ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de lADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE
COMPTE RENDU N° 42
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 17 mars 1999
(Séance de 9 heures 30)
Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente
SOMMAIRE
|
pages
|
Proposition de résolution de M. Jacques Myard visant à la création dune commission denquête tendant à établir une analyse des phénomènes de la délinquance juvénile, un bilan de lapplication de lordonnance de 1945 et à proposer des mesures de nature à répondre et corriger cette dérive dangereuse pour notre société (n° 1337) (M. Raymond Forni, rapporteur) (rapport)
Proposition de loi de M. Pierre Cardo relative à lenfance en danger et aux mineurs délinquants (n° 1403) (M. Pierre Cardo, rapporteur) (rapport)
|
2
4
|
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution de M. Jacques Myard visant à la création dune commission denquête tendant à établir une analyse des phénomènes de la délinquance juvénile, un bilan de lapplication de lordonnance de 1945 et à proposer des mesures de nature à répondre et corriger cette dérive dangereuse pour notre société (n° 1337).
M. René Dosière, suppléant M. Raymond Forni, rapporteur, a rappelé que la commission devait dabord examiner la recevabilité de cette proposition de résolution avant de se prononcer sur son éventuelle opportunité. En ce qui concerne sa recevabilité, il a estimé que celle-ci pouvait être admise sans difficulté puisque les faits donnant lieu à enquête étaient déterminés avec un degré de précision suffisante et que ces mêmes faits ne faisaient lobjet daucune procédure judiciaire en cours.
Abordant la question de lopportunité de la proposition, il a tout dabord observé que, entre 1973 et 1998, le nombre de mineurs mis en cause pour crime ou délit par la police et la gendarmerie était passé de 72 742 à 171 787 tandis que leur proportion au sein de la population délinquante globale sétait spectaculairement accrue, passant de 9,7 % à 21,7 %. Tout en notant que lanalyse sur longue période montrait que lon ne pouvait parler dexplosion continue de la délinquance des mineurs, il a néanmoins reconnu que les statistiques disponibles faisaient ressortir trois tendances récentes significatives, à savoir une croissance continue et forte de la part des mineurs mis en cause depuis 1994, le nombre des moins de dix-huit ans impliqués ayant augmenté de 57 % depuis cette dernière année, un rajeunissement des mineurs incriminés et une violence accrue de la délinquance, le nombre des mineurs auteurs de vols à main armée et de vols avec violences augmentant de manière très alarmante au cours de ces deux dernières décennies. Jugeant que ces tendances soulignaient lacuité du problème, il a observé que les problèmes les plus graves étaient imputables à un petit groupe dindividus souvent récidivistes, dont la mise à lécart contribuerait sans doute à ramener le calme. Il a observé cependant que, si le traitement pénal des meneurs était indispensable, il revenait à la prévention dapporter une solution durable aux cas de nombreux jeunes confrontés aux aléas de linsertion scolaire et professionnelle, à labsence de structures familiales et de responsabilité parentale, qui sinstallent, de ce fait, dans un parcours personnel où la délinquance, le plus souvent heureusement occasionnelle, permet de répondre artificiellement à une situation de détresse.
Le rapporteur suppléant a considéré que la constitution dune commission denquête nétait pas la procédure la plus appropriée, lanalyse du phénomène et la nature des réponses à y apporter ayant déjà fait lobjet dune multitude de rapports, dont celui rédigé par Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck, les statistiques officielles donnant, aussi finement que possible, la mesure des comportements délictueux imputables aux mineurs et le Parlement ayant déjà eu loccasion de débattre fréquemment de cette question, comme lAssemblée doit le faire à loccasion du prochain examen de la proposition de loi tendant à modifier lordonnance de 1945, présentée par M. Pierre Cardo. Il a par ailleurs fait valoir que le gouvernement avait adopté rapidement un certain nombre de mesures, regroupées dans un plan daction gouvernemental arrêté par le conseil de sécurité intérieure le 8 juin 1998 ; il a évoqué la circulaire du 15 juillet 1998 signée par la garde des sceaux relative à la politique pénale en matière de délinquance juvénile, celle que le Premier ministre a publié le 6 novembre dernier et, enfin, les décisions prises par le conseil de sécurité intérieur le 27 janvier dernier tendant à laffectation de 7 000 policiers et gendarmes dans les quartiers sensibles sur trois ans, à la création de 30 nouvelles maisons de justice et du droit, au renforcement de la présence policière dans les gares de lIle-de-France, au lancement dexpérimentations globales de police de proximité dans les départements sensibles, au renforcement de laction éducative au sein du dispositif carcéral propre aux mineurs, à la création, dici 2001, de 50 centres de placement immédiat, dont 15 en 1999 et au développement des centres éducatifs renforcés pour la mise en place de séjours « de rupture » de plusieurs mois, conduisant à un total de 100 unités pour la fin de lannée 2000, à la création dinternats urbains et au recrutement de 10 000 aides-éducateurs. Soulignant quil fallait être de mauvaise foi pour prétendre que le Gouvernement restait inactif, il fait observer quil convenait de laisser le temps à ces mesures concrètes de produire leurs effets.
En conclusion, il a jugé que la constitution dune commission denquête parlementaire ne serait de nature, ni à alimenter utilement le débat, ni à faire émerger des orientations réalistes et viables.
Approuvant le constat dressé par le rapporteur, M. Thierry Mariani a néanmoins indiqué quil ne formulait pas les mêmes conclusions, insistant sur le rajeunissement de la délinquance juvénile et sur sa diffusion croissante sur lensemble du territoire. Après avoir fait observer que les mesures prises par le gouvernement ne produisaient pas deffets sur le terrain, il a évoqué la révolution intellectuelle opérée en Grande-Bretagne vis-à-vis de la délinquance juvénile et a jugé que la mise en place dun commission denquête permettrait de porter un regard neuf sur ce phénomène.
M. Bruno Le Roux a insisté sur le fait que le traitement de la délinquance des mineurs appelait davantage des actes concrets que la création dune commission denquête. Evoquant les rencontres nationales des acteurs de la prévention de la délinquance se tenant à Montpellier, il a mis laccent sur la nécessité de mettre en oeuvre des politiques transversales.
M. Pierre Cardo, sexprimant à titre personnel, a déploré le décalage entre le nombre important dacteurs intervenant sur le terrain et limpact limité des interventions. A cet égard, il a estimé quune enquête parlementaire permettrait de procéder à une évaluation des institutions en prise avec lenfance en danger et la délinquance juvénile et, dont le mode de fonctionnement apparaît largement inadapté, quil sagisse de la police, de la justice, de léducation nationale ou des services sociaux. Evoquant la mise en uvre des procédures de médiation pénale, il a, par ailleurs, observé que de nombreuses décisions nétaient pas appliquées du fait de linadaptation ou de la mauvaise volonté des acteurs concernés.
M. Jérôme Lambert a souligné limpact désastreux de la violence à la télévision sur les jeunes, estimant que beaucoup trop de mineurs nétaient plus en état de se référer à un bon exemple.
Mme Nicole Feidt a considéré que la plupart des réponses aux questions posées figuraient dans le rapport de Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduick, ce qui rendait inutile la constitution dune commission denquête. Elle a, en outre, précisé que les premières évaluations des mesures mises en oeuvre par le gouvernement faisaient état deffets positifs.
M. Jean-Antoine Léonetti a estimé nécessaire de procéder à une évaluation des interventions des différents acteurs de terrain, trop souvent axées sur la déresponsabilisation et léducation, soulignant quelles avaient conduit à une situation déchec patent. Il a considéré que les mesures préconisées par le gouvernement nétaient pas à la hauteur de lenjeu et quelles navaient aucun impact.
M. Pascal Clément a indiqué quune commission denquête serait opportune dès lors quelle permettrait de dépasser un certain nombre de faux débats et de gagner du temps pour mettre en oeuvre des réponses novatrices.
Approuvant ces propos, M. Michel Hunault a fait valoir quen réalité, le phénomène de la délinquance juvénile était mal connu et quune évaluation sérieuse des dispositifs existants permettrait de déboucher sur des réponses adaptées.
Après que le rapporteur suppléant eut insisté sur lamélioration des interventions sur le terrain et eut fait valoir la nécessité de laisser aux mesures adoptées par le gouvernement il y a moins dun an le temps de produire leurs effets, la commission a rejeté la proposition de résolution.
*
* *
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Cardo, la proposition de loi de M. Pierre Cardo relative à lenfance en danger et aux mineurs délinquants (n° 1403).
Evoquant le premier thème abordé par la proposition de loi, celui de lenfance en danger, le rapporteur a constaté que lon assistait à un rajeunissement de la délinquance, doublé dun phénomène de « massification ». Il a observé que les mesures répressives nétaient pas suffisantes pour combattre les noyaux durs de la délinquance dans les quartiers, ceux-ci se reconstituant rapidement malgré la mise à lécart des principaux éléments perturbateurs, mettant ainsi en lumière linadaptation des mesures préventives. Tout en rappelant que la délinquance avait toujours existé, il a estimé que ses causes avaient évolué, malgré certaines constantes, citant le chômage de longue durée comme lune des explications de la situation actuelle. Il a indiqué que, même si les personnes quil avait entendues dans le cadre de la préparation de son rapport avaient souvent une approche différente, elles concluaient toutes à linadaptation des réponses actuelles aux phénomènes de violence collective.
Rappelant que la prévention suppose une détection de la délinquance le plus en amont possible, il a considéré que le système mis en place depuis 1945 était défaillant, parce que les travailleurs sociaux, qui devraient être théoriquement les premiers à intervenir, nétaient pas en mesure de remplir correctement leur rôle. Il a en effet affirmé quils nétaient pas suffisamment présents dans les quartiers, en raison notamment du nombre de postes vacants, et regretté la trop grande mobilité de ces fonctionnaires, qui conduit à rendre plus difficile une analyse à long terme des phénomènes locaux de délinquance. Il a également fait valoir que ces acteurs sociaux habitaient de plus en plus rarement sur leur lieu de travail. Il a alors donné lexemple des clubs de prévention spécialisés, observant quils fonctionnaient dans lanonymat et nétaient pas assez proches de la population locale. Il a ajouté que laccroissement considérable des tâches confiées aux travailleurs sociaux conduisait lEtat à recruter de plus en plus de jeunes sans expérience, qui sintègrent difficilement dans les quartiers. Il a indiqué quil proposerait de résoudre ces difficultés en imposant un travail en réseau à travers les « pôles daccueil des jeunes en difficulté », regroupant les différents acteurs chargés de traiter en amont les problèmes de délinquance dès lapparition des premiers symptômes.
Le rapporteur a ensuite évoqué lerrance nocturne des mineurs de moins de 13 ans, observant que dans certains quartiers ils nétaient plus appréhendés par la police, puisque les parents, lorsquils étaient prévenus, souvent ne se déplaçaient pas. Il a, par ailleurs, rappelé que lenregistrement par le parquet des faits délictueux ne faisant pas lobjet de poursuites navait été mis en place que depuis deux ans ; puis, il a souligné que sa proposition de loi permettrait de mieux responsabiliser les parents en permettant dinterdire aux mineurs de moins de 13 ans de circuler entre 22 heures et six heures du matin sans être accompagnés dun adulte. Il a indiqué quen cas de non-respect de cette interdiction, les parents seraient convoqués pour un rappel à la loi et, éventuellement, une amende, ajoutant quen cas de récidive, le juge pourrait proposer de suspendre les allocations familiales pour six mois. Répondant aux critiques quavait suscitées cette proposition, il a observé que larticle 227-17 du code pénal sanctionnait le délaissement de mineur de deux ans demprisonnement et 200 000 F damende. Il a également rappelé quen cas de déscolarisation, une loi de 1954 autorisait la suppression des allocations familiales, sans quaucune enquête sociale nait été réalisée et sans que la justice nintervienne. Quant à la mise sous tutelle des allocations familiales, il a rappelé quil sagissait dune tutelle budgétaire destinée à orienter les dépenses dans lintérêt de lenfant, ce qui nallait pas dans le sens dune responsabilisation des parents. Après avoir estimé que les emplois de médiation étaient nécessaires pour favoriser limplication des habitants dans la vie des quartiers, il a regretté que ceux-ci soient principalement confiés à des jeunes dans le cadre de la loi Aubry, alors que la présence de médiateurs plus âgés faciliterait sans doute le dialogue avec les parents.
Il a insisté sur le fait que le législateur devait montrer sa volonté de placer les parents des enfants délinquants face à leurs responsabilités, jugeant quil était nécessaire de régler ce problème avant de résoudre les questions relatives au logement ou au travail.
Abordant le second volet de sa proposition de loi, le rapporteur a estimé nécessaire de modifier lordonnance de 1945 afin daccélérer la réponse des institutions aux agissements des mineurs délinquants et aux demandes de sécurité émanant des habitants des quartiers en difficulté. A cet égard, il a jugé que lapplication de la garde à vue aux mineurs délinquants et la mise en place dun système dincarcération qui leur soit adapté étaient indispensables. Pour illustrer son propos, il a fait observer quactuellement les magistrats hésitaient à incarcérer les mineurs délinquants parce que le système pénitentiaire est totalement inadapté. Il a en outre exprimé la crainte que les mesures annoncées par le conseil de sécurité intérieure en vue de créer des établissements fermés, mais non carcéraux, spécialisés dans laccueil des mineurs délinquants ne soient inefficaces, et jugeant quil serait préférable dadapter le système carcéral aux mineurs délinquants. Tirant les conclusions de léchec des maisons de correction, il a estimé quil ne fallait pas confier le rôle déducateur et de surveillant aux mêmes personnes et quil convenait de limiter les effectifs des mineurs incarcérés en-deçà de quinze. En conclusion, il a indiqué quil convenait de mettre en place un traitement continu et gradué de la délinquance des mineurs en intégrant à la fois des objectifs de prévention et de répression.
M. Jean-Antoine Léonetti a fait observer que la délinquance des mineurs concernait des personnes de plus en plus jeunes et de plus en plus violentes, alors même que se développe un sentiment dimpunité dans les quartiers en difficulté. Indiquant quun mineur délinquant sur deux était arrêté par la police et quun sur dix seulement recevait une sanction effective, il a considéré quil revenait avant tout à la famille, et non à la société, de prendre ses responsabilités. Exprimant son accord avec la démarche de M. Pierre Cardo consistant à renforcer le volet répressif de lordonnance de 1945, sans pour autant la modifier totalement, il a estimé que le système de prévention avait montré ses limites. Il a ainsi déclaré que les travailleurs sociaux nétaient pas présents dans les quartiers difficiles, que les juges pour enfants exerçaient davantage une fonction dassistance sociale que de répression et que la police ne pouvait entrer dans les quartiers difficiles, qui vivaient de manière autonome et fermée, fonctionnant sur le mode clanique. Il a par ailleurs observé que les mineurs étaient utilisés par les adultes afin de commettre des délits, jugeant quil serait nécessaire de responsabiliser leur famille et de les écarter momentanément de la société pour préparer leur réinsertion. Il a, en outre, considéré que la suppression des allocations familiales pour les familles dont les mineurs sont délinquants pourrait contribuer à leur responsabilisation. Il a indiqué que, sil sétait abstenu sur la proposition de résolution de M. Jacques Myard tendant à créer une commission denquête sur la délinquance juvénile, cest parce quil estimait préférable ladoption de mesures concrètes à la création dune nouvelle structure de réflexion. Pour cette même raison, il a fait part de son soutien à la proposition de loi de M. Pierre Cardo, en précisant que, si elle constituait une réponse incomplète au problème de la délinquance des mineurs, elle permettait cependant denvoyer un message clair et pragmatique aux habitants des quartiers difficiles.
Mme Véronique Neiertz a indiqué quelle avait écouté le rapporteur avec dautant plus dintérêt quil était un homme de terrain, ayant une grande expérience du sujet quil évoquait. Tout en soulignant que le problème de la délinquance des mineurs constituait une préoccupation constante pour les élus, elle a considéré que légiférer dans ce domaine revenait toujours à avancer sur un terrain miné. Elle a rappelé que lAssemblée nationale avait déjà débattu de cette question à loccasion du vote de la loi du 1er juillet 1996 portant modification de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante. Elle a fait état de sa propre expérience dans ce domaine, indiquant quelle avait contribué à mettre en application des dispositions de la loi concernant les procédures de prise en charge en temps réel des mineurs délinquants. Estimant que tout le débat se jouait autour du délicat équilibre entre la prévention et la répression, elle a jugé que la proposition de loi de M. Pierre Cardo était trop axée sur le volet répressif. Elle a considéré, en effet, que la politique du tout répressif avait montré ses limites aux Etats-Unis. Affirmant que le véritable objectif à atteindre était celui de la rééducation des mineurs confrontés à un environnement difficile, elle a jugé que la politique des moyens menée par le Gouvernement était la plus viable. Elle a exprimé la crainte que certaines des dispositions de la proposition de loi, notamment celles relatives à linterdiction de sortie des mineurs de treize ans la nuit, ne soient de nature à susciter des comportements violents dans les quartiers difficiles et que, sur le plan politique, elle ne tende à favoriser les discours les plus extrémistes. Elle a ajouté que la loi du 1er juillet 1996 navait pu encore produire tous ses effets et sest déclarée favorable à une application des dispositions existantes sur la mise sous tutelle des allocations familiales. Elle a considéré quune véritable politique des moyens devait porter à la fois sur les acteurs sociaux et institutionnels ainsi que sur le logement social, jugeant que ce dernier ne répondait plus à laccroissement des demandes et aux moyens des plus défavorisés. Estimant que la proposition de M. Pierre Cardo avait pour seul objectif de permettre quun débat sengage à lAssemblée nationale, elle a proposé que la Commission ne formule pas de conclusions.
Evoquant lexpérience quil avait en la matière en sa qualité délu local, M. Pascal Clément a constaté que la France ne savait pas traiter le problème des mineurs délinquants. Contestant les propos de Mme Véronique Neiertz, il a affirmé que le principe de la « tolérance zéro » pratiqué aux Etats-Unis avait conduit à une baisse des délits. Il a déploré que le discours sociologique sur les déterminismes environnementaux nimprègne désormais celui des politiques et jugé quil alimentait le ressentiment des électeurs, victimes de ce type de délinquance. Indiquant quil nétait pas favorable à une politique du tout répressif, il a néanmoins souligné les limites de la prévention, prenant lexemple des événements survenus à Strasbourg lors de la Saint-Sylvestre. Il a remarqué que M. Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse, avait également proposé la suppression des allocations familiales des parents de mineurs délinquants récidivistes, soulignant, par ailleurs, que les dispositions existantes nétaient guère appliquées. Il sest interrogé ensuite sur lefficacité des foyers particuliers accueillant les jeunes délinquants et qui nimposent pas de réelles obligations en matière de travail et de rééducation. Déplorant les coûts de fonctionnement de ces établissements, il a, par ailleurs, constaté que le nouveau président de S.O.S. Racisme sétait déclaré favorable à la responsabilisation des mineurs et très critique à légard de la logique dassistance qui prédomine actuellement. Il a, cependant, observé que seule une politique globale serait à même de répondre aux problèmes dinsécurité. Rappelant que la présence de lEtat et de ses acteurs était nécessaire dans les quartiers difficiles, il a ajouté que les choix faits en matière durbanisme après la guerre pesaient lourd dans le développement du sentiment de mal-être dans ces quartiers. Il a déclaré que la reconstruction de la ville devait constituer un véritable projet national. Il a annoncé quil voterait en faveur de la proposition, considérant que lAssemblée nationale devait sen saisir afin de rassurer lopinion sur ces questions.
Mme Catherine Tasca, présidente, a estimé quil était essentiel de mener de front une réflexion de fond sur le problème de la délinquance des mineurs et la mise en place de mesures concrètes et rapides. Soulignant lintérêt du débat sur cette proposition de loi, elle a considéré quil faisait ressortir trois points principaux : lerrance des jeunes dans les villes, la responsabilité des familles et linsuffisance des effectifs et des moyens des travailleurs sociaux. Elle a, par ailleurs, estimé quil était totalement injustifié de reprocher au Gouvernement labsence daction dans ce domaine, ajoutant quil convient déviter daborder cette question uniquement sous un angle punitif.
Mme Nicole Feidt a indiqué que, dans beaucoup de régions, la situation nétait pas aussi dramatique quen Ile-de-France. Citant le cas de sa circonscription, elle a précisé que les problèmes des mineurs étaient heureusement limités à des faits de petite délinquance. Elle a par ailleurs considéré que les établissements de placement effectuaient le plus souvent un travail de qualité, ajoutant quils souffraient principalement dun manque de moyens. Soulignant quil était difficile de distinguer ce qui relève de la responsabilité directe des familles de ce qui provient de leurs difficultés économiques, elle a exprimé son accord sur le diagnostic établi par M. Pierre Cardo, tout en sopposant cependant aux dispositions de sa proposition de loi.
En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :
Il est indispensable que le législateur exprime clairement sa volonté en matière de délinquance des mineurs ; la pire des réponses serait limmobilisme ; il convient, au contraire, de ne pas hésiter à sengager dans la voie de lexpérimentation.
Sil est exact que léquilibre entre répression et prévention est délicat à trouver, il serait néanmoins erroné danalyser les dispositions de la proposition de loi comme étant uniquement de nature répressive. Il importe avant tout de définir ce qui relève du répressif et ce qui est préventif : lexemple de la police de proximité, par nature répressive, mais exerçant des missions préventives, démontre la difficulté de définir une frontière claire entre les deux concepts. Ainsi, pour reprendre les dispositions de la proposition de loi, la suspension des allocations familiales en cas derrance répétée de lenfant peut apparaître comme une mesure répressive, alors quelle institue pourtant une procédure beaucoup plus souple que les dispositions existantes du code pénal, qui prévoient peine de prison et amende en cas de désengagement des parents vis-à-vis de lenfant.
Il est urgent de responsabiliser davantage les parents. Les dispositions de la proposition de loi nimposent pas aux parents une obligation de résultat, mais une obligation de moyens : il nest pas demandé aux parents de faire de leurs enfants des citoyens modèles, mais de leur donner au moins la possibilité de le devenir. La proposition de loi permettrait ainsi de recréer un lien entre les diverses allocations et revenus sociaux attribués par la collectivité aux parents et le devenir des enfants. La suspension des allocations familiales serait ainsi perçue comme un signal fort par les parents, et semblerait, dès lors, beaucoup plus adaptée que les dispositions existantes.
Il est exact que la situation ne connaît pas la même gravité sur lensemble du territoire, mais, compte tenu du taux élevé du chômage et du caractère inadapté de la politique de prévention, le risque dune augmentation de la violence et de la délinquance partout en France existe véritablement. Actuellement, le problème qui se pose est celui dune répartition des moyens ; lEtat pratique une politique égalitaire, qui se traduit dans les faits par une politique égalitariste, insuffisante pour certains départements et inutile pour dautres.
Le problème du logement des personnes habitant les quartiers en difficulté a souvent été évoqué pour expliquer lerrance des enfants. Il est évident quil est important de comprendre le phénomène, mais cela ne doit pas conduire à lexcuser, ni, bien évidemment, à le condamner. Lerrance des enfants a pour conséquence damener les grands adolescents, qui font la loi dans les cités et vivent de petits trafics, à faire léducation des plus petits. Lavenir qui se prépare, si le législateur ou les pouvoirs publics ne réagissent pas, sil ny a pas une volonté de mieux connaître les quartiers difficiles, apparaît, dès lors, bien compromis.
Mme Catherine Tasca, présidente, a insisté sur limportance de la proposition de loi qui a permis, au-delà du dispositif proposé, quun véritable débat sengage au sein de la Commission sur la question de la délinquance des mineurs.
A lissue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à lexamen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusion.
fpfp
© Assemblée nationale
|