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ASSEMBLÉE NATIONALE COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de lADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE COMPTE RENDU N° 54 (Application de l'article 46 du Règlement) Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente SOMMAIRE
La Commission a procédé à laudition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire dEtat à loutre-mer, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française. Présentant larticle premier du projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, concernant la définition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, le Secrétaire dEtat à loutre-mer a précisé quil sagissait de définir les règles relatives à la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie en précisant le corps électoral pouvant participer aux élections au congrès et aux assemblées de province. Rappelant que ces dispositions avaient été un élément essentiel de laccord de Nouméa, approuvé à une très large majorité par les électeurs calédoniens, et une des raisons de la révision opérée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, il a indiqué que le Conseil constitutionnel avait néanmoins formulé, sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, une réserve dinterprétation qui changeait la nature de laccord, en indiquant que peuvent participer à lélection des assemblées de province et du congrès les personnes qui, à la date de lélection, sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date à laquelle ils sy sont établis. Faisant référence aux intentions des signataires de laccord de Nouméa et du constituant, qui ont entendu restreindre le corps électoral aux personnes établies en Nouvelle-Calédonie avant la date de la consultation du 8 novembre 1998 sur laccord de Nouméa et remplissent, en outre, la condition de dix ans de résidence, le secrétaire dEtat à loutre-mer a indiqué que la définition de ce « corps électoral fermé » était inspirée des dispositions prévues par les accords de Matignon de 1988, qui avaient réservé la participation au scrutin référendaire de 1998 aux personnes présentes sur le territoire en 1988. Après avoir rappelé que cette définition du corps électoral était également celle donnée par le Premier ministre devant le Congrès réuni à Versailles en 1998, M. Jean-Jack Queyranne a précisé que la composition du corps électoral voulue par les négociateurs de laccord de Nouméa comprenait les personnes inscrites sur les listes électorales en vue de la consultation du 8 novembre 1998, cest-à-dire celles présentes depuis dix ans sur le territoire, ainsi que celles inscrites sur le tableau annexe des personnes non admises à participer à cette consultation lorsquelles atteindront une durée de résidence de dix ans, soit au plus tard en 2008. Le ministre a constaté que, selon cette définition et contrairement à linterprétation du Conseil constitutionnel, le corps électoral ne pouvait inclure les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie après 1998. Constatant que la décision du Conseil constitutionnel se fondait sur une ambiguïté de référence aux tableaux annexes, il a indiqué que laccord de Nouméa comprenait, dans son point 2.2.1, une référence au tableau annexe et que cette référence se rapportait nécessairement à celui prévu par le décret du 24 décembre 1990 pris en application de la loi du 9 novembre 1988, décret recensant les électeurs non admis à participer au scrutin dautodétermination de 1998, et donc arrivés en Nouvelle-Calédonie entre 1988 et 1998. Confirmant que cette définition du corps électoral, établie pour toute la durée des accords de Nouméa apparaissait très clairement dans le rapport de M. René Dosière sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le ministre a donc émis le souhait que soit inscrit dans la Constitution, compte tenu des réserves du Conseil constitutionnel, la définition de ce corps électoral en précisant clairement que le tableau annexe auquel se réfère laccord de Nouméa est bien celui des personnes qui, établies avant le 8 novembre 1998 en Nouvelle-Calédonie, nont pas été admises à participer à la consultation du 8 novembre 1998. Le ministre a observé que serait dès lors pleinement respecté lengagement pris par lEtat auprès des partenaires calédoniens, contribuant ainsi à entretenir la paix civile qui règne désormais en Nouvelle-Calédonie grâce à un partage équilibré du pouvoir entre les différentes formations politiques. Ajoutant que le projet comportait également des dispositions introduisant dans la Constitution un titre XIV consacré à la Polynésie française, à linstar de celui introduit pour la Nouvelle-Calédonie, le ministre a évoqué le statut très original dautonomie dont jouit déjà ce territoire, qui a permis aux élus dexercer, dans le cadre de la loi organique du 12 avril 1996, de larges responsabilités. Estimant quil était temps de franchir une nouvelle étape dans laffirmation, au sein de la République française, de la personnalité et lautonomie de la Polynésie, le ministre a exposé les grandes lignes de ce projet, élaboré en concertation avec lassemblée de la Polynésie française et son Conseil économique et social : décrivant le statut sui generis de pays doutre-mer qui caractériserait désormais la Polynésie, le ministre a indiqué quil serait procédé à un transfert de compétences de lEtat vers les institutions de la Polynésie française. Le ministre a, en outre, précisé que cette nouvelle répartition des compétences se ferait dans la limite des compétences régaliennes qui relèvent de lEtat, telles que la nationalité, la garantie des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, lorganisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de lordre, la monnaie ou le crédit et les changes. Il a ajouté que la loi organique pourrait réserver à lEtat dautres compétences telles que la fonction publique, les marchés publics de lEtat ou la procédure administrative contentieuse. Il a également précisé que la définition des compétences nempiéterait pas sur celles exercées actuellement par la Polynésie française, telles que le droit réservé aux institutions locales de fixer des peines damendes et des peines complémentaires. Le ministre a par ailleurs exposé les règles dorganisation et de fonctionnement des institutions, en indiquant que certaines catégories dactes, qualifiées de « lois du pays », auraient valeur législative et pourraient ainsi être soumises au Conseil constitutionnel et ajouté que la loi organique, prise en application de la loi constitutionnelle, préciserait les compétences du délégué du Gouvernement qui continuera dexercer le contrôle de légalité. Le ministre a également évoqué les dispositions relatives à la citoyenneté polynésienne, en constatant que celle-ci naurait pas la même dimension, notamment en ce qui concerne la définition du corps électoral, que la citoyenneté calédonienne. Précisant que la reconnaissance de cette citoyenneté naurait dautre effet que de permettre daccorder des avantages spécifiques aux Polynésiens en terme daccès à lemploi, de droit détablissement pour lexercice dune activité économique et daccession à la propriété foncière, M. Jean-Jack Qeyranne a indiqué que les modalités de reconnaissance de cette citoyenneté, qui seront précisées par la loi organique, devraient retenir des durées raisonnables de résidence dans le territoire. A titre dexemple, il a cité le délai de cinq ans qui existe déjà dans la loi organique du 12 avril 1996 concernant la durée de résidence nécessaire pour pouvoir accéder aux fonctions de membres du Gouvernement. Par ailleurs, le ministre a exposé les compétences que pourra se voir attribuer la Polynésie dans le domaine international, sous réserve toutefois que la conduite des relations extérieures demeure de la compétence de lEtat. Indiquant que les autorités locales pourront désormais négocier avec les Etats du Pacifique des accords internationaux portant sur des matières relevant de leurs attributions, qui seraient ensuite ratifier dans le respect des règles fixées par la Constitution, il a annoncé que la Polynésie pourrait aussi devenir membre dorganisations internationales lui permettant de sintégrer encore davantage dans son environnement régional. Enfin, le ministre a précisé que les modalités de consultation des institutions de la Polynésie française sur les lois de la république relatives à son organisation et sur les conventions internationales traitant de matières relevant de sa compétence seraient fixées dans la loi organique. Il a conclu en rappelant que la loi constitutionnelle ne pouvait être que le cadre de lévolution de la Polynésie française et que, dans la perspective de la loi organique, il serait procédé à une large consultation des autorités locales et des principales forces politiques du territoire. Après lexposé du Ministre, plusieurs commissaires sont intervenus. Après sêtre réjoui que la Polynésie française puisse bénéficier à son tour des avancées statutaires déjà inscrites dans lévolution de la Nouvelle-Calédonie, M. François Colcombet sest interrogé sur les difficultés soulevées par lutilisation des langues régionales. Il a ainsi souhaité savoir si des mesures spécifiques étaient prévues pour permettre la présence dinterprètes, actuellement en nombre insuffisant, dans les juridictions et les administrations et si la charte européenne des langues régionales serait applicable dans larchipel, avant de manifester son inquiétude sur les capacités de résistance de la langue française face à langlais. Il a estimé que les questions relatives à lenvironnement ne devaient pas être traitées uniquement par les autorités territoriales, soulignant quil convenait de se montrer très prudent sur ce sujet essentiel pour lavenir de la Polynésie française. Il sest enquis des travaux de la commission chargée de faire un inventaire des lois applicables dans larchipel, souhaitant que ce travail de clarification aboutisse rapidement. Il a enfin interrogé le Ministre sur les autorités qui seront compétentes pour soumettre les lois du pays au Conseil constitutionnel. M. René Dosière sest tout dabord félicité de larticle premier du projet de loi constitutionnelle relatif à lapplication de laccord de Nouméa, souhaitant rappeler avec solennité que cette disposition était conforme à la volonté, clairement affirmée lors des débats parlementaires sur la loi organique, des deux assemblées du Parlement et du Gouvernement. Il sest déclaré surpris des commentaires du secrétaire général du Conseil constitutionnel sur la décision de cette juridiction publiés récemment dans une revue juridique, soulignant que lanalyse quelque peu polémique de ce dernier contrevenait au devoir de réserve quun tel fonctionnaire se doit dobserver, avant de rappeler que la loi était faite par le Parlement et non par le Conseil constitutionnel. Abordant les dispositions relatives à la Polynésie française, il sest interrogé sur lurgence dune réforme statutaire. Il a en effet, estimé que la priorité aurait dû aller à la modification du statut de Mayotte, rappelant que le Parlement avait déjà voté en 1996 une réforme institutionnelle de la Polynésie française, et a demandé si une étude faisant le bilan du statut actuel et justifiant les réformes proposées avait été faite. Il sest étonné que le projet de loi constitutionnelle reprenne les dispositions adoptées pour la Nouvelle-Calédonie, alors même que ces dispositions ne sont pas encore entrées en application et ne peuvent donc faire lobjet dune appréciation objective. Tout en ne se déclarant pas opposé au fait que danciens territoires doutre-mer obtiennent davantage dautonomie ou même accèdent à lindépendance, il a considéré que cette évolution ne devait pas saccompagner dun affaiblissement du contrôle de lEtat sur lutilisation des fonds publics, souvent considérables, destinés à ces territoires et estimé quune indépendance totale nétait pas compatible avec le maintien des subventions métropolitaines au niveau antérieur. Il a souhaité que le Gouvernement réfléchisse à la manière dont les fonctionnaires métropolitains accomplissent leur mission dans ces territoires, jugeant que la présence de lEtat ne pouvait pas être absolument identique en cas dautonomie renforcée. Il a alors demandé le montant annuel des transferts financiers en provenance de la métropole destinés à la Polynésie française, sinterrogeant sur limportance de ces transferts par rapport aux ressources locales. Evoquant enfin la question des communes de Polynésie, il a estimé quen raison de la configuration géographique de ce territoire, ces collectivités devaient avoir de réelles compétences, et jugé nécessaire quune réflexion soit engagée sur leurs liens avec lEtat et le gouvernement territorial. Après avoir exprimé sa gratitude au Gouvernement et au Ministre de loutre-mer pour avoir interprété avec réalisme les aspirations politiques, économiques et sociales des Polynésiens, M. Michel Buillard a souligné que le projet de loi constitutionnelle ne faisait que poursuivre une démarche amorcée en 1984 avec ladoption du premier statut dautonomie et estimé que les avancées statutaires proposées permettaient de poser des limites claires à lévolution institutionnelle du territoire. Il a regretté que les aspirations polynésiennes à une autonomie accrue soient interprétées comme une simple reprise des modifications statutaires obtenues par la Nouvelle-Calédonie, faisant valoir que les revendications de ses compatriotes en matière de préférence territoriale ou de protection de lemploi et du patrimoine étaient très anciennes. Il a tenu à rappeler que la question foncière était une question récurrente, les Polynésiens ayant été dépouillés de leurs terres par la politique coloniale. Après avoir observé que les villes polynésiennes risquaient de se transformer en « villes blanches » les nouveaux projets immobiliers donnant lieu à des acquisitions presque systématiquement réalisées par des métropolitains et souligné que la libération du transport aérien rendait difficile la protection de lemploi local, il a estimé que la réforme statutaire proposée permettrait de limiter ces difficultés. Il sest inquiété de la pérennité de lidentité culturelle polynésienne, soulignant que les jeunes parlaient beaucoup moins le tahitien quil y a une dizaine dannées, et a considéré que le nouveau statut napportait que des réponses limitées à cette question. Sagissant du contrôle des fonds publics, il a rappelé que la Polynésie française était soumise à la même réglementation que la métropole et quelle néchappait donc pas à des vérifications approfondies. M. Jean-Yves Caullet a fait part de sa satisfaction à légard du projet de loi de révision constitutionnelle, estimant que la seule manière satisfaisante déviter les crises dans loutre-mer passait par leur anticipation. Considérant que la question statutaire ne réglerait à elle seule, ni les problèmes sociaux, ni le développement économique et culturel, il a jugé indispensable la mise en place dune véritable politique sociale au niveau territorial. Il sest ensuite interrogé sur larticulation entre les compétences transférées au territoire et le maintien de la compétence relative à lordre public dans le giron de lEtat, soulignant que cette situation risquait dentraîner un jeu de défausse entre les institutions polynésiennes et le représentant de lEtat. Abordant le transfert de compétences relatif à la politique économique et à la citoyenneté, il a jugé quil était susceptible dentraîner une situation de surprotection locale du fait des droits économiques rattachés à la reconnaissance de la citoyenneté polynésienne. Il a enfin souhaité interroger le ministre sur les conséquences du transfert de compétence en matière de coopération internationale, estimant quil pouvait poser un problème de cohérence entre les politiques menées par le pouvoir central et les autorités polynésiennes, notamment dans le domaine de lenvironnement. M. Henry Jean-Baptiste a fait part à la Commission de son grand intérêt pour la révision constitutionnelle relative au statut de la Polynésie française. Jugeant que la question institutionnelle était une condition nécessaire, mais non suffisante, du développement économique, social et culturel, il a estimé que le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française confortait lensemble de loutre-mer dans sa volonté dune évolution institutionnelle diversifiée. A cet égard, il a considéré quil était nécessaire de définir un tronc commun, valable pour lensemble des territoires doutre-mer, assorti dadaptations particulières tenant compte des spécificités locales. Approuvant la célérité du Gouvernement en matière de modification statutaire pour la Polynésie française, il a rappelé que Mayotte attendait un statut depuis 23 ans. Il a ainsi souhaité que la mission préparatoire à la consultation prévue par la loi de 1976, en vue de sortir du statut provisoire, soit réactivée rapidement. Rappelant que Mayotte jouait le rôle de pôle de stabilité dans larchipel des Comores, il a jugé nécessaire de lui donner les moyens dorganiser une véritable coopération au niveau local. Il a ainsi estimé que Mayotte apporterait une contribution bénéfique à la République française. En réponse aux questions des commissaires, le Ministre a apporté les éléments dinformation suivants. La Polynésie française connaît un statut dautonomie depuis 1984. Le statut de 1996 a buté sur des limites constitutionnelles puisque certaines de ses dispositions ont été annulées par le Conseil constitutionnel qui les a considéré contraires à larticle 74 de la Constitution relatif aux territoires doutre-mer. Si lon souhaite faire évoluer le statut de la Polynésie, il est donc indispensable de passer au préalable par une révision de notre loi fondamentale. Le statut de 1996 fonctionne de manière satisfaisante, notamment pour ce qui concerne la répartition des compétences, comme la souligné le rapport de M. Jean-Jacques Hyest au Sénat lors de lexamen du budget des territoires doutre-mer pour 1999. Néanmoins, il subsiste quelques difficultés, en particulier la question de la protection de la propriété foncière, qui correspond à une demande forte des Polynésiens, depuis que le Conseil constitutionnel, en 1996, a annulé la disposition du statut qui y était relative. L'emploi local reste également une préoccupation constante, notamment parce quil constitue un point de litige avec lUnion européenne. La France est en effet menacée du paiement dastreintes à cause dun texte pris par lassemblée de Polynésie française qui limite laccès à certaines professions. On observera que ce type de dispositif existe pourtant dans dautres PTOM comme les Antilles néerlandaises. Le problème de la présence de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie au sein des organisations internationales de la zone Pacifique est posé. Il sagit de permettre à ces territoires de continuer de participer à part entière aux travaux de ces organisations sans se trouver, en raison dune trop faible autonomie, dans une position inférieure par rapport aux autres membres. A cet égard, lexemple des îles Cook, qui bénéficient dun statut de très large autonomie vis-à-vis de la Nouvelle-Zélande, mérite dêtre relevé. Il est important que les territoires français puissent sinscrire dans le mouvement pacifique qui à lexception peut-être de la Papouasie Nouvelle-Guinée a caractérisé lévolution des anciennes colonies dans cette région. Il est nécessaire également dinsister sur les différences qui existent entre les situations politique et géographique de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. A la différence de la première, la seconde est formée dun archipel éclaté qui a les dimensions de lEurope et compte seulement 200 000 habitants. Linscription dans notre Constitution de la spécificité de ces territoires démontre la volonté de notre pays daborder, après la décolonisation, ces questions statutaires dans un esprit positif. Concernant la langue polynésienne, lassemblée du territoire avait souhaité que le projet de loi constitutionnelle en fasse mention. Le Gouvernement a choisi de ne pas la suivre sur ce point parce que larticle 2 de la Constitution fait du français la langue de la République et que le polynésien nest pas la seule langue pratiquée dans ces archipels. Par ailleurs, la charte européenne sur les langues régionales et minoritaires doit prendre en compte cette diversité linguistique de la Polynésie française. Il existe dores et déjà des interprètes dans les tribunaux du territoire. Si leur nombre apparaissait insuffisant, il serait utile que lattention de la Garde des sceaux soit attirée sur cette question. La codification des textes applicables à la Polynésie française sopère dans de bonnes conditions, comme en témoigne lactuel code pénal, le code de procédure pénale ou le code de la propriété intellectuelle. Un code des communes a dailleurs été publié au Journal officiel de la Polynésie française, la codification des textes polynésiens étant du ressort du gouvernement local. Il est vrai cependant que certaines difficultés apparaissent pour la recension des textes anciens applicables en Polynésie. La protection de lenvironnement est aujourdhui une compétence du territoire, ce qui nempêche pas lEtat dinsister sur ce point dans les contrats de développement quil signe avec le territoire. Des problèmes cruciaux demeurent, par exemple, en matière dassainissement ou de traitement des déchets. Il faudra donc procéder à des investissements dans les années à venir. Une mission récente de la protection civile a été conduite, à linitiative de Mme Dominique Voynet, pour étudier la question des risques naturels. Cette mission a conclu à la nécessité de donner au Haut-commissaire de plus grands pouvoirs pour faire face à de tels risques. û Pour ce qui est de la saisine du Conseil constitutionnel, il appartiendra à la loi organique darrêter la liste des autorités qui se verront reconnaître cette faculté. En ce qui concerne le contrôle des comptes du territoire de la Polynésie, la scission de la Chambre territoriale des comptes siégeant à Nouméa au profit dune chambre sise en Polynésie et dune autre en Calédonie devrait accroître lefficacité des vérifications. Les modalités du contrôle de légalité des actes pris sur le territoire polynésien seront précisées par la loi organique. Le total des crédits versés par lEtat au territoire, y compris les traitements et pensions, dépasse 5 milliards 250 millions de francs. Il convient de préciser que, si certains versements sont automatiques, dautres dépendent de la signature de conventions trop nombreuses dont il est envisagé de simplifier le mécanisme, ou du contrat de développement, lequel donne lieu actuellement à des discussions, notamment en ce qui concerne les moyens consacrés au logement social. Un projet de loi relatif à lorganisation des communes, déposé au Sénat, qui na pu encore être examiné en raison de lencombrement de lordre du jour, devrait être repris en partie par la loi organique et en partie par la loi ordinaire, afin de régler principalement le problème du personnel communal et celui de la suppression de la tutelle. En ce qui concerne les problèmes liés au maintien de lordre, sil est vrai que le président du Gouvernement territorial doit être informé des mesures prises en ce domaine, les compétences correspondantes relèvent de lEtat, par lintermédiaire du haut commissaire. Les modalités dexercice des droits économiques pourraient sinspirer des mesures adoptées pour la Nouvelle-Calédonie afin de protéger lemploi local, qui ont été validées par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi organique. Le développement de la francophonie dans le Pacifique à partir du territoire polynésien est un enjeu essentiel qui passe, notamment, par la diffusion des émissions de RFO et laugmentation des inscriptions détudiants étrangers à luniversité du Pacifique, inscriptions jusquici trop peu nombreuses. En ce qui concerne Mayotte, il est vrai quune réflexion pourrait être engagée puisque lon admet aujourdhui que la définition du statut des collectivités doutre-mer puisse faire lobjet dune approche diversifiée. Cela étant, la situation actuelle de cette collectivité est très difficile compte tenu de la fragilité sociale des Comores conduisant à une très forte immigration qui pose de graves problèmes financiers et dordre public. Après avoir confirmé quune délégation de la commission des Lois se rendrait effectivement en septembre à Mayotte et à La Réunion, Mme Catherine Tasca, présidente, a souligné que la réforme relative à la Nouvelle-Calédonie avait un heureux effet dentraînement et apparaissait comme une solution porteuse davenir. Elle a observé que ce nétait pas un hasard si cette évolution touchait les territoires doutre-mer les plus éloignés de la métropole, situés dans un contexte régional particulier. Elle a considéré que lévolution statutaire constituait une première étape, mais souligné quelle ne réglait pas toutes les difficultés et ne préjugeait nullement des relations qui se construiraient entre ces territoires et la République. Elle a estimé également que ces relations dépendraient pour beaucoup de lengagement des habitants de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. Elle a indiqué que la Commission serait attentive à la mise en place des institutions nouvelles dans ces territoires, ainsi quau résultat de la politique menée, au-delà même de la seule question institutionnelle, en matière sociale et internationale. Considérant quil ne pouvait plus être question, à légard de ces îles, dune tutelle trop directive, elle a jugé que lévolution vers lautonomie des territoires doutre-mer nous contraignait également à nous interroger sur le sens de la République. Elle a insisté, en particulier, sur la question de la langue, quelle a jugée essentielle. Enfin, elle a conclu en indiquant que si lévolution positive de ces territoires passait par une relation très régulière avec le pouvoir exécutif, la représentation nationale devait aussi prendre toute sa part dans ces relations. * * * Statuant en application de larticle 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de Mme Claudine Ledoux, les amendements au projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (n° 1461). Article 8 (Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative à la liberté daccès aux documents administratifs) : Définition de la notion de documents administratifs et régime applicable à la communication de ces documents, extension du champ de compétence de la commission daccès aux documents administratifs : Article 1er de la loi du 17 juillet 1978 : Suppression de la notion de document à caractère nominatif et définition de la notion de document administratif : La Commission a accepté, sur avis favorable de la rapporteure, lamendement n° 66 de M. François Colcombet tendant à exclure du champ dapplication de la loi du 17 juillet 1978 les actes des assemblées parlementaires, son auteur ayant souligné que ces actes ne pouvaient être considérés comme des documents administratifs. Après larticle 8 : La Commission a été saisie de lamendement n° 43 de M. Guy Hascoët, sinspirant dune directive européenne tendant à modifier le code rural afin de rendre communicable tout document administratif détenu par ladministration, dès lors quil contient des informations relatives à lenvironnement, même lorsquil sagit dun document émanant dun particulier. La rapporteure ayant constaté que cet amendement modifiait fondamentalement la philosophie de la loi du 17 juillet 1978 et souligné quun projet de loi spécifique aurait à effectuer la transposition de la directive communautaire en droit interne, la Commission a repoussé cet amendement. Avant larticle 10 : La Commission a été saisie de lamendement n° 43 de M. Georges Tron tendant à sanctionner dune amende de 100 000 F le fait de porter atteinte à la confidentialité des observations provisoires présentées par les chambres régionales des comptes. La rapporteure sest déclarée favorable au principe de cet amendement mais a jugé la sanction proposée excessive, M. Henri Plagnol a proposé de fixer lamende à 10 000 F. La Commission a repoussé cet amendement en létat, évoquant la possibilité de laccepter si le montant de lamende était minoré. Après larticle 13 (art. L. 3221-10 et L. 4231-7 du code général des collectivités territoriales) : Exercice des actions appartenant au département ou à la région par un contribuable : Sur proposition de la rapporteure, la Commission a décidé de rectifier son amendement n° 25 afin dappliquer au contribuable du département lensemble des dispositions qui régissent laction en substitution exercée par le contribuable de la commune et de placer ces dispositions dans le titre consacré au régime juridique des actes du département. Elle a également décidé de rectifier son amendement n° 26 afin dappliquer les mêmes dispositions au contribuable de la région. Article 14 A (nouveau) : Définition de la notion dautorité administrative : La Commission a repoussé les amendements nos 44, 45 et 46 de M. Guy Hascoët tendant à élargir le camp dapplication du projet de loi aux services publics industriels et commerciaux, après que la rapporteure eut observé que ces organismes ne pouvaient pas être considérés comme des administrations parce quils entretiennent avec leurs usagers des relations de droit privé. Article 20 : Décisions implicites dacceptation : La Commission a accepté les sous-amendements nos 68 et 69 du Gouvernement, apportant à son amendement n° 32 des modifications dordre rédactionnel. Puis elle a repoussé, sur proposition de la rapporteure et contre lavis de M. Henri Plagnol, lamendement n° 70 également présenté par le Gouvernement tendant à préciser que les décrets en Conseil dEtat prévus à larticle 20 ne peuvent instituer un régime dacceptation implicite en matière financière, sauf dans le domaine de la sécurité sociale. Article 26 : Conventions conclues avec une personne morale de droit public : La Commission a accepté un amendement de coordination avec son amendement n° 38 présentée par la rapporteure. Après larticle 26 : La Commission a été saisie des amendements 47 à 53 présentés par le Gouvernement introduisant un titre et des articles additionnels portant sur des dispositions relatives à la fonction publique. Tout en regrettant que ces dispositions soient discutées dans ces conditions, la rapporteure sy est déclarée favorable, soulignant que ces amendements poursuivaient un objectif de justice sociale et préservaient des droits individuels susceptibles dêtre remis en cause à la suite de décisions du juge administratif. M. Henri Plagnol sest déclaré très hostile à lintroduction de « cavalier » dans un projet dont lobjet était initialement limité aux relations entre les citoyens et ladministration. Il a jugé que cétait une très mauvaise méthode de législation. Mme Catherine Tasca, présidente, a regretté que ces amendements aient été déposés aussi tardivement et naient donc pu faire lobjet dun examen approfondi par la Commission. La Commission a accepté : lamendement n° 48 qui prévoit daligner les majorations pour lemploi dune tierce personne accordées aux fonctionnaires invalides retraités, sur les majorations pour lemploi dune tierce personne accordées aux salariés du régime général et permet également dindemniser des maladies de longue latence se déclarant après la retraite ; lamendement n° 49 prévoyant que les personnels de lEtat de catégorie C, recrutés par voie contractuelle, bénéficient dun contrat à durée indéterminée de droit public, à lexception de ceux qui souhaitent que le contrat de droit privé, sur la base duquel ils ont été engagés soit maintenu, la rapporteure ayant souligné limportance de cet amendement qui tire dans la loi les conséquences de larrêt Berkani du tribunal des conflits du 25 mars 1996 ; lamendement n° 50 appliquant les mêmes dispositions aux agents non titulaires des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ; lamendement n° 51 permettant de valider les résultats du concours de professeur territorial denseignement artistique de 1994, annulé par le Conseil dEtat en 1997. Elle a, en revanche, repoussé lamendement n° 52 validant les décisions individuelles concernant la carrière et la rémunération des agents de lOffice national de la chasse, prises sur la base dun décret du 6 décembre1995 annulé par le Conseil dEtat et validant également à titre préventif les décrets concernant les personnels employés par les établissements publics à caractère administratif et modifiant le code rural en ce qui concerne les incompatibilités professionnelles des agents de lOffice national de la chasse et les promotions accordées à ces agents, malgré lavis favorable de la rapporteure et de M. François Colcombet, la Présidente ayant souligné quil était difficile pour la Commission dapprouver un amendement aussi complexe sans avoir pu en étudier le dispositif et Mme Nicole Feidt ayant émis la crainte que le Sénat ne soit très défavorable à ce type de disposition. Puis la Commission a accepté lamendement n° 53 remplaçant respectivement lappellation de « secrétaire général » et de « secrétaire général adjoint des communes » par celle de « directeur général » et de « directeur général adjoint des services », M. Jean-Pierre Michel ayant souligné que ce changement dappellation était très attendu par les syndicats. Avant larticle 27 : La Commission a accepté lamendement n° 71 du Gouvernement étendant le dispositif de formation spécialisée en médecine du travail des médecins exerçant la médecine professionnelle dans les services de lEtat aux médecins exerçant dans les services de médecine professionnelle des collectivités territoriales et des établissements publics locaux. Article 27 : Application de certaines dispositions en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires doutre-mer et à Mayotte : La Commission a adopté un amendement de coordination de la rapporteure supprimant le second alinéa de cet article. * * * La Commission a examiné en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Jean-Pierre Michel, la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (n° 1587). Après avoir évoqué léchec prévisible de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, le rapporteur a proposé à la Commission dadopter sans modification le texte voté par lAssemblée nationale en deuxième lecture. Rappelant que lAssemblée avait introduit une définition du concubinage dans le code civil sur la suggestion du Sénat, il a regretté que celui-ci ait rejeté la proposition sans même lexaminer. Il a estimé que les arguments avancés, pour justifier ladoption dune question préalable, sapparentait davantage à un catalogue da priori quà un examen juridique objectif et nétaient donc pas de nature à faire renoncer lAssemblée aux dispositions instituant le pacte civil de solidarité et offrant aux couples non mariés la possibilité daccéder à un statut légal, global et protecteur. En conclusion, il a souligné que la République reconnaîtrait à lavenir trois types de couples les époux, les partenaires et les concubins , ces unions entraînant des effets juridiques proportionnels au degré dengagement et de contraintes. Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. Après avoir regretté que le Sénat, comme il lavait déjà fait pour la parité, ne se soit pas associé à une importante réforme de société, M. François Colcombet a souhaité que le législateur soit vigilant sur lapplication du PACS par les professionnels du droit et sur la jurisprudence qui ne manquera pas de se développer. Mme la Présidente a fait part de son intention de suivre, dores et déjà, avec beaucoup dattention lélaboration des décrets précisant les conditions dapplication de la loi. Jugeant cohérente lattitude du Sénat, dans la mesure où sa proposition alternative au PACS navait pas été retenue par lAssemblée, M. Henri Plagnol a par ailleurs souhaité quune évaluation législative de la réforme ait lieu dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur. M. René Dosière a souhaité savoir si le rapporteur avait un moment envisagé de modifier la définition du concubinage dans le sens souhaité par les sénateurs du groupe socialiste. En réponse aux questions des commissaires, le rapporteur a souligné que les notaires avaient déjà anticipé sur ladoption de la réforme en réfléchissant à des clauses types pour les contrats conclus par les partenaires. Concernant la définition du concubinage, il a indiqué avoir renoncé à la modifier après ample réflexion, lintroduction de la notion dattestation lui apparaissant incompatible avec le principe même dune union de fait et la suppression de la référence à la vie de couple présentant linconvénient de ne pas écarter explicitement les simples cohabitants. A lappui de lanalyse du rapporteur, Mme la Présidente a insisté sur la nécessité de maintenir une distinction claire entre le concubinage, union de fait, et le PACS, contrat engageant davantage le couple. La Commission est ensuite passée à lexamen des articles. Elle a adopté successivement les articles dans le texte quelle avait retenu en deuxième lecture. Après larticle 11, la Commission a été saisie de deux amendements de M. Henri Plagnol imposant dans les cinq ans suivant ladoption de la loi, et après évaluation de son application par lOffice parlementaire dévaluation, pour le premier, un rapport parlementaire et, pour le second, un nouvel examen par le Parlement. Tout en jugeant souhaitable, sur le principe, que la réforme donne lieu à une évaluation, le rapporteur na pas jugé utile de linscrire dans la loi, soulignant quil appartiendrait à la commission des lois de saisir lOffice dévaluation de la législation. En revanche, il a jugé inopportun dimposer un nouvel examen de la loi relative au PACS dans la mesure où, à la différence de la loi sur la bioéthique, des évolutions scientifiques permanentes ne le justifient pas. Intervenant en application de larticle 38 du Règlement, M. Patrick Bloche a exprimé la crainte quune telle disposition nintroduise en outre une suspicion à retardement. Soulignant que le terme de cinq ans serait sans doute trop court pour mesurer limpact sociétal du PACS, Mme la Présidente sest déclaré tout à fait favorable, le moment venu, à une saisine de lOffice parlementaire dévaluation de la législation par la commission des Lois. M. René Dosière a estimé que, comme pour les lois de décentralisation, il faudrait sans doute un peu plus de cinq années pour que lopposition constate que le PACS est une bonne réforme. Après avoir rejeté les amendements, la Commission a adopté lensemble de la proposition de loi sans modification. * * * © Assemblée nationale |