Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 novembre 1999
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de loi, modifiée par le Sénat, instituant un Médiateur des enfants (n° 1915) (rapport)

2

- Proposition de loi modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française (n° 1815) (rapport)


7

- Informations relatives à la Commission

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Evoquant la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête chargée de déterminer les circonstances qui ont permis à Maurice Papon de ne pas être mis sous contrôle judiciaire et de se soustraire à l'obligation de se constituer prisonnier, sur laquelle la Commission venait de procéder à la désignation d'un rapporteur, M. Michel Hunault a émis le souhait que la commission des Lois se penche plus généralement sur les questions de procédure pénale. Rappelant que le cas de M. Maurice Papon avait mis en lumière les difficultés résultant de l'obligation de se constituer prisonnier dans le cadre d'un pourvoi en cassation, il a estimé qu'il existait bien d'autres problèmes concernant la vie quotidienne de beaucoup de nos concitoyens qui justifieraient que des améliorations soient apportées à notre procédure pénale. Il a estimé qu'il était bien dans le rôle et la compétence de la commission des Lois de faire des propositions à ce sujet.

Mme la Présidente a observé qu'une telle réflexion, tout-à-fait souhaitable, pourrait sans doute se traduire par le dépôt de proposition de lois ; elle a ajouté que l'examen en seconde lecture du projet de loi relatif à la présomption d'innocence permettrait déjà d'évoquer un certain nombre des problèmes mentionnés par M. Michel Hunault

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Claudine Ledoux, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, instituant un Médiateur des enfants (n° 1915).

Présentant le texte, Mme Claudine Ledoux a rappelé qu'il y a presque un an, l'Assemblée nationale avait adopté deux propositions de lois, l'une organique, l'autre ordinaire, instituant une nouvelle autorité indépendante, le Médiateur des enfants. Faisant référence aux travaux de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant qui s'étaient prononcé pour la création d'une telle institution, la rapporteuse a rappelé que le texte initial adopté par l'Assemblée nationale optait pour une autorité calquée, pour ses missions et ses prérogatives, sur celles du Médiateur de la République. Le Sénat ayant adopté les deux propositions de loi le 9 novembre dernier, la rapporteuse a regretté que la seconde chambre ait retenu dans une lecture conforme à celle de l'Assemblée la proposition de loi organique, posant dès lors la question de la décision du Conseil constitutionnel sur une loi organique dont l'essentiel du dispositif, prévu dans la loi ordinaire est encore en cours de navette entre les deux assemblées. Concernant la loi ordinaire, la rapporteuse a estimé que le texte adopté par le Sénat modifiait profondément le dispositif retenu par l'Assemblée en procédant à un rattachement du Médiateur des enfants au Médiateur de la République, lui faisant ainsi perdre sa qualité d'autorité administrative indépendante. La rapporteuse a regretté que le Sénat ait ainsi finalement retenu une rédaction éloignée des conclusions de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant. Elle a cependant rappelé que des sénateurs, tels que Mmes Dinah Derycke et Odette Terrade, ou M. Jacques Pelletier, ancien Médiateur de la République, avaient contesté ce choix et estimé que le Médiateur des enfants devait jouir d'une réelle indépendance et voir ses compétences étendues à la sphère privée. Soulignant qu'une telle proposition présentait l'avantage de répondre aux objections formulées par le Sénat sur l'éventuelle coïncidence des champs de compétence entre les deux institutions, sans pour autant ôter à la nouvelle institution son caractère indépendant, la rapporteuse a en conséquence suggéré d'élargir le champ de compétence du Médiateur des enfants à la sphère privée, tout en prévoyant des procédures de collaboration avec le Médiateur de la République pour les affaires relevant de la sphère publique. Elle a considéré qu'une telle proposition permettrait d'établir un bon équilibre, capable de répondre aux préoccupations du Sénat, et de faciliter ainsi une adoption rapide d'un texte essentiel pour assurer la défense effective des droits de l'enfant au sein de la République.

M. Jacques Floch a souligné que la proposition de loi présentée par le Président de l'Assemblée nationale répondait à la nécessité de doter la France d'une institution chargée d'assurer la défense des droits des enfants en toute indépendance ; c'est pourquoi il a considéré qu'il n'était pas souhaitable qu'elle soit rattachée au Médiateur de la République dont la fonction est différente. Il s'est déclaré favorable à l'appellation de « Défenseur des enfants » proposée par la rapporteuse, tout en admettant qu'elle pouvait ne pas paraître très heureuse.

Après s'être félicité que la rapporteuse se soit prononcée en faveur d'une indépendance de l'institution vis-à-vis du Médiateur de la République et d'un élargissement de sa compétence aux réclamations relevant de la sphère privée, M. Gérard Gouzes a exprimé des réserves sur la nouvelle appellation proposée, qu'il a jugée peu opportune parce qu'inspirée de certaines terminologies judiciaires, elle mettrait davantage en exergue la vulnérabilité des enfants. Tout en comprenant le souci du Médiateur de la République de ne pas voir sa dénomination banalisée, il a fait observer qu'il n'en avait pas le monopole et qu'il s'agissait, jusqu'à nouvel ordre, d'un nom commun et non d'un nom propre. Il a donc exprimé sa préférence pour le titre de Médiateur des enfants.

M. Bernard Birsinger a regretté la lenteur avec laquelle le Sénat a examiné cette proposition, ainsi que sa frilosité qui l'a conduit à placer cette institution sous la tutelle du Médiateur de la République. Aussi s'est-il félicité que la rapporteuse ait proposé d'en restaurer l'indépendance. Après avoir souligné que l'apport de la convention internationale des droits de l'enfant - dont on vient de célébrer le dixième anniversaire - consistait à considérer l'enfant, non plus comme un objet de droit, mais comme un sujet de droit, il s'est interrogé sur le mécanisme permettant de renvoyer au Médiateur de la République les réclamations relevant de la sphère publique lorsqu'elles présentent un caractère « sérieux ». Il a déclaré qu'il pouvait accepter le changement de dénomination de la nouvelle institution à condition que celle-ci bénéficie de prérogatives équivalentes à celles du Médiateur de la République pour les conflits opposant des enfants à des organismes exerçant une mission de service public. Sur ce point, il a rejeté toute forme de tutelle du Médiateur sur la nouvelle autorité. Il a, par ailleurs, considéré qu'il fallait permettre la saisine collective du Médiateur des enfants par des associations.

M. François Colcombet a précisé que le termes de médiateur et de défenseur n'étaient pas synonymes, le premier renvoyant à une fonction d'arbitrage, tandis que le second impliquait davantage une prise de position en faveur d'une partie. Il a ensuite souligné l'intérêt du dispositif proposé qui vise à mieux articuler les compétences de la nouvelle institution avec celles du Médiateur de la république.

M. Roger Franzoni a considéré que la différence terminologique entre le mot « Défenseur » et le mot « Médiateur » était importante et jugé que la première appellation était pertinente dès lors que l'on considérait que les enfants ont besoin d'être défendu. Il s'est par ailleurs interrogé sur le point de savoir si la nouvelle institution était compétente uniquement pour les enfants ou pour l'ensemble des mineurs et si elle pouvait intervenir en cas de conflit entre parents et enfants. Il a estimé dans ce cas que le mécanisme de saisine directe risquait de poser de nombreux problèmes.

M. Alain Vidalies a souligné que de nombreuses institutions étaient déjà en charge de la défense des droits de l'enfant, citant notamment les services d'aide à l'enfance des conseils généraux et insistant sur le développement récent des avocats intervenant dans le cadre de la défense des enfants. Il a jugé que l'appellation de « Défenseur » risquait d'entraîner des confusions sources de difficultés majeures.

M. Claude Goasguen a souhaité connaître les moyens qui seraient mis à la disposition de la nouvelle institution. Jugeant la question de la dénomination secondaire, il s'est interrogé sur les relations qui se tisseraient entre la nouvelle institution et l'administration du Médiateur. Il a considéré que la nouvelle rédaction de la proposition de loi en modifiait profondément l'esprit et s'éloignait des intentions initiales. Faisant observer que l'équité était un principe auquel il était de plus en plus fréquemment fait référence dans le droit contemporain et soulignant qu'il existait à ce titre de nombreux médiateurs, il a estimé que le Médiateur de la République ne disposait pas du monopole du titre. Il a donc jugé qu'il n'était pas opportun de retenir la dénomination de « Défenseur » pour la nouvelle autorité indépendante dans la mesure où celle-ci avait pour vocation première l'exercice d'une fonction de médiation.

Tout en observant que les querelles de terminologie étaient souvent secondaires, Mme Catherine Tasca, présidente, a considéré que retenir pour la nouvelle institution la dénomination de Médiateur risquait d'entraîner une confusion avec le Médiateur de la République et d'ouvrir la voie à une segmentation de la fonction de médiature. Elle a donc jugée préférable l'appellation de défenseur, ajoutant qu'elle reflétait bien, en outre, le fait que les enfants « ne jouent pas à armes égales ». Soulignant que l'institution serait ce que son titulaire en ferait, elle a insisté sur la nécessité d'obtenir du Gouvernement des engagements fermes sur les moyens dont elle bénéficierait. Elle a enfin considéré que la nouvelle autorité ne devait pas être subordonnée au Médiateur de la République et qu'il était indispensable de pouvoir donner aux enfants un droit à la parole.

En réponse aux différents intervenants, Mme Claudine Ledoux, rapporteuse, a précisé que la proposition de loi soumise à l'Assemblée nationale en deuxième lecture était plus audacieuse que le texte initial puisque les compétences de la nouvelle institution étaient élargies à la sphère privée, ce qu'elle a jugé important dans la mesure où les problèmes rencontrés par les enfants relèvent souvent de ce domaine. Elle a ensuite plaidé pour la dénomination de défenseur des enfants, soulignant qu'elle était beaucoup plus compréhensible pour les enfants, et a estimé que, s'il convenait de se prémunir d'un amalgame, c'était moins avec la terminologie judiciaire qu'avec le Médiateur de la République. Après avoir précisé qu'un amendement présenté par le Gouvernement devrait permettre à cette nouvelle institution de disposer de moyens, la rapporteuse a précisé le dispositif applicable aux réclamations intéressant la sphère publique dès lors qu'elles présentent un caractère sérieux : elle a indiqué qu'elles seraient transmises par le Défenseur au Médiateur qui aura la charge de l'instruction du dossier et avisera le Défenseur des suites données à sa saisine afin que celui-ci en informe les enfants. Elle a enfin insisté sur le fait qu'il n'y aurait pas de tutelle du Médiateur sur le Défenseur mais bien plutôt une collaboration entre deux autorités indépendantes, dotées de compétences propres.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Avant l'article premier :

La Commission a rejeté un amendement de M. José Rossi instituant un « Délégué général à l'enfance » placé auprès du Médiateur de la République, la rapporteuse ayant indiqué qu'elle y était défavorable parce qu'il plaçait la nouvelle autorité dans une situation subordonnée par rapport à la médiature.

Article premier : Institution du Médiateur des enfants :

La Commission a été saisie d'un amendement de la rapporteuse visant à rétablir le caractère indépendant de la nouvelle autorité, à la dénommer « Défenseur des enfants » et à en élargir la compétence pour les litiges relevant du droit privé. M. Gérard Gouzes a présenté un sous-amendement tendant à modifier la dénomination de la nouvelle institution en maintenant la terminologie de « Médiateur des enfants ». Malgré l'opposition de la rapporteuse, la Commission a adopté ce sous-amendement avant d'adopter l'amendement donnant à l'article 1er une nouvelle rédaction.

Article 2 : Nomination :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse revenant pour les modalités de nomination de la nouvelle autorité indépendante au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Article 3 : Examen des réclamations et pouvoirs de recommandation :

La Commission a été saisie d'un amendement de la rapporteuse définissant les modalités d'examen des réclamations par le Médiateur des enfants et précisant ses pouvoirs d'investigation et de recommandation. Elle a indiqué que cette nouvelle rédaction permettait d'améliorer l'articulation des compétences du Médiateur des enfants avec celles du Médiateur de la République puisque ces deux autorités devaient conclure une convention en vue de définir les modalités de leur collaboration. Elle a, par ailleurs, précisé que la nouvelle institution serait compétente pour l'examen des conflits relevant du droit privé et qu'elle disposerait d'un large pouvoir de proposition dans le domaine des droits de l'enfant. La Commission a adopté cet amendement donnant à l'article 3 une nouvelle rédaction.

Article 3 bis : Information de l'autorité judiciaire :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse précisant les modalités d'information de l'autorité judiciaire et des services compétents du conseil général par la nouvelle autorité et l'article 3 bis ainsi rédigé.

Article 4 : Promotion des droits de l'enfant et rapport annuel :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse rétablissant les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture relatives à la promotion des droits de l'enfant et à la publication d'un rapport annuel par le Médiateur des enfants et l'article 4 ainsi rédigé.

Article 4 bis : Rapport annuel :

La Commission a adopté un amendement de la rapporteuse supprimant cet article devenu sans objet du fait de la nouvelle rédaction proposée pour l'article 4.

Article 8 : Computation des délais de recours contentieux :

La Commission a adopté un amendement présenté par la rapporteuse rédigeant l'article afin de supprimer l'introduction, dans la loi du 3 janvier 1973, des dispositions selon lesquelles les réclamations adressées au Médiateur des enfants n'interrompent pas les délais de recours contentieux.

Article 12 : Application au Médiateur des enfants de certaines dispositions relatives au Médiateur de la République :

La Commission a adopté un amendement de rédaction globale de l'article, présenté par la rapporteuse, et proposant une rédaction plus simple et plus lisible des dispositions permettant d'assurer l'indépendance du Médiateur des enfants et de lui reconnaître des prérogatives propres à ses fonctions. La rapporteuse a ajouté que cette rédaction, revenant sur la proposition du Sénat, ne faisait plus référence à la loi du 3 janvier 1973 précitée.

Après l'article 12 :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 1 du Gouvernement prévoyant les modalités de financement de la nouvelle institution ; après que la rapporteuse eut indiqué qu'une telle proposition permettait de répondre aux objections soulevées par M. Claude Goasguen sur l'absence de moyens dont pourrait souffrir la nouvelle institution mise en place, la Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. José Rossi obligeant les ministres, les autorités et agents publics à collaborer avec le Médiateur des enfants, la rapporteuse ayant fait valoir que de telles dispositions concernaient les relations du Médiateur des enfants avec les autorités publiques et relevaient désormais, avec l'adoption de l'amendement rédigeant l'article 3, d'une convention établie entre le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants. Elle a enfin adopté un amendement présenté par la rapporteuse permettant de sanctionner l'utilisation abusive du nom de médiateur des enfants dans des documents de propagande ou de publicité.

La Commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

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* *

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Thierry Mariani, la proposition de loi modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française (n° 1815).

M. Thierry Mariani a rappelé, à titre liminaire, que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, plus de 20 000 légionnaires étaient morts pour la France et près de 40 000 avaient été blessés et a fait valoir que la Légion étrangère était un corps d'élite engagé dans nombre d'opérations à haut risque. Après avoir précisé que, de 1988 à 1999, 82 légionnaires avaient été blessés, dont 53 étrangers, ce qui correspond à environ 5 légionnaires étrangers blessés par an, il a souligné que ces chiffres pourraient augmenter de manière sensible en cas de crises. Il a ensuite indiqué que le droit actuel ne permettait pas aux légionnaires blessés de bénéficier de plein droit de la nationalité française, mais leur donnait seulement la possibilité d'être naturalisés par une décision résultant du bon vouloir de l'autorité publique, la procédure étant la même pour les légionnaires qui n'ont pas été blessés au combat.

Evoquant les propositions de loi déposées sur ce sujet, le rapporteur a cité, outre son texte déposé le 26 mai, les trois propositions de MM. Lionnel Luca, Claude Goasguen et Charles Cova enregistrées le 22 septembre dernier, qui ont pour objet de conférer la nationalité française de plein droit à l'étranger engagé dans les armées françaises et qui est blessé au cours d'un engagement opérationnel. Il a ensuite indiqué que, lors de la conférence des Présidents du 9 novembre, le groupe RPR avait demandé à ce que la proposition de M. Charles Cova soit inscrite à la séance réservée à l'ordre du jour fixé par l'Assemblée du 30 novembre, la proposition de loi déposée par le groupe socialiste tendant à conférer par décret, sur proposition du ministre de la défense, la nationalité française aux légionnaires blessés ayant, quant à elle, été déposée le 16 novembre.

M. Thierry Mariani a ensuite insisté sur l'importance de parvenir à l'élaboration d'un texte consensuel dépassant les clivages politiques, qui témoigne de la reconnaissance de la Nation à des soldats, certes étrangers, mais qui se sont engagés au service de la France et qui ont été blessés, voire tués, en la servant. Il a évoqué les personnes qu'il avait rencontrées dans le cadre de la préparation de son rapport, citant le Général Grail, commandant la Légion étrangère, M. Pierre Messmer et le Général Coullon, respectivement président d'honneur et président de la Fédération des sociétés d'anciens de la Légion étrangère. Il a observé que les textes proposés par l'opposition, qui prévoient l'attribution automatique de la nationalité française aux légionnaires blessés, soulevaient un certain nombre de difficultés, liées notamment à la nature des blessures et des interventions considérées. Présentant l'économie générale du dispositif qu'il propose, il a fait valoir que ce dernier s'inspirait de toutes les propositions déposées, notamment de la proposition de M. Robert Gaïa et des membres du groupe socialiste, qui est le fruit de réunions interministérielles conduites sur ce sujet. Il a expliqué que son texte proposait que la nationalité soit conférée de plein droit et non par naturalisation, par décision de l'autorité publique, à l'étranger qui en fait la demande, à condition que celui-ci se soit engagé dans les armées et ait été blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel, ce qui permettrait d'inclure notamment les interventions au titre du plan Vigie-Pirate ou de la sécurité civile. Il a ajouté que le ministre de la défense serait associé à la procédure, comme le prévoit la proposition de M. Robert Gaïa, ce qui permettra de laisser une marge d'appréciation sur la nature et les circonstances de la blessure et la manière de servir du légionnaire étranger, l'attribution de la nationalité française étant liée à un comportement conforme aux principes en vigueur au sein de la Légion étrangère. Il a alors précisé que l'intervention du ministre ne serait pas systématique, afin de ne pas affaiblir le principe de l'acquisition de plein droit de la nationalité française, mais que cette dernière serait conférée aux légionnaires blessés sauf avis contraire du ministre dans un délai d'un mois. Il a enfin déclaré que les enfants d'un légionnaire mort en engagement opérationnel pourraient également acquérir la nationalité française, comme le prévoient les propositions de MM. Claude Goasguen et Robert Gaïa.

En conclusion, le rapporteur a estimé que le texte proposé permettait d'aboutir à un équilibre, soulignant qu'il était néanmoins ouvert à l'examen d'amendements pouvant l'améliorer, notamment sur la durée du délai pendant lequel le ministre de la défense pourrait émettre un avis défavorable.

Considérant qu'il ne s'agissait pas là d'un texte mineur, notamment au regard des polémiques qu'il avait soulevées, M. Claude Goasguen s'est déclaré profondément choqué par l'attitude de la Chancellerie à l'égard des demandes faites par les légionnaires et, notamment l'un des plus éminents, M. Pierre Messmer, ancien premier ministre et officier de cette arme. Estimant que l'opinion française avait été également choquée par ces comportements, il a regretté que le Gouvernement n'ait pas réagi, reconnaissant qu'en revanche quelques députés socialistes avaient entendu répondre aux demandes des légionnaires. Jugeant qu'il s'agissait d'une question d'honneur et d'un problème humain méritant l'attention des parlementaires, il a observé que le texte proposé, qui susciterait sans doute un consensus, devrait néanmoins comporter une disposition prévoyant l'automaticité de la naturalisation française des enfants des légionnaires morts sur les champs d'opérations. Il a jugé que la France s'honorerait en adoptant une telle disposition. Indiquant qu'il aurait préféré également un dispositif automatique pour les légionnaires blessés, il a acquiescé à l'idée que les officiers puissent avoir un droit de regard sur la procédure, notamment au regard de la manière de servir des légionnaires. Il a souhaité néanmoins que le ministre de la défense ne soit pas mis dans la situation d'avoir à se prononcer de manière négative sur de telles demandes de naturalisation et que la procédure soit adaptée en ce sens. Enfin, considérant que la présomption du sang versé doit toujours l'emporter sur les doutes en matière de filiation, il a demandé que les enfants des légionnaires morts aient, pour le moins, les mêmes droits que les enfants des immigrés en ce domaine.

M. Roger Franzoni a jugé qu'il fallait prendre en compte le cas où des enfants des légionnaires morts en opération ne souhaitaient pas acquérir la nationalité française.

Faisant savoir qu'il n'était pas favorable, par principe, à la culture du consensus, M. Robert Gaïa a indiqué que les propositions faites par les députés socialistes s'adressaient à tous les militaires étrangers engagés dans les armées françaises. Il a constaté que, jusqu'à aujourd'hui, il existait déjà, en matière de nationalité, des règles spécifiques pour les militaires de la Légion. Il a observé également qu'en droit, la notion d'opération n'existait pas en tant que telle et que le code des pensions militaires d'invalidité renvoyait à la notion de service. Il s'est, par ailleurs, déclaré défavorable à une intervention a posteriori du ministre de la défense dans le traitement des demandes de naturalisation qui le contraindrait à émettre parfois des avis négatifs, ce qui semblerait paradoxal pour un texte qui entend rendre hommage au dévouement des légionnaires. Il a rappelé également que c'est la commission des Lois du Sénat qui avait demandé le retrait de l'amendement présenté par l'amiral Philippe De Gaulle sur l'automaticité de l'octroi de la nationalité aux légionnaires blessés. Il a ajouté qu'il déposerait un amendement en ce sens. Enfin, il s'est déclaré favorable à l'automaticité de la naturalisation des enfants des légionnaires morts en opérations, constatant cependant qu'il existait parfois des difficultés réelles pour établir les filiations.

M. François Colcombet a tout d'abord observé que les légionnaires présentaient parfois des antécédents qui pourraient rendre nécessaire le filtrage de leur demande de naturalisation. Il a indiqué également que l'engagement dans la Légion pouvait se faire sous une identité corrigée, ce qui, pour le traitement des demandes de naturalisation, pouvait conduire à des difficultés. Il a constaté que, par ailleurs, les enfants des légionnaires naturalisés avaient, quant à eux, la possibilité d'accéder à la nationalité française dans les conditions de droit commun. En conclusion, il s'est déclaré favorable à ce que des facilités soient instituées en la matière, sous réserve des contrôles nécessaires.

En réponse aux différentes interventions, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  De 1995 à 1998, 96 à 98 % des demandes de naturalisation de légionnaires ont été acceptées. On a pu observer aussi quelques cas de légionnaires qui refusaient de devenir français.

-  Le recrutement de la Légion a changé depuis les guerres d'Indochine et d'Algérie. En 1998, environ 900 légionnaires ont été engagés sur 5 000 candidats, sachant que les personnes condamnées pour des crimes de sang et des infractions liées aux stupéfiants sont systématiquement écartées. La plupart d'entre eux sont originaires de l'Europe de l'Est.

La Commission a ensuite été saisie d'un texte proposé par le Rapporteur et de trois amendements présentés par M. Robert Gaïa.

Le Rapporteur a rappelé que l'article 1er de son texte avait pour objet de conférer la nationalité française par décret, sauf avis contraire du ministre de la défense, à tout étranger engagé dans les armées françaises et blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel qui en fait la demande tandis que les articles 2 et 3 procédaient à des coordinations. M. Claude Goasguen a déclaré qu'il soutiendrait le texte du rapporteur, tout en s'interrogeant sur l'opportunité de conditionner l'acquisition de la nationalité par les enfants d'un légionnaire décédé à leur résidence en France. M. Robert Gaïa a indiqué que son premier amendement prévoyait également de conférer la nationalité française par décret à tout étranger engagé dans les armées françaises et blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel, mais sur proposition du ministre de la défense, et étendait cette faculté aux enfants du légionnaire décédé, ses deux autres amendements tirant les conséquences de ces principes.

En réponse à M. Robert Gaïa qui s'inquiétait de savoir dans quelles conditions les enfants d'un légionnaire naturalisé pouvaient devenir français, le rapporteur a précisé que, aux termes de l'article 22-1 du code civil, l'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, dès lors que son nom est mentionné dans le décret de naturalisation, devient Français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent.

Le rapporteur ayant indiqué qu'il se ralliait au principe d'une proposition du ministre de la défense, et qu'il acceptait en conséquence de modifier la rédaction du deuxième alinéa de l'article 1er du texte qu'il proposait, la Commission a adopté la proposition de loi dans le texte du rapporteur, ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. Raymond Forni, rapporteur :

- pour la proposition de résolution n° 1883 tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire chargée de déterminer les circonstances qui ont permis à Maurice Papon de ne pas être mis sous contrôle judiciaire et de se soustraire à l'obligation de se constituer prisonnier ;

- pour la proposition de résolution n° 1841 tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public pénitentiaire dans le département de la Réunion.

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