ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de lADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE
COMPTE RENDU N° 25
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 20 janvier 1999
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente
SOMMAIRE
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Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de lintérieur, sur le projet de loi relatif à lorganisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale (n° 1155)
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La Commission a procédé à laudition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de lintérieur, sur le projet de loi relatif à lorganisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale (n° 1155).
Indiquant que le projet de loi viendrait en discussion le 3 février, après une longue phase de préparation et de concertation à laquelle beaucoup de parlementaires ont participé, le Ministre de lintérieur a tenu à souligner limportance de ce texte qui sannonce déjà comme une nouvelle étape de la décentralisation. Il a souhaité que le projet puisse donner lieu à un réel débat de fond, en séance publique comme en Commission, permettant détablir les conditions dun véritable succès auprès des élus.
Tout en rappelant que la forte identité communale navait pas empêché la création de 1.577 structures de coopération à fiscalité propre, issues principalement de la loi dorientation du 6 février 1992 relative à ladministration territoriale de la République, le Ministre a souligné que ce succès ne devait pas faire pour autant oublier les déséquilibres existants. Il a ainsi fait observer que les villes étaient restées à lécart du mouvement intercommunal, le peu de succès rencontré par les communautés de villes, au nombre de cinq actuellement, étant à cet égard révélateur.
Présentant les dispositions du projet de loi, il a indiqué que leur premier objectif était la réorganisation urbaine et la sauvegarde des communes rurales. Constatant que le chômage avait insidieusement transformé au fil des ans certains quartiers en quasi-ghettos, il a évoqué le sort des populations en difficulté, particulièrement celles issues des dernières vagues de limmigration, en déplorant que certains mouvements politiques profitent de cette « ethnicisation » du social, limmigré devenant ainsi le bouc émissaire de toutes les frustrations. Il a observé que malgré tous les efforts entrepris, notamment la création dun ministère de la ville, une société inégalitaire sédifiait, la ségrégation spatiale redoublant la ségrégation sociale, de telle sorte que le projet de citoyenneté censé fonder les valeurs de la République tournait à vide.
Exprimant sa volonté de refuser un modèle communautariste à langlo-saxonne, si contraire au génie égalitaire de la France, le Ministre a estimé quil existait un autre choix, consistant à mobiliser tous les moyens, dont la coopération intercommunale, pour combler lécart entre lidéal dune société citoyenne et la réalité quotidienne. Partant de ce constat, il a reconnu que la réalité physique des agglomérations ne reposait aujourdhui sur aucune entité politique et juridique, alors même que cest à léchelle de lagglomération que devraient être pensées les mesures de nouvelle répartition de lhabitat, de remodelage des banlieues, de reconstitution du tissu urbain, ou de politiques ciblées de lemploi et de formation. Il a précisé que, sinspirant ainsi des réflexions menées par le Ministre de la ville, M. Claude Bartolone, et par M. Jean-Pierre Sueur, le projet retenait lagglomération comme niveau le plus pertinent pour la définition et la mise en uvre dune politique de la ville efficace.
Le Ministre a ajouté que cette conception de lagglomération ne devait cependant nullement conduire à opposer milieu urbain et milieu rural. Au contraire, il a réaffirmé sa volonté de promouvoir toutes les formes dintercommunalité pour les communes rurales, exprimant sa conviction que dans le domaine des services de base aux habitants, dans celui du développement économique, du soutien à la création demploi ou de laménagement de lespace la coopération constituait aujourdhui leur seul avenir. Evoquant ainsi les reproches faits au projet dêtre trop centré sur les espaces urbains, il a tenu à confirmer que tel nétait pas lesprit du Gouvernement, conscient au contraire de la nécessité dun débat sur lintercommunalité en zone rurale. Il a cependant rappelé que 80 % de la population française vivait en milieu urbain, soulignant que cétait une donnée dont il fallait tenir compte dans une réflexion sur lorganisation du territoire.
Evoquant ensuite les dispositions proposées par le projet qui concerne les instruments, communautés dagglomérations et communautés de communes, mis à disposition de lintercommunalité, il a expliqué que larchitecture des structures étaient simplifiées, le milieu urbain étant désormais doté dun instrument spécifique, la communauté dagglomération, assortie dune taxe professionnelle unique. Précisant que la création de cette communauté dagglomération était soumise à des seuils démographiques spécifiques 50.000 habitants autour dune ville-centre de 15.000 habitants au moins le Ministre a ajouté que ces seuils étaient issus dun recensement de lI.N.S.E.E. concernant les zones urbaines, qui avait dénombré, sur les 141 aires urbaines existantes, 116 agglomérations remplissant les critères requis.
Puis, il a exposé le régime juridique de ces communautés dagglomération et notamment la définition de leurs compétences obligatoires développement économique, aménagement de lespace, habitat, politique de la ville, organisation des transports ainsi que de leurs compétences facultatives, au nombre de deux, à choisir parmi lassainissement et la qualité de leau, la collecte et le traitement des déchets, la gestion déquipements collectifs et la voirie. Il a précisé que la détermination du périmètre sappuierait sur les études de lI.N.S.E.E., notamment pour la notion de continuité de lespace bâti. Il a fait état dune estimation selon laquelle les 141 aires urbaines concernées par les communautés dagglomérations représentaient actuellement 75 % de la taxe professionnelle et 70 % de la taxe dhabitation. Le Ministre a ajouté que la création de la communauté dagglomération impliquait un relèvement des seuils de création des communautés de villes à 500.000 habitants, revenant en cela aux règles et principes qui avaient prévalu lors de leur création en 1966 et tendaient à les réserver aux grandes agglomérations.
Constatant ensuite que la solidarité territoriale devait saccompagner dune mutualisation des ressources, il a indiqué que les communautés dagglomération, comme les nouvelles communautés de villes, devraient être soumises au régime de la taxe professionnelle unique et précisé toutefois que lunification des taux de taxe professionnelle devrait être progressive et seffectuer sur douze ans. Cependant, afin de garantir la sécurité budgétaire de ces nouveaux établissements publics de coopération intercommunale et de réussir le passage à la taxe professionnelle unique, il a souligné quil était nécessaire de prévoir également un mécanisme de fiscalité additionnelle, comparable à ce qui existe pour les syndicats dagglomération nouvelle, ainsi quune déliaison des taux entre taxe professionnelle et autres taxes (taxes foncières et taxe dhabitation), ces dernières pouvant diminuer sans que la communauté perde des ressources de taxe professionnelle.
Le Ministre sest cependant déclaré conscient que ces mesures fiscales ne seraient pas suffisantes sans un financement fortement incitatif, en termes de dotation globale de fonctionnement notamment. Cet accroissement de dotation globale de fonctionnement pour les communautés dagglomération représentant un prélèvement sur les recettes fiscales nettes de lEtat dun montant de 500 millions de francs par an pour les communautés dagglomération créées dici le 1er janvier 2005, il a précisé que le financement de cette mesure prendrait la forme dun apport budgétaire nouveau de lEtat, sans quil en résulte une économie sur les dotations versées aux communautés de communes.
Dans le cadre de la réforme proposée, le Ministre a indiqué que la communauté de commune devrait redevenir une structure institutionnelle tournée dabord vers le milieu rural et adaptée à une intercommunalité de petite taille ; il a précisé quelle resterait ainsi réservée à des communes qui désirent sengager progressivement et prudemment dans la coopération. Il a ajouté que les communautés de communes deviendraient les structures daccueil des districts et des communautés de villes qui, placées dans lobligation de se transformer, ne pourraient pas ou ne voudraient pas opter pour le régime de la communauté dagglomération.
Soulignant que le financement de la dotation globale de fonctionnement des communautés de communes ne serait plus en concurrence avec celui des groupements urbains, le Ministre sest déclaré persuadé que lintercommunalité en milieu rural resterait soutenue, contribuant ainsi à fédérer les énergies sur des projets de développement créateurs demplois et luttant contre la désertification.
Il a ensuite précisé quen ce qui concerne les pays, dont la création est actuellement discutée dans le cadre du projet de loi dorientation pour laménagement et le développement durable du territoire, ils navaient nullement vocation à sériger en établissement public ou en niveau supplémentaire de collectivité territoriale ; il a observé que ceci impliquait que les communautés de communes prennent le relais des pays sur le plan institutionnel.
Soulignant enfin que le projet de loi tendait à encourager un mouvement volontaire vers une intercommunalité renforcée, dans le respect des principes de la décentralisation, le Ministre a tenu à préciser quil était attaché, comme la plupart des parlementaires, à la libre administration des communes ; néanmoins, il a jugé nécessaire de lutter contre une tentation de repli des communes favorisées, tentation qui porterait atteinte aux règles de solidarité nécessaires à une vie démocratique et civilisée. A ce propos, il sest déclaré convaincu que la mise en commun des ressources et, à terme, la mixité urbaine comportaient moins dinconvénients que la ségrégation urbaine, porteuse de violence. Constatant quil était difficile de convaincre les élus sur ce sujet, il a pourtant estimé quil sagissait dune exigence dictée par lintérêt général.
Tout en soulignant son caractère volontariste, le Ministre a observé que le projet nétait pas pour autant autoritaire, les conseils municipaux décidant en dernier ressort des projets de regroupement, le préfet se limitant à proposer un périmètre cohérent.
En matière de démocratie, le Ministre a observé que lélection des délégués communautaires au suffrage universel, qui aurait en fait pour conséquence dériger les établissements publics de coopération en collectivités territoriales, nétait pas à lordre du jour, du moins tant quune véritable communauté dintérêts naurait pas vraiment réussi à se réaliser ; il a cependant souligné que le projet permettrait indubitablement un fonctionnement plus transparent des structures intercommunales dès lors que pourraient seul y siéger des conseillers municipaux. Il a dailleurs estimé que, si le Parlement le souhaitait, cette disposition pourrait être étendue aux délégués des syndicats intercommunaux.
Par ailleurs, le Ministre a insisté sur le fait que le projet améliorait la décentralisation par des dispositions visant à simplifier et rationaliser les règles dorganisation et de fonctionnement des groupement, notamment par la suppression de 71 articles du code général des collectivités territoriales au profit dune harmonisation des règles communes à tous les établissements publics de coopération intercommunale.
Le Ministre a souligné, en conclusion, que les dispositions du projet se révéleraient, à long terme, des outils indispensables pour enrayer les évolutions insidieuses qui sapent les fondements de la République ; il a souhaité insister, à ce propos, sur la nécessaire mobilisation des collectivités locales, appelées à servir le progrès social et les valeurs républicaines dans une société devant relever le défi des inégalités croissantes.
M. Gérard Gouzes a réfuté lidée dune forte opposition entre les urbains et les ruraux en matière dintercommunalité. A cet égard il a regretté que le titre du projet de loi renvoie à lorganisation urbaine alors même quen milieu rural les réalisations en matière dintercommunalité sont souvent exemplaires et remplissent les mêmes fonctions quen milieu urbain. Evoquant le problème des seuils démographiques requis pour accéder au statut de communauté dagglomération, il a fait part à la Commission dinterventions émanant de lensemble des groupes politiques, soit en vue de les augmenter, soit en vue de les diminuer. Il a souhaité que le Ministre apporte des précisions sur les critères qui lavaient conduit à choisir ces seuils permettant aux groupements de bénéficier dune dotation globale de fonctionnement par habitant portée à 250 F.
Il sest par ailleurs félicité de lobjectif de simplification affiché par le Ministre, tout en regrettant la complexité du régime des communautés urbaines existantes ainsi que labsence de dispositions précises sur la sortie du régime des syndicats dagglomération nouvelle. Sinterrogeant sur la légitimité des membres des conseils des établissements publics de coopération intercommunale et sur leurs prérogatives en matière de prélèvement de limpôt, il a estimé nécessaire douvrir le débat sur leur élection au suffrage universel direct. Abordant la question des pouvoirs du préfet, il a indiqué que, si celui-ci avait, dans la loi dorientation relative à ladministration territoriale de la République de 1992, les pouvoirs dun greffier, il devait acquérir avec cette nouvelle loi sur lintercommunalité les pouvoirs dun notaire. Enfin, constatant que le projet de loi laissait aux groupements soumis au régime de la taxe professionnelle unique la possibilité de prélever une fiscalité additionnelle dès lors quelles avaient des ressources insuffisantes, il sest interrogé sur la possibilité dinstaurer une véritable fiscalité mixte tout en assouplissant les règles applicables en matière de liaison des taux entre les différentes taxes locales.
M. Jacky Darne a regretté labsence de réforme dampleur en matière de décentralisation et a estimé que lorganisation territoriale de la République était devenue désuète. Constatant que la voie choisie par le Gouvernement était celle dune succession de réformes plutôt quune remise à plat de lensemble des structures, des financements et des compétences des collectivités territoriales, il nen a pas moins considéré que ce projet de loi constituait une réforme structurante. Indiquant que le tissu communal ne correspondait pas à lévolution économique et démographique, il a fait observer que les communes constituaient le plus souvent des entités trop petites pour négocier efficacement face à des entreprises en recherche dimplantation et quen conséquence il était nécessaire dencourager les politiques dagglomération. Soulignant que si le total cumulé des budgets des groupements demeurait faible, comparé au total cumulé des budgets des communes, certains établissements publics de coopération intercommunale géraient cependant des budgets sélevant au double des budgets de leurs communes membres. Il a estimé que ces établissements publics apparaissaient souvent aux citoyens comme bureaucratiques et abstraits et quil faudrait tendre vers leur élection au suffrage universel direct. Jugeant par ailleurs que la réforme de la taxe professionnelle unique constituait un progrès en terme dintégration fiscale, il a néanmoins rappelé quil était indispensable de procéder à une réforme de plus grande ampleur de la fiscalité locale et des dotations de lEtat. Enfin, après avoir souscrit au dispositif de déliaison des taux à la baisse, il a indiqué quil souhaitait une plus grande souplesse de ce mécanisme fiscal en ouvrant la possibilité dune déliaison à la hausse.
M. Dominique Bussereau a fait part de ses interrogations sur la dénomination retenue pour les communautés dagglomération en estimant quelle pouvait dissuader certaines communes rurales de sassocier à une commune-centre dune population supérieure à 15.000 habitants. Il a exprimé sa crainte de voir cette terminologie freiner les progrès de la coopération intercommunale en milieu rural.
M. André Gerin a salué un projet qui a-t-il souligné répond à la nécessité de la coopération et doit permettre de lutter contre un esprit de baronnie commun à de nombreux élus locaux. Il a fait remarquer que la coopération intercommunale ne pouvait être séparée de questions connexes comme celles de la réforme de lEtat, de la lisibilité des échelons décentralisés et déconcentrés, ainsi que de laménagement du territoire. Il a insisté pour que le présent projet de loi soit loccasion du nécessaire bilan des communautés urbaines, au regard notamment de leur capacité de prise en compte de la communauté des intérêts, afin que les parlementaires disposent des éléments dinformation leur permettant de franchir une étape dans lapprofondissement de la décentralisation. Il a estimé que, trop souvent, la mise en oeuvre de la décentralisation sétait arrêtée en réalité aux communautés urbaines, sans aller jusquaux communes. Il sest enfin déclaré partisan, au nom de lefficacité et de la crédibilité, de la mise en place dans les agglomérations dun véritable pouvoir en matière de sécurité et de lutte contre la violence.
M. Pierre Albertini a exprimé le regret quen 1982 et 1983 la décentralisation ait été engagée à structures territoriales constantes, sans réforme des institutions. Il a estimé que le hiatus entre répartition des compétences et clarification des structures resterait très dommageable à lavenir. Dans le présent projet de loi, leffort de représentation des minorités lui a semblé par trop limité, lopposition locale nétant, par exemple, pas représentée dans les structures intercommunales de 3.500 habitants. En tant quélu dun district de 400.000 habitants ayant connu en dix ans une progression de 550 % de sa fiscalité propre, il a témoigné de limportance de cet aspect. En dernier lieu, il a mis en garde contre le risque, au nom de lintercommunalité, de réduire à une portion très congrue lautonomie fiscale des communes.
Le Ministre ayant évoqué le passage à une deuxième étape de la décentralisation, M. Bernard Roman a estimé que celle-ci pouvait être décisive. Il a jugé le présent projet de nature à apporter réponse à des questions très actuelles. Il a fait valoir que le mode dadministration locale, qui maintient cinq niveaux dadministration locale et 36.000 communes, devrait sadapter à la réalité dun espace organisé autour de douze grandes métropoles déquilibre. A la différence de M. Pierre Albertini, il a considéré que ce problème ne pouvait être réglé dans les années 1982-1983.
En ce qui concerne la taxe professionnelle unique dagglomération, il a plaidé pour que cet outil dintégration soit la règle et que la décision dy déroger ne puisse être prise quà la majorité qualifiée. Il a estimé que le système gagnerait en lisibilité si lon posait pour principe la mise en place dune communauté de communes jusquà 50.000 habitants, dune communauté dagglomération jusquà 500.000 habitants et dune communauté urbaine au-delà de ce seuil. Prenant acte du parti pris du Gouvernement de recourir aux incitations financières, il a appelé lattention du Ministre sur lenjeu démocratique, soulignant quil pouvait sembler contestable de conférer à des assemblées ne disposant pas de la légitimité dune élection au premier degré des pouvoirs de plus en plus importants. Il a donc souhaité savoir si le Gouvernement accepterait dengager une démarche de mise en place délections selon un modèle analogue à celui retenu par la loi du 31 décembre 1982 pour Paris, Marseille et Lyon, en commençant par les communautés urbaines.
M. René Dosière a considéré quil était temps en effet de poser le problème de la démocratie locale. Il a souligné que la réussite du projet, que chacun souhaite, aurait pour effet damenuiser les pouvoirs des communes, aggravant ainsi le manque de démocratie. Il a signalé que le prélèvement fiscal des groupements intercommunaux était déjà équivalent à celui des régions, de lordre de 9 à 10 % du total de la fiscalité locale, et connaissait une croissance de lordre de 10 % lan.
M. Dominique Perben a souhaité tempérer laffirmation du Ministre de lintérieur selon laquelle lintercommunalité en milieu urbain avait accusé ces dernières années un retard par rapport à ce que lon pouvait observer en milieu rural. Il a souligné quen fait les communes urbaines avaient opté pour les formules dintercommunalité applicables en milieu rural et délaissé en revanche la structure des communautés de villes. Considérant par ailleurs quil nétait pas souhaitable de subordonner les choix institutionnels des collectivités locales à leurs choix fiscaux, il a fait valoir quil nétait pas possible daller à lencontre de la volonté des élus locaux et souligné le risque que les collectivités locales choisissent les communautés de communes plutôt que les communautés dagglomération, par refus dêtre assujetties à trop dobligations fiscales. Jugeant quil convenait de laisser les communes intéressées par la formule des communautés dagglomération opter pour une fiscalité mixte, il a insisté sur la nécessité de permettre aux collectivités locales dévoluer à leur rythme et a invité les élus à la prudence, sous peine de voir des évolutions bloquées, comme cela a été constaté avec la formule des communautés de villes. Tout en rejoignant le Gouvernement dans son souci de ne pas confier de pouvoirs de coercition aux préfets, il a regretté que le projet de loi impose aux communes intéressées par lintercommunalité des conditions qui ne peuvent pas toujours être réunies en pratique, évoquant notamment la condition de continuité territoriale, exigée pour la transformation en communautés dagglomération, alors que beaucoup de communautés de communes ne la remplissent pas.
Observant que les adversaires de lintercommunalité avaient lhabitude dopposer à ce processus la libre administration des collectivités locales en mettant laccent sur le déficit démocratique des structures intercommunales, M. Christian Paul a cependant jugé que le projet de loi marquait un double approfondissement de la décentralisation et de lintercommunalité. Tout en convenant que lélection directe de leurs organes délibérants constituait un acte majeur de la participation des citoyens qui rendait laction des communes légitime et lisible, il a considéré que lélection des conseils de communautés de communes au suffrage universel soulèverait des difficultés, évoquant notamment la légitimité concurrente quaurait alors une telle institution par rapport au conseil général et sinterrogeant sur le mode délection quil conviendrait de mettre en place. Rappelant que les considérations defficacité lavaient emporté dans la réforme de ladministration territoriale de 1992, il sest demandé sil convenait dès aujourdhui daller plus loin pour lever le soupçon de légitimité que fait peser sur les communautés de communes le mode délection indirecte ou sil ne serait pas préférable dattendre une deuxième étape pour franchir un nouveau pas en la matière.
M. Renaud Donnedieu de Vabres a estimé que les progrès de la démocratie locale étaient liés à une clarification des compétences des différentes collectivités locales. Il a considéré quil était urgent de mettre un terme à la contradiction existant entre la liberté donnée aux collectivités locales par les lois de décentralisation et limbrication de la répartition de leurs compétences, organisée par des lois ultérieures. Constatant que les citoyens ne sy retrouvaient plus aujourdhui, il a interrogé le Ministre de lintérieur pour savoir sil avait lintention dengager une réflexion sur cette question, rendue plus complexe encore par la diversité des contrats de plans passés par lEtat avec les villes, les agglomérations et les départements. Enfin, il a souligné que lélection au suffrage universel direct des conseils de communauté de communes naboutirait quà créer un échelon administratif supplémentaire.
Prenant la parole au titre de larticle 38, alinéa 1, du Règlement, M. Michel Vaxès sest interrogé sur la place des communes et leurs compétences dans lévolution du statut des collectivités locales et sest inquiété de leur devenir si le projet de loi devait être adopté en létat. Il sest également inquiété du contenu qui serait donné à la notion dintercommunalité de projets, exprimant la crainte que des communes qui ne sont pas situées dans le périmètre dune agglomération mais sont néanmoins intéressées par le projet en cause, ne soient exclues de la communauté dagglomération. Il a jugé quil existait une contradiction entre le souci de concertation exprimé par les collectivités locales et le fait que les communautés dagglomération pourront imposer certaines décisions à des communes minoritaires. Il a souhaité enfin obtenir des précisions sur la mise en uvre de lincitation financière que constituerait lattribution dune majoration de la dotation globale de fonctionnement de 250 F par habitant aux communautés dagglomération.
Intervenant également en application de larticle 38 du Règlement, M. Francis Delattre a évoqué les particularités du tissu urbain de lIle-de-France, composé de communes comptant entre 15 et 20.000 habitants liées par une continuité départementale voire interdépartementale et sest interrogé sur lapplicabilité des critères de délimitation de la notion dagglomération dans cette région. Par ailleurs, soulignant linsuffisance du nombre de districts et de communautés de villes constitués en Ile-de-France au regard des importants besoins de coopération intercommunale attestés par la multiplication des groupements de communes à vocation multiple, il a suggéré lélaboration dun dispositif spécifique pour lIle-de-France permettant de rationaliser les structures créées à partir de la mise en commun dun bloc de compétences.
En réponse aux différents intervenants, le Ministre a apporté les précisions suivantes :
LI.N.S.E.E. a arrêté des critères demploi pour définir la notion daire urbaine. Ces aires correspondent aux zones présentant au moins 5.000 emplois et un taux de déplacement de 40 %. 75 % de la taxe professionnelle et 70 % de la taxe dhabitation perçues en France sont actuellement concentrés dans les aires urbaines. Les 141 aires urbaines représentent 36 millions dhabitants, ce qui montre bien que le fait urbain concerne la majorité de la population française. La notion de fonctions urbaines proposée par M. Gérard Gouzes savère un concept intéressant dont il faudrait sans doute mieux définir les contours.
Les critères de seuil retenus pour la création des communautés dagglomération paraissent réalistes compte tenu de lenveloppe financière étroite affectée à la mise en oeuvre du présent projet de loi. La création de seuils démographiques plafonds pour lorganisation des communautés de communes est une question complexe quil faudra examiner avec attention.
Lobjectif de simplification et de réduction du nombre des catégories détablissements publics de coopération intercommunale est atteint, dans le cadre de ce projet de loi, puisque sont supprimés les communautés de villes et les districts. Rien nempêchera cependant les communautés de communes de conserver formellement le nom de district auquel certains restent attachés.
Le mécanisme de « substitution-représentation » mis en place par le projet devrait faciliter les rapports entre les groupements à fiscalité propre et les syndicats de communes, puisquil permettra aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de prendre la place des communes qui en deviennent membres au sein des syndicats dans lesquelles elles étaient jusque là représentées.
La question de lavenir des syndicats dagglomération nouvelle pourrait être réglée par voie damendement si une solution apparaissait suffisamment aboutie. Il importe cependant dexaminer leur situation avec beaucoup dattention et sans précipitation.
Le bilan de laction des communautés urbaines devra être établi conformément aux souhaits exprimés par M. André Gérin.
Le projet de loi nest en aucun cas destiné à opérer une recentralisation, contrairement à la crainte exprimée par certains. Il est, au contraire, nécessaire de définir avec plus de clarté les responsabilités de chaque échelon local pour faire en sorte que la décentralisation puisse sexercer au niveau le plus pertinent.
Pour ce qui concerne la taxe professionnelle et la fiscalité additionnelle, rien ninterdit aux élus davancer en ce domaine, puisquils ont déjà largement fait preuve de leur sens des responsabilités et que, globalement, la tendance actuelle est à une gestion resserrée dans les collectivités locales. En tout état de cause, il ne semble pas possible de rendre la taxe professionnelle unique obligatoire contre lavis et la sensibilité des élus locaux. En matière de « déliaison » des taux à la baisse, le Gouvernement reste ouvert aux propositions des parlementaires. En revanche, pour ce qui est de la « déliaison » des taux à la hausse, il est très difficile de la mettre en oeuvre. En dehors de cette question, un mécanisme de correction destiné à rendre plus juste la dotation globale de fonctionnement est mis en place par le projet de loi. La question de la fiscalité mixte est, quant à elle, importante et il convient de ne pas bloquer un certain nombre dévolutions en la matière. Néanmoins, pour aller dans cette direction, il faut prendre en considération le vécu et la psychologie des élus locaux. Il est nécessaire de faire agir, de concert, le principe du volontariat et des mécanismes dincitation forte. Enfin, on peut effectivement sinterroger sur laugmentation de la fiscalité locale observée depuis plusieurs années dans notre pays. Certes, on constate un accroissement de cette fiscalité de plus de 10 % par an mais il convient de rappeler que le point de départ était particulièrement bas.
Le projet de loi entend sattaquer à un objectif limité, réaliste mais sans aucun doute plus ambitieux quil nen donne limpression. Il faut notamment tenir compte de la sensibilité des élus locaux et de leur capacité à accepter certaines évolutions. Sil débouchait sur la création dune soixantaine de communautés dagglomération dici cinq ans, un pas sérieux et important serait franchi.
Lélection des délégués au sein des établissements publics de coopération intercommunale au suffrage universel direct apparaît pour lheure prématurée. Il faut faire en sorte que le dispositif proposé par le projet de loi réussisse pour faire ensuite avancer la démocratie qui doit prendre acte des nouvelles responsabilités exercées au sein des établissements publics de coopération intercommunale. Une telle évolution conduirait nécessairement à sinterroger sur lavenir des communes, base de notre société démocratique, et sur celui des départements.
Il ne faut pas craindre que les communautés dagglomération regroupent des territoires dont le découpage pourrait être considéré comme aberrant. On peut estimer que les agglomérations se dégageront au contraire naturellement au cours des années qui viennent et que les élus, travaillant en liaison avec les préfets, sauront mettre en oeuvre raisonnablement ces dispositions nouvelles.
Pour ce qui concerne la sécurité à léchelle de lagglomération, il sera possible délaborer des contrats locaux de sécurité au niveau de lagglomération autant que faire ce peut. Le maire doit néanmoins continuer à disposer seul des pouvoirs de police, ce qui nest pas sans lien avec son élection au suffrage universel.
Remerciant le Ministre pour son intervention, Mme Catherine Tasca, présidente, a considéré que le projet de loi quil présentait constituait une étape supplémentaire très positive dans le développement des relations entre les communes.
fpfp
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