer, inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée le 23 octobre, à l’occasion de la discussion des crédits du secrétariat d’Etat, qui répond à une demande des élus, et manifeste l’attention particulière du Gouvernement à l’égard des départements et territoires d’outre-mer.

Il a considéré que la nette augmentation, pour la deuxième année consécutive, du budget du secrétariat d’Etat à l’outre-mer, en croissance de 7 %, qui approche 5,6 milliards de francs, était un autre signe de cet intérêt. Il a précisé que, comme en 1998, ce renforcement était concentré sur la part relative aux départements et collectivités territoriales d’outre-mer, qui passerait de 4,1 milliards de francs à 4,56 milliards de francs, soit une progression de 10 % en 1999 et de l’ordre de 30 % sur deux ans. Il a souligné que cette augmentation tenait à ce que les priorités de la loi de finances – emploi, insertion et logement social – constituaient des points forts du budget des D.O.M.

Abordant ensuite les principales dotations, il a évoqué le fonds pour l’emploi dans les départements d’outre-mer (F.E.D.O.M.), qui représente à lui seul 40 % des crédits relatifs à ces départements, et doit atteindre 1,8 milliard de francs, du fait d’une augmentation de 108 millions de francs de ces crédits. Il a insisté sur l’enveloppe relative aux emplois-jeunes, s’élevant à 445 millions de francs, qui doit permettre d’assurer, sur les deux années 1998 et 1999, le financement d’un total de 7.000 de ces emplois. Il a précisé que les autres crédits du F.E.D.O.M. permettraient de financer au total, hors emploi-jeunes, 56.400 solutions d’insertion, principalement des contrats emploi-solidarité.

Il a ensuite évoqué l’aide au logement, principale source de progression du budget des D.O.M. en 1999, avec un relèvement de 329 millions de francs de la ligne budgétaire unique, qui s’approchera ainsi de 900 millions de francs, conséquence de l’effort d’accélération des réalisations de programmes conduite par le secrétariat d’Etat. Il a ajouté que la créance de proratisation du R.M.I., portée à 815 millions de francs, continuerait d’être répartie à raison des trois quarts vers le logement, le dernier quart, destiné à des actions d’insertion, devant être principalement versé sous forme de subventions aux quatre agences d’insertion, dont le budget annuel global s’établirait de ce fait à 800 millions de francs.

Le rapporteur pour avis s’est réjoui de ce que le projet de loi de finances ne prévoit aucune modification du dispositif de défiscalisation pour l’investissement outre-mer, après la réforme réalisée l’an dernier. Présentant les dotations du fonds pour l’investissement dans les départements d’outre-mer (F.I.D.O.M.), fixées à 170 millions de francs en crédits de paiement, il a rappelé qu’elles relevaient principalement de l’application des contrats de plan, scrupuleusement respectés, et a indiqué que, pour le surplus, leur recul tenait principalement à l’arrivée à expiration d’opérations soldées en 1998, dont la garantie de l’Etat à la Société financière de développement de la Guyane (S.O.F.I.D.E.G.), dans le cadre du plan vert en Guyane. Evoquant le F.I.D.O.M. décentralisé, dont la mise en extinction progressive doit parvenir à son terme en 1999, il a fait part de son intention d’interroger le secrétaire d’Etat à l’outre-mer sur l’éventualité d’un décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement.

Par-delà une légère augmentation due à l’application des mesures relatives aux rémunérations, il a indiqué que les crédits du service militaire adapté (S.M.A.) dans les D.O.M. seraient stabilisés. Il a fait part des incertitudes quant au rythme de la transition vers le volontariat, dans le cadre de la réforme du service national, la prévision pour 1999 portant sur 1.000 suppressions de postes d’appelés, avec 31 postes de cadres associés, et la création de 500 emplois de volontaires, dont 60 % de stagiaires et 40 % de volontaires techniciens chargés de les encadrer. Il a exprimé le vœu qu’au-delà de la période transitoire, le S.M.A., excellent outil d’insertion, voie de nouveau ses effectifs renforcés.

Le rapporteur pour avis a rappelé que l’ensemble de l’effort budgétaire destiné aux D.O.M. serait presque dix fois plus élevé que la part figurant au budget du secrétariat d’Etat, avec un total de 40,4 milliards de francs en 1999. Il a enfin souligné que les priorités budgétaires à l’insertion et au logement étaient pleinement légitimées si l’on replaçait dans une perspective de long terme l’évolution économique et sociale de l’outre-mer français. Il a noté que le niveau des créations d’emploi était plus élevé dans les D.O.M. qu’en métropole, et a considéré que les bonnes performances économiques n’ayant pas suffi à éviter la montée du chômage, liée à l’explosion démographique, le secrétariat d’Etat à l’outre-mer devait être incité à l’innovation. Il a estimé que l’outre-mer pourrait être le laboratoire de politiques ambitieuses en matière sociale et d’emploi.

Mme Catherine Tasca, présidente, a insisté pour que chacun soit conscient que le débat sur l’outre-mer du 23 octobre ne serait nullement un débat de routine et dépasserait le cadre de la discussion budgétaire. Elle a souhaité que ce débat soit à la hauteur de l’enjeu de l’évolution du territoire de la Nouvelle-Calédonie.

M. Jérôme Lambert, suppléant M. François Cuillandre, rapporteur pour avis, a présenté le budget des territoires d’outre-mer pour l’année 1999 comme un budget de transition, en rappelant d’une part, que le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie allait se mettre progressivement en place après le vote définitif de la loi organique prévue par le nouveau Titre XIII de la Constitution et, d’autre part, que la Polynésie française connaîtrait sans doute une évolution institutionnelle l’an prochain ainsi qu’une nouvelle organisation des communes, deux projets de loi étant soumis actuellement à l’examen du Sénat. Il a observé que le budget du secrétariat d’Etat à l’Outre-mer connaissait une augmentation importante de 7 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998, soulignant cependant que celle-ci n’affectait pas de la même façon les départements et les territoires d’outre-mer. Il a indiqué que, pour 1999, l’effort principal portait sur l’emploi et le logement avec une augmentation respective de ces secteurs de 6,4 % et 58 %. Il a constaté que les départements d’outre-mer seraient les principaux bénéficiaires de ces mesures de soutien à l’emploi et au logement. Rappelant que dans les territoires d’outre-mer, le champ d’intervention de l’Etat était plus limité par rapport à celui qui prévaut dans les départements d’outre-mer et que l’Etat y intervenait essentiellement par voie contractuelle et incitative, il a indiqué que la part « T.O.M. » du budget de l’Outre-mer ne connaissait pas la même évolution que l’ensemble de ce budget. Il a précisé qu’avec un milliard de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, la partie T.O.M. représentait 18 % du budget du secrétariat d’Etat à l’Outre-mer. Il a ajouté que si l’on mesurait l’évolution de ce budget par rapport à celui de 1998, on pouvait déceler une baisse apparente de 4,7 %.

Il a observé que la raison de cette baisse était simple à déterminer puis qu’elle correspondait à la non-reconduction de la subvention versée à la Polynésie française qui s’élevait, en 1998, à 52 millions de francs. Il a expliqué qu’en effet, conformément à la loi du 5 février 1994 d’orientation pour le développement de la Polynésie française, l’Etat prenait en charge une partie des versements du territoire aux communes dans le cadre du fonds intercommunal de péréquation et que ce dispositif prenait fin au 31 décembre 1998. Il a précisé qu’il faudrait attendre le vote par le Parlement du projet de loi organique relatif au régime communal en Polynésie, actuellement soumis au Sénat, pour que ce mécanisme de prise en charge puisse être reconduit en 1999. Il a également indiqué qu’en mesurant l’effort budgétaire et financier global consacré aux territoires d’Outre-mer tel qu’il apparaît dans le « jaune », on constatait que cet effort était en progression puisqu’il passe de 10,71 à 10,75 milliards de francs.

M. Jérôme Lambert a ensuite présenté les crédits du secrétariat d’Etat à l’outre-mer par agrégat. Il a tout d’abord indiqué que l’agrégat relatif à l’administration générale connaissait une augmentation de près de 3 % par rapport à 1998 et représentait 328 millions de francs. Il a noté que cinq postes d’attaché d’administration auprès du Haut Commissaire, ainsi que quatre postes d’agents titulaires des cadres territoriaux seraient créés en Nouvelle-Calédonie en 1999. Il a observé par ailleurs que la réforme du service national conduisait à une évolution du service militaire adapté et qu’en conséquence, les crédits qui y étaient affectés connaissaient une progression de 9,3 % pour les rémunérations et de 21 % pour les charges sociales. Il s’est félicité du maintien de ce dispositif qui permet d’offrir à un grand nombre de jeunes une formation en vue de les préparer à l’accès à la vie professionnelle. Puis il a évoqué l’agrégat relatif aux collectivités locales en notant que celui-ci subissait une baisse importante de 48 % par rapport à 1998, due à la non-reconduction de la subvention versée à la Polynésie française pour un montant de 52 millions de francs. Il s’est déclaré satisfait de l’augmentation notable de la subvention au budget de Wallis-et-Futuna qui passe de 1,6 million de francs à 3,3 millions de francs. Il a constaté en outre que la subvention au budget local de la Nouvelle-Calédonie se maintenait à 5,9 millions de francs, alors que celle consacrée aux Terres australes et antarctiques françaises connaissait une légère diminution de 1 % pour s’établir à 46,7 millions de francs. Il a expliqué la baisse des crédits affectés aux travaux d’intérêt local par la sous-consommation structurelle de ce chapitre. Quant à la section des territoires du F.I.D.E.S., il a noté que les autorisations de programmes étaient maintenues à hauteur de 3 millions de francs, les crédits de paiement passant, en revanche, de 6,45 millions de francs à 3 millions de francs en 1999. Il a ajouté que pour le dernier agrégat relatif au développement social et économique, on constatait une baisse d’environ 1 % due en partie à la diminution de la subvention à l’Agence de développement de la culture canaque, liée à l’achèvement du centre culturel Jean-Marie Tjibaou en 1998. Il a enfin considéré que le maintien à un niveau élevé de la subvention spécifique pour le développement de la Nouvelle-Calédonie, née des accords de Matignon et de la loi référendaire de 1988, soit 390 millions de francs, était une mesure positive, compte tenu de l’évolution institutionnelle que doit connaître ce territoire en 1999.

Enfin, M. Jérôme Lambert a conclu que le budget des territoires d’outre-mer rendait en partie compte des mutations qu’allaient connaître les deux principaux territoires, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Il a estimé que la nouvelle répartition des compétences entre l’Etat et ces collectivités conduirait sans doute, l’année prochaine, à une adaptation du mode de répartition des crédits qui tiendrait compte des nouvelles responsabilités reconnues à ces territoires.

Tout en se réjouissant de la progression des crédits de 7 % pour les départements d’outre-mer et de l’organisation d’un grand débat sur l’outre-mer le 23 octobre, M. Ernest Moutoussamy a regretté que la commission n’ait pas procédé à l’audition du Secrétaire d’Etat à l’outre-mer qui aurait permis de préparer ce débat en séance publique. Après avoir salué la réforme institutionnelle conduite en Nouvelle-Calédonie, il a déploré qu’aucune réflexion ne soit menée dans le domaine des institutions pour les départements d’outre-mer, cette question ne pouvant être dissociée de la réalité économique sur place.

Rappelant que la France était le seul Etat européen à avoir une dimension mondiale grâce à ses départements et territoires d’outre-mer et évoquant l’article 227, paragraphe 2, du traité d’Amsterdam qui a eu le mérite de prendre en compte la spécificité de ces départements français, il a souligné que les perspectives tracées par le traité étaient plus intéressantes que celles offertes par le cadre français actuel.

Evoquant le taux élevé de chômage dans les départements d’outre-mer, il a fait valoir que celui-ci ne s’expliquait pas seulement par le facteur de la croissance démographique, mais également par les effets du nombre considérable de faillites d’entreprises. Observant que les rapports sur l’emploi depuis plusieurs décennies montraient que le seul secteur marchand ne pouvait absorber le chômage, il a estimé qu’il convenait de s’appuyer sur le secteur non marchand pour venir à bout de ce problème, les agences départementales d’insertion constituant à cet égard un précieux outil de réflexion. Constatant en outre que la croissance était insuffisante pour créer des emplois, il a plaidé pour la définition d’un nouveau schéma de développement et s’est félicité de la très forte hausse des crédits de paiement qui devrait permettre une relance de la politique du logement. Il a regretté qu’en quatorze ans, les mesures fiscales prises en faveur de l’outre-mer ne soient à mettre au bénéfice que des seuls ministres de l’actuelle opposition.

Regrettant également que le secrétaire d’Etat à l’outre-mer n’ait pu être entendu par la commission, M. Dominique Bussereau s’est réjoui de la tenue d’un grand débat sur l’outre-mer le 23 octobre en séance. Il a fait part de ses inquiétudes sur l’issue du référendum en Nouvelle-Calédonie le 8 novembre prochain, observant que se manifestait, ici ou là, une opposition de plus en plus marquée à l’égard de l’évolution du territoire. Il a insisté sur la nécessité d’adopter rapidement les projets de loi relatifs aux communes de Polynésie qui risquent d’être confrontées à de réels problèmes à partir du 1er janvier prochain en raison de la suppression du versement de la quote-part de l’Etat au fonds intercommunal de péréquation. Après avoir manifesté ses réserves sur le choix du terme de pays d’outre-mer (P.O.M.) pour désigner à terme les territoires d’outre-mer qui bénéficieraient d’un nouveau statut, il a fait valoir qu’au regard de leur évolution, il serait difficile d’échapper à une réflexion sur le statut des départements d’outre-mer et en particulier sur le maintien de leur double statut régional et départemental, qui constitue une source de gaspillage financier.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

—  Le Gouvernement manifeste une certaine ouverture sur la question d’une évolution institutionnelle différenciée des départements d’outre-mer. Dans le cas de la collectivité territoriale de Mayotte, il a d’ailleurs tenu à ce que le rapport remis cet été par M. le préfet Bonnelle envisage en détail les différentes évolutions institutionnelles possibles.

—  La nécessité d’un effort particulier en matière de développement des emplois non marchands s’impose à l’évidence. Mais il importe de signaler que le budget de l’Etat prévoit, cette année encore, des moyens considérables à cet effet, et il convient de faire appel à la mobilisation et à l’imagination des collectivités locales d’outre-mer pour la mise en place à grande échelle de dispositifs correspondant à une véritable utilité sociale.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du secrétariat d’Etat à l’outre-mer pour 1999 : départements et territoires d’outre-mer.

Information relative à la Commission

La Commission a nommé M. René Dosière, rapporteur du projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie.

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