Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 59

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 juin 1999

(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

– Communication de M. Bernard Roman sur la proposition de résolution sur le projet de statut des député(e)s au Parlement européen (document E 1209) (n° 1467)

– Proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 1617) (deuxième lecture)

– Projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (n° 957) (rapport)

– Informations relatives à la Commission


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La Commission a entendu M. Bernard Roman sur la proposition de résolution sur le projet de statut des député(e)s au Parlement européen (document E 1209) (n° 1467).

M. Bernard Roman, rapporteur, a tout d’abord rappelé que la commission des Lois avait été saisie d’une proposition de résolution relative au statut des députés au Parlement européen par la Délégation pour l’Union européenne. Il a indiqué que le Parlement européen avait adopté en décembre dernier un texte tendant à uniformiser le statut de ses membres selon une procédure inédite, organisée par l’article 190 du Traité d’Amsterdam, précisant que cette procédure prévoyait, après l’adoption d’un projet par le Parlement européen, un avis de la Commission européenne, puis un accord unanime du Conseil des ministres. Il a ensuite fait savoir que le projet du Parlement de Strasbourg déterminait les moyens matériels mis à disposition des députés ainsi que l’uniformisation de leurs indemnités qui, aujourd’hui, connaissent des différences notables selon les Etats membres dont les parlementaires sont issus. Il a ainsi indiqué que les députés italiens percevaient l’indemnité la plus forte, alors que la moyenne européenne se situait légèrement au-dessus de l’indemnité reçue par les parlementaires français. Notant que la Commission avait émis un avis réservé sur le projet adopté par le Parlement en raison d’imperfections juridiques manifestes, il a ajouté qu’à l’initiative de la présidence allemande, le Conseil des ministres avait proposé un texte alternatif le 26 avril dernier. Il a précisé que le Conseil avait notamment refusé le principe d’un régime indemnitaire transitoire à deux vitesses entre les anciens députés européens réélus et les nouveaux députés. Constatant que le Parlement européen avait rejeté le texte du Conseil des ministres, il s’est interrogé sur la suite à donner à cette procédure. Il a, en particulier, observé que le Traité d’Amsterdam ne prévoyait pas un tel cas de rejet et que rien ne permettait de déterminer si le Parlement nouvellement élu aurait nécessairement à reprendre le texte adopté par le précédent Parlement. Face à cette incertitude, il a estimé plus judicieux que la commission des Lois sursoie à statuer sur la suite à donner à la proposition de résolution adoptée par la Délégation à l’Union européenne. Il a observé néanmoins que le texte proposé par le Parlement n’était pas neutre, dans la mesure où il prévoyait un certain nombre d’incompatibilités entre le mandat de député au Parlement européen et certains mandats et fonctions. Il a ajouté que le texte du Parlement de Strasbourg exigeait aussi que tout projet national tendant à modifier le champ des incompatibilités applicables aux parlementaires européens soit soumis au préalable au Parlement européen, qui aurait à rendre un avis dans un « délai raisonnable », ne dépassant pas trois mois. En conséquence, il a proposé à la Commission de surseoir à statuer sur la proposition de résolution de la Délégation européenne, dans l’attente des prochains développements communautaires sur cette question.

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La Commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Jacques Floch, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 1617).

M. Jacques Floch, rapporteur, a proposé à la Commission d’adopter sans modification la proposition de loi. Il a en effet fait valoir qu’il existait peu de différence entre le texte voté à l’Assemblée nationale en première lecture à l’initiative du Président Laurent Fabius et celui adopté à l’unanimité par le Sénat, ajoutant que les quelques modifications apportées par la seconde assemblée étaient essentiellement d’ordre rédactionnel. Evoquant la question de l’auto-saisine, il a indiqué que le Sénat avait maintenu cette procédure, tout en la soumettant au filtre préalable des commissions permanentes ou spéciales.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a donc adopté sans modification l’article unique de la proposition de loi.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. André Vallini, le projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (n° 957).

Après avoir rappelé que l’examen du projet avait été précédé de l’audition de la garde des sceaux par la Commission et, tout au long de l’année, de rencontres avec les organisations professionnelles d’avocats et de magistrats, complétées par des déplacements dans les juridictions, le rapporteur a souligné que ce texte, correspondant au troisième volet de la réforme de la justice engagée par le Gouvernement depuis deux ans, avait pour objet de rendre la justice plus indépendante et plus impartiale. Evoquant le premier chapitre du projet consacré à la clarification des responsabilités des acteurs de l’action publique, il a souligné que la fin des instructions individuelles en était la mesure emblématique. Concernant le chapitre relatif aux classements des plaintes et dénonciations, il a estimé que l’obligation de motiver ces décisions et la possibilité de les contester contribueraient à renforcer les garanties offertes aux justiciables. Enfin, à propos du chapitre portant sur la police judiciaire, il a insisté sur l’opportunité de préciser les modalités selon lesquelles le procureur de la République doit diriger l’activité des officiers et des agents de la police judiciaire dans le ressort du tribunal de grande instance.

M. Jacques Floch a souligné que ce projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale était sans nul doute le texte le plus important de ceux qui se rapportent à la réforme de la justice, ajoutant qu’il avait, à ce titre, requis de nombreux mois de travail. Constatant cependant que certaines de ses dispositions auraient eu davantage leur place dans d’autres projets examinés précédemment, il a regretté qu’il n’ait pas été possible de présenter la totalité des propositions concernant la réforme de la justice en un seul grand texte d’ensemble. Il a également déploré le retard pris par le Président de la République à réunir le Congrès afin que soit définitivement adopté le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Rappelant que, tant que cette révision constitutionnelle n’était pas achevée, le Parlement se trouvait dans l’impossibilité de procéder à l’examen des deux lois organiques concernant le Conseil supérieur de la magistrature et le statut des magistrats, il a demandé que la commission des Lois exprime officiellement sa désapprobation pour ces méthodes de travail qui imposent l’examen d’un texte renforçant l’indépendance des magistrats sans que puisse être à aucun moment abordée la question de leur statut et de leur responsabilité. Exprimant sur le fond son entière adhésion à un projet qui permet d’instaurer un bon équilibre dans les relations entre le garde des sceaux et le parquet, il a rappelé, en conclusion, que les magistrats étaient des fonctionnaires, d’une nature certes particulière, mais qu’ils devaient, en tant que tels, être placés en situation d’avoir à rendre des comptes aux citoyens.

Soulignant en préambule le travail effectué et les améliorations apportées par le rapporteur sur le projet de loi, M. Louis Mermaz a évoqué le problème de l’indépendance des magistrats, rappelant notamment, à ce propos, que l’autorité de la chose jugée n’empêchait nullement, contrairement à ce qui est couramment avancé, de commenter un jugement. Tout en estimant que le texte soulevait clairement la question de la responsabilité des juges, avec la suppression des instructions individuelles, il a indiqué qu’il faudrait s’efforcer d’obtenir, grâce aux orientations générales définies par le garde des sceaux, une cohérence de la justice et de la politique pénale sur l’ensemble du territoire.

Considérant que ce projet avait davantage une valeur emblématique qu’une réelle portée pratique, puisque seul un nombre restreint d’affaires semblait concerné par ses dispositions, M. Pierre Albertini a rejeté l’idée selon laquelle la réforme envisagée aboutirait à un gouvernement des juges, observant qu’une telle révolution ne semblait pas correspondre à la mentalité des magistrats. Il a, en revanche, manifesté son inquiétude à l’égard du risque que présenterait l’atomisation d’une politique pénale livrée aux seuls procureurs généraux, dont l’indépendance sera accrue, et qui auront à décider de l’opportunité des poursuites. Rappelant que, si la responsabilité disciplinaire existait pour les magistrats, elle n’était que rarement mise en œuvre, il a souhaité que puisse être établie une relation claire entre garde des sceaux et parquet, qui permettrait de garantir l’indépendance du parquet en termes de nominations et de carrière, tout en laissant subsister des instructions individuelles pour le déclenchement des poursuites. Il a observé que ces principes lui paraissaient préférables à ceux proposés par le projet, estimant en l’occurrence que le système de recours contre les classements sans suite deviendrait vite inopérant et que le droit d’action propre attribué au garde des sceaux risquait d’aller à l’encontre de la tradition républicaine.

Rappelant que ce texte correspondait à l’un des derniers volets de la réforme du système judiciaire, avant l’examen des lois organiques sur le Conseil supérieur de la magistrature et sur le statut de la magistrature, M. Alain Tourret a regretté qu’elle n’ait pu faire l’objet d’un texte unique qui aurait sans nul doute permis un meilleur équilibre de l’ensemble de la réforme. Evoquant les différents chapitres du projet, et notamment son chapitre 1er qui en constitue l’épine dorsale, il a indiqué qu’en rééquilibrant les pouvoirs en faveur de l’autorité judiciaire, le projet risquait de créer un troisième pouvoir, allant en cela à l’encontre de la tradition républicaine jacobine. Tout en reconnaissant que cette notion de pouvoir judiciaire était issue de l’analyse de Montesquieu dans l’Esprit des Lois, il a observé que la République s’était fondée en rupture avec ce concept. Considérant que ce texte soulevait des questions d’ordre constitutionnel, il a indiqué qu’il lui paraissait fondamental que l’ordre public reste de la responsabilité du pouvoir politique, celui-ci étant le seul à pouvoir se prévaloir d’une légitimité. S’élevant contre un projet qui amènerait le pouvoir politique à se défausser sur les magistrats et le garde des sceaux, et indiquant qu’il rejoignait en cela les analyses développées par M. Robert Badinter lors d’un colloque en 1995, M. Alain Tourret a précisé que les radicaux de gauche ne sauraient adhérer à ce texte, non pas tellement pour ce qu’il est en réalité, mais surtout pour ce qu’il représente sur le plan symbolique : la substitution d’un gouvernement des juges à un gouvernement des justes. Il a ajouté que le profond malaise qu’il ressentait à l’égard de ce texte, justifiait le dépôt d’une question préalable qui devrait lui permettre de défendre les principes républicains et de prévenir la majorité contre les risques d’éventuelles dérives que pourrait susciter la création d’un véritable pouvoir judiciaire.

Après avoir indiqué qu’il approuvait pleinement les propos tenus par M. Alain Tourret, M. Pascal Clément a jugé que le rôle du rapporteur était extrêmement difficile puisqu’il devait gérer les contradictions fondamentales du projet de loi. Il a estimé que les ambiguïtés du texte, qui reprend les propositions de la commission présidée par M. Pierre Truche, provenaient de la volonté de cette commission de prendre en compte la demande qui lui avait été faite de réfléchir à la rupture du lien entre le parquet et la Chancellerie, tout en essayant néanmoins de maintenir un certain contrôle sur l’action des procureurs. Il a considéré que, sans les pressions médiatiques liées notamment à l’existence de promesses électorales, la majorité aurait refusé de voter ce texte ambigu. Tout en se félicitant des dispositions relatives au classement sans suite et en approuvant celles sur la police judiciaire, qui permettent aux magistrats de disposer d’un peu plus d’autorité sur ces fonctionnaires, il a critiqué les autres dispositions du texte qui cherchent à maintenir une conduite démocratique de la politique pénale en conférant au garde des sceaux des pouvoirs mal définis. Il a exprimé ses doutes sur la disparition des instructions individuelles, estimant que le dialogue qui doit s’instaurer entre le procureur général et le garde des sceaux se traduirait inévitablement par des instructions informelles, ne serait-ce qu’au travers de silences évocateurs ou de certains commentaires. Tout en considérant que le projet de loi n’apporterait pas de modifications fondamentales par rapport à la situation actuelle, puisqu’il remplacerait, en fait, des instructions écrites versées au dossier par des instructions orales, il a exprimé la crainte que les modifications formelles proposées ne conduisent, à plus ou moins long terme, à une indépendance totale des magistrats du parquet.

Après avoir rappelé le malaise de l’opinion publique qui n’accepte plus l’intervention du pouvoir politique dans certaines affaires, M. Gérard Gouzes a estimé que le projet de loi était nécessaire pour redonner une crédibilité à la justice. Soulignant que le texte se contentait d’inscrire dans la loi la pratique suivie depuis plus de deux ans par la garde des sceaux, il a estimé que les craintes qui s’exprimaient sur les pouvoirs ainsi conférés aux juges n’étaient pas fondées. Il a considéré qu’il était justifié que les magistrats du parquet, qui défendent les libertés publiques, bénéficient d’une protection dans le cadre du Conseil supérieur de la magistrature et rappelé que ces magistrats avaient toujours joui d’une certaine indépendance, notamment au travers du principe d’opportunité des poursuites. Il a fait valoir que le garde des sceaux conserverait le pouvoir de proposer des nominations au CSM, pourrait donner des directives de portée générale dont le Parlement serait informé et disposerait d’un droit d’action propre lui permettant d’intervenir dans certaines affaires quand l’intérêt général le commandera. Se déclarant opposé à une indépendance totale de la justice qui risquerait de conduire à un gouvernement des juges, il a estimé que le projet de loi répondait avant tout à un souci de transparence et d'impartialité.

Rappelant que l’absence d’impartialité et l’inégalité de traitement des justiciables étaient à l’origine de la suspicion de l’opinion publique à l’égard de la justice, Mme Catherine Tasca, présidente, a souligné l’intérêt majeur, à cet égard, des directives générales prévues par le projet de loi.

M. Claude Goasguen a estimé que le projet de loi n’apportait pas de réponse à la question de l’impartialité de la justice, lui ajoutant, au contraire, celle de l’indépendance de la justice. Il a considéré que le texte revenait à instituer trente-trois procureurs généraux plus ou moins indépendants, multipliant ainsi les risques de partialité, et a fait valoir qu’il risquait d’aggraver les inégalités, la politique pénale risquant d’être différente selon les ressorts. Il a regretté qu’il mette fin à un équilibre, certes instable, qui existe depuis plus de deux siècles. Evoquant le modèle américain, il a souligné que le système proposé par le Gouvernement écartait la question, pourtant cruciale, de la responsabilité des magistrats. Il a regretté l’absence de propositions précises sur cette question, considérant que des dispositions équilibrées permettraient d’éviter certaines dérives et de protéger ainsi les libertés publiques. En conclusion, il a estimé que le seul point intéressant du projet de loi était la possibilité de recours contre les décisions de classement sans suite.

Mme Nicole Catala a dénoncé le caractère illusoire des avantages du projet de loi, faisant valoir que la suppression des instructions individuelles écrites versées au dossier, instaurées en 1993, n’empêcherait en rien la poursuite de la pratique actuelle des instructions orales. Elle a estimé préférable de maintenir la rédaction actuelle de l’article 36 du code de procédure pénale, tout en interdisant au garde des sceaux d’ordonner des classements sans suite. Elle a considéré que le projet de loi conduirait à mettre en place trente-trois gardes des sceaux et à renforcer la hiérarchisation du parquet, le procureur général devenant en quelque sorte l’officier supérieur des procureurs de la République. Elle s’est ensuite interrogée sur la légitimité des magistrats du parquet dans le nouveau système, rappelant que ceux-ci tiraient actuellement leur légitimité de leurs liens avec un garde des sceaux démocratiquement désigné. Critiquant les dérives américaines et notamment l’institution de procureurs indépendants, elle a estimé nécessaire que la politique pénale nationale soit définie par une autorité responsable devant le peuple. Après avoir regretté que le projet de loi transforme le garde des sceaux en un acteur parmi d’autres de la procédure pénale, elle s’est demandé qui soutiendrait l’accusation au cours du procès pénal en cas d’utilisation du droit d’action propre et a estimé logique, dans ces conditions, que le garde des sceaux puisse également intervenir en cas de classement sans suite. Elle s’est enfin interrogée sur l’avenir des instructions individuelles en matière civile.

Appelant les parlementaires à regarder les choses en face, M. Guy Hascoët a estimé que la France était confrontée au « délitement » du lien de confiance entre les citoyens et la justice, soulignant qu’il ne fallait pas, dès lors, s’étonner de l’augmentation du taux d’abstention. Considérant que cette réforme s’inscrivait dans un ensemble de questions abordées globalement par les Verts, il a établi un lien entre le projet de loi proposé par la garde des sceaux et les textes relatifs à la parité, à la limitation du cumul des mandats et au financement de la vie politique. Observant que la principale mesure du projet de loi ne concernait pas n’importe quelle catégorie de citoyens, même s’ils ne représentent qu’un faible pourcentage des justiciables, il a souhaité que la dégradation des liens de confiance entre l’opinion et la justice prenne fin, insistant, à cet égard, sur le rôle du quatrième pouvoir que représentent les médias. Dans cette perspective, il a également estimé qu’il était nécessaire que les magistrats puissent s’appuyer sur des textes clairs. Il a indiqué par ailleurs que les Verts s’attacheraient principalement à deux questions : celle de la responsabilité nouvelle des magistrats, désormais plus autonomes, et celle de l’automaticité des poursuites. Il a enfin appelé de ses vœux une évaluation de la loi par le Parlement après sa mise en œuvre.

Mme Christine Lazerges a tout d’abord insisté sur le fait que la justice était un service public sur lequel pesait un lourd soupçon. Elle s’est déclarée satisfaite que le projet de loi lève cette suspicion et fasse aussi que la politique pénale du Gouvernement puisse être désormais relayée. Jugeant qu’il était aujourd’hui indispensable de rompre avec la pratique lamentable des instructions individuelles dans des dossiers particuliers, elle a estimé que le projet de loi apportait une excellente réponse à cette question. Elle a considéré également que le contrepoids organisé par le texte à l’indépendance du parquet serait utile, exprimant, à cet égard, le souhait que le droit d’action propre réservé au garde des sceaux demeure limité et soit mis en œuvre dans une transparence totale, et dans le respect de l’intérêt général. Concernant la difficulté d’organiser une véritable politique pénale, elle a pris pour exemple la création, en 1983, des travaux d’intérêt général que les tribunaux ont très peu appliqués et, en tout état de cause, sans cohérence à l’échelon national. Soulignant que le projet de loi permettrait d’organiser une véritable politique pénale, elle a jugé qu’il contribuerait ainsi à un meilleur fonctionnement de ce grand service public qu’est la justice.

Après avoir observé que chacun était d’accord pour améliorer l’image de la justice, notamment dans ses rapports avec le monde politique, M. Jean-Pierre Michel a estimé que le projet de loi proposé par la garde des sceaux était un très mauvais texte. Il a considéré qu’il était fallacieux de lier l’idée d’indépendance de la justice à celle de l’indépendance des magistrats du parquet. Il a déploré également que la discussion de ce texte s’engage indépendamment de celle relative à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que des lois organiques qui doivent en découler. Estimant que la légitimité d’un pouvoir ne pouvait provenir que de son élection, il a rappelé que, constitutionnellement, la justice était une autorité et non un pouvoir, précisément parce qu’elle ne procédait pas d’une légitimité fondée sur l’élection, considérant que cette autorité appartenait à l’appareil d’Etat dont le parquet était le bras séculier. En conséquence, il a jugé que les magistrats du parquet n’avaient aucune légitimité à bénéficier de l’indépendance que prétend leur donner le projet de loi. Constatant que des dérives, tant à droite qu’à gauche, étaient intervenues par le biais d’instructions de ne pas poursuivre, il a néanmoins insisté sur le fait que le pouvoir exécutif pouvait avoir d’excellentes raisons de donner des instructions au parquet dans le cadre de dossiers individuels. Il a étayé son propos en prenant l’exemple de conflits sociaux, tels que ceux des transporteurs routiers, dans lesquels le Gouvernement pourrait légitimement souhaiter que les poursuites à l’encontre des manifestants soient abandonnées ou différées, afin de préserver la possibilité d’une solution au conflit. Il a jugé néfaste la substitution inavouée du principe de légalité à celui de l’opportunité des poursuites qui résulte, en particulier, de l’obligation de motiver les classements sans suite, soulignant que le chemin inverse était suivi en Italie. Concernant la responsabilité des procureurs, il a estimé que sa mise en jeu serait d’autant plus difficile que leur serait conférée une plus grande indépendance, contrairement à une idée reçue et largement diffusée à dessein. Il a donc appelé à d’autres solutions, évoquant notamment l’éventualité d’une séparation complète et radicale du siège et du parquet, soulignant que les magistrats qui y sont respectivement attachés n’exercent pas le même métier. Il a ajouté qu’une telle séparation présenterait de nombreux avantages en renforçant l’indépendance du siège et en facilitant la mise en place d’une procédure accusatoire. Jugeant celle-ci bien meilleure que la procédure inquisitoriale, il a estimé qu’elle permettrait en particulier de régler la question de la présence de l’avocat lors de la garde à vue, puisqu’il ne serait plus nécessaire d’obtenir absolument les aveux de l’accusé, comme c’est le cas aujourd’hui. Il a enfin considéré qu’il était absurde de penser que le ministère de l’intérieur accepterait de mettre pleinement, à la disposition de procureurs devenus totalement indépendants, les forces de police judiciaire.

Considérant que l’indépendance du parquet serait le signe d’une plus grande maturité de la justice, Mme Frédérique Bredin a jugé que cette question ne pouvait être traitée sans que soit abordée de manière concomitante, celle de la responsabilité des magistrats, qui est une condition de la réussite de la réforme. Elle a regretté qu’on ne puisse pas examiner ensemble le présent texte et le projet de loi organique sur le statut de la magistrature, conséquence de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, déplorant à cet égard, le blocage actuel de la révision constitutionnelle. Après avoir constaté que le champ de la responsabilité des magistrats était aujourd’hui très réduit en droit et plus encore dans les faits, elle a souhaité que l’on s’interroge sur la question de la publicité des sanctions disciplinaires infligées à des magistrats qui auraient eu un comportement anormal, indiquant qu’une telle solution semblait être envisagée dans le cadre du projet de loi organique sur le statut de la magistrature. Elle a noté que le fait, pour les magistrats, d’être jugés par leurs pairs soulevait également quelques difficultés. Considérant que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ne permettrait sans doute pas de régler tous les problèmes en la matière, elle a estimé qu’elle allait cependant dans le bon sens. Elle a souhaité également que l’on réfléchisse à la possibilité de permettre aux justiciables, sous réserve d’une procédure de filtrage, de saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour mettre en cause le comportement de certains magistrats. Elle a noté que le champ de réflexion en ce domaine n’était pas clos, ajoutant qu’il convenait sans doute de s’interroger sur l’extension de la responsabilité sans faute des magistrats, une première avancée ayant été faite à cet égard dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la présomption d’innocence. Elle a également évoqué l’hypothèse d’un passage à une responsabilité pour faute simple des magistrats, s’interrogeant sur l’opportunité d’une pratique plus soutenue des actions récursoires de l’Etat. Elle a constaté que les magistrats se distinguaient des autres fonctionnaires par leur indépendance et par le pouvoir considérable qu’ils détiennent, notamment celui de faire incarcérer les personnes.

En guise de préliminaire, M. Arnaud Montebourg a estimé que le projet de loi proposé par la garde des sceaux était un grand texte républicain, soulignant qu’il avait pour objet de faire progresser le droit et l’égalité de tous devant la loi. Observant qu’il interdit l’immixtion de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice, il a considéré que le texte constituait un rempart contre l’arbitraire, c’est-à-dire le privilège conféré au garde des sceaux dans l’appréciation de l’opportunité des poursuites. Faisant référence à des propos de M. Albin Chalandon, ancien garde des sceaux, il a considéré qu’il était grand temps que la fonction de ministre de la justice ne consiste plus à sauver ses amis politiques et à plonger ses ennemis dans le trouble judiciaire. Il a estimé, en outre, qu’il était impossible d’invoquer les grands principes républicains, comme l’a fait M. Alain Tourret, et d’accepter parallèlement que l’exécutif intervienne dans le fonctionnement de la justice. A cet égard, il a rappelé les termes d’un débat à la Chambre des députés en 1882, évoquant notamment les paroles de Georges Clemenceau, pour qui la Révolution s’était perdue par l’empiétement de l’exécutif sur le judiciaire. Il a considéré, par ailleurs, qu’il était impossible de définir une politique pénale au travers d’instructions individuelles, puisque plus de 3 millions d’affaires étaient traitées chaque année, le garde des sceaux étant lui-même saisi de 60 000 demandes. Rappelant qu’un certain nombre d’affaires, touchant notamment la ville de Paris, avaient fait l’objet de classements à répétition, grâce à des procureurs aux ordres constituant une véritable garde prétorienne du pouvoir exécutif, il a estimé que les dispositions du projet de loi permettraient d’éviter que les justiciables ne soient contraints de prendre à témoin l’opinion publique pour résister aux interventions inopinées du pouvoir exécutif. Considérant qu’en l’état actuel, il existait une politique pénale différente pour chaque magistrat du parquet qui, en contrepartie de leur docilité dans les affaires signalées, dispose d’une trop grande liberté dans l’application de la loi, il a observé que les directives générales prévues par le projet de loi remédieraient à cette situation, ce qui constituera un réel progrès, tout comme le recul partiel du principe d’opportunité des poursuites.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

—  Contrairement à certaines allégations, le projet de loi fait réellement avancer la démocratie sans pour autant faire reculer la République. De ce point de vue, il est frappant de constater que le texte suscite des appréciations contradictoires puisque, si certains agitent le fantasme du recul de l'Etat républicain, le syndicat de la magistrature, de son côté, estime, paradoxalement, que le Gouvernement organise la reprise en main du parquet. En fait, au-delà des interrogations légitimes qui ont été soulevées à l’occasion de son dépôt, le projet de loi va permettre de mieux faire appliquer la politique pénale. Enfin, au titre des avancées démocratiques, il faut mentionner d’une part la suppression sans ambiguïté des instructions individuelles, qui ont alimenté les soupçons à l’égard de la justice, et d’autre part l’institution d’une motivation des classements sans suite, qui correspond à une forte demande des justiciables.

—  Les dispositions du projet de loi vont permettre aux citoyens d’échapper non seulement à l’arbitraire politique, mais aussi à celui du magistrat. A cet égard, il faut considérer que, si un membre du parquet enfreint les directives de politique pénale, il encourt alors des poursuites disciplinaires indépendamment de toute mise en cause de sa responsabilité personnelle.

La Commission a repoussé l’exception d’irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. François Bayrou et les membres du groupe UDF.

La Commission est ensuite passée à l’examen des articles du projet de loi.

Article premier (art. 30 à 30-3 du code de procédure pénale) : Attributions du ministre de la justice :

La Commission a été saisie d’un amendement présenté par le rapporteur procédant à une réécriture de l’article premier afin d’en clarifier la rédaction, de réaffirmer plus nettement que les magistrats du parquet sont placés sous l’autorité du ministre de la justice et de préciser le contenu du droit d’action du ministre. Le rapporteur a indiqué que son amendement visait, tout d’abord, à substituer la notion de « directive générale » à celle d’ « orientation » qui apparaissait trop vague, ensuite à préciser que les directives sont transmises aux magistrats du parquet pour application et, enfin, à distinguer plus clairement les conditions de mise en mouvement de l’action publique par le ministre de ses modalités de mise en œuvre.

La Commission a également été saisie de plusieurs amendements qui, à la demande de leurs auteurs, ont été considérés comme des sous-amendements à l’amendement du rapporteur.

Elle a ainsi rejeté un amendement de M. Jean-Pierre Michel précisant que les membres du parquet sont tenus d’appliquer les orientations générales et qu’ils doivent en rendre compte, après que le rapporteur eut indiqué que cette préoccupation était satisfaite par sa propre proposition. Elle a également rejeté un amendement de M. Emile Blessig prévoyant qu’un débat sur les orientations générales de la politique pénale est organisé au Parlement chaque année, le rapporteur faisant observer qu’une procédure équivalente figurait déjà dans le texte du projet de loi.

Elle a ensuite été saisie d’un amendement présenté par M. Pascal Clément supprimant l’article 30-1 (nouveau) du code de procédure pénale. Après avoir estimé que la différence entre directives et orientations de politique pénale n’avait qu’une portée sémantique M. Claude Goasguen, s’est interrogé sur la nature juridique de ces orientations, soulignant, de surcroît, que la définition d’une politique pénale ne pouvait empêcher les magistrats chargés de l’appliquer d’interpréter les textes. Mme Nicole Catala a fait valoir que la rédaction de l’amendement du rapporteur était impropre dans la mesure où les directives devaient être « formulées » et non « définies ». M. Pierre Albertini a considéré que, si les directives de politique pénale s’imposaient aux membres du parquet sans que ceux-ci conservent une marge d’appréciation, il était hypocrite d’évoquer la neutralité du ministère public. M. Arnaud Montebourg a insisté sur le fait que les directives permettraient de définir un certain nombre de priorités, ces directives, à l’instar des circulaires prises par les préfets pour l’application de la loi, étant insusceptibles de recours pour excès de pouvoir ; il a ajouté que la commission compétente pour se prononcer sur les classements sans suite serait sans aucun doute amenée à fonder ses décisions à partir du contenu de ces directives. Le rapporteur ayant souligné que l’amendement de M. Pascal Clément était contraire à l’esprit du projet de loi, la Commission l’a rejeté. Elle a également rejeté quatre amendements, le premier de M. Pierre Albertini, le deuxième de M. Emile Blessig, le troisième de M. Pascal Clément et le quatrième de M. Jean-Pierre Michel, prévoyant que le ministre de la justice peut enjoindre au procureur général de poursuivre, mais prohibant, en revanche, toute demande de classement sans suite, bien que M. Pierre Albertini ait estimé que ce retour à l’esprit de la loi du 24 août 1993 procèderait d’une conception plus claire des rapports entre les procureurs et l’autorité judiciaire.

Puis, la Commission a été saisie d’un amendement de M. Alain Tourret permettant au garde des sceaux d’interjeter appel ou de former un pourvoi contre une décision mettant fin aux poursuites. Après avoir rappelé qu’une partie civile ne pouvait faire appel d’un jugement que pour les seuls intérêts civils, M. Alain Tourret a jugé qu’il convenait de donner au ministre de la justice la possibilité de remettre en cause une décision aberrante. Il a estimé que sa proposition constituait un compromis entre les différents points de vue, considérant que l’amendement du rapporteur limitant la faculté d’appel aux seuls cas où le garde des sceaux a lui-même déclenché l’action publique était trop restrictif. Après que M. Arnaud Montebourg eut insisté sur le fait que le droit d’action propre reconnu au ministre avait une vocation subsidiaire et qu’il permettrait d’initier des poursuites et non de les soutenir et eut fait valoir que le problème soulevé par M. Alain Tourret trouverait une meilleure solution dans l’extension de la faculté d’appel reconnue aux parties civiles au-delà de ses seuls intérêts civils, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a également rejeté un amendement de Mme Christine Lazerges limitant le droit d’action propre du ministre à la saisine d’une juridiction d’instruction, ainsi qu’un amendement de M. Jean-Pierre Michel prévoyant qu’en cas d’inaction du ministère public, le garde des sceaux peut interjeter appel de toute décision juridictionnelle, son auteur ayant précisé que cet amendement avait pour seul objet de démontrer l’inapplicabilité du droit d’action propre reconnu au garde des sceaux, dès lors qu’on ne pouvait reconnaître au pouvoir politique le droit d’intervenir dans le cours des procédures. Après avoir rejeté un amendement de M. Alain Tourret indiquant que le ministre de la justice est, dans chaque ressort de la cour d’appel, représenté par un avocat nommé pour trois ans par arrêté ministériel, la Commission a adopté l’amendement du rapporteur donnant à l’article premier une nouvelle rédaction.

Article 2 (art. 35 à 37 du code de procédure pénale) : Attributions du procureur général :

La Commission a été saisie d’un amendement présenté par le rapporteur proposant une nouvelle rédaction de l’article 2 pour procéder aux coordinations rendues nécessaires par les modifications apportées à l’article premier relatives aux directives générales de la politique pénale et à leur application par le ministère public et pour clarifier le régime des compétences du procureur général. Le rapporteur a indiqué que la rédaction proposée pour l’article 2 renforçait le principe d’une politique pénale applicable sur l’ensemble du territoire. Dans ce cadre, il a indiqué que le garde des sceaux pourrait recommander aux magistrats du parquet, au moyen de directives générales, d’être plus sévères sur certaines infractions et plus souples sur d’autres. Il a ensuite précisé que ces directives générales, donnant une interprétation de la loi conforme à la politique pénale du Gouvernement, s’imposeraient aux procureurs, leur méconnaissance pouvant donner lieu à des poursuites disciplinaires devant le Conseil supérieur de la magistrature. M. Pierre Albertini a estimé que ces directives n’auraient pas de portée juridique, rappelant, à cet égard, la jurisprudence administrative restrictive applicable aux circulaires interprétatives. Il a, par ailleurs, jugé que le garde des sceaux ne pourrait en aucun cas indiquer par directive qu’il conviendrait d’appliquer fermement une loi et d’écarter, en revanche, l’application d’une autre. M. Pascal Clément a pour sa part considéré qu’une directive ne pouvait interpréter la loi, mais uniquement en assurer l’application. Mme Christine Lazerges a contesté ces positions, soulignant que les directives pourraient orienter le choix des sanctions pénales appliquées en privilégiant par exemple, pour certaines catégories d’infractions, le recours aux peines de travail d’intérêt général et, pour d’autres, les mesures privatives de liberté.

La Commission a également été saisie de plusieurs amendements, dont leurs auteurs ont souhaité qu’ils soient examinés sous la forme de sous-amendements à l’amendement du rapporteur. Elle a ainsi rejeté : un amendement de M. Pierre Albertini, supprimant la possibilité pour le procureur général d’adapter les orientations définies par le garde des sceaux selon les circonstances propres à son ressort, son auteur soutenant que cette disposition était de nature à favoriser un émiettement de la politique pénale selon des critères flous, tandis que le rapporteur jugeait, au contraire, qu’elle était de nature à garantir une certaine souplesse indispensable au bon fonctionnement de la justice ; un amendement de M. Pascal Clément, supprimant la rédaction proposée pour l’article 37 du code de procédure pénale, son auteur ayant indiqué que cet article soulevait la question des prérogatives des procureurs généraux et de leur absence de responsabilité et le rapporteur ayant rappelé que les procureurs généraux pouvaient d’ores et déjà donner des instructions aux procureurs ; un amendement de M. Emile Blessig, tendant à informer les citoyens des conditions de mise en œuvre des orientations générales de la politique pénale, le rapporteur ayant indiqué que cet amendement serait satisfait par l’adoption du sien ; un amendement de M. Pascal Clément, supprimant les dispositions relatives à l’information du ministre de la justice sur les affaires dont les parquets sont saisis et sur la mise en œuvre de la politique pénale ; un amendement de portée rédactionnelle, de M. Pierre Albertini ; deux amendements, enfin, de M. Pascal Clément, le premier supprimant la possibilité d’information du ministre sur les affaires dont les parquets sont saisis et le second, imposant le versement au dossier de toute information ou avis concernant un dossier individuel transmis au garde des sceaux.

M. Pascal Clément a considéré qu’il était normal qu’un magistrat informe la Chancellerie sur les affaires sensibles et jugé qu’à cet égard, les dispositions du projet de loi relevaient de l’hypocrisie. Il a ainsi observé que le procureur général pourrait faire pression sur les procureurs de la République en lieu et place du garde des sceaux, alors même que le pouvoir de proposition du ministre au Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des magistrats du parquet permet de maintenir un contrôle de l’autorité politique sur ces magistrats. M. Jean-Luc Warsmann a fait remarquer que la suppression des instructions écrites versées au dossier judiciaire n’empêcherait pas l’utilisation du téléphone par le garde des sceaux, d’autant que celui-ci disposera, grâce aux dispositions du projet de loi, d’un pouvoir d’information en temps réel. M. Arnaud Montebourg a regretté le blocage par le Président de la République de la révision constitutionnelle relative à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature qui retarde l’examen du projet de loi organique relatif au statut des magistrats, exprimant le souhait que ce texte prévoie une mobilité obligatoire des procureurs, ce qui limiterait le pouvoir de blocage des carrières par le garde des sceaux. M. Jacques Floch s’est indigné des propos tenus par l’opposition en considérant que les magistrats agissaient d’abord par conscience professionnelle et non par souci de leur carrière. Faisant observer que de nombreux procureurs ne devenaient jamais procureurs généraux, M. Pierre Albertini a souligné que le passage par l’administration centrale ou les cabinets ministériels était un moyen classique de monter dans la hiérarchie. Il a, par ailleurs, estimé que le pouvoir d’évocation reconnu au garde des sceaux sur toutes les procédures judiciaires donnait aux procureurs un signal équivalent aux instructions individuelles et qu’il illustrait le caractère illusoire de la suppression des pressions politiques sur la justice par la présente réforme. Rappelant que les pratiques de la Chancellerie avaient changé depuis 1997 puisqu’aucune instruction individuelle n’était plus donnée aux procureurs, le rapporteur a souligné, en outre, que la réforme du CSM donnerait aux magistrats la possibilité de résister aux demandes du ministre de la justice, dans la mesure où celui-ci ne sera plus en charge de leur nomination.

La Commission a adopté son amendement donnant à l’article 2 une nouvelle rédaction.

Article 3 (art. 39-1 à 39-4 du code de procédure pénale) : Attributions du procureur de la République :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à une rédaction globale de cet article dans un souci de coordination avec la définition des attributions du procureur général et du procureur de la République ainsi qu’avec les modifications proposées à l’article 1er du projet de loi.

Avant l’article 4 :

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Pierre Albertini tendant à imposer l’information des plaignants et des victimes en cas de classement sans suite pour des considérations de fait. M. Pierre Albertini ayant indiqué que cette disposition trouverait à s’appliquer en l’absence d’identification des coupables et le rapporteur ayant déclaré que cet amendement était partiellement satisfait par un amendement de Mme Christine Lazerges, il a été retiré.

Article 4 (art. 40-1 du code de procédure pénale) : Motivation des décisions de classement sans suite :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rassemblant dans un seul article les dispositions relatives aux classements sans suite, qui imposent au procureur de la République de notifier et de motiver ces décisions. Un amendement de M. Alain Tourret ayant le même objet, s’est ainsi trouvé sans objet.

Article 5 (art. 48-1 à 48-5 du code de procédure pénale) : Recours contre les classements sans suite :

La Commission a rejeté un amendement de M. Pierre Albertini proposant un nouveau système de recours contre les classements sans suite auprès du ministre de la justice. Son auteur a considéré que le dispositif à double étage prévu par le projet de loi serait sans effet, le procureur général et la commission de recours risquant de confirmer systématiquement la décision de classement du procureur de la République. Rappelant qu’il existait un courant très fort dans l’opinion publique en faveur d’un contrôle à la fois renforcé et collégial, même si cette demande n’est pas toujours justifiée, Mme Catherine Tasca, présidente, a estimé nécessaire de maintenir les commissions de recours. Elle a également fait valoir que ces commissions infirmeront, quand cela sera nécessaire, les décisions du parquet. La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Pascal Clément supprimant la condition « d’intérêt suffisant » pour former un recours, son auteur ayant fait valoir que la notion d’intérêt à agir relève du droit administratif et non du droit pénal, avant de critiquer cette procédure de recours qui risque d’entraîner des abus. Elle a adopté un amendement de M. Arnaud Montebourg autorisant les recours contre les classements sans suite concernant des faits nouveaux apparus dans le cadre d’une information judiciaire.

Puis, la Commission a adopté deux amendements identiques de M. Pascal Clément et de M. Arnaud Montebourg abaissant de 100 000 à 10 000 F l’amende civile en cas de recours abusif contre un classement sans suite, bien que le rapporteur ait estimé que le montant proposé était insuffisant pour freiner le zèle procédural de riches associations et que M. Pascal Clément ait jugé cet argument pertinent. Elle a également adopté un amendement de M. Arnaud Montebourg précisant que les recours formés contre les classements sans suite suspendent la prescription de l’action publique à l’égard des faits dénoncés, son auteur ayant fait valoir que l’usage de cette procédure devait être sans incidence sur les possibilités d’engager des poursuites. Puis, la Commission a adopté l’article 5 ainsi modifié.

Article 6 : Cadre des activités de la police judiciaire :

Après avoir adopté un amendement du rapporteur, substituant par coordination avec la modification apportée à l’article 1er relative aux directives générales de la politique pénale, la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7 : Direction de la police judiciaire par le procureur de la République :

Après avoir rejeté deux amendements identiques de MM. Pascal Clément et Pierre Albertini supprimant l’avant-dernier alinéa de cet article, la Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à une nouvelle rédaction de cet alinéa afin de préciser que le procureur de la République et les chefs des services de police ou de gendarmerie se tiennent informés au moins une fois par trimestre des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par les directives générales de la politique pénale. Elle a également adopté un amendement du rapporteur procédant à une coordination, puis l’article ainsi modifié.

Article 8 (art. 75-1 et 75-2 du code de procédure pénale) : Contrôle du procureur de la République sur les enquêtes préliminaires :

La Commission a adopté quatre amendements du rapporteur, les deux premiers autorisant le procureur à proroger le délai fixé aux OPJ pour achever l’enquête préliminaire et ramenant à six mois le délai dans lequel l’OPJ doit rendre compte de l’état d’avancement de l’enquête, les deux derniers procédant à une coordination. Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Articles 9 et 10 : Prérogatives du juge d’instruction ; Portée des décisions prises par la chambre d’accusation en matière disciplinaire :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 11 : Coordinations :

Par coordination avec ses décisions à l’article 1er et à l’article 3, la Commission a adopté deux amendements du rapporteur, et l’article 11 ainsi modifié.

Après l’article 11 :

La Commission a rejeté les amendements nos 1 et 2 de M. Didier Quentin tendant à encadrer l’exercice par les associations des droits reconnus à la partie civile.

Article 12 : Application de la loi dans les TOM et à Mayotte :

Après avoir adopté un amendement du rapporteur précisant que le projet de loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

La Commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

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La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000. Ont été nommés :

Justice :

—  Administration centrale et services judiciaires M. Jacques Floch

—  Services pénitentiaires et protection judiciaire de la jeunesse M. André Gerin

Intérieur :

—  Police M. Louis Mermaz

—  Sécurité civile M. Renaud Dutreil

—  Collectivités locales M. René Dosière

Outre-mer :

—  Départements d’outre-mer M. Jérôme Lambert

—  Territoires d’outre-mer M. Jean-Yves Caullet

Le rapporteur pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000 pour la fonction publique sera nommé lors de la réunion de la Commission du mercredi 23 juin.

La Commission a également nommé rapporteurs :

û M. François Colcombet, pour le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 1682) ;

û Mme Nicole Feidt, pour le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ;

û M. Alain Vidalies, pour le projet de loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnances pour la codification de certaines lois (sous réserve de son dépôt).

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