ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de lADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE
COMPTE RENDU N° 40
(Application de l'article 46 du Règlement)
Jeudi 11 mars 1999
(Séance de 14 heures 30)
Présidence de M. Gérard Gouzes, vice-président,
puis de Mme Catherine Tasca, présidente
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Projet de loi renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes (n° 1079) (suite de lexamen des articles)
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La Commission a poursuivi lexamen, sur le rapport de Mme Christine Lazerges, du projet de loi renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes (n° 1079).
Articles additionnels avant larticle 10 (art. 137 du code de procédure pénale et art. L. 611-1 du code de lorganisation judiciaire) : Statut de la personne mise en examen Rattachement du juge dinstruction au tribunal de grande instance :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à une nouvelle rédaction de larticle 137 du code de procédure pénale, afin dénoncer clairement que la personne mise en examen est maintenue en liberté et, exceptionnellement, placée sous contrôle judiciaire ou mise en détention provisoire. Un débat sest ensuite engagé sur un amendement du rapporteur tendant à supprimer larticle L. 611-1 du code de lorganisation judiciaire, selon lequel il y a un ou plusieurs juges dinstruction dans chaque tribunal de grande instance. M. Gérard Gouzes, président, sest déclaré hostile à cet amendement au motif que la présence de lEtat devait être affirmée sous toutes ses formes sur lensemble du territoire, tout en ne sopposant pas à ce que les juges dinstruction puissent se déplacer et ne pas être rattachés à une seule juridiction. Exprimant la crainte que cet amendement ne se traduise par la présence de juges dinstruction au niveau des seules cours dappel, M. Alain Tourret a estimé quune départementalisation des juges dinstruction serait plus adaptée. Favorable à une meilleure organisation et répartition des cabinets dinstruction sur le territoire national, pouvant aller jusquà une spécialisation, Mme Frédérique Bredin a soutenu cet amendement. Après que le rapporteur eut précisé que, par anticipation sur la nécessaire réforme de la carte judiciaire, le fait de couper le lien entre juge dinstruction et tribunal de grande instance permettrait de constituer des pools de juges mobiles, la Commission a adopté lamendement.
Elle a également adopté un amendement de M. Alain Tourret imposant la révision de la carte judiciaire dans les deux années suivant la promulgation de la présente loi, ce dernier amendement nayant pas laval de M. Gérard Gouzes mais obtenant lapprobation de M. Robert Pandraud. Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Pierre Albertini et un amendement de M. Alain Tourret, tendant à modifier lintitulé de la section 1 du chapitre II du projet afin de faire référence, le premier, au juge des libertés et, le second, au juge de la détention provisoire et des libertés.
Article 10 (art. 137-1 à 137-5 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Institution du juge de la détention provisoire rapports avec le juge d'instruction et le parquet :
Article 137-1 (nouveau) du code de procédure pénale : Création du juge de la détention provisoire :
La Commission a rejeté lamendement n° 40 de M. André Gerin instituant une chambre dexamen des mises en détention provisoire, un amendement de M. Pierre Albertini substituant au juge de la détention provisoire le juge des libertés et un amendement du même auteur confiant à la chambre daccusation, et non au juge de la détention provisoire, le pouvoir de prolonger la détention provisoire. Puis, la Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer les modalités de remplacement du juge de la détention provisoire, le président du tribunal de grande instance pouvant désigner un autre juge à titre provisoire. La Commission a ensuite été saisie de lamendement n° 20 de M. Patrick Devedjian, ainsi que dun amendement de M. Philippe Houillon à même finalité, tendant à préciser que le juge de la détention provisoire est saisi, non par une ordonnance motivée du juge dinstruction, mais par un réquisitoire du procureur de la République. M. Philippe Houillon a estimé que si le juge dinstruction transmettait le dossier de la procédure, cela signifiait nécessairement quil nenvisageait pas de laisser en liberté la personne mise en examen, ce qui revenait à un préjugement. Le rapporteur et Mme Frédérique Bredin ont jugé cet amendement incompatible avec la logique retenue par le projet de loi, consistant à faire intervenir deux magistrats du siège pour décider de la détention provisoire alors quun seul est suffisant pour le maintien en liberté. M. Robert Pandraud a estimé quen pratique, le juge de la détention provisoire ne contredirait pas la décision prise par lun de ses collègues du siège. La Commission a rejeté lamendement n° 20 de M. Patrick Devedjian et lamendement de M. Philippe Houillon, de même quun amendement de M. Alain Tourret substituant aux termes dordonnance motivée ceux davis motivé, le rapporteur ayant fait observer que certaines ordonnances sont insusceptibles dappel. Puis, elle a adopté un amendement de précision du rapporteur. Enfin, la Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret tendant à prévoir que le juge de la détention provisoire statue par une ordonnance motivée sur toutes les demandes dont il est saisi, le rapporteur ayant fait observer que larticle 145-1 lui fait déjà obligation de motiver les ordonnances prolongeant la détention.
Article 137-2 (nouveau) du code de procédure pénale : Contrôle judiciaire :
La Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret tendant à confier au juge de la détention provisoire le soin de prescrire les mesures de contrôle judiciaire. Dans lintérêt de la personne mise en examen, le rapporteur et M. Robert Pandraud ont jugé préférable que le juge dinstruction puisse assortir le maintien ou la remise en liberté dun contrôle judiciaire sans avoir à en référer au juge de la détention provisoire, seule la décision de priver de liberté nécessitant dêtre approuvée par deux magistrats et justifiant une procédure plus lourde. Elle a également rejeté lamendement n° 21 de M. Patrick Devedjian et un amendement identique de M. Philippe Houillon tendant à priver le juge de la détention provisoire de la faculté dordonner un contrôle judiciaire, le rapporteur et Mme Frédérique Bredin ayant considéré que le juge de la détention provisoire, saisi dune demande de placement, devait disposer du choix de maintenir la personne en liberté moyennant des obligations de contrôle judiciaire.
Article 137-3 (nouveau) du code de procédure pénale : Modalités de certaines décisions du juge de la détention provisoire :
La Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret supprimant les articles 137-3 à 137-5 pour que le juge dinstruction statue par ordonnance en toute hypothèse, le rapporteur sétant interrogé sur lintérêt de cette disposition lorsque la personne mise en examen nest placée ni sous contrôle judiciaire ni en détention provisoire. En conséquence, la Commission a également rejeté deux amendements ayant le même objet, lamendement n° 22 de M. Patrick Devedjian et un amendement identique de M. Philippe Houillon. Enfin, après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la Commission a rejeté un amendement de précision de M. Philippe Houillon.
Article 137-4 (nouveau) du code de procédure pénale : Modalités de certaines décisions du juge d'instruction :
La Commission a rejeté un amendement de M. Philippe Houillon tendant à supprimer cet article.
Article 137-5 (nouveau) du code de procédure pénale : Prérogatives du procureur de la République :
La Commission a rejeté lamendement n° 23 de M. Patrick Devedjian et un amendement identique de M. Philippe Houillon tendant à supprimer cet article.
La Commission a adopté larticle 10 ainsi modifié.
Après larticle 10 :
La Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret prévoyant que le procureur de la République a le droit dinterjeter appel des ordonnances du juge de la détention provisoire et des libertés. Mme Frédérique Bredin a reconnu, à cette occasion, que les termes de « juge de la détention » navaient pas une connotation très positive et quil faudrait sans doute, avant le passage en séance publique, trouver une expression plus satisfaisante. Le rapporteur a exprimé son accord avec cette remarque, M. Louis Mermaz ayant noté que la garde des sceaux avait ouvert une piste à ce sujet en évoquant le « contrôle de la détention ». Puis la Commission a rejeté un amendement, également présenté par M. Alain Tourret, prévoyant que les parties ou les témoins assistés pourraient interjeter appel des ordonnances du juge de la détention. Le rapporteur a fait remarquer que ce recours était déjà ouvert par le code de procédure pénale, en application du présent projet de loi, le témoin assisté bénéficiant des mêmes droits que les personnes mises en examen.
Article 11 (art. 145-3 du code de procédure pénale) : Prolongation de la détention provisoire :
La Commission a rejeté un amendement dordre rédactionnel présenté par M. Pierre Albertini puis a adopté larticle 11 sans modification.
Article 12 (art. 146 du code de procédure pénale) : Prolongation de la détention provisoire en cas de requalification correctionnelle :
La Commission a rejeté lamendement n° 24 de M. Patrick Devedjian ainsi quun amendement de M. Philippe Houillon ayant le même objet, aux termes desquels le juge de la détention provisoire doit être saisi par le procureur et non pas par le juge dinstruction pour statuer sur la détention ou la mise en liberté dune personne mise en examen. Elle a également rejeté un amendement de M. Pierre Albertini modifiant la dénomination du juge de la détention provisoire. Elle a ensuite adopté un amendement de M. Alain Tourret harmonisant les délais laissés au juge de la détention provisoire pour statuer. Puis elle a adopté larticle 12 ainsi modifié.
Article 13 (art. 147 du code de procédure pénale) : Mise en liberté du prévenu à linitiative du procureur :
La Commission a rejeté un amendement n° 25 de M. Patrick Devedjian et un amendement similaire de M. Philippe Houillon prévoyant que le juge dinstruction doit passer par le procureur de la République pour saisir le juge de la détention provisoire. Elle a également rejeté un amendement dordre rédactionnel de M. Pierre Albertini. Puis elle a examiné un amendement du rapporteur prévoyant que le juge dinstruction saisit le juge de la détention provisoire par voie dordonnance, plutôt que par simple transmission du dossier accompagné dun avis motivé. M. Philippe Houillon a estimé que cet amendement risquait daggraver le système, la prise dune ordonnance relevant dune logique de prédécision, alors même que le juge de la détention provisoire na pas encore statué. M. Jean-Pierre Michel a relevé quune ordonnance, étant un acte qui fait grief, était donc susceptible dappel, ce que M. Alain Tourret a confirmé. Le rapporteur a souligné la portée purement technique de son amendement, mais, constatant que le débat nétait pas clos sur cette question, la retiré.
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 14 (art. 148 du code de procédure pénale) : Demande de mise en liberté par le prévenu :
La Commission a rejeté un amendement n° 26 de M. Patrick Devedjian et un amendement de M. Philippe Houillon ayant le même objet, prévoyant, là encore, la saisine par le procureur du juge de la détention provisoire. Après avoir rejeté un amendement dordre rédactionnel de M. Pierre Albertini, elle a adopté un amendement du rapporteur rectifiant une erreur formelle. Puis elle a adopté larticle 14 ainsi modifié.
Après larticle 14 :
La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Michel Hunault fixant des critères objectifs aux fins de limiter la possibilité laissée au juge de mettre une personne en détention provisoire, en augmentant en particulier le seuil de la peine encourue nécessaire pour justifier une telle détention.
Article 15 (art. 143-1 [nouveau] et 144 du code de procédure pénale) : Conditions autorisant le placement en détention provisoire :
Article 143-1 (nouveau) du code de procédure pénale : Quantum de peines :
La Commission a adopté un amendement dordre rédactionnel présenté par le rapporteur. Puis, elle a été saisie dun amendement de M. Alain Tourret exigeant pour la mise en détention provisoire que la peine encourue soit désormais de cinq ans demprisonnement en cas de délit contre les biens et de trois ans en cas de délit contre les personnes. M. Alain Tourret a rappelé que ce dispositif avait été adopté en avril 1998 par la Commission et par lAssemblée nationale, lors de la discussion de la proposition de loi quil avait présentée. Il a notamment souligné que les commissaires socialistes avaient voté à lunanimité cette disposition, tandis que la chancellerie, qui sy était opposée en avril 1998, demeurait hostile à cet amendement. Il a regretté que les commissaires socialistes puissent changer de position sur un problème aussi important. Rappelant quil sétait prononcé contre cet amendement lan passé, M. Robert Pandraud a indiqué quil le voterait néanmoins parce quil jugeait nécessaire que lAssemblée soit cohérente et adresse ainsi à la chancellerie un message clair. Il a estimé que le présent débat confirmait le fait que le groupe socialiste considérait lordre du jour dinitiative parlementaire comme un simple accessoire dans le travail législatif. Il a conclu en indiquant quil ne souhaitait pas, sur ce texte, une « revanche des bureaux », trop souvent synonyme dabsence de volonté politique dans notre pays. M. Patrick Devedjian a fait savoir quil avait également voté contre cette élévation des seuils, parce que la proposition de M. Alain Tourret ninstituait pas de juge de la détention et que, dès lors, il nétait pas opportun de trop conforter les pouvoirs du juge dinstruction. Constatant que le présent projet de loi sinscrivait dans une autre logique, distinguant la question de la détention provisoire et lenquête judiciaire, il a fait part de son accord sur lamendement de M. Alain Tourret. Mme Frédérique Bredin a indiqué que cet amendement lui paraissait intéressant et quelle regrettait de ne pas avoir été suivie par le groupe socialiste sur ce sujet. Elle a ajouté quun certain nombre dautres amendements seraient proposés pour renforcer le débat contradictoire en matière de détention provisoire dans le souci de protéger les libertés individuelles.
M. Arnaud Montebourg a fait savoir quil navait jamais exprimé son soutien à la proposition de loi présentée par M. Alain Tourret en avril 1998, se déclarant opposé à lutilisation de seuils pour lutter contre les excès de la détention provisoire. Jugeant que le recours à ce procédé constituait un moyen trop uniforme et trop aveugle pour réellement contrecarrer les effets pervers de la mise en détention, il a ajouté quils auraient également pour conséquence dempêcher la détention dans un certain nombre de cas relevant des délits économiques et financiers. Il a précisé quil nétait pas, par principe, opposé à la détention provisoire, jugeant quil sagissait dun instrument judiciaire à préserver, dès lors quelle ne donnait pas lieu à des excès, insistant sur le fait quil ne fallait pas totalement déstabiliser lappareil répressif. M. Alain Tourret a jugé que largument avancé par M. Arnaud Montebourg au sujet des délits économiques et financiers navait guère de fondement, puisque la plupart dentre eux étaient punis dune peine dau moins cinq années demprisonnement, sauf en ce qui concerne labus de confiance. Il a fait savoir quil réserverait son vote sur le projet de loi en fonction de laccueil fait à sa proposition. M. Jean-Pierre Michel a indiqué quil soutiendrait cet amendement, regrettant le changement dattitude du groupe socialiste sur ce sujet. Il a insisté sur la nécessité de créer des seuils objectifs afin de limiter strictement la pratique de la détention provisoire qui, la plupart du temps, apparaît inutile. Constatant que la discussion sur cette question était riche, le rapporteur a observé quune solution médiane pourrait peut-être être trouvée dici le passage en séance publique, soulignant quen tout état de cause, ce débat méritait une réflexion approfondie. Mme Frédérique Bredin sest réjouie de louverture faite par le rapporteur, estimant en effet nécessaire de poursuivre la discussion sur cette question. MM. Louis Mermaz et Jean Codognès ont fait savoir quils ne participeraient pas au vote sur cet amendement, espérant que le débat permettrait daboutir à un accord. La Commission a rejeté lamendement de M. Alain Tourret, de même que lamendement de M. Pierre Albertini modifiant le seuil de la peine de prison encourue pour justifier une détention provisoire.
Article 144 du code de procédure pénale : Motifs justificatifs :
La Commission a rejeté lamendement n° 41 présenté par M. André Gerin supprimant le motif de troubles à lordre public pour justifier le placement en détention provisoire. Elle a également rejeté un amendement de M. Pierre Albertini prévoyant que seul le procureur de la République peut apprécier la réalité du trouble exceptionnel à lordre public justifiant une mise en détention provisoire. M. Patrick Devedjian a souligné quil était normal que la notion dordre public soit appréciée par le procureur et non par le juge dinstruction. Estimant que le parquet, devenu aujourdhui indépendant, naurait plus de légitimité à invoquer lordre public, M. Robert Pandraud a fait savoir quil sabstiendrait sur cet amendement. Puis la Commission a adopté un amendement du rapporteur excluant que le motif dordre public soit invoqué pour une prolongation de la détention provisoire en matière correctionnelle, cette possibilité étant maintenue lorsque le prévenu encourt une peine criminelle. Le rapporteur a indiqué que cet amendement rapprochait le droit positif français de la convention européenne des droits de lhomme. Mme Frédérique Bredin a souhaité quon envisage également la disparition du motif dordre public pour la mise en détention provisoire initiale en matière correctionnelle. M. Alain Tourret a fait connaître son accord sur ce dispositif quil avait lui-même proposé en avril dernier. Puis la Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret qui, ayant un objet identique, a été considéré comme satisfait.
La Commission a adopté larticle 15 ainsi modifié.
Article 16 (art. 145-1 du code de procédure pénale) : Durée de la détention en matière correctionnelle :
La Commission a rejeté un amendement de M. Pierre Albertini confiant, en matière correctionnelle, la décision de prolongation de la détention provisoire à la Chambre daccusation. Elle a ensuite été saisie dun amendement présenté par le rapporteur permettant de fixer des durées de détention provisoire maximales en matière correctionnelle, prolongées éventuellement lors de délivrance de commission rogatoire internationale. Estimant quun tel amendement présentait une avancée importante, notamment au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lhomme, Mme Frédérique Bredin a déploré les temps de détention provisoire actuellement constatés. Elle a ajouté que les possibilités de prolongation en cas de commission rogatoire internationale permettraient de faire face aux lourdeurs inhérentes à cette procédure. M. Jean-Pierre Michel a approuvé la teneur de cet amendement, qui fonde sur des critères objectifs la durée de la détention provisoire, regrettant cependant que le problème du nombre de placements en détention provisoire ne soit pas abordé. Il sest élevé en revanche contre le fait que la détention provisoire puisse être plus longue lorsque la personne mise en examen est récidiviste, estimant quune telle disposition constituait une atteinte au principe de la présomption dinnocence. M. Alain Tourret a considéré que la possibilité de prolonger la détention provisoire en cas de commission rogatoire internationale soulevait un réel problème, dès lors que la délivrance dune telle commission pouvait être décidée à tout moment par le juge, sans quaucun contrôle ne soit exercé sur cette décision. Mme Frédérique Bredin a reconnu que les dispositions introduites pour les récidivistes pouvaient susciter des interrogations puisquelle introduisait dans la décision du juge un critère, non plus objectif, mais subjectif tenant à la personne mise en examen. Tout en écartant lidée que les juges puissent utiliser les dispositions relatives aux commissions rogatoires internationales pour prolonger, de manière détournée, la durée des détentions provisoires, elle a admis quil conviendrait de mieux définir les affaires complexes sur la base déléments objectifs susceptibles dêtre contrôlés précisément par les chambres daccusation. Elle a ajouté quen létat, lamendement présentait une avancée par rapport au droit existant, notamment dans un contexte de délits financiers internationaux en augmentation, et permettrait de concilier efficacité de la procédure et présomption dinnocence. Revenant sur les objections formulées à lencontre des dispositions concernant les récidivistes, M. Arnaud Montebourg a précisé que, dans les faits, le juge prenait déjà en compte, avant de décider la mise en détention provisoire, la personnalité du mis en examen et son éventuel passé judiciaire. Estimant que, dans les cas de délivrance de commission rogatoire internationale, il reviendrait aux chambres daccusation de contrôler, au cas par cas, les conditions de délivrance, il a considéré que le texte proposé laissait une souplesse indispensable. Soulignant que la détention provisoire constituait une forme de précondamnation, ce qui est attesté par le fait que sa durée est décomptée de la condamnation finale, M. Patrick Devedjian sest inquiété des dispositions relatives aux commissions rogatoires internationales, jugeant néfaste quune durée de détention soit soumise à des aléas de procédure et à la capacité de laccusation à avancer dans ses investigations. Il a regretté que les droits de la défense ne puissent sexercer de la même manière lors du débat sur le placement en détention provisoire quà loccasion du prononcé de la peine définitive. La Commission a adopté lamendement présenté par le rapporteur donnant une nouvelle rédaction à larticle 16, ce qui a rendu sans objet lamendement n° 42 de M. André Gerin limitant à un an la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle.
Article 17 (art. 145-2 du code de procédure pénale) : Durée de la détention provisoire en matière criminelle :
La Commission a rejeté un amendement de M. Pierre Albertini confiant, en matière criminelle, la décision de prolongation de la détention provisoire à la chambre daccusation ; elle a ensuite rejeté deux amendements, lun, n° 43 présenté par M. André Gerin, lautre présenté par M. Philippe Houillon, ayant pour objet de limiter la durée de la détention provisoire en matière criminelle, au profit dun amendement, présenté par le rapporteur, permettant de fixer des dates butoirs plus strictes que celles proposées par le projet, quelle a adopté. Elle a ensuite été saisie dun amendement de M. Alain Tourret substituant à la disposition, prévue dans le projet, qui écarte toute durée maximale de détention provisoire lorsque la personne mise en examen est soupçonnée de plusieurs crimes, une autre maintenant cette exception dans le seul cas de récidive. M. Alain Tourret a constaté que cette disposition méconnaissait la procédure qui consiste, en cas de pluralité des crimes, à traiter séparément chaque affaire. Le rapporteur ayant admis quil convenait de mieux définir la notion de pluralité de crimes, la Commission a adopté lamendement de M. Alain Tourret ainsi que larticle 17 ainsi modifié.
Avant larticle 18 :
La Commission a examiné un amendement de M. Alain Tourret ayant pour objet daligner les quantums de peine applicables aux placements en détention provisoire dans le cadre dune comparution immédiate sur ceux fixés dans le cadre dune instruction. Le rapporteur ayant indiqué que cette disposition devait faire lobjet dune coordination avec les dispositions retenues sur les seuils, la Commission a rejeté cet amendement.
Article 18 (art. 141-3 du code de procédure pénale) : Prolongation de la détention provisoire en cas de révocation du contrôle judiciaire :
La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, lun supprimant une mesure de coordination figurant déjà à larticle 33, lautre permettant de limiter à quatre mois la durée de détention provisoire en cas de révocation du contrôle judiciaire. Elle a adopté larticle 18 ainsi modifié.
Article 19 (art. 149 et 149-2 du code de procédure pénale) : Indemnisation à raison dune détention provisoire :
Après avoir rejeté un amendement de M. André Gerin instaurant un recours contre les décisions de la commission dindemnisation des détentions provisoires, la Commission a examiné un amendement du rapporteur améliorant les conditions dindemnisation afin de réparer le préjudice moral et matériel subi par les personnes ayant fait lobjet dune détention provisoire au cours dune procédure terminée par une décision de non-lieu, de relaxe et dacquittement, tout en excluant la réparation lorsque cette décision résulte de la reconnaissance de leur irresponsabilité pénale, de la prescription ou de lamnistie ou lorsque les personnes se sont laissées accuser à tort. Mme Frédérique Bredin sest félicitée de lindemnisation systématique proposée par lamendement, mais sest déclarée plus réservée sur les exceptions prévues, notamment sur lauto-accusation. M. Jean Codognès sest également interrogé sur la pertinence des exceptions, faisant valoir que la prescription pouvait sappliquer à une personne non encore jugée et donc peut-être totalement innocente. Reprenant les propos de M. Jean Codognès, M. Alain Tourret a estimé quil serait préférable de laisser les magistrats décider du bien-fondé dune indemnisation. M. Patrick Devedjian et M. Philippe Houillon se sont également déclarés hostiles aux exceptions. La Commission a néanmoins adopté lamendement.
La Commission a été saisie dun amendement de MM. Philippe Houillon et Claude Goasguen prévoyant que la décision de la commission dindemnisation allouant une indemnité est communiquée aux magistrats du siège ayant concouru à la mise en détention provisoire ou à son maintien, au président de la juridiction concernée ainsi quau représentant du parquet. M. Patrick Devedjian a indiqué quil avait déposé un amendement n° 33 dont lobjet était plus large, puisquil visait aussi la communication des décisions de relaxe et dacquittement, faisant valoir que les juges dinstruction ignoraient trop souvent les décisions rendues par les juridictions de jugement. M. Jean-Pierre Michel a estimé que les dispositions proposées par M. Patrick Devedjian, aussi justifiées soient-elles, nétaient pas de nature législative mais relevaient davantage de la circulaire. Tout en approuvant lesprit de cet amendement, le rapporteur a estimé quil nétait pas nécessaire de diffuser cette décision auprès du parquet et a indiqué que lamendement de M. Alain Tourret ayant un objet similaire, mais limitant la communication de la décision aux magistrats ayant concouru à la mise en détention provisoire ou à son maintien, lui paraissait préférable. La Commission a alors rejeté lamendement de MM. Philippe Houillon et Claude Goasguen, ainsi que lamendement n° 33 de M. Patrick Devedjian et adopté, en revanche, lamendement de M. Alain Tourret, de même que larticle 19 ainsi modifié.
Après larticle 19 :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant une enquête sur la situation matérielle, familiale ou sociale des personnes placées en détention provisoire dans un délai de deux mois à compter de leur entrée dans la maison darrêt. Son auteur a fait valoir que cette enquête permettrait davoir tous les éléments nécessaires pour apprécier la nécessité dune prolongation de la détention provisoire.
La Commission a ensuite été saisie de deux amendements, présentés respectivement par M. Alain Tourret et Mme Frédérique Bredin, tendant à instituer une commission de suivi de la détention provisoire ayant pour mission principale de réunir des données juridiques, statistiques et pénitentiaires concernant la détention provisoire. M. Alain Tourret a indiqué quil était actuellement extrêmement difficile dobtenir des statistiques de la Chancellerie sur cette question. Après que M. Jean-Pierre Michel et le rapporteur eurent souligné que lamendement de Mme Frédérique Bredin leur paraissait préférable, dans la mesure où il prévoyait la présence au sein de la commission de deux représentants du Parlement, et non dun seul comme lamendement de M. Alain Tourret, la Commission la adopté. Lamendement de M. Alain Tourret a été retiré.
Avant larticle 20 (art. 75-1 du code de procédure pénale) : Délai des enquêtes préliminaires :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur qui prévoit que, lorsque lenquête est menée sur instruction du procureur de la République, celui-ci fixe le délai à lissue duquel elle devra être achevée et, lorsquelle est déclenchée doffice, les officiers de police judiciaire doivent prendre en compte son état davancement tous les quatre mois à compter de la date à laquelle les faits ont été portés à la connaissance de la police. Son auteur a indiqué que cet encadrement de la durée de lenquête préliminaire, permettrait au ministère public, le cas échéant, den accélérer le déroulement.
Article 20 (art. 77-2 et 77-3 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Délai raisonnable en matière denquêtes de police judiciaire :
Article 77-2 (nouveau) du code de procédure pénale : Durée de lenquête :
La Commission a adopté un amendement de coordination de Mme Frédérique Bredin avec lamendement limitant la garde à vue aux seuls suspects, ainsi que deux amendements du rapporteur, lun dordre rédactionnel et lautre réduisant de huit à six mois le délai au-delà duquel une personne ayant fait lobjet dune garde à vue qui na été suivie daucune procédure peut saisir le procureur de la République. La Commission a ensuite été saisie dun amendement de M. Alain Tourret supprimant les dispositions qui prévoient la saisine du tribunal de grande instance par le procureur de la République. Son auteur a souligné la complexité du dispositif proposé par le projet de loi, jugeant préférable de prévoir une simple réponse par le procureur de la République. Après que le rapporteur eut fait valoir que le projet de loi permettait dassurer un contrôle de lenquête par le président du tribunal de grande instance, la Commission a rejeté lamendement. Elle a, en revanche, adopté deux amendements du rapporteur permettant au procureur de la République de prononcer une mesure alternative aux poursuites à lencontre de la personne qui na fait lobjet daucune procédure après avoir été gardée à vue. Elle a également adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin supprimant la référence au bon déroulement de lenquête des exceptions susceptibles de justifier le refus de publicité du débat contradictoire devant le président du tribunal de grande instance et prévoyant une motivation de la décision de ce dernier sur la demande de publicité. Elle a enfin rejeté un amendement de coordination de M. Alain Tourret.
Puis elle a adopté larticle 20 ainsi modifié.
Article 21 (art. 89-1, 116, 175-1, 186-1, 207 et 207-1 du code de procédure pénale) : Délai raisonnable de linformation :
La Commission a rejeté un amendement de M. Alain Tourret prévoyant la saisine de la chambre daccusation deux ans après la date douverture de linstruction, celle-ci pouvant, par une décision spécialement motivée, autoriser la poursuite de linformation pour un nouveau délai qui ne pourra excéder un an. Un amendement de MM. Philippe Houillon et Claude Goasguen, ayant un objet similaire, sans toutefois prévoir de délais-butoir, a été retiré.
La Commission a alors adopté un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction de larticle, afin de prévoir, à lissue dun délai dun an en cas de délit ou de dix-huit mois en cas de crime, la possibilité pour les parties, lorsque linformation nest pas close, de saisir le juge dinstruction qui devra alors transmettre le dossier au président de la chambre daccusation. Son auteur a indiqué que ce dernier pourrait alors, soit accorder un délai supplémentaire de six mois, soit saisir la chambre daccusation qui pourra, à son tour, soit clôturer laffaire, soit accorder un nouveau délai dun an en matière délictuelle ou de dix-huit mois en matière criminelle. Elle a fait valoir que cette proposition, sans fixer des délais-butoir dinstruction qui pourraient conduire à des situations absurdes, permettrait à la chambre daccusation dassurer un suivi plus rigoureux des instructions anormalement longues. Les amendements de M. Alain Tourret supprimant les dispositions sur les délai prévisionnels donnés par le juge dinstruction sont devenus sans objet, ainsi que les amendements de Mme Frédérique Bredin, lun de précision, lautre prévoyant que le juge dinstruction statue par ordonnance spécialement motivée sur la poursuite de linformation.
La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par Mme Frédérique Bredin prévoyant que la décision de prolongation de linstruction par le président de la chambre daccusation doit être spécialement motivée. Puis elle a adopté larticle 21 ainsi modifié.
Après larticle 21 :
La Commission a adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin associant les victimes au déroulement de linformation en obligeant le juge dinstruction à les informer, tous les six mois, de létat davancement de la procédure. Puis, elle a adopté un amendement de MM. Philippe Houillon et Claude Goasguen associant les officiers de police judiciaire chargés de lexécution dune commission rogatoire et les experts à lévaluation de la durée de leur mission. Lamendement de Mme Frédérique Bredin ayant un objet similaire a été considéré comme satisfait.
La Commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur, le premier instituant un délai daudiencement maximal de six mois pour les délits, le second un délai maximal de deux ans en matière criminelle. En conséquence, les amendements de MM. Alain Tourret et Philippe Houillon, visant à réduire la durée de la détention provisoire après le passage devant la chambre daccusation, sont devenus sans objet. Puis le rapporteur a présenté un amendement instituant une commission paritaire composée de magistrats du siège et du parquet en vue de définir lorganisation de laudiencement dans les tribunaux de grande instance et de répondre aux dysfonctionnements constatés dans ces juridictions. M. Philippe Houillon a approuvé lesprit de cette disposition nouvelle, tout en soulignant quelle ne résoudrait pas les problèmes dorganisation des juridictions qui sexpliquent par la capacité du parquet à choisir, en pratique, le juge saisi de laffaire. La Commission a adopté lamendement du rapporteur.
Elle a ensuite été saisie dun amendement de M. Alain Tourret, tendant à préciser la durée des délais de prescription des délits. Son auteur a considéré quil convenait dinstituer un délai de prescription dun an, courant à compter de tout acte dinstruction devant lui-même intervenir dans le délai de trois ans à compter de la date des faits, afin déviter la prolongation indue des procédures judiciaires. Il a, par ailleurs, estimé quil était nécessaire de mettre un terme aux hésitations de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation en matière de prescription des délits dabus de biens sociaux. Indiquant quil avait recueilli lavis de magistrats et de commissaires de police spécialisés dans la lutte contre la corruption, il a jugé quune limitation du délai maximal de prescription à six ans, à compter du jour où les faits ont été commis, était satisfaisante, faisant observer quil était anormal que le délai de prescription applicable à un délit soit équivalent à celui applicable aux crimes contre lhumanité et ajoutant que ce délai de six ans naurait pas fait obstacle aux enquêtes en cours sur les affaires de corruption. Le rapporteur et Mme Frédérique Bredin ont, pour leur part, indiqué que cette disposition ne trouvait pas sa place dans un projet de loi consacré à la présomption dinnocence et aux droits des victimes et quil était, par ailleurs, trop complexe pour être réglé de la sorte. En conséquence, la Commission a rejeté cet amendement.
Article 22 (art. 226-30-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Interdiction de publier limage dune personne portant des menottes ou de réaliser un sondage sur la culpabilité dune personne mise en cause :
La Commission a adopté un amendement de Mme Nicole Catala modifiant lintitulé du titre de la section VII du code pénal pour y introduire une référence à la notion de dignité. Puis elle a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle. Elle a ensuite été saisie dun amendement de Mme Nicole Catala, instituant une peine damende de 100 000 F à lencontre des personnes diffusant limage dindividus mis en cause à loccasion dune procédure pénale et nayant pas encore fait lobjet dun jugement de condamnation. M. Philippe Houillon a souligné que cet amendement aurait pour effet de renforcer le secret de linstruction, puisquil allait au-delà de linterdiction de la diffusion dimages de personnes menottées ou entravées. Il a regretté que le projet de loi naborde pas davantage le problème du respect du secret de linstruction. M. Jean-Pierre Michel a estimé que cet amendement améliorerait le dispositif proposé par le Gouvernement en permettant une meilleure protection de la présomption dinnocence. M. Patrick Devedjian a, pour sa part, fait observer que cet amendement créait une infraction qui nétait pas définie dune manière suffisamment précise. Le rapporteur a également jugé que cet amendement ne respectait pas le principe de légalité des peines et quil était, de ce fait, contraire à la déclaration des droits de lhomme et du citoyen et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La Commission a rejeté cet amendement.
Elle a ensuite examiné un amendement de M. Alain Tourret, portant de 100 000 à 500 000 F le montant de lamende applicable aux personnes diffusant des images de nature à porter atteinte à la présomption dinnocence et à 1 000 000 F le montant encouru en cas de récidive. Celui-ci a indiqué que le plafond des amendes devait être augmenté pour tenir compte des moyens financiers colossaux dont disposent certains organes de presse. M. Patrick Devedjian a émis des doutes sur lopportunité de pénaliser cette matière en indiquant que la procédure civile devait suffire pour que les victimes obtiennent réparation du préjudice subi. Prolongeant sa réflexion, il a considéré quil était immoral que lEtat gagne de largent en percevant des amendes et quil était illogique de mélanger compassion et répression. La Commission a rejeté cet amendement. Elle a, en revanche, adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin, portant à 200 000 F lamende applicable aux personnes ayant diffusé des images portant atteinte à la présomption dinnocence. Puis elle a rejeté un amendement de Mme Nicole Catala, tendant à réprimer la publication ou la diffusion de documents couverts par le secret de lenquête et de linstruction. Elle a enfin adopté un amendement du rapporteur, rappelant que les autorités ne doivent imposer que dans des circonstances exceptionnelles, définies de manière limitative, le port de menottes.
Article 23 (art. 13 de la loi du 29 juillet 1881 et art. 6 de la loi du 29 juillet 1982) : Droit de réponse exercé par le ministère public :
La Commission a été saisie de trois amendements identiques tendant à la suppression de larticle, le premier, n° 27 de M. Patrick Devedjian, le deuxième de M. Philippe Houillon, le troisième de M. Pierre Albertini. M. Patrick Devedjian a fait part de son hostilité de principe à ce quil est convenu dappeler les « fenêtres de publicité », considérant quil était aberrant de confier à laccusation la mission dassumer le droit de réponse des personnes accusées mises en cause. Il a jugé quil serait préférable de confier cette fonction à un magistrat du siège. La Commission a rejeté ces trois amendements. Elle a, en revanche, adopté un amendement de M. Alain Tourret donnant une nouvelle rédaction à larticle 23, qui supprime la possibilité pour laccusé mis en cause par la presse de demander au ministère public dexercer à sa place un droit de réponse, tout en maintenant les dispositions portant à trois mois le délai du droit de réponse en cas de non-lieu, de relaxe ou dacquittement. En conséquence, lamendement de même nature du rapporteur est devenu sans objet, ainsi que lamendement de Mme Frédérique Bredin, visant à rendre automatique lintervention du ministère public en cas de demande dun droit de réponse par une personne mise en cause dans une procédure judiciaire, de même que lamendement du rapporteur précisant le régime des délais applicables en la matière.
Après larticle 23 ( article 9-1 du code civil) : Publication dun communiqué en cas datteinte à la présomption dinnocence :
La Commission a adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin, étendant le droit à la présomption dinnocence aux personnes qui, sans être directement concernées par la procédure, sont présentées publiquement comme pouvant être coupables de faits donnant lieu à enquête ou instruction judiciaire. M. Alain Tourret sest félicité de ladoption de cet amendement, soulignant quil rejoignait une proposition de loi quil avait lui-même déposée sur le sujet.
Article 24 (art. 64 de la loi du 29 juillet 1881) : Arrêt de lexécution provisoire dune décision tendant à limiter la diffusion de linformation :
La Commission a adopté lamendement de précision n° 28 de M. Patrick Devedjian puis larticle 24 ainsi modifié.
Avant larticle 25 :
La Commission a rejeté un amendement de M. Pierre Albertini limitant la portée du secret de linstruction aux personnes qui, concourant à la procédure, sont tenues au secret professionnel.
Article 25 (art. 11, 145, 177-1, 199, 199-1, 212-1 et 803 du code de procédure pénale) : « Fenêtres de publicité » dans la procédure pénale :
La Commission a tout dabord été saisie dun amendement de M. Philippe Houillon proposant une nouvelle rédaction de cet article afin de supprimer le secret de linstruction. Celui-ci a estimé que le maintien du secret de linstruction, même assorti de « fenêtres de publicité », conduisait à pérenniser une hypocrisie qui ne correspondait plus à la réalité de la pratique judiciaire, soulignant, en outre, que les délais de la justice apparaissaient peu compatibles avec le besoin immédiat dinformations. M. Alain Tourret a estimé que le secret de linstruction nétait, en fait, jamais assuré dans les affaires importantes et médiatiques, dans la mesure où il nest pas opposable aux personnes mises en examen. Après avoir jugé difficile sa disparition complète, alors même quil contribue à protéger la présomption dinnocence, tout en reconnaissant quon ne pouvait pas interdire aux personnes mises en examen de faire des communications, il a néanmoins considéré que la situation actuelle était absurde, puisque le secret de linstruction prévu par le code de procédure pénale nétait pas respecté et que ses violations nétaient pas sanctionnées. M. Patrick Devedjian a fait valoir quon ne pouvait évidemment pas empêcher une personne mise en examen de procéder à des déclarations pour faire part de son innocence et a considéré que les réflexions sur lévolution du secret de linstruction conduiraient inévitablement à mettre en place une procédure accusatoire pour garantir une information transparente et loyale, préférable aux errements actuels. Après que le rapporteur, reconnaissant quil ny avait pas de solution idéale, eut indiqué que le projet de loi proposait néanmoins un dispositif équilibré reposant sur le maintien du secret de linstruction, tempéré par des rendez-vous périodiques de publicité permettant à chacune des parties deffectuer des déclarations et de faire valoir son point de vue, la Commission a rejeté cet amendement, ainsi quun amendement de M. Philippe Houillon aggravant les sanctions en cas de violation du secret de linstruction, après que son auteur eut précisé quil fallait choisir clairement entre la suppression du secret de linstruction sil apparaissait inutile, indiquant que telle était, en fait, son opinion, ou son strict respect, sil était nécessaire, ce qui impliquait de sanctionner lourdement ses violations.
Après avoir rejeté lamendement n° 29 de M. Patrick Devedjian supprimant les communiqués du procureur de la République, la Commission a adopté un amendement du rapporteur encadrant strictement leur pratique, Mme Frédérique Bredin ayant toutefois exprimé ses réserves sur le principe de ces communiqués, tout en reconnaissant que lamendement proposé permettrait déviter les dérapages. Elle a ensuite adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin limitant les communiqués du parquet aux éléments objectifs de la procédure et excluant les mentions nominatives, après que M. Alain Tourret eut souhaité connaître les sanctions en cas de non-respect de ces obligations et que Mme Frédérique Bredin eut précisé, en réponse, que la violation de ces dispositions pouvait entraîner la mise en jeu de la responsabilité civile et disciplinaire du magistrat. En raison des votes précédemment émis par la Commission, deux amendements de M. Philippe Houillon et de M. Alain Tourret supprimant les dispositions permettant au procureur de parler au nom de la juridiction de linstruction sont devenus sans objet.
La Commission a ensuite adopté un amendement présenté par Mme Frédérique Bredin prévoyant que le critère du bon déroulement de linformation ne peut plus être invoqué pour empêcher la publicité de laudience devant le juge de la détention provisoire. Elle a, en revanche, rejeté lamendement n° 30 de M. Patrick Devedjian et un amendement de M. Philippe Houillon supprimant lensemble des exceptions à la publicité des audiences, M. Philippe Houillon ayant estimé que les règles applicables au stade de laudience du jugement devaient être étendues au niveau de linstruction, tandis que le rapporteur soulignait, au contraire, que certaines situations objectives, tenant notamment à la dignité de la personne ou à lintérêt des tiers, pouvaient justifier le refus de publicité. La Commission a ensuite adopté un amendement de M. Philippe Houillon prévoyant que le juge de la détention provisoire statue sur la demande de publicité par ordonnance motivée.
La Commission a ensuite adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin précisant que le critère du bon déroulement de linformation ne pourra plus être invoqué pour empêcher la publicité de laudience devant la chambre daccusation, ainsi quun amendement du rapporteur indiquant que lavocat de la personne mise en examen devra pouvoir demander la publicité des débats devant cette même chambre ; elle a, en revanche, rejeté lamendement n° 31 de M. Patrick Devedjian supprimant lensemble des exceptions à la publicité des débats, puis, adopté un amendement du rapporteur maintenant la possibilité pour les parties civiles dobtenir la publicité des débats en cas dappel dune ordonnance de non-lieu motivée par lirresponsabilité pénale de lauteur de linfraction, ainsi quun amendement de coordination du même auteur. Elle a adopté larticle 25 ainsi modifié.
TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES
Article 26 (art. 226-30-1 [nouveau] du code pénal) : Atteinte à la dignité de la victime dun crime ou dun délit :
La Commission a été saisie de lamendement n° 44 de M. Patrick Devedjian visant à supprimer le I de cet article, qui sanctionne le fait de diffuser la reproduction des circonstances dun crime ou délit lorsquelle porte atteinte à la dignité de la victime. Considérant que l« atteinte à la dignité de la victime » était une notion floue, son auteur a jugé quil fallait sen tenir aux dispositions du code civil qui sont très réparatrices. Le rapporteur a indiqué que larticle 26 nintroduisait pas de nouvelles mesures, mais ne faisait que reprendre, en la précisant, une disposition qui figure actuellement dans la loi sur la presse. La Commission a rejeté lamendement n° 44 de M. Patrick Devedjian, de même quun amendement de M. Alain Tourret portant lamende punissant la diffusion de la reproduction des circonstances dun crime ou dun délit de 100 000 F à 500 000 F. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur complétant le I de cet article pour intégrer dans le code pénal les dispositions de la loi sur la presse sanctionnant le fait de diffuser des renseignements concernant lidentité dune victime dune agression ou atteinte sexuelle.
La Commission a adopté larticle 26 ainsi modifié.
Article 27 (art. 227-24-1 [nouveau] du code pénal) : Interdiction de publier lidentité dun mineur victime dune infraction :
La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur intégrant également dans le code pénal les dispositions de la loi sur la presse relatives à linterdiction de diffusion de limage dun mineur victime dune infraction, puis rejeté un amendement de M. Alain Tourret accroissant le montant des amendes encourues en cas datteinte à la vie privée. Elle a ensuite adopté larticle 27 ainsi modifié.
Après larticle 27 :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur introduisant dans le code pénal les dispositions de la loi de 1881, qui interdisent de révéler lidentité des mineurs en cas de fugue ou de suicide. Puis elle a été saisie de lamendement n° 34 de M. Patrick Devedjian autorisant la présence dune caméra fixe lors des audiences de jugement. Précisant que cette faculté existait déjà dans de nombreux pays, M. Patrick Devedjian a insisté sur les vertus civiques de la publicité des procès, rappelant que la justice était rendue au nom du peuple français. Le rapporteur sest inquiété des conséquences dune telle mesure, notamment pour les victimes qui se retrouveraient livrées à la curiosité du public. Tout en reconnaissant lintérêt civique des procès filmés, elle a considéré quil fallait adopter une démarche inverse, ayant pour objet daccroître la protection de la victime afin de lui éviter tout nouveau traumatisme. Après avoir rappelé que, dans la grande majorité des cas, les victimes se font représenter au procès, M. Patrick Devedjian a observé que les procès étaient déjà publics. M. Alain Tourret a estimé quun problème pouvait aussi se poser pour les personnes relaxées et a conclu que lenregistrement vidéo des procès ne devait être possible quen cas daccord exprimé par toutes les parties. La Commission a rejeté lamendement n° 34, ainsi que lamendement n° 36 du même auteur prévoyant un enregistrement sonore des procès.
Puis, elle a examiné deux amendements ayant le même objet, le premier présenté par M. Alain Tourret et le second par Mme Frédérique Bredin, donnant au juge dinstruction la possibilité de constituer un dossier sur la victime, afin dévaluer lampleur du préjudice subi. Le rapporteur ayant précisé que la rédaction de lamendement de Mme Frédérique Bredin lui paraissait préférable puisquil prévoyait laccord de la victime pour la constitution du dossier, la Commission a adopté lamendement de Mme Frédérique Bredin et rejeté celui de M. Alain Tourret. Elle a ensuite été saisie de trois amendements, présentés respectivement par MM. Alain Tourret, Philippe Houillon et Pierre Albertini, ayant pour objet de mieux informer la victime de ses droits et notamment des possibilités de saisine de la commission dindemnisation des victimes dinfraction. Le rapporteur ayant indiqué quelle avait présenté un amendement sur le sujet après larticle 28, la Commission a rejeté ces amendements.
Article 28 (art. 41 du code de procédure pénale) : Rôle des associations daide aux victimes :
La Commission a adopté un amendement présenté par M. Pierre Albertini ayant pour objet de conventionner de plein droit les associations daides aux victimes reconnues dutilité publique, puis adopté larticle 28 ainsi modifié.
Après larticle 28 : Information des victimes sur leurs droits dès le début de lenquête :
La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur permettant, dès le début de lenquête, une meilleure information des victimes sur leur droit à obtenir réparation du préjudice subi.
Avant larticle 29 (art. 80-2 du code de procédure pénale) : Information des victimes sur leur droit de se porter partie civile dès le début de linformation :
La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur prévoyant linformation des victimes sur leur droit de se constituer partie civile par le juge dinstruction.
Article 29 (art. 420-1 du code de procédure pénale) : Conditions dans lesquelles la victime dune infraction peut se constituer partie civile :
La Commission a adopté larticle 29 sans modification.
Article 30 (art. 464 du code de procédure pénale) : Renvoi de la décision sur laction civile à une audience ultérieure :
La Commission a adopté un amendement présenté par M. Alain Tourret permettant daccorder de plein droit aux parties civiles le renvoi de laudience. Puis elle a adopté larticle 30 ainsi modifié.
Article 31 (art. 618-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Remboursement des frais irrépétibles :
La Commission a adopté larticle 31 sans modification.
Après larticle 31 :
La Commission a examiné un amendement du rapporteur ayant pour objet de mieux informer les victimes de leur possibilité de saisir la commission dindemnisation des victimes dinfraction. M. Alain Tourret a regretté que cet amendement ne prévoie pas, en cas dabsence dinformation, que le délai dun an pour saisir la commission est suspendu. La Commission a cependant adopté cet amendement, ainsi quun autre amendement du rapporteur prévoyant que les efforts faits par les personnes détenues pour indemniser leurs victimes sont pris en compte dans loctroi des réductions de peines supplémentaires ou des libérations conditionnelles.
La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par le rapporteur confiant au juge dapplication des peines le soin de déterminer les modalités du versement des dommages-intérêts à la victime. Remarquant que les modalités du versement faisaient partie intégrante du droit à réparation des victimes et quelles pouvaient en cela constituer grief, M. Patrick Devedjian sest déclaré défavorable à cette disposition, observant quen donnant compétence au juge dapplication des peines, elle portait atteinte au principe de la procédure contradictoire. Soulignant que cet amendement ne faisait que reprendre des dispositions déjà prévues par circulaire, le rapporteur a cependant retiré son amendement. Puis, la Commission a adopté un amendement du rapporteur regroupant les dispositions relatives à lindemnisation des victimes dans un chapitre spécifique. Elle a ensuite adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin prévoyant la notification écrite à la victime du classement sans suite par le procureur, ainsi quun amendement de M. Alain Tourret prévoyant la prise en charge par lEtat, des frais irrépétibles en cas de décision de relaxe ou dacquittement. Elle a également adopté un amendement de M. Alain Tourret supprimant lobligation faite au prévenu ou à laccusé de se constituer prisonnier pour faire examiner son pourvoi. Elle a enfin rejeté un amendement présenté par M. André Gerin permettant dautoriser la révision dun procès même en labsence de faits nouveaux, lorsque la demande est légitime.
TITRE III
DISPOSITIONS DE COORDINATION
Article 32 (art. 104, 105, 152 et 183 du code de procédure pénale) : Coordinations liées à la réforme du statut de témoin assisté :
La Commission a adopté un amendement de forme et un amendement de coordination présentés par le rapporteur puis a adopté larticle 32 ainsi modifié.
Article 33 (art. 83, 116, 122, 135, 136, 137, 138, 141-2, 144-1, 145, 145-1, 145-2, 185, 187-1 et 207 du code de procédure pénale) : Coordinations liées à la création dun juge de la détention provisoire :
La Commission a dabord repoussé un amendement rédactionnel de M. Pierre Albertini. Elle a ensuite adopté deux amendements de M. Alain Tourret précisant que le juge de la détention provisoire peut décerner mandat de dépôt ou mandat darrêt, après que ce dernier eut fait valoir que le mandat darrêt valait mandat de dépôt, ainsi quun amendement du rapporteur supprimant la référence à la procédure de prise à partie, qui nexiste plus pour les magistrats professionnels. Elle a ensuite adopté deux amendements du rapporteur procédant à la correction derreurs matérielles ainsi que deux amendements de coordination du même auteur, et larticle 33 ainsi modifié.
Article 34 (art. 145 du code de procédure pénale) : Coordination liée aux conditions de mise en détention provisoire :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle, puis cet article ainsi modifié.
Articles 35 (art. 420-2 et 460-1 du code de procédure pénale) : Coordinations liées à la simplification des modalités de constitution de partie civile ; 36 (art. 154 du code de procédure pénale) : Coordination des modalités de gardes à vue dans le cadre de commissions rogatoires ; 37 (art. 82 du code de procédure pénale) : Coordination relative aux droits du procureur de la République en cas de demandes dactes :
La Commission a adopté ces articles sans modification.
Article 38 (art. 4 et 11 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Coordination avec le droit applicable aux mineurs délinquants :
Après avoir rejeté un amendement rédactionnel de M. Pierre Albertini, la Commission a adopté cet article sans modification.
Article 39 : Délai dapplication des dispositions relatives à la détention provisoire :
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 40 : Application dans les territoires doutre-mer et à Mayotte :
La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur tenant compte du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, puis cet article ainsi modifié.
Titre :
La Commission a rejeté un amendement de M. Pierre Albertini modifiant lintitulé du projet de loi.
La Commission a adopté lensemble du projet de loi ainsi modifié.
fpfp
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