Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 54

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 27 mai 1999

(Séance de 9 heures)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

– Audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’Etat à l’outre-mer, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française

– Projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (n° 1461) (amendements)

– Proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (n° 1587) (nouvelle lecture)


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La Commission a procédé à l’audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’Etat à l’outre-mer, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.

Présentant l’article premier du projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, concernant la définition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, le Secrétaire d’Etat à l’outre-mer a précisé qu’il s’agissait de définir les règles relatives à la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie en précisant le corps électoral pouvant participer aux élections au congrès et aux assemblées de province. Rappelant que ces dispositions avaient été un élément essentiel de l’accord de Nouméa, approuvé à une très large majorité par les électeurs calédoniens, et une des raisons de la révision opérée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, il a indiqué que le Conseil constitutionnel avait néanmoins formulé, sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, une réserve d’interprétation qui changeait la nature de l’accord, en indiquant que peuvent participer à l’élection des assemblées de province et du congrès les personnes qui, à la date de l’élection, sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date à laquelle ils s’y sont établis. Faisant référence aux intentions des signataires de l’accord de Nouméa et du constituant, qui ont entendu restreindre le corps électoral aux personnes établies en Nouvelle-Calédonie avant la date de la consultation du 8 novembre 1998 sur l’accord de Nouméa et remplissent, en outre, la condition de dix ans de résidence, le secrétaire d’Etat à l’outre-mer a indiqué que la définition de ce « corps électoral fermé » était inspirée des dispositions prévues par les accords de Matignon de 1988, qui avaient réservé la participation au scrutin référendaire de 1998 aux personnes présentes sur le territoire en 1988.

Après avoir rappelé que cette définition du corps électoral était également celle donnée par le Premier ministre devant le Congrès réuni à Versailles en 1998, M. Jean-Jack Queyranne a précisé que la composition du corps électoral voulue par les négociateurs de l’accord de Nouméa comprenait les personnes inscrites sur les listes électorales en vue de la consultation du 8 novembre 1998, c’est-à-dire celles présentes depuis dix ans sur le territoire, ainsi que celles inscrites sur le tableau annexe des personnes non admises à participer à cette consultation lorsqu’elles atteindront une durée de résidence de dix ans, soit au plus tard en 2008. Le ministre a constaté que, selon cette définition et contrairement à l’interprétation du Conseil constitutionnel, le corps électoral ne pouvait inclure les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie après 1998. Constatant que la décision du Conseil constitutionnel se fondait sur une ambiguïté de référence aux tableaux annexes, il a indiqué que l’accord de Nouméa comprenait, dans son point 2.2.1, une référence au tableau annexe et que cette référence se rapportait nécessairement à celui prévu par le décret du 24 décembre 1990 pris en application de la loi du 9 novembre 1988, décret recensant les électeurs non admis à participer au scrutin d’autodétermination de 1998, et donc arrivés en Nouvelle-Calédonie entre 1988 et 1998. Confirmant que cette définition du corps électoral, établie pour toute la durée des accords de Nouméa apparaissait très clairement dans le rapport de M. René Dosière sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le ministre a donc émis le souhait que soit inscrit dans la Constitution, compte tenu des réserves du Conseil constitutionnel, la définition de ce corps électoral en précisant clairement que le tableau annexe auquel se réfère l’accord de Nouméa est bien celui des personnes qui, établies avant le 8 novembre 1998 en Nouvelle-Calédonie, n’ont pas été admises à participer à la consultation du 8 novembre 1998. Le ministre a observé que serait dès lors pleinement respecté l’engagement pris par l’Etat auprès des partenaires calédoniens, contribuant ainsi à entretenir la paix civile qui règne désormais en Nouvelle-Calédonie grâce à un partage équilibré du pouvoir entre les différentes formations politiques.

Ajoutant que le projet comportait également des dispositions introduisant dans la Constitution un titre XIV consacré à la Polynésie française, à l’instar de celui introduit pour la Nouvelle-Calédonie, le ministre a évoqué le statut très original d’autonomie dont jouit déjà ce territoire, qui a permis aux élus d’exercer, dans le cadre de la loi organique du 12 avril 1996, de larges responsabilités. Estimant qu’il était temps de franchir une nouvelle étape dans l’affirmation, au sein de la République française, de la personnalité et l’autonomie de la Polynésie, le ministre a exposé les grandes lignes de ce projet, élaboré en concertation avec l’assemblée de la Polynésie française et son Conseil économique et social : décrivant le statut sui generis de pays d’outre-mer qui caractériserait désormais la Polynésie, le ministre a indiqué qu’il serait procédé à un transfert de compétences de l’Etat vers les institutions de la Polynésie française.

Le ministre a, en outre, précisé que cette nouvelle répartition des compétences se ferait dans la limite des compétences régaliennes qui relèvent de l’Etat, telles que la nationalité, la garantie des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l’ordre, la monnaie ou le crédit et les changes. Il a ajouté que la loi organique pourrait réserver à l’Etat d’autres compétences telles que la fonction publique, les marchés publics de l’Etat ou la procédure administrative contentieuse. Il a également précisé que la définition des compétences n’empiéterait pas sur celles exercées actuellement par la Polynésie française, telles que le droit réservé aux institutions locales de fixer des peines d’amendes et des peines complémentaires.

Le ministre a par ailleurs exposé les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions, en indiquant que certaines catégories d’actes, qualifiées de « lois du pays », auraient valeur législative et pourraient ainsi être soumises au Conseil constitutionnel et ajouté que la loi organique, prise en application de la loi constitutionnelle, préciserait les compétences du délégué du Gouvernement qui continuera d’exercer le contrôle de légalité.

Le ministre a également évoqué les dispositions relatives à la citoyenneté polynésienne, en constatant que celle-ci n’aurait pas la même dimension, notamment en ce qui concerne la définition du corps électoral, que la citoyenneté calédonienne. Précisant que la reconnaissance de cette citoyenneté n’aurait d’autre effet que de permettre d’accorder des avantages spécifiques aux Polynésiens en terme d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité économique et d’accession à la propriété foncière, M. Jean-Jack Qeyranne a indiqué que les modalités de reconnaissance de cette citoyenneté, qui seront précisées par la loi organique, devraient retenir des durées raisonnables de résidence dans le territoire. A titre d’exemple, il a cité le délai de cinq ans qui existe déjà dans la loi organique du 12 avril 1996 concernant la durée de résidence nécessaire pour pouvoir accéder aux fonctions de membres du Gouvernement.

Par ailleurs, le ministre a exposé les compétences que pourra se voir attribuer la Polynésie dans le domaine international, sous réserve toutefois que la conduite des relations extérieures demeure de la compétence de l’Etat. Indiquant que les autorités locales pourront désormais négocier avec les Etats du Pacifique des accords internationaux portant sur des matières relevant de leurs attributions, qui seraient ensuite ratifier dans le respect des règles fixées par la Constitution, il a annoncé que la Polynésie pourrait aussi devenir membre d’organisations internationales lui permettant de s’intégrer encore davantage dans son environnement régional.

Enfin, le ministre a précisé que les modalités de consultation des institutions de la Polynésie française sur les lois de la république relatives à son organisation et sur les conventions internationales traitant de matières relevant de sa compétence seraient fixées dans la loi organique. Il a conclu en rappelant que la loi constitutionnelle ne pouvait être que le cadre de l’évolution de la Polynésie française et que, dans la perspective de la loi organique, il serait procédé à une large consultation des autorités locales et des principales forces politiques du territoire.

Après l’exposé du Ministre, plusieurs commissaires sont intervenus.

Après s’être réjoui que la Polynésie française puisse bénéficier à son tour des avancées statutaires déjà inscrites dans l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, M. François Colcombet s’est interrogé sur les difficultés soulevées par l’utilisation des langues régionales. Il a ainsi souhaité savoir si des mesures spécifiques étaient prévues pour permettre la présence d’interprètes, actuellement en nombre insuffisant, dans les juridictions et les administrations et si la charte européenne des langues régionales serait applicable dans l’archipel, avant de manifester son inquiétude sur les capacités de résistance de la langue française face à l’anglais. Il a estimé que les questions relatives à l’environnement ne devaient pas être traitées uniquement par les autorités territoriales, soulignant qu’il convenait de se montrer très prudent sur ce sujet essentiel pour l’avenir de la Polynésie française. Il s’est enquis des travaux de la commission chargée de faire un inventaire des lois applicables dans l’archipel, souhaitant que ce travail de clarification aboutisse rapidement. Il a enfin interrogé le Ministre sur les autorités qui seront compétentes pour soumettre les lois du pays au Conseil constitutionnel.

M. René Dosière s’est tout d’abord félicité de l’article premier du projet de loi constitutionnelle relatif à l’application de l’accord de Nouméa, souhaitant rappeler avec solennité que cette disposition était conforme à la volonté, clairement affirmée lors des débats parlementaires sur la loi organique, des deux assemblées du Parlement et du Gouvernement. Il s’est déclaré surpris des commentaires du secrétaire général du Conseil constitutionnel sur la décision de cette juridiction publiés récemment dans une revue juridique, soulignant que l’analyse quelque peu polémique de ce dernier contrevenait au devoir de réserve qu’un tel fonctionnaire se doit d’observer, avant de rappeler que la loi était faite par le Parlement et non par le Conseil constitutionnel. Abordant les dispositions relatives à la Polynésie française, il s’est interrogé sur l’urgence d’une réforme statutaire. Il a en effet, estimé que la priorité aurait dû aller à la modification du statut de Mayotte, rappelant que le Parlement avait déjà voté en 1996 une réforme institutionnelle de la Polynésie française, et a demandé si une étude faisant le bilan du statut actuel et justifiant les réformes proposées avait été faite. Il s’est étonné que le projet de loi constitutionnelle reprenne les dispositions adoptées pour la Nouvelle-Calédonie, alors même que ces dispositions ne sont pas encore entrées en application et ne peuvent donc faire l’objet d’une appréciation objective. Tout en ne se déclarant pas opposé au fait que d’anciens territoires d’outre-mer obtiennent davantage d’autonomie ou même accèdent à l’indépendance, il a considéré que cette évolution ne devait pas s’accompagner d’un affaiblissement du contrôle de l’Etat sur l’utilisation des fonds publics, souvent considérables, destinés à ces territoires et estimé qu’une indépendance totale n’était pas compatible avec le maintien des subventions métropolitaines au niveau antérieur. Il a souhaité que le Gouvernement réfléchisse à la manière dont les fonctionnaires métropolitains accomplissent leur mission dans ces territoires, jugeant que la présence de l’Etat ne pouvait pas être absolument identique en cas d’autonomie renforcée. Il a alors demandé le montant annuel des transferts financiers en provenance de la métropole destinés à la Polynésie française, s’interrogeant sur l’importance de ces transferts par rapport aux ressources locales. Evoquant enfin la question des communes de Polynésie, il a estimé qu’en raison de la configuration géographique de ce territoire, ces collectivités devaient avoir de réelles compétences, et jugé nécessaire qu’une réflexion soit engagée sur leurs liens avec l’Etat et le gouvernement territorial.

Après avoir exprimé sa gratitude au Gouvernement et au Ministre de l’outre-mer pour avoir interprété avec réalisme les aspirations politiques, économiques et sociales des Polynésiens, M. Michel Buillard a souligné que le projet de loi constitutionnelle ne faisait que poursuivre une démarche amorcée en 1984 avec l’adoption du premier statut d’autonomie et estimé que les avancées statutaires proposées permettaient de poser des limites claires à l’évolution institutionnelle du territoire. Il a regretté que les aspirations polynésiennes à une autonomie accrue soient interprétées comme une simple reprise des modifications statutaires obtenues par la Nouvelle-Calédonie, faisant valoir que les revendications de ses compatriotes en matière de préférence territoriale ou de protection de l’emploi et du patrimoine étaient très anciennes. Il a tenu à rappeler que la question foncière était une question récurrente, les Polynésiens ayant été dépouillés de leurs terres par la politique coloniale. Après avoir observé que les villes polynésiennes risquaient de se transformer en « villes blanches » – les nouveaux projets immobiliers donnant lieu à des acquisitions presque systématiquement réalisées par des métropolitains – et souligné que la libération du transport aérien rendait difficile la protection de l’emploi local, il a estimé que la réforme statutaire proposée permettrait de limiter ces difficultés. Il s’est inquiété de la pérennité de l’identité culturelle polynésienne, soulignant que les jeunes parlaient beaucoup moins le tahitien qu’il y a une dizaine d’années, et a considéré que le nouveau statut n’apportait que des réponses limitées à cette question. S’agissant du contrôle des fonds publics, il a rappelé que la Polynésie française était soumise à la même réglementation que la métropole et qu’elle n’échappait donc pas à des vérifications approfondies.

M. Jean-Yves Caullet a fait part de sa satisfaction à l’égard du projet de loi de révision constitutionnelle, estimant que la seule manière satisfaisante d’éviter les crises dans l’outre-mer passait par leur anticipation. Considérant que la question statutaire ne réglerait à elle seule, ni les problèmes sociaux, ni le développement économique et culturel, il a jugé indispensable la mise en place d’une véritable politique sociale au niveau territorial. Il s’est ensuite interrogé sur l’articulation entre les compétences transférées au territoire et le maintien de la compétence relative à l’ordre public dans le giron de l’Etat, soulignant que cette situation risquait d’entraîner un jeu de défausse entre les institutions polynésiennes et le représentant de l’Etat. Abordant le transfert de compétences relatif à la politique économique et à la citoyenneté, il a jugé qu’il était susceptible d’entraîner une situation de surprotection locale du fait des droits économiques rattachés à la reconnaissance de la citoyenneté polynésienne. Il a enfin souhaité interroger le ministre sur les conséquences du transfert de compétence en matière de coopération internationale, estimant qu’il pouvait poser un problème de cohérence entre les politiques menées par le pouvoir central et les autorités polynésiennes, notamment dans le domaine de l’environnement.

M. Henry Jean-Baptiste a fait part à la Commission de son grand intérêt pour la révision constitutionnelle relative au statut de la Polynésie française. Jugeant que la question institutionnelle était une condition nécessaire, mais non suffisante, du développement économique, social et culturel, il a estimé que le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française confortait l’ensemble de l’outre-mer dans sa volonté d’une évolution institutionnelle diversifiée. A cet égard, il a considéré qu’il était nécessaire de définir un tronc commun, valable pour l’ensemble des territoires d’outre-mer, assorti d’adaptations particulières tenant compte des spécificités locales. Approuvant la célérité du Gouvernement en matière de modification statutaire pour la Polynésie française, il a rappelé que Mayotte attendait un statut depuis 23 ans. Il a ainsi souhaité que la mission préparatoire à la consultation prévue par la loi de 1976, en vue de sortir du statut provisoire, soit réactivée rapidement. Rappelant que Mayotte jouait le rôle de pôle de stabilité dans l’archipel des Comores, il a jugé nécessaire de lui donner les moyens d’organiser une véritable coopération au niveau local. Il a ainsi estimé que Mayotte apporterait une contribution bénéfique à la République française.

En réponse aux questions des commissaires, le Ministre a apporté les éléments d’information suivants.

—  La Polynésie française connaît un statut d’autonomie depuis 1984. Le statut de 1996 a buté sur des limites constitutionnelles puisque certaines de ses dispositions ont été annulées par le Conseil constitutionnel qui les a considéré contraires à l’article 74 de la Constitution relatif aux territoires d’outre-mer. Si l’on souhaite faire évoluer le statut de la Polynésie, il est donc indispensable de passer au préalable par une révision de notre loi fondamentale.

—  Le statut de 1996 fonctionne de manière satisfaisante, notamment pour ce qui concerne la répartition des compétences, comme l’a souligné le rapport de M. Jean-Jacques Hyest au Sénat lors de l’examen du budget des territoires d’outre-mer pour 1999. Néanmoins, il subsiste quelques difficultés, en particulier la question de la protection de la propriété foncière, qui correspond à une demande forte des Polynésiens, depuis que le Conseil constitutionnel, en 1996, a annulé la disposition du statut qui y était relative. L'emploi local reste également une préoccupation constante, notamment parce qu’il constitue un point de litige avec l’Union européenne. La France est en effet menacée du paiement d’astreintes à cause d’un texte pris par l’assemblée de Polynésie française qui limite l’accès à certaines professions. On observera que ce type de dispositif existe pourtant dans d’autres PTOM comme les Antilles néerlandaises.

—  Le problème de la présence de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie au sein des organisations internationales de la zone Pacifique est posé. Il s’agit de permettre à ces territoires de continuer de participer à part entière aux travaux de ces organisations sans se trouver, en raison d’une trop faible autonomie, dans une position inférieure par rapport aux autres membres. A cet égard, l’exemple des îles Cook, qui bénéficient d’un statut de très large autonomie vis-à-vis de la Nouvelle-Zélande, mérite d’être relevé. Il est important que les territoires français puissent s’inscrire dans le mouvement pacifique qui – à l’exception peut-être de la Papouasie Nouvelle-Guinée – a caractérisé l’évolution des anciennes colonies dans cette région.

—  Il est nécessaire également d’insister sur les différences qui existent entre les situations politique et géographique de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. A la différence de la première, la seconde est formée d’un archipel éclaté qui a les dimensions de l’Europe et compte seulement 200 000 habitants.

—  L’inscription dans notre Constitution de la spécificité de ces territoires démontre la volonté de notre pays d’aborder, après la décolonisation, ces questions statutaires dans un esprit positif.

—  Concernant la langue polynésienne, l’assemblée du territoire avait souhaité que le projet de loi constitutionnelle en fasse mention. Le Gouvernement a choisi de ne pas la suivre sur ce point parce que l’article 2 de la Constitution fait du français la langue de la République et que le polynésien n’est pas la seule langue pratiquée dans ces archipels. Par ailleurs, la charte européenne sur les langues régionales et minoritaires doit prendre en compte cette diversité linguistique de la Polynésie française. Il existe d’ores et déjà des interprètes dans les tribunaux du territoire. Si leur nombre apparaissait insuffisant, il serait utile que l’attention de la Garde des sceaux soit attirée sur cette question.

—  La codification des textes applicables à la Polynésie française s’opère dans de bonnes conditions, comme en témoigne l’actuel code pénal, le code de procédure pénale ou le code de la propriété intellectuelle. Un code des communes a d’ailleurs été publié au Journal officiel de la Polynésie française, la codification des textes polynésiens étant du ressort du gouvernement local. Il est vrai cependant que certaines difficultés apparaissent pour la recension des textes anciens applicables en Polynésie.

—  La protection de l’environnement est aujourd’hui une compétence du territoire, ce qui n’empêche pas l’Etat d’insister sur ce point dans les contrats de développement qu’il signe avec le territoire. Des problèmes cruciaux demeurent, par exemple, en matière d’assainissement ou de traitement des déchets. Il faudra donc procéder à des investissements dans les années à venir. Une mission récente de la protection civile a été conduite, à l’initiative de Mme Dominique Voynet, pour étudier la question des risques naturels. Cette mission a conclu à la nécessité de donner au Haut-commissaire de plus grands pouvoirs pour faire face à de tels risques.

û Pour ce qui est de la saisine du Conseil constitutionnel, il appartiendra à la loi organique d’arrêter la liste des autorités qui se verront reconnaître cette faculté.

—  En ce qui concerne le contrôle des comptes du territoire de la Polynésie, la scission de la Chambre territoriale des comptes siégeant à Nouméa au profit d’une chambre sise en Polynésie et d’une autre en Calédonie devrait accroître l’efficacité des vérifications.

—  Les modalités du contrôle de légalité des actes pris sur le territoire polynésien seront précisées par la loi organique.

—  Le total des crédits versés par l’Etat au territoire, y compris les traitements et pensions, dépasse 5 milliards 250 millions de francs. Il convient de préciser que, si certains versements sont automatiques, d’autres dépendent de la signature de conventions trop nombreuses dont il est envisagé de simplifier le mécanisme, ou du contrat de développement, lequel donne lieu actuellement à des discussions, notamment en ce qui concerne les moyens consacrés au logement social.

—  Un projet de loi relatif à l’organisation des communes, déposé au Sénat, qui n’a pu encore être examiné en raison de l’encombrement de l’ordre du jour, devrait être repris en partie par la loi organique et en partie par la loi ordinaire, afin de régler principalement le problème du personnel communal et celui de la suppression de la tutelle.

—  En ce qui concerne les problèmes liés au maintien de l’ordre, s’il est vrai que le président du Gouvernement territorial doit être informé des mesures prises en ce domaine, les compétences correspondantes relèvent de l’Etat, par l’intermédiaire du haut commissaire.

—  Les modalités d’exercice des droits économiques pourraient s’inspirer des mesures adoptées pour la Nouvelle-Calédonie afin de protéger l’emploi local, qui ont été validées par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi organique.

—  Le développement de la francophonie dans le Pacifique à partir du territoire polynésien est un enjeu essentiel qui passe, notamment, par la diffusion des émissions de RFO et l’augmentation des inscriptions d’étudiants étrangers à l’université du Pacifique, inscriptions jusqu’ici trop peu nombreuses.

—  En ce qui concerne Mayotte, il est vrai qu’une réflexion pourrait être engagée puisque l’on admet aujourd’hui que la définition du statut des collectivités d’outre-mer puisse faire l’objet d’une approche diversifiée. Cela étant, la situation actuelle de cette collectivité est très difficile compte tenu de la fragilité sociale des Comores conduisant à une très forte immigration qui pose de graves problèmes financiers et d’ordre public.

Après avoir confirmé qu’une délégation de la commission des Lois se rendrait effectivement en septembre à Mayotte et à La Réunion, Mme Catherine Tasca, présidente, a souligné que la réforme relative à la Nouvelle-Calédonie avait un heureux effet d’entraînement et apparaissait comme une solution porteuse d’avenir. Elle a observé que ce n’était pas un hasard si cette évolution touchait les territoires d’outre-mer les plus éloignés de la métropole, situés dans un contexte régional particulier. Elle a considéré que l’évolution statutaire constituait une première étape, mais souligné qu’elle ne réglait pas toutes les difficultés et ne préjugeait nullement des relations qui se construiraient entre ces territoires et la République. Elle a estimé également que ces relations dépendraient pour beaucoup de l’engagement des habitants de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. Elle a indiqué que la Commission serait attentive à la mise en place des institutions nouvelles dans ces territoires, ainsi qu’au résultat de la politique menée, au-delà même de la seule question institutionnelle, en matière sociale et internationale. Considérant qu’il ne pouvait plus être question, à l’égard de ces îles, d’une tutelle trop directive, elle a jugé que l’évolution vers l’autonomie des territoires d’outre-mer nous contraignait également à nous interroger sur le sens de la République. Elle a insisté, en particulier, sur la question de la langue, qu’elle a jugée essentielle. Enfin, elle a conclu en indiquant que si l’évolution positive de ces territoires passait par une relation très régulière avec le pouvoir exécutif, la représentation nationale devait aussi prendre toute sa part dans ces relations.

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Statuant en application de l’article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de Mme Claudine Ledoux, les amendements au projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (n° 1461).

Article 8 (Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs) : Définition de la notion de documents administratifs et régime applicable à la communication de ces documents, extension du champ de compétence de la commission d’accès aux documents administratifs :

—  Article 1er de la loi du 17 juillet 1978 : Suppression de la notion de document à caractère nominatif et définition de la notion de document administratif :

La Commission a accepté, sur avis favorable de la rapporteure, l’amendement n° 66 de M. François Colcombet tendant à exclure du champ d’application de la loi du 17 juillet 1978 les actes des assemblées parlementaires, son auteur ayant souligné que ces actes ne pouvaient être considérés comme des documents administratifs.

Après l’article 8 :

La Commission a été saisie de l’amendement n° 43 de M. Guy Hascoët, s’inspirant d’une directive européenne tendant à modifier le code rural afin de rendre communicable tout document administratif détenu par l’administration, dès lors qu’il contient des informations relatives à l’environnement, même lorsqu’il s’agit d’un document émanant d’un particulier. La rapporteure ayant constaté que cet amendement modifiait fondamentalement la philosophie de la loi du 17 juillet 1978 et souligné qu’un projet de loi spécifique aurait à effectuer la transposition de la directive communautaire en droit interne, la Commission a repoussé cet amendement.

Avant l’article 10 :

La Commission a été saisie de l’amendement n° 43 de M. Georges Tron tendant à sanctionner d’une amende de 100 000 F le fait de porter atteinte à la confidentialité des observations provisoires présentées par les chambres régionales des comptes. La rapporteure s’est déclarée favorable au principe de cet amendement mais a jugé la sanction proposée excessive, M. Henri Plagnol a proposé de fixer l’amende à 10 000 F. La Commission a repoussé cet amendement en l’état, évoquant la possibilité de l’accepter si le montant de l’amende était minoré.

Après l’article 13 (art. L. 3221-10 et L. 4231-7 du code général des collectivités territoriales) : Exercice des actions appartenant au département ou à la région par un contribuable :

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a décidé de rectifier son amendement n° 25 afin d’appliquer au contribuable du département l’ensemble des dispositions qui régissent l’action en substitution exercée par le contribuable de la commune et de placer ces dispositions dans le titre consacré au régime juridique des actes du département. Elle a également décidé de rectifier son amendement n° 26 afin d’appliquer les mêmes dispositions au contribuable de la région.

Article 14 A (nouveau) : Définition de la notion d’autorité administrative :

La Commission a repoussé les amendements nos 44, 45 et 46 de M. Guy Hascoët tendant à élargir le camp d’application du projet de loi aux services publics industriels et commerciaux, après que la rapporteure eut observé que ces organismes ne pouvaient pas être considérés comme des administrations parce qu’ils entretiennent avec leurs usagers des relations de droit privé.

Article 20 : Décisions implicites d’acceptation :

La Commission a accepté les sous-amendements nos 68 et 69 du Gouvernement, apportant à son amendement n° 32 des modifications d’ordre rédactionnel. Puis elle a repoussé, sur proposition de la rapporteure et contre l’avis de M. Henri Plagnol, l’amendement n° 70 également présenté par le Gouvernement tendant à préciser que les décrets en Conseil d’Etat prévus à l’article 20 ne peuvent instituer un régime d’acceptation implicite en matière financière, sauf dans le domaine de la sécurité sociale.

Article 26 : Conventions conclues avec une personne morale de droit public :

La Commission a accepté un amendement de coordination avec son amendement n° 38 présentée par la rapporteure.

Après l’article 26 :

La Commission a été saisie des amendements 47 à 53 présentés par le Gouvernement introduisant un titre et des articles additionnels portant sur des dispositions relatives à la fonction publique. Tout en regrettant que ces dispositions soient discutées dans ces conditions, la rapporteure s’y est déclarée favorable, soulignant que ces amendements poursuivaient un objectif de justice sociale et préservaient des droits individuels susceptibles d’être remis en cause à la suite de décisions du juge administratif. M. Henri Plagnol s’est déclaré très hostile à l’introduction de « cavalier » dans un projet dont l’objet était initialement limité aux relations entre les citoyens et l’administration. Il a jugé que c’était une très mauvaise méthode de législation. Mme Catherine Tasca, présidente, a regretté que ces amendements aient été déposés aussi tardivement et n’aient donc pu faire l’objet d’un examen approfondi par la Commission.

La Commission a accepté : l’amendement n° 48 qui prévoit d’aligner les majorations pour l’emploi d’une tierce personne accordées aux fonctionnaires invalides retraités, sur les majorations pour l’emploi d’une tierce personne accordées aux salariés du régime général et permet également d’indemniser des maladies de longue latence se déclarant après la retraite ; l’amendement n° 49 prévoyant que les personnels de l’Etat de catégorie C, recrutés par voie contractuelle, bénéficient d’un contrat à durée indéterminée de droit public, à l’exception de ceux qui souhaitent que le contrat de droit privé, sur la base duquel ils ont été engagés soit maintenu, la rapporteure ayant souligné l’importance de cet amendement qui tire dans la loi les conséquences de l’arrêt Berkani du tribunal des conflits du 25 mars 1996 ; l’amendement n° 50 appliquant les mêmes dispositions aux agents non titulaires des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ; l’amendement n° 51 permettant de valider les résultats du concours de professeur territorial d’enseignement artistique de 1994, annulé par le Conseil d’Etat en 1997.

Elle a, en revanche, repoussé l’amendement n° 52 validant les décisions individuelles concernant la carrière et la rémunération des agents de l’Office national de la chasse, prises sur la base d’un décret du 6 décembre1995 annulé par le Conseil d’Etat et validant également à titre préventif les décrets concernant les personnels employés par les établissements publics à caractère administratif et modifiant le code rural en ce qui concerne les incompatibilités professionnelles des agents de l’Office national de la chasse et les promotions accordées à ces agents, malgré l’avis favorable de la rapporteure et de M. François Colcombet, la Présidente ayant souligné qu’il était difficile pour la Commission d’approuver un amendement aussi complexe sans avoir pu en étudier le dispositif et Mme Nicole Feidt ayant émis la crainte que le Sénat ne soit très défavorable à ce type de disposition.

Puis la Commission a accepté l’amendement n° 53 remplaçant respectivement l’appellation de « secrétaire général » et de « secrétaire général adjoint des communes » par celle de « directeur général » et de « directeur général adjoint des services », M. Jean-Pierre Michel ayant souligné que ce changement d’appellation était très attendu par les syndicats.

Avant l’article 27 :

La Commission a accepté l’amendement n° 71 du Gouvernement étendant le dispositif de formation spécialisée en médecine du travail des médecins exerçant la médecine professionnelle dans les services de l’Etat aux médecins exerçant dans les services de médecine professionnelle des collectivités territoriales et des établissements publics locaux.

Article 27 : Application de certaines dispositions en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d’outre-mer et à Mayotte :

La Commission a adopté un amendement de coordination de la rapporteure supprimant le second alinéa de cet article.

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La Commission a examiné en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Jean-Pierre Michel, la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (n° 1587).

Après avoir évoqué l’échec prévisible de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, le rapporteur a proposé à la Commission d’adopter sans modification le texte voté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Rappelant que l’Assemblée avait introduit une définition du concubinage dans le code civil sur la suggestion du Sénat, il a regretté que celui-ci ait rejeté la proposition sans même l’examiner. Il a estimé que les arguments avancés, pour justifier l’adoption d’une question préalable, s’apparentait davantage à un catalogue d’a priori qu’à un examen juridique objectif et n’étaient donc pas de nature à faire renoncer l’Assemblée aux dispositions instituant le pacte civil de solidarité et offrant aux couples non mariés la possibilité d’accéder à un statut légal, global et protecteur. En conclusion, il a souligné que la République reconnaîtrait à l’avenir trois types de couples – les époux, les partenaires et les concubins –, ces unions entraînant des effets juridiques proportionnels au degré d’engagement et de contraintes.

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Après avoir regretté que le Sénat, comme il l’avait déjà fait pour la parité, ne se soit pas associé à une importante réforme de société, M. François Colcombet a souhaité que le législateur soit vigilant sur l’application du PACS par les professionnels du droit et sur la jurisprudence qui ne manquera pas de se développer. Mme la Présidente a fait part de son intention de suivre, d’ores et déjà, avec beaucoup d’attention l’élaboration des décrets précisant les conditions d’application de la loi. Jugeant cohérente l’attitude du Sénat, dans la mesure où sa proposition alternative au PACS n’avait pas été retenue par l’Assemblée, M. Henri Plagnol a par ailleurs souhaité qu’une évaluation législative de la réforme ait lieu dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur. M. René Dosière a souhaité savoir si le rapporteur avait un moment envisagé de modifier la définition du concubinage dans le sens souhaité par les sénateurs du groupe socialiste.

En réponse aux questions des commissaires, le rapporteur a souligné que les notaires avaient déjà anticipé sur l’adoption de la réforme en réfléchissant à des clauses types pour les contrats conclus par les partenaires. Concernant la définition du concubinage, il a indiqué avoir renoncé à la modifier après ample réflexion, l’introduction de la notion d’attestation lui apparaissant incompatible avec le principe même d’une union de fait et la suppression de la référence à la vie de couple présentant l’inconvénient de ne pas écarter explicitement les simples cohabitants. A l’appui de l’analyse du rapporteur, Mme la Présidente a insisté sur la nécessité de maintenir une distinction claire entre le concubinage, union de fait, et le PACS, contrat engageant davantage le couple.

La Commission est ensuite passée à l’examen des articles.

Elle a adopté successivement les articles dans le texte qu’elle avait retenu en deuxième lecture.

Après l’article 11, la Commission a été saisie de deux amendements de M. Henri Plagnol imposant dans les cinq ans suivant l’adoption de la loi, et après évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation, pour le premier, un rapport parlementaire et, pour le second, un nouvel examen par le Parlement. Tout en jugeant souhaitable, sur le principe, que la réforme donne lieu à une évaluation, le rapporteur n’a pas jugé utile de l’inscrire dans la loi, soulignant qu’il appartiendrait à la commission des lois de saisir l’Office d’évaluation de la législation. En revanche, il a jugé inopportun d’imposer un nouvel examen de la loi relative au PACS dans la mesure où, à la différence de la loi sur la bioéthique, des évolutions scientifiques permanentes ne le justifient pas. Intervenant en application de l’article 38 du Règlement, M. Patrick Bloche a exprimé la crainte qu’une telle disposition n’introduise en outre une suspicion à retardement. Soulignant que le terme de cinq ans serait sans doute trop court pour mesurer l’impact sociétal du PACS, Mme la Présidente s’est déclaré tout à fait favorable, le moment venu, à une saisine de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation par la commission des Lois. M. René Dosière a estimé que, comme pour les lois de décentralisation, il faudrait sans doute un peu plus de cinq années pour que l’opposition constate que le PACS est une bonne réforme.

Après avoir rejeté les amendements, la Commission a adopté l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

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