Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 19

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 10 décembre 1998

(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente,

SOMMAIRE

 

pages

– Audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, sur le projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 1228) et le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 1229)



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– Projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière (n° 825) (amendements)


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La Commission a procédé à l’audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, sur le projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 1228) et sur le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 1229) (M. René Dosière, rapporteur).

M. Jean-Jack Queyranne a rappelé que, après la signature de l’accord de Nouméa, l’Assemblée nationale s’était prononcée à une très large majorité, en faveur du projet de réforme constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie, adopté ensuite par le Parlement réuni en Congrès le 6 juillet dernier, à plus de 95 % des suffrages exprimés. Evoquant le référendum organisé dans le territoire sur la base du nouvel article 76 de la Constitution, il a indiqué qu’il avait abouti à une approbation de l’accord de Nouméa par près de 72 % des suffrages exprimés avec une participation exceptionnelle de 74 % des électeurs inscrits. Il a ainsi souligné la force du consensus politique obtenu en Nouvelle-Calédonie avec le concours de l’Etat. Puis il a rappelé qu’un avant-projet de loi avait été élaboré en concertation avec les partenaires calédoniens, qui avait recueilli un avis favorable du congrès du territoire le 12 novembre dernier, ce texte ayant été scindé, après passage en Conseil d’Etat, en deux projets distincts, l’un de nature organique, l’autre de nature ordinaire.

Le ministre a expliqué que les textes soumis au Parlement s’inscrivaient dans le cadre défini par le nouvel article 77 de la Constitution et qu’ils traduisaient un équilibre politique, résultant de concessions réciproques des partenaires calédoniens. S’agissant de la loi organique, il a indiqué qu’elle devait déterminer : la nature et les modalités des transferts de compétences et de charges entre l’Etat et les institutions de la Nouvelle-Calédonie ; les règles d’organisation et de fonctionnement des nouvelles institutions, ainsi que la nature juridique des actes de l’assemblée délibérante ; les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l’emploi et au statut civil coutumier ; les conditions et les délais dans lesquels sera organisée la consultation relative à l’accession à la pleine souveraineté. S’agissant de la loi ordinaire, il a rappelé qu’elle visait à compléter les dispositions organiques, afin de mettre en œuvre l’intégralité de l’accord de Nouméa. Présentant le choix retenu pour le fonctionnement des institutions du territoire, il a indiqué qu’il s’inspirait largement de la loi référendaire de 1988, tout en s’efforçant de remédier à une instabilité institutionnelle et politique qui pose actuellement d’importants problèmes à la Nouvelle-Calédonie. Soulignant que ces textes devaient s’appliquer jusqu’à l’accession à la pleine souveraineté, il a remarqué qu’ils traduisaient l’irréversibilité des transferts de compétences reconnus par l’accord de Nouméa.

Le ministre a observé que les projets de loi permettaient en premier lieu la pleine reconnaissance de l’identité kanak à travers l’instauration d’un statut civil coutumier dans le prolongement du nouvel article 75 de la Constitution. Il a ainsi expliqué que les kanaks ne bénéficiant pas de ce statut pourraient l’obtenir sous le contrôle du juge, et ajouté que les terres coutumières recevraient un statut défini précisément. Il a déclaré que la représentation de la coutume était reconnue par la création d’un sénat coutumier et de conseils coutumiers dont les compétences sont consultatives, mais obligatoires dans les domaines touchant à l’identité kanak, tels les signes distinctifs, le statut civil coutumier, le régime des terres coutumières ou les modalités d’élection à ces institutions nouvelles. Il a en outre expliqué que le sénat coutumier participerait, par sa représentation, au conseil économique et social, aux conseils d’administration de divers établissements publics et aux conseils consultatifs des mines ainsi qu’à la vie institutionnelle du territoire, le congrès de la Nouvelle-Calédonie étant cependant appelé à statuer définitivement en cas de désaccord sur les projets ou propositions de loi du pays soumis au sénat coutumier.

M. Jean-Jack Queyranne a, par ailleurs, souligné l’importance des transferts de compétences de l’Etat au profit de la Nouvelle-Calédonie. Il a ainsi indiqué que seuls les pouvoirs régaliens, que sont la justice, l’ordre public, la défense, la monnaie, le crédit et le change, restaient dévolus au pouvoir central, la compétence locale de droit commun restant attribuée aux provinces. Abordant la question du calendrier des transferts, il a déclaré que certains d’entre eux interviendront à compter du 1er janvier 2000, les autres devant s’étaler sur la période courant de 2004 à 2014. S’agissant des établissements publics d’Etat, il a précisé que ceux-ci seront transférés à la demande du congrès. Il a par ailleurs observé que certaines compétences seraient exercées conjointement par l’Etat et la Nouvelle-Calédonie, ajoutant, qu’en matière minière, le transfert serait assorti d’une intervention pour avis de l’Etat, les décisions définitives appartenant aux institutions calédoniennes. En matière d’accès à l’emploi, il a indiqué que le projet de loi organique donnait au congrès le pouvoir de légiférer, ce qui impliquait un contrôle du Conseil constitutionnel ainsi qu’une réforme du traité instituant l’Union européenne. Concluant son propos sur les transferts de compétences, il a déclaré que ceux-ci seraient assortis d’une compensation financière largement inspirée du régime institué en métropole dans le cadre du processus de décentralisation.

Abordant la question des institutions nouvelles, le ministre a observé que celles-ci relevaient des principes d’un régime d’assemblée. Il a indiqué que le congrès demeurerait la réunion des membres des trois assemblées de province, qui auront cependant de nouveaux membres ne siégeant pas au congrès en application d’un régime électoral inspiré de celui qui s’applique aux conseils d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille. Il a ajouté que le droit de vote pour les élections aux assemblées de province serait subordonné à une condition de résidence de dix ans sur le territoire, condition permettant la création de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Il a, par ailleurs, souligné que le projet de loi organique, en créant les lois du pays, introduisait une nouvelle catégorie de normes juridiques qui devront, après avis du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie, être adoptées à la majorité absolue des membres du congrès. Précisant que le domaine de ces lois était clairement défini, il a indiqué qu’une seconde délibération ou un contrôle du Conseil constitutionnel serait possible sur demande du haut-commissaire, du gouvernement, du président du congrès, d’une assemblée de province ou d’un tiers des membres du congrès.

Présentant l’exécutif de la Nouvelle-Calédonie, il a souligné qu’il était transféré à un gouvernement composé de cinq à onze membres, élus par le congrès au scrutin de liste à la proportionnelle. Il a indiqué que ce gouvernement serait collégial, sa responsabilité pouvant être mise en cause par le vote d’une motion de censure par le congrès. Il a par ailleurs ajouté que le haut-commissaire assisterait de plein droit aux séances du gouvernement sans avoir de voix délibérative, mais pourrait demander une deuxième délibération d’un arrêté du gouvernement. Il a enfin indiqué que le président du gouvernement dirigerait l’administration de la Nouvelle-Calédonie, qu’il était l’ordonnateur des dépenses et qu’il pouvait déléguer, sur autorisation du congrès, certaines de ses attributions à un ou plusieurs des membres du gouvernement.

S’agissant des provinces, le ministre a observé qu’elles se trouvaient confortées dans le statut de collectivités disposant d’une compétence de droit commun qui leur a été reconnu, à la suite des accords de Matignon, par la loi référendaire de 1988. Il a indiqué que la seule innovation tenait à la mise en place d’une procédure de censure du président de l’assemblée de province au moment du débat budgétaire.

En matière électorale, outre l’augmentation du nombre des membres des assemblées de province et la définition du corps électoral calédonien, le ministre a indiqué qu’un seuil de 5 % des électeurs inscrits serait requis pour participer à la répartition des sièges afin d’éviter la dispersion des suffrages et l’instabilité des institutions, les prochaines élections aux assemblées de province et au congrès devant avoir lieu avant le 1er août 1999. Il a par ailleurs précisé que le conseil économique et social était maintenu dans une composition élargie et que les communes demeuraient des collectivités territoriales relevant de l’Etat, au moins jusqu’en 2009, qui pourraient cependant bénéficier, sur décision du congrès, de transferts financiers en provenance du budget du territoire.

Abordant enfin la question de l’accession à la pleine souveraineté, il a déclaré que la date de la consultation serait déterminée au cours du mandat du congrès commençant en 2014 par délibération de cette institution ou, à défaut, par l’Etat. Rappelant que l’accord de Nouméa prévoyait que ce passage à la pleine souveraineté pourrait faire l’objet de trois consultations successives, il a précisé que le projet de loi organique ramenait ce nombre à deux. Il a ajouté que l’accord de Nouméa imposait une condition de résidence de vingt ans pour faire partie du corps électoral appelé à participer à cette consultation.

S’agissant de la question du développement économique, social et culturel, le ministre a indiqué que le titre VIII du projet de loi organique prévoyait, notamment, la conclusion de contrats pluriannuels de développement entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie et les provinces, un accord particulier devant traiter du patrimoine culturel kanak et du centre culturel Tjibaou. Il a, par ailleurs, fait part à la Commission de la reconnaissance des langues kanak comme langues d’enseignement et de culture.

Quant aux dispositions du projet de loi ordinaire, M. Jean-Jack Queyranne a souligné qu’elles visaient à déterminer les missions et les attributions du haut-commissaire, à fixer le cadre de l’action de l’Etat pour le développement et le rééquilibrage économique et social de la Nouvelle-Calédonie, à préciser le régime applicable à la comptabilité publique, à définir les règles relatives aux communes, à adapter le fonctionnement du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie à ses attributions nouvelles et à préciser les règles applicables en matière électorale.

Le ministre a conclu son propos en indiquant que les deux projets de loi visaient à établir des rapports nouveaux entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie, en répondant à la situation particulière de ce territoire, qui souhaite à la fois partager un destin commun avec la France et assurer son émancipation politique et économique.

M. René Dosière, rapporteur, a tout d’abord regretté que le Parlement dispose de délais aussi brefs pour examiner des textes de cette importance, alors que le gouvernement y travaille depuis plusieurs mois, soulignant qu’en dehors d’un « noyau dur » devenu intangible du fait de sa constitutionnalisation, les assemblées disposaient d’une certaine marge de manœuvre sur le contenu des autres dispositions.

Après avoir souhaité que les prérogatives du haut-commissaire soient préservées tout au long du processus, il s’est inquiété du devenir des personnels qui travaillent au haut-commissariat, puis a souligné que, d’une manière générale, les mesures organisant les transferts de compétences n’étaient accompagnées d’aucune dispositions relatives au personnel, contrairement à ce qui a été fait pour le mise en place de la décentralisation en métropole. Il a également évoqué les dispositions de l’article 22 du projet de loi ordinaire, s’étonnant qu’un billet de retour soit exigé des personnes qui se rendent en Nouvelle-Calédonie et exprimant des doutes sur la conformité de ces dispositions à la Constitution.

Abordant ensuite le système de gouvernement proposé par le projet de loi organique, il a admis qu’il était nécessaire de rendre une cohabitation possible, mais a émis le voeux que l’équilibre institutionnel soit cependant renforcé. A cet égard, il a évoqué les lois du pays, estimant opportun d’organiser leur contrôle de constitutionnalité. Illustrant son propos par les conclusions des rapports de la chambre territoriale des comptes, il a insisté sur le fait que l’usage des fonds publics devait être le plus rigoureux possible et a regretté que les dispositions pertinentes qui s’appliquent en métropole ne soient pas transposées en Nouvelle-Calédonie. Il a enfin mis l’accent sur les mesures destinées à encadrer le développement économique du territoire et sur l’organisation des services publics.

M. Dominique Bussereau a également déploré le calendrier d’examen des projets de loi, estimant peu judicieux que les députés soient amenés à en débattre un 21 décembre. Il a ensuite interrogé le ministre sur le retrait d’environ 15.000 électeurs du corps électoral, exprimant la crainte que cette difficulté ne soient utilisée par les opposants à l’accord de Nouméa. Après avoir mis en exergue l’extrême complexité des articles 41 et suivants du projet de loi organique, relatifs aux règles de la domanialité, et estimé que celles-ci seraient difficilement applicables, il a, par ailleurs, fait part de ses réserves sur l’article 121 du même projet de loi, qui permet au gouvernement de mettre fin aux fonctions de l’un de ses membres, souhaitant connaître la nature et la portée d’une telle délibération. Il s’est enfin inquiété de la date précoce retenue pour l’organisation des élections provinciales, exprimant la crainte que la double campagne menée par le F.L.N.K.S. et le R.P.C.R. ne fragilise le consensus qui est indispensable pour la réussite du processus engagé par l’accord de Nouméa.

Jugeant étranges les conditions dans lesquelles les élus du territoire ont émis leur avis sur le projet de loi organique et s’étonnant notamment des déclarations du F.L.N.K.S., M. Dominique Perben a souhaité connaître l’évolution du climat politique depuis l’organisation du référendum ainsi que les conditions dans lesquelles se poursuivent les négociations, exprimant la crainte que la surenchère politique ne porte atteinte au consensus qui s’était dégagé lors de l’accord de Nouméa. Evoquant le contenu du projet de loi organique, il a, en premier lieu, interrogé le ministre sur le fonctionnement du gouvernement. A cet égard, rappelant que le dispositif était sous-tendu par deux logique, l’une majoritaire, l’autre proportionnelle, il s’est inquiété de la stabilité de l’équilibre institutionnel compte tenu de l’importance des compétences transférées. Ensuite, soulignant que les écarts de développements entre les provinces se creusaient en dépit des efforts consentis, il a douté que l’équilibre des pouvoirs organisé entre les provinces et le territoire ne favorise leur résorption et a souhaité le maintien d’une cohérence d’ensemble. Enfin, il s’est inquiété de la gestion du nickel, insistant sur le fait que cette richesse essentielle du territoire devait échapper à toute mainmise politique, jugeant dramatique l’hypothèse dans laquelle ce potentiel économique serait déstabilisé ou accaparé par des intérêts non européens.

Intervenant en application de l’article 38 du règlement, M. Bernard Grasset a fait part de ses craintes sur le maintien du consensus face aux dérapages auxquels chacune des parties prenantes pourraient se livrer. Jugeant nécessaire que l’accord de Nouméa soit appliqué à la fois dans son esprit et dans sa lettre, il a plaidé pour un rééquilibrage harmonieux des provinces. S’agissant du volet institutionnel, il s’est interrogé sur la possibilité de confier des responsabilités exécutives à des membres du congrès, soulignant que le montage institutionnel devrait s’appliquer en tenant compte des pesanteurs et des contraintes locales.

Mme Catherine Tasca, présidente, a tenu à indiquer qu’elle s’était également inquiétée du calendrier d’examen des projets de loi et précisé que le report de leur discussion à la mi-janvier, un moment envisagé, avait été abandonné, l’ensemble des parties prenantes souhaitant que la mise en place des nouvelles institutions soit aussi rapide que possible.

Partageant les interrogations formulées par le rapporteur, elle a indiqué que le fonctionnement du gouvernement serait déterminant pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, puisqu’il lui reviendrait de prendre les décisions les plus importantes. Soulignant qu’il convenait de faire cohabiter la logique démocratique et la logique de consensus issues de l’accord de Nouméa, elle a exprimé le souhait que le Parlement veille à ce que cet accord, fruit de compromis et d’un consensus local, continue de fonder le consensus national, insistant également sur le fait que le cadre institutionnel devait obliger les parties à l’accord à travailler dans une logique de consensus. Elle a jugé indispensable que soient mis en œuvre les moyens de préserver, pour les vingt prochaines années, ce consensus, grâce à une collégialité obligée par-delà les pondérations électorales à venir.

M. Pierre Frogier a observé que la question du billet aller-retour était ancienne. Il a rappelé que les voyageurs métropolitains qui se rendaient en Nouvelle-Calédonie devaient présenter un tel billet en arrivant sur le territoire alors que, depuis une délibération de 1957, les habitants de Wallis-et-Futuna en étaient exonérés. Il a ajouté que cette question soulevait actuellement des difficultés, indiquant que le F.L.N.K.S. avait souhaité qu’elle soit inscrite dans le texte de loi. Il a tenu également à préciser que l’ensemble du dispositif conçu dans l’accord de Nouméa, transcrit dans le projet de loi organique, était fondé sur un a priori pouvant se résumer à cette formule : la force majoritaire ne fait pas jouer sa majorité. Il a souligné que le parti majoritaire s’obligeait à partager le pouvoir avec la minorité au congrès, notamment avec les partis indépendantistes. Insistant sur le fait que ce dispositif complexe était né d’une demande du R.P.C.R., il a souhaité que l’on cesse de faire des procès d’intention à son mouvement sur la gestion future du congrès. Il a observé que si la logique avait été, dès l’origine, celle d’une gestion commune des affaires par le R.P.C.R. et les partis politiques qui ont appelé à voter « non » au référendum, le dispositif de la loi organique aurait été évidemment différent. Enfin, il s’est inquiété de la question de la disparition de la dotation de compensation en matière d’enseignement et d’aide médicale, qui diminuera les ressources affectées vers les provinces en ce domaine.

Répondant aux différents intervenants, M. Jean-Jack Queyranne a également jugé indispensable la mise en place d’institutions propres à faire perdurer l’équilibre fragile résultant du consensus national, qui s’est manifesté par le vote du congrès, et du consensus local, exprimé par référendum. Il a souligné que les projets de loi étaient un pari sur l’intelligence des hommes et leur capacité à vivre ensemble, qu’ils témoignaient d’une confiance réciproque, toutes les forces politiques ayant contribué à l’expression sans ambiguïté d’une volonté commune, même si des démarches séparées y ont conduit. Il a considéré que les prochaines élections aux assemblées de province et au congrès seraient un passage important pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Il a précisé que des contacts avaient été pris avec le F.L.N.K.S. pour dissiper les malentendus, apaiser les esprits et réaffirmer la volonté de l’Etat de mettre en œuvre loyalement l’accord de Nouméa pour parvenir à des textes de loi susceptibles de recueillir l’approbation des deux parties et susciter un consensus.

Le ministre a constaté qu’effectivement un certain nombre de personnes qui avaient pu voter en 1995 n’avaient pas pu participer au référendum de 1998 et que, si l’on s’en tenait à la lettre de l’accord de Nouméa, ils ne pourraient sans doute pas voter aux élections provinciales de 1999, faute de remplir la condition de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie. Il a rappelé que le F.L.N.K.S. était sensible au fait qu’en 1988 le Conseil d’Etat avait rejeté une disposition limitant le corps électoral alors même que les accords de Matignon avaient prévu une telle restriction. Il a souligné que, pour le F.L.N.K.S., la détermination du corps électoral est un des éléments de cet équilibre mathématique des communautés, parfois un peu artificiel, dans lequel s’opère la réflexion.

Le ministre a ensuite évoqué la question du corps électoral « glissant ». Il a indiqué qu’il lui paraissait légitime, comme il l’a toujours fait savoir au cours des négociations, qu’après dix ans de présence en Nouvelle-Calédonie, on puisse voter aux élections provinciales, c’est-à-dire celles qui déterminent la gestion du pays dans lequel on vit. Il a également estimé que le point de vue du F.L.N.K.S. était tout autant légitime lorsqu’il considère que les personnes de passage sur le territoire peuvent voter aux scrutins nationaux et municipaux, mais pas aux scrutins territoriaux. Il a observé que, sur la possibilité offerte aux personnes installées depuis plus de dix ans de voter aux élections provinciales, il n’existait pas encore de véritable accord et qu’il serait nécessaire de déployer beaucoup d’effort de persuasion pour aboutir.

Concernant la consultation pour l’accession à la souveraineté, il a indiqué que le projet de loi organique prévoyait que le troisième référendum serait suspendu à la réunion des partenaires signataires de l’accord de Nouméa. Il a noté qu’effectivement cette disposition ne s’inscrivait pas tout à fait dans le texte de l’accord.

Concernant l’environnement économique, et en particulier le problème minier, le ministre a souligné que les décisions importantes nécessiteraient un accord entre le gouvernement et les assemblées de province, ajoutant que le haut-commissaire présidait le conseil des mines. Il a précisé que des discussions étaient d’ores et déjà engagées sur les perspectives qui s’offrent en la matière, notamment en ce qui concerne le rôle des opérateurs et l’actionnariat. Il a rappelé que le fait d’être « adossée » à la France avait permis à la Nouvelle-Calédonie, dont le nickel représente plus de 50 % de la richesse, de traverser sans trop de difficultés la crise de 1983.

Concernant les futures institutions du territoire, il a souligné leur caractère original, dans la mesure où le gouvernement était chargé collégialement et solidairement des affaires de sa compétence et chargeait chacun de ses membres d’animer et de contrôler un secteur de l’administration. Il a estimé que, une fois les règles définies, il appartiendrait aux femmes et aux hommes de les faire vivre, ajoutant que, dans les faits, toutes les communautés seraient appelées à gérer ensemble le territoire, les différents partenaires étant associés au sein du gouvernement bien qu’ayant fait des campagnes politiques différentes.

Concernant les relations entre le territoire et les provinces, le ministre a estimé qu’une évolution se dessinait, allant d’une logique de provincialisation mise en place en 1988, chacun gérant une partie du territoire, vers une logique de gestion commune du territoire, avec le renforcement de l’échelon central.

Enfin, le ministre a indiqué qu’il n’y avait pas actuellement de statut prévu pour le personnel du haut-commissariat, parce que la consultation obligatoire du Conseil national de la fonction publique aurait allongé les délais ; il a cependant observé qu’un amendement parlementaire pourrait opportunément remédier au silence du projet sur ce point. Puis, il a précisé que le domaine public avait vocation à revenir aux provinces et a ajouté qu’il était ouvert à des amendements sur un meilleur usage des fonds publics en Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, il s’est déclaré prêt à étudier la question de la dotation relative à l’enseignement soulevée par M. Pierre Frogier.

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Statuant en application de l’article 88 du Règlement, la Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. René Dosière, les amendements au projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière (n° 825).

Article premier (art. L 11-6 du code de la route) : Formation spécifique pour les conducteurs novices auteurs d’infractions :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur étendant l’obligation de suivre un stage de sensibilisation aux accidents de la route aux titulaires du permis de conduire depuis plus de trente ans, auteurs d’infractions graves.

Elle a ensuite repoussé l’amendement n° 70 de M. André Aschieri réservant la formation spécifique aux conducteurs novices auteurs d’une infraction entraînant à elle seule le retrait de 4 points, le rapporteur ayant souligné qu’il était satisfait par l’amendement n° 1 de la Commission, avant d’accepter l’amendement n° 48 de M. Jean-Pierre Baeumler prévoyant l’établissement d’un rapport d’évaluation sur les stages de sensibilisation dans le délai d’un an après la promulgation de la loi.

Article additionnel après l’article premier :

La Commission a repoussé l’amendement n° 71 de M. André Aschieri rendant obligatoire l’acquisition par les candidats au permis de conduire des notions élémentaires des premiers secours, dites des « cinq gestes qui sauvent », après que le rapporteur eut souligné qu’une mauvaise application de cette méthode pourrait entraîner des conséquences dramatiques.

Articles additionnels avant l’article 2 :

La Commission a ensuite repoussé les amendements nos 36 de M. Marc Dolez et 37 de M. Patrick Delnatte ayant le même objet que l’amendement n° 71.

Article 2 (art. L. 29 à L.29-11 [nouveaux] du code de la route) : Enseignement de la conduite et de la sécurité routière :

—  Article L. 29 du code de la route : Autorisation administrative pour l’enseignement à titre onéreux :

La Commission a repoussé l’amendement n° 67 de M. André Aschieri prévoyant que l’autorisation d’ouverture d’un établissement d’enseignement est soumis à un réexamen périodique par l’administration.

—  Article L. 29-1 (nouveau) du code de la route : Conditions requises pour l’enseignement à titre onéreux :

La Commission a repoussé l’amendement n° 68 de M. André Aschieri exigeant une expérience professionnelle pour les moniteurs d’auto-école, le rapporteur ayant fait valoir que cet amendement interdisait l’accès des jeunes sans expérience à cette profession.

—  Article L. 29-6 (nouveau) du code de la route : Contrat écrit entre les établissements d’enseignement et leurs clients :

La Commission a accepté l’amendement n° 54 de M. Daniel Marcovitch instituant une garantie d’exécution du contrat entre le candidat et l’auto-école, sous réserve d’une rectification afin de faire référence à un décret en Conseil d’Etat.

—  Article L. 29-7 (nouveau) du code de la route : Conditions requises pour l’exploitation d’un établissement d’enseignement :

La Commission a accepté l’amendement n° 53 de M. Daniel Marcovitch qui fait de l’absence de condamnation à une peine d’interdiction de gérer une entreprise commerciale ou artisanale une condition pour pouvoir exploiter une auto-école, ainsi que l’amendement n° 72 de M. André Aschieri qui propose une nouvelle rédaction du dernier alinéa de l’article L. 29-7, pour faire ressortir plus clairement la nécessité, pour un exploitant d’auto-école, de justifier de sa capacité à gérer un tel établissement. Elle a ensuite repoussé l’amendement de précision n° 58 de M. Daniel Marcovitch ainsi que l’amendement n° 42 de M. Lionnel Luca qui exige une expérience professionnelle minimum de deux ans pour les dirigeants de ces établissements. Elle a, en revanche, accepté l’amendement n° 69 de M. André Aschieri faisant référence à des conditions d’âge, d’ancienneté du permis de conduire, d’expérience professionnelle, de réactualisation des connaissances et d’aptitude physique, après que le rapporteur se soit interrogé sur la pertinence de ces deux dernières conditions. La Commission a, enfin, repoussé l’amendement n° 32 de M. Edouard Landrain exigeant une garantie financière spécialement affectée au remboursement des fonds reçus des candidats au permis au conduire, le rapporteur ayant souligné que ce problème était réglé par l’amendement n° 54 de M. Daniel Marcovitch que la Commission venait d’accepter.

—  Article L. 29-8 (nouveau) du code de la route : Respect du programme de formation :

La Commission a repoussé l’amendement n° 47 de M. Gilbert Biessy prévoyant un contrôle de l’application du programme de formation par des personnes choisies au sein de la profession après que le rapporteur eut fait observer que cette disposition aboutissait à un auto-contrôle. Elle a en revanche accepté l’amendement n° 52 de M. Daniel Marcovitch précisant que les modalités de ce contrôle sont déterminées par un décret en Conseil d’Etat, qui fixe également les catégories d’agents publics habilités à l’exercer.

—  Article L. 29-9 du code de la route : Retrait et suspension de l’agrément des établissements :

La Commission a repoussé l’amendement n° 43 de M. Lionnel Luca prévoyant que le contrôle du suivi pédagogique sera effectué par un inspecteur du service de formation du conducteur.

Après l’article 2 :

La Commission a accepté les deux sous-amendements de précision nos 80 et 81 du Gouvernement à l’amendement n° 11 de la commission des Lois. Puis elle a adopté un amendement du rapporteur soumettant les actuelles auto-écoles aux nouvelles dispositions de l’article 2, M. René Dosière ayant fait observer que ces établissements se multipliaient actuellement pour échapper aux contraintes posées par la future loi. Elle a enfin repoussé l’amendement n° 44 de M. Lionnel Luca prévoyant que l’enseignement des règles de circulation est intégré dans le cursus scolaire dès les classes du secondaire.

Article additionnel après l’article 3 :

La Commission a repoussé l’amendement n° 51 de M. Jacques Fleury prévoyant que le nombre de places d’examen au permis de conduire est attribué à chaque établissement d’enseignement en fonction du nombre d’heures d’enseignement effectuées, le rapporteur ayant indiqué qu’il posait un vrai problème mais qui relevait du domaine réglementaire.

Article 4 (art.L. 21-1 du code de la route ) : Responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules :

Après avoir repoussé les amendements nos 20 de M. Jean-Claude Lemoine et 33 de M. Edouard Landrain tendant à la suppression de l’article, la Commission a accepté l’amendement de précision n° 77 du Gouvernement. Puis elle a repoussé l’amendement n° 50 de M. Jean-Pierre Baeumler précisant que le vol permet au propriétaire du véhicule de s’exonérer de sa responsabilité pécuniaire, le rapporteur ayant observé que cette précision était inutile puisque le vol constitue la quasi totalité des cas de force majeure, avant d’accepter l’amendement n° 78 du Gouvernement précisant que c’est le tribunal de police qui applique les dispositions de l’article L. 21-1.

Article 5 (art.L. 4-1 [nouveau] du code de la route) : Création d’un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse autorisée égal ou supérieur à 50 km/h :

Après avoir repoussé les amendements nos 19 de M. François d’Aubert et 21 de M. Jean-Claude Lemoine tendant à la suppression de l’article, la Commission a également repoussé l’amendement n° 76 de M. André Aschieri créant un délit de grand excès de vitesse dès la première infraction et l’amendement n° 22 de M. Jean-Claude Lemoine supprimant la peine d’emprisonnement et la remplaçant par la rétention du certificat d’immatriculation ou du véhicule. Elle a ensuite repoussé les amendements nos 64 de M. Pierre Micaux, 34 de M. Edouard Landrain et 73 de M. André Aschieri abaissant le seuil de dépassement constitutif de délit de grande vitesse lorsque ce dernier est commis lors de la traversée d’une agglomération. Elle a enfin repoussé les amendements nos 75 et 74 de M. André Aschieri allongeant le délai de récidive, avant de repousser également l’amendement n° 63 de M. Michel Bouvard précisant que le délai de récidive s’apprécie à compter de la notification de la condamnation définitive aux contrevenants.

Articles additionnels après l’article 6 :

La Commission a repoussé l’amendement n° 46 de M. Lionnel Luca obligeant tout conducteur ayant commis une infraction entraînant la perte d’au moins cinq points à effectuer un stage de sensibilisation, ainsi que l’amendement n° 65 de M. Alain Ferry faisant de la conduite d’un véhicule sous l’empire de stupéfiants une infraction punie de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 F d’amende et autorisant les officiers de police judiciaire à soumettre toute personne conduisant un véhicule à des épreuves de dépistage, le rapporteur ayant fait valoir que le dispositif proposé par le projet de loi était expérimental et qu’il n’était donc pas opportun de l’étendre.

Article 7 (art. L. 3-1 [nouveau] du code de la route) : Dépistage systématique des stupéfiants en cas d’accident mortel :

Pour les mêmes raisons, la Commission a repoussé l’amendement n° 40 de M. Bernard Accoyer punissant de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 F d’amende la conduite après consommation de produits stupéfiants, ainsi que les amendements nos 38 et 39 de M. Bernard Accoyer, 35 de M. Edouard Landrain, étendant les cas dans lesquels les officiers de police judiciaire procèdent à un dépistage de ces produits.

Articles additionnels avant l’article 8 :

La Commission a repoussé l’amendement n° 31 de M. Dominique Bussereau créant un permis de conduire spécial ouvert aux jeunes gens âgés de plus de dix sept ans pour les véhicules électriques et l’amendement n° 66 de M. Pierre Micaux instituant un contrôle médical obligatoire pour les conducteurs titulaires du permis de conduire âgés de plus de 75 ans, le rapporteur ayant souligné leur caractère réglementaire. Pour les mêmes raisons, elle a repoussé les amendements nos 59 à 62 de M. Michel Bouvard qui prévoient respectivement l’immatriculation des motoneiges, la constatation de certaines infractions par deux fonctionnaires habilités, l’instauration d’un contrôle annuel des véhicules transportant des matières inflammables amenés à traverser des tunnels de plus de 3.000 mètres et l’interdiction de mentionner, dans le cadre de campagnes de publicité, la vitesse maximale atteinte par le véhicule concerné, dès lors que cette vitesse est supérieure à celle légalement autorisée.

Articles additionnels après l’article 11 :

La Commission a repoussé l’amendement n° 23 de M. Jean-Claude Lemoine rendant obligatoire l’installation d’un dispositif de signalisation pour les petits véhicules à plus de deux roues équipés d’un moteur, avant d’accepter l’amendement n° 55 de M. René Mangin prévoyant que les véhicules à deux roues non motorisés font l’objet, à partir du 1er janvier 2000, d’un marquage, ainsi que l’amendement n° 56 du même auteur instituant l’immatriculation des véhicules à deux roues. Elle a ensuite repoussé l’amendement n° 57 de M. Jean-Pierre Baeumler subordonnant la conduite d’un quadricycle léger à moteur à une formation au code de la route ainsi que l’amendement n° 49 de M. Jacques Fleury prévoyant que les voitures immatriculées à partir du 1er janvier 2002 devront être équipées d’un système de limitation de vitesse, le rapporteur ayant fait valoir qu’un tel dispositif ne pouvait être mis en œuvre sans une concertation préalable au niveau européen.

Elle a repoussé les amendements nos 24 et 26 de M. Jean-Claude Lemoine rendant obligatoire, dans certaines circonstances, l’installation dans les véhicules d’un éthylotest antidémarrage, le rapporteur ayant fait observer que ce dispositif était très facile à contourner, ainsi que les amendements nos 25, 27 et 29 du même auteur prévoyant respectivement un contrôle médical tous les cinq ans pour les conducteurs âgés de plus de 70 ans, l’allumage des feux de croisement jour et nuit à partir du 1er juillet 1999 et l’implantation des panneaux de circulation de manière à permettre une meilleure visibilité. La Commission a ensuite repoussé l’amendement n° 41 de M. Patrick Delnatte instituant un contrôle de la sécurité des passagers dans les bus de transport scolaire.

La Commission a enfin accepté l’amendement n° 79 du Gouvernement précisant que la commission de certaines infractions sur un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs constitue une circonstance aggravante et instituant, dans la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, une nouvelle infraction, l’outrage adressée à un agent d’un exploitant de transport public de voyageurs, punie de 6 mois d’emprisonnement et de 50.000 F d’amende. Le rapporteur a néanmoins souligné qu’il s’agissait d’un amendement sans lien avec le texte en discussion.

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