Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 novembre 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Gérard Gouzes,

vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (n° 1868) (deuxième lecture)

2

- Informations relatives à la Commission

11

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Claudine Ledoux, le projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (n° 1868).

Mme Claudine Ledoux, rapporteuse, a rappelé que ce projet de loi avait été déposé une première fois à l'Assemblée nationale en mai 1998 avant d'être retiré puis redéposé au Sénat en janvier 1999. Après avoir observé que le texte était une reprise, enrichie de nombreuses dispositions, du projet de loi de M. Dominique Perben devenu caduc en raison de la dissolution, elle a expliqué que son objectif principal était de renforcer l'Etat de droit et la démocratie en rapprochant l'autorité administrative des usagers. Citant les dispositions du texte qui permettent de simplifier réellement les démarches administratives et d'améliorer les procédures, elle a notamment évoqué l'obligation pour l'administration d'accuser réception des demandes et de faire parvenir au service compétent celles transmises par erreur, la possibilité pour toute personne de présenter ses observations écrites et orales avant qu'une décision défavorable ne soit prise à son égard, la réduction à deux mois du délai au terme duquel l'administré bénéficie d'une décision implicite de rejet ou d'acceptation et la prise en compte du cachet de la poste lorsque l'usager est tenu de respecter une date limite. Elle a ajouté que ce texte comportait également des dispositions améliorant la transparence, telles que l'obligation de mentionner les nom et qualité des agents en relation avec les usagers, l'organisation d'un meilleur accès aux règles de droit, l'incitation à la codification, la simplification de la consultation des documents administratifs grâce à la mise en cohérence des lois sur la CNIL, la CADA et les archives et l'obligation pour les organismes recevant des subventions publiques de rendre leurs comptes accessibles au public. Elle a enfin indiqué que le projet de loi renforçait le rôle du Médiateur de la République, grâce à la consécration de l'existence des délégués départementaux, et précisait la forme juridique des maisons des services publics.

Présentant le texte adopté en deuxième lecture par le Sénat, Mme Claudine Ledoux a souligné qu'un certain nombre de dispositions avaient été adoptées sans modification, comme celles concernant le Médiateur de la République ou la mise en cohérence des lois sur la CNIL, la CADA et les archives, tandis que d'autres articles avaient fait l'objet de simples modifications rédactionnelles. Elle a cependant constaté que les sénateurs avaient également introduit des dispositions totalement contraires à la philosophie du texte. Elle a ainsi cité l'article 5 bis, adopté par le Sénat dès la première lecture, qui limite les recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d'urbanisme en obligeant les associations à consigner une somme d'argent auprès du greffe du tribunal administratif et qui est donc en contradiction avec le projet de loi censé accroître les droits des citoyens. Elle a également évoqué les articles relatifs aux maisons des services publics, profondément modifiés par le Sénat, en particulier sur la question du statut de leurs agents, ainsi que les dispositions prenant en compte la jurisprudence « Berkani ».

En conclusion, la rapporteuse a proposé de revenir à l'économie générale du texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture, dont l'objet est de favoriser l'accès au droit, en supprimant l'article 5 bis relatif aux recours en matière d'urbanisme, en modifiant les dispositions sur les maisons des services publics et en réintroduisant les articles légalisant la jurisprudence « Berkani » sans reprendre, toutefois, les dispositions introduites par le Gouvernement pour exclure du dispositif les agents recrutés à l'étranger sous contrat de droit local.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article 2 : Obligation d'organiser un accès simple aux règles de droit :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse rétablissant cet article, qui pose le principe d'un accès simple aux règles de droit édictées par les autorités administratives et affirme que la mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public. Pour répondre aux arguments du Sénat contestant la valeur normative de cet article, elle a indiqué que l'obligation de mise à disposition des textes juridiques s'imposant également aux collectivités territoriales, il était nécessaire d'avoir recours à une disposition de nature législative.

Article 3 : Codification des textes législatifs :

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4 : Personnalisation des relations entre les agents des services publics et les citoyens :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse procédant à une nouvelle rédaction de cet article, afin de réintégrer les dispositions relatives à l'identification de l'auteur d'une décision et d'écarter du champ de cet article les services publics industriels et commerciaux qui ont déjà, en pratique, levé l'anonymat de leurs agents.

Article 5 bis : Consignation d'une somme d'argent par les associations de sauvegarde de l'environnement :

La Commission a été saisie de trois amendements de la rapporteuse, de M. Patrice Carvalho et de Mme Marie-Hélène Aubert supprimant cet article. Présentant l'amendement n° 3 de Mme Marie-Hélène Aubert, M. Guy Hascoët a fait valoir qu'une telle disposition, obligeant les associations à consigner une somme d'argent auprès du greffe du tribunal administratif pour pouvoir contester une décision en matière d'urbanisme, allait amoindrir les possibilités de déposer des recours. Rappelant qu'un approfondissement de la décentralisation était à l'étude, il a estimé qu'une évolution vers un accroissement des pouvoirs des élus locaux exigeait, au contraire, la mise en place de contre-pouvoirs. Après que la rapporteuse eut ajouté que ce dispositif méconnaissait le principe constitutionnel d'égal accès au droit, qu'il était contraire à l'esprit du texte et que des dispositions permettaient déjà de limiter les recours abusifs, la Commission a adopté les trois amendements de suppression.

Après l'article 5 bis :

La Commission a rejeté un amendement de M. Franck Dhersin, déjà présenté et rejeté en première lecture, proposant que seules les associations agréées de défense de l'environnement puissent intenter des recours contre les permis de construire, sauf lorsqu'il s'agit de préserver leurs intérêts patrimoniaux.

Article 8 (Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal) : Définition de la notion de documents administratifs, régime applicable à la communication des documents, compétence de la commission d'accès aux documents administratifs :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse rétablissant l'obligation de communication de tous les documents détenus par une administration, que cette dernière en soit ou non l'auteur, après que la rapporteuse eut précisé qu'une telle disposition permettrait une réelle avancée en matière de simplification administrative. Elle a ensuite adopté un amendement de la rapporteuse réintégrant les documents établis par les services publics industriels et commerciaux dans le cadre d'un contrat de prestation de service dans les documents non communicables, ainsi qu'un amendement du même auteur concernant le contenu du rapport annuel de la CADA. Elle a également adopté un amendement présenté par la rapporteuse étendant la compétence de la CADA à la communication des listes des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés en application de l'article L. 111 du livre des procédures fiscales. La Commission a ensuite adopté l'article 8 ainsi modifié.

Après l'article 8 :

Présentant l'amendement n° 4 déposé par Mme Marie-Hélène Aubert, M. Guy Hascoët a précisé qu'il avait pour objet de transposer une directive européenne du 7 juin 1990 relative à l'information en matière d'environnement, afin d'améliorer le régime de communication des documents administratifs contenant des informations relatives à l'environnement. M. Guy Hascoët a fait valoir qu'en l'absence de transposition, la France risquerait d'être condamnée par la Cour de justice des communautés européennes, dans un domaine où l'administration se réfugie trop souvent derrière le secret en matière industriel et commercial. La rapporteuse s'étant déclarée défavorable à cet amendement, qui modifie fondamentalement la loi du 17 juillet 1978 en permettant la communication de documents privés, et ayant souligné qu'un projet de transposition de la directive était en cours, la Commission a rejeté cet amendement.

Article 8 bis (art. L. 140-9 du code des juridictions financières) : Rapport de vérification et avis des comités départementaux et régionaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par la rapporteuse permettant de mieux faire apparaître que les rapports et avis des comités départementaux et régionaux d'examen des comptes de la sécurité sociale sont des éléments constitutifs des mesures d'instruction destinées à la Cour des comptes et ne sont donc pas communicables au public. Elle a ensuite adopté l'article 8 bis ainsi modifié.

Article 10 : Consultation par le public des comptes des autorités administratives et organismes aidés ou subventionnés :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 5 du Gouvernement procédant à une nouvelle rédaction de cet article afin de rendre plus transparents les comptes des autorités administratives et des organismes recevant des subventions. Soulignant que les dispositions proposées n'impliquaient pas de procédures administratives supplémentaires pour les organismes subventionnés, et notamment pour les associations, la rapporteuse a indiqué que cette rédaction avait reçu un avis favorable du Conseil national de la vie associative. La Commission a adopté l'amendement n° 5.

Article 13 bis (art. L. 3133-1 à L. 3133-3 du code général des collectivités territoriales) : Exercice par un contribuable des actions appartenant au département :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteuse modifiant l'intitulé du chapitre précisant les conditions d'exercice par un contribuable des actions appartenant au département, puis elle a adopté l'article 13 bis ainsi modifié.

Article 13 ter (art. L. 4143-3 du code général des collectivités territoriales) : Exercice par un contribuable des actions appartenant à la région :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteuse modifiant l'intitulé du chapitre déterminant les conditions d'exercice par un contribuable des actions appartenant à la région, puis elle a adopté l'article 13 ter ainsi modifié.

Article 14 : Modalités de transmission d'une demande à l'administration :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse réintroduisant la précision selon laquelle la présence personnelle du demandeur ne peut être exigée par l'administration qu'en vertu d'une disposition particulière et supprimant une disposition adoptée par le Sénat pour exclure du champ d'application de cet article les procédures régies par le code des marchés publics.

Elle a ensuite adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 16 A : Identification de l'auteur d'une décision :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse tendant à supprimer cet article, devenu inutile, par coordination avec les votes émis à l'article 4.

Article 20 : Décisions implicites d'acceptation :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 21 : Retrait des décisions implicites :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse prévoyant que le retrait d'une décision implicite d'acceptation illégale n'ayant pas fait l'objet de mesure de publicité peut être retirée dans un délai de deux mois à la demande d'un tiers y ayant intérêt et non de quatre mois comme le propose le Sénat.

Elle a ensuite adopté l'article 21 ainsi modifié.

Article 22 : Observations de l'intéressé préalables à la décision :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse excluant les organismes de sécurité sociale du champ d'application de cet article, des procédures contradictoires leur étant déjà applicables en vertu de dispositions spécifiques du code de la sécurité sociale.

La Commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 22 bis : Procédure contradictoire en cas de reversement de prestations sociales indûment perçues :

La Commission a adopté deux amendements de la rapporteuse, le premier précisant que l'assuré doit également être informé des délais dans lesquels il peut présenter ses observations et le deuxième prévoyant qu'il peut être assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix.

Elle a ensuite adopté l'article 22 bis ainsi modifié.

Article 24 : Maisons des services publics :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse rétablissant dans sa totalité la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, son auteur ayant fait valoir que le texte du Sénat supprimait des dispositions essentielles relatives au statut des fonctionnaires travaillant dans une maison de service public, aux modalités d'accès au service public des personnes ayant des difficultés à se déplacer et à la possibilité d'organiser des services de façon itinérante. En conséquence, un amendement de M. Patrice Carvalho procédant à une coordination avec la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi qu'un amendement du même auteur prévoyant que les maisons des services publics fonctionnent avec le concours d'agents titulaires sont devenus sans objet.

Article additionnel après l'article 24 : Coordination avec la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse proposant une meilleure coordination du projet de loi avec les dispositions relatives aux maisons des services publics contenues dans les lois du 4 février 1995 et du 25 juin 1999 sur l'aménagement du territoire.

Article 25 : Maisons des services publics constituées en groupement d'intérêt public :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse tendant à revenir au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture, qui n'intégrait pas les dispositions relatives aux maisons des services publics dans la loi du 4 février 1995. Puis elle a adopté l'article 25 ainsi modifié.

Article 26 : Conventions conclues avec une personne morale chargée d'une mission de service public :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse procédant à une nouvelle rédaction de cet article, conforme à celle adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, la référence à la loi du 4 février 1995 paraissant inappropriée. Un amendement présenté par M. Patrice Carvalho est ainsi devenu sans objet.

Après l'article 26 bis :

Un débat s'est engagé sur un amendement proposé par M. Bernard Roman tendant à étendre à tous les agents occupant un emploi fonctionnel, dans une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale, le dispositif adopté dans la loi du 12 juillet 1999 relative à l'intercommunalité, qui prévoit l'attribution d'un logement de fonction et d'un véhicule de service pour seulement certaines catégories d'agents occupant ce type d'emplois. Soulignant les pouvoirs considérables détenus par une commission mixte paritaire aboutissant à un texte de compromis, M. Bernard Roman a jugé que le dispositif issu de l'article 79 de la loi du 12 juillet 1999 était aberrant dans la mesure où il accordait des avantages à certains agents de la fonction publique territoriale et non à d'autres qui occupaient pourtant des postes à responsabilité plus importante. Il a ainsi noté qu'aux termes de cette loi, les secrétaires généraux de toutes les communes pouvaient bénéficier d'un logement de fonction et d'un véhicule, ce qui n'était pas le cas, par exemple, des secrétaires généraux adjoints d'une communauté urbaine. Il a expliqué que son amendement visait à rendre plus juste le dispositif législatif actuel et que, même si le ministère de l'intérieur n'y semblait pas très favorable, il était important de revenir sur cette question. Estimant que l'amendement allait dans le bon sens, M. Jean-Pierre Soisson a jugé utile d'aborder ce débat qui n'est pas nouveau, le ministère des finances s'opposant également depuis longtemps à toute disposition en la matière, et d'interpeller le Gouvernement sur cette question. M. Gérard Gouzes, président, a rappelé que l'article 79 de la loi du 12 juillet 1999 était d'origine parlementaire, et non pas gouvernementale, le ministère de l'intérieur ayant d'ailleurs exprimé son désaccord avec cet amendement introduit par le Sénat et modifié par la commission mixte paritaire. Il a appelé l'attention des commissaires sur les risques de conflit et de surenchère qui pouvaient naître de la comparaison des avantages octroyés aux différents agents des collectivités territoriales. Reconnaissant que ce dispositif était un compromis, issu de la réunion de la commission mixte paritaire, il a considéré qu'il n'était sans doute pas totalement satisfaisant, mais qu'il avait le mérite de la modération. Tout en saluant la générosité de l'auteur de l'amendement, il a exprimé la crainte que de nouvelles revendications ne surgissent, tant dans la fonction publique territoriale que dans l'administration préfectorale, si cet amendement était adopté. Sans se prononcer sur le fond, la rapporteuse a indiqué que le ministère de l'intérieur ne souhaitait pas revenir sur un compromis obtenu, il y a seulement quatre mois, en commission mixte paritaire ; elle s'est par ailleurs interrogée sur la recevabilité financière de cet amendement. Tout en rappelant qu'il n'appartenait pas à la Commission de juger de la recevabilité financière de l'amendement, une procédure spécifique existant en ce domaine, M. Bernard Derosier a jugé utile qu'une intervention soit faite auprès du Gouvernement pour que cet amendement puisse être discuté en séance s'il s'avérait irrecevable. Rappelant ensuite son attachement au principe de la parité entre les fonctions publiques d'Etat et territoriale, il a souligné que tous les hauts fonctionnaires de l'Etat en poste dans les départements et les régions bénéficiaient des moyens d'exercer leurs fonctions dans des conditions décentes et qu'il n'était pas admissible que les hauts fonctionnaires des collectivités ne puissent être traités de manière équivalente. En conclusion, il a exprimé son soutien à cet amendement et son souhait de le cosigner. M. François Colcombet a rappelé que le projet de loi en discussion portait sur les relations des citoyens avec l'administration et que l'amendement proposé semblait fort éloigné de cet objet. Il a considéré que, dans un autre contexte, la disposition proposée par M. Bernard Roman pourrait être discutée, mais qu'en l'état, il ne souhaitait pas qu'elle soit adoptée. Jugeant également que le présent projet de loi n'était pas relatif à la fonction publique territoriale, M. Alain Vidalies a considéré qu'il ne fallait pas placer les élus dans la position de devoir dire non, faute de moyens, à certaines revendications de leurs agents. Il a rappelé que la concurrence entre les collectivités locales en ce domaine était néfaste et mal vécue par les élus. M. Alain Tourret a souhaité savoir quel était le nombre d'emplois fonctionnels. Tenant compte de ces objections, M. Bernard Roman a reconnu que le texte qu'il proposait ne trouvait pas naturellement sa place dans le projet de loi. Il a cependant estimé qu'entre cette inopportunité et l'injustice née de l'article 79 de la loi du 12 juillet 1999, il préférait mettre fin à une situation aberrante. Il a, par ailleurs, précisé que la notion d'emploi fonctionnel était définie par les textes. Enfin, il a ajouté qu'une alternative devait pouvoir être trouvée en révisant le champ de l'article 79 dans un souci d'équité. Estimant que la recherche d'une plus grande équité pouvait parfois créer de nouvelles injustices, M. Gérard Gouzes, président, a rappelé que la loi du 12 juillet 1999 avait été adoptée par l'ensemble de la représentation nationale et que son champ était suffisamment large pour couvrir de manière raisonnable la situation des agents occupant des emplois fonctionnels dans les collectivités. Proposant d'en affiner le contenu, M. Bernard Roman a finalement retiré son amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Arnaud Montebourg tendant à supprimer la disposition introduite par l'article 77 de la loi du 12 juillet 1999 relative à la coopération intercommunale, aux termes duquel les collaborateurs d'une autorité territoriale ne rendent compte qu'à celle-ci, laquelle décide des conditions et des modalités d'exécution du service qu'ils accomplissent auprès d'elle. M. Arnaud Montebourg a considéré que cette disposition avait été adoptée en commission mixte paritaire, sans qu'elle ait été véritablement discutée par l'Assemblée nationale et qu'elle tendait à limiter les possibilités de contrôle de ces emplois créés dans les collectivités territoriales. Il a fait état des réactions suscitées par l'adoption de ce texte, qui compliquerait considérablement le travail des magistrats des chambres régionales des comptes, comme certains d'entre eux l'avaient fait savoir. Il a indiqué également que ces dispositions avaient été mises en avant lors du procès qui s'est tenu récemment sur les emplois fictifs du conseil général de l'Essonne. Concédant que son amendement n'avait pas un rapport direct avec le projet de loi, il a observé néanmoins que le Gouvernement avait lui-même introduit des cavaliers dans le projet et qu'en tout état de cause, les relations entre les citoyens et l'administration passaient également par le bon fonctionnement des juridictions financières et la confiance que les citoyens pouvaient avoir en elles pour faire valoir leurs droits. Il a ajouté que l'article 77 de la loi du 12 juillet 1999, qu'il propose d'abroger, ne concerne pas les collaborateurs des groupes politiques des assemblées locales, mais les collaborateurs des cabinets des présidents de ces assemblées. M. Gérard Gouzes, président, a rappelé les conditions dans lesquelles cet amendement avait été adopté, en précisant que, lors de la discussion en commission mixte paritaire, il s'était agi essentiellement de soustraire à l'autorité du président de l'assemblée territoriale les personnels mis à disposition des groupes politiques. Jugeant normal que les présidents des groupes puissent disposer de collaborateurs et exercer leur autorité sur eux, il a regretté que certains magistrats aient fait une interprétation excessive, voire paranoïaque, de ce dispositif. Il s'est aussi insurgé contre la pression constante à laquelle sont soumis les élus locaux, que l'on cherche sans répit à culpabiliser. Il a souhaité, enfin, qu'une question puisse être posée à ce sujet au Gouvernement pour que tous les malentendus puissent être dissipés. M. François Colcombet a considéré qu'il était normal que les collaborateurs ne rendent compte qu'à l'autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés et a donc souhaité que l'amendement de M. Arnaud Montebourg ne soit pas adopté. M. Bernard Derosier s'est associé à l'avis ainsi exprimé, estimant en outre que cet amendement était sans lien avec le projet. M. Jean-Pierre Soisson a indiqué qu'il partageait l'analyse de M. Arnaud Montebourg, tout en convenant que cet amendement était sans rapport avec le texte en discussion. Soulignant que les intentions de M. Arnaud Montebourg étaient louables, la rapporteuse a estimé qu'il était difficile de revenir sur un accord obtenu en commission mixte paritaire, le débat méritant cependant d'être évoqué. M. Gérard Gouzes, président, a indiqué qu'il voterait contre cet amendement mais que, approuvant les motivations de M. Arnaud Montebourg, il souhaitait qu'il soit discuté en séance afin que le Gouvernement puisse éclairer ce débat et exprimer une position dénuée de toute ambiguïté. Confirmant qu'il déposerait son amendement en séance, M. Arnaud Montebourg s'est inscrit en faux contre l'idée que les magistrats dicteraient leurs volontés au législateur, notant que les conseillers des chambres régionales des comptes n'avaient pas les pouvoirs des magistrats de l'ordre judiciaire et qu'ils ne recherchaient pas, tant s'en faut, une publicité excessive. Se faisant l'écho des réactions de magistrats de terrain, qui exercent leurs fonctions dans des conditions difficiles, il s'est élevé contre toute interprétation tendant à voir derrière son amendement l'organisation d'une prétendue prise de pouvoir par les juges. En conclusion, il a estimé que soit l'article 77 de la loi du 12 juillet 1999 était inutile, soit il correspondait à l'interprétation qu'il en faisait et était alors inacceptable et que, dans les deux cas, cette disposition devait être abrogée. A l'issue de ce débat, la Commission a rejeté l'amendement de M. Arnaud Montebourg.

Article 26 quater : Conséquences de la jurisprudence « Berkani » pour les agents non titulaires de l'Etat :

La rapporteuse a présenté un amendement tendant à rétablir cet article relatif à la transcription de la jurisprudence du tribunal des conflits « Berkani » visant à donner aux services de l'Etat la possibilité de recruter des agents non titulaires de catégorie C par la voie de contrats à durée indéterminée. Reconnaissant que le débat au Sénat avait montré la nécessité d'analyses plus approfondies sur l'application de ce dispositif aux personnels recrutés à l'étranger par les services de l'Etat, elle a indiqué que la nouvelle rédaction proposée pour cet article excluait les agents recrutés à l'étranger sous contrat de droit local. M. Jean-Pierre Soisson a considéré que ces dispositions n'entraient pas véritablement dans le champ du projet de loi, mais qu'elles permettaient de conférer une plus grande sécurité juridique à un régime défini par la jurisprudence. Répondant à une question de M. Alain Tourret, qui souhaitait connaître la portée de ce dispositif, la rapporteuse a déclaré qu'il concernait l'ensemble des personnels de catégorie C conformément à la jurisprudence du tribunal des conflits. M. François Colcombet a, pour sa part, fait observer qu'il n'y avait rien de déshonorant pour le législateur à entériner un régime juridique défini par la jurisprudence et que cette pratique confirmait la complémentarité entre le Parlement et l'autorité judiciaire. La Commission a adopté cet amendement et a en conséquence rejeté un amendement de M. Patrice Carvalho visant à étendre la jurisprudence « Berkani » aux fonctionnaires des catégories A et B.

Article 26 quinquies : Conséquences de la jurisprudence « Berkani » pour les agents non titulaires des collectivités locales :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse permettant l'application de la jurisprudence « Berkani » aux agents non titulaires des collectivités territoriales exerçant des fonctions d'exécution de niveau de catégorie C. En conséquence, elle a rejeté un amendement de M. Patrice Carvalho procédant à l'extension de la jurisprudence « Berkani » à l'ensemble des agents non titulaires des collectivités territoriales.

Article additionnel avant l'article 27 : Validation législative :

La Commission a été saisie d'un amendement de Mme Christine Lazerges tendant à valider la délibération du jury des épreuves de première année du premier cycle d'études médicales de l'université de Montpellier I annulée, le 14 octobre 1999, par le tribunal administratif de Montpellier. Mme Christine Lazerges a indiqué qu'il convenait de résoudre la situation difficile dans laquelle se trouvaient les étudiants à la suite de cette décision. M. François Colcombet a considéré que cet amendement entrait bien dans le champ du projet de loi, puisqu'il s'agissait de réparer une erreur de l'administration, et s'est déclaré favorable à son adoption. M. Alain Tourret a, pour sa part, fait observer que les juges ne se prononçant pas en équité, les annulations de concours et examen donnaient toujours lieu à des situations inextricables justifiant le recours à la pratique des validations législatives. M. Jean-Pierre Soisson a jugé que le besoin d'une régularisation législative était évident et qu'en dépit des doutes que l'on pouvait émettre sur le rattachement d'une telle disposition à ce projet de loi, il convenait de légiférer le plus rapidement possible. Hostile aux validations législatives, car elles constituent une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, M. Arnaud Montebourg a, par ailleurs, considéré que cette disposition n'entrait pas dans le champ du texte et il a, en conséquence, demandé son rejet. La rapporteuse a fait observer que cet amendement était certes inattendu, mais qu'il entrait dans le champ d'application du texte puisqu'il concerne les relations entre des étudiants et une administration défaillante. La Commission a adopté cet amendement.

Article 27 : Application de certaines dispositions en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte :

La Commission a adopté un amendement de coordination de la rapporteuse et a rejeté les amendements nos 1 et 2 de M. Michel Buillard, le premier étant devenu sans objet en raison de la suppression de l'article 5 bis, le second proposant l'application outre-mer de dispositions d'ores et déjà applicables dans ces territoires. Elle a également adopté un amendement de coordination de la rapporteuse.

La Commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

1. La Commission a procédé à la désignation de candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives. Ont été désignés :

· Membres titulaires :

Mme Catherine TASCA, M. Bernard ROMAN, Mme Frédérique BREDIN, MM. Georges TRON, Pierre ALBERTINI, Jacques BRUNHES, Guy LENCAGNE.

· Membres suppléants :

MM. René DOSIÈRE, Christian PAUL, Jacky DARNE, Bernard DEROSIER, Gérard GOUZES, Eric DOLIGÉ, José ROSSI.

2. La Commission a désigné :

- M. Thierry Mariani, rapporteur pour la proposition de loi de M. Charles Cova, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française (n° 1815).

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