Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 57

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 14 juin 2000
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi constitutionnelle portant modification de l'article 6 de la Constitution (n° 2462) (amendements)


2

- Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine (n° 2034), et propositions de loi nos 2435 et 1295 de Mme Catherine Picard, 2213 de M. Jean Tiberi, 2291, 2156 et 1511 de M. Eric Doligé, 2151, 842 et 402 de M. Jean-Pierre Brard, et 376 de M. Pierre Albertini relatives aux sectes (rapport)






3

- Propositions de loi organique de M. Emile Vernaudon relative à l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française (n° 2329), destinée à améliorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynésie française (n° 1448) de MM. Michel Buillard et Dominique Perben tendant à modifier la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française (n° 2410) (rapport)





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- Informations relatives à la Commission

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Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Gérard Gouzes, les amendements au projet de loi constitutionnelle portant modification de l'article 6 de la Constitution (n° 2462).

Article additionnel après l'article unique :

La Commission a repoussé les amendements nos 41 et 42 de M. Jacques Brunhes tendant à compléter l'article 24 de la Constitution afin, d'une part, de préciser que le Parlement vote la loi, en évalue les résultats et contrôle l'action du Gouvernement et, d'autre part, de prévoir l'élection des députés à la représentation proportionnelle et d'interdire la dissolution de l'Assemblée nationale dans l'année suivant l'élection du Président de la République. Elle a ensuite repoussé l'amendement n° 43 de M. Jacques Brunhes tendant à compléter l'article 35 de la Constitution par un alinéa imposant au Gouvernement de faire une déclaration devant le Parlement suivie d'un débat et d'un vote, sur toute intervention des forces armées françaises à l'extérieur de la République. Elle a également repoussé l'amendement n° 44 de M. Jacques Brunhes complétant l'article 37 de la Constitution, afin de donner à l'Assemblée nationale un pouvoir d'injonction à l'égard du Gouvernement lorsqu'il n'a pas pris les décrets d'application nécessaires à la mise en _uvre d'une loi un an après sa promulgation.

Puis, la Commission a repoussé l'amendement n° 45 de M. Jacques Brunhes donnant une nouvelle rédaction à l'article 39 de la Constitution afin de rendre obligatoire, dans un délai de six mois, l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de toute proposition de loi émanant d'au moins 2 % des électeurs inscrits et à l'ordre du jour de la commission compétente de toute proposition d'origine parlementaire. Elle a également repoussé l'amendement n° 46 de M. Jacques Brunhes tendant à supprimer l'article 40 de la Constitution relatif à la recevabilité financière des propositions et amendements formulés par les membres du Parlement. Elle a ensuite repoussé les amendements nos 48 et 49 de M. Jacques Brunhes tendant à compléter l'article 48 de la Constitution, afin de prévoir qu'une séance par semaine est réservée par priorité aux propositions de loi, de résolution ou de débats présentées par les différents groupes à la représentation proportionnelle et que les projets et propositions adoptés par une assemblée sont inscrits à l'ordre du jour de l'autre assemblée dans un délai d'un mois.

Puis la Commission a repoussé l'amendement n° 51 de M. Jacques Brunhes complétant l'article 52 de la Constitution, relatif aux compétences du Président de la République en matière de traités et accords internationaux, afin de préciser que l'Assemblée nationale exerce un contrôle régulier de l'activité internationale de l'Etat. Enfin, elle a repoussé l'amendement n° 53 de M. Jean-Claude Lefort complétant l'article 88-4 de la Constitution, relatif à l'examen des projets et propositions d'actes communautaires par les assemblées, afin de renvoyer à une loi organique le soin de définir les conditions dans lesquelles le Gouvernement négocie ces textes au sein du Conseil européen, dans le respect des orientations définies par le Parlement, auquel il rend compte de ces négociations.

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La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Catherine Picard, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine (n° 2034), et les propositions de loi nos 2435 et 1295 de Mme Catherine Picard, 2213 de M. Jean Tiberi, 2291, 2156 et 1511 de M. Eric Doligé, 2151, 842 et 402 de M. Jean-Pierre Brard, et 376 de M. Pierre Albertini relatives aux sectes.

Mme Catherine Picard, rapporteuse, a rappelé que la lutte contre les mouvements sectaires avait mobilisé diverses associations, les parlementaires et le pouvoir exécutif, à travers l'Observatoire puis la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, l'objectif étant d'améliorer l'information du public sur les dangers que représentent les sectes, notamment pour l'intégrité physique de la personne et le développement harmonieux de l'enfant. Elle a indiqué qu'elle avait cherché à effectuer un travail de synthèse entre la proposition de loi adoptée par le Sénat, les dix propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale et les réflexions du groupe d'études sur les sectes, afin de permettre la dissolution des organismes sectaires qui ont fait l'objet de condamnations judiciaires, d'étendre la responsabilité des personnes morales en cas d'atteintes aux libertés publiques et de créer un délit de manipulation mentale. Elle a tenu à souligner que l'objectif des parlementaires était de permettre le respect des libertés publiques et non de porter atteinte à la liberté d'association. Elle a estimé, à cet égard, que la dissolution judiciaire semblait plus adaptée que la dissolution administrative proposée par le Sénat.

Après s'être félicité de l'examen de ces propositions de loi, qui doivent permettre de renforcer la législation actuelle, M. Philippe Vuilque a indiqué que le Parlement réfléchissait depuis longtemps à ces questions, rappelant l'existence de deux commissions d'enquête qui ont mené leurs travaux sous la précédente et l'actuelle législatures. Tout en reconnaissant que les mouvements sectaires ont tendance à perdre de leur influence, grâce au travail d'information mené par les pouvoirs publics, il a observé qu'ils comptaient encore entre 100 000 et 150 000 adeptes et fait état de la réticence des victimes à porter plainte. Il a souligné que la façade religieuse derrière laquelle s'abritent les organisations sectaires constituait l'un des obstacles principaux de la lutte contre les sectes, même si la déclaration des droits de l'homme de 1789 précise bien que la liberté religieuse ne peut s'exercer que dans le respect de l'ordre public. Il s'est réjoui de la création du délit de manipulation mentale, estimant qu'il devrait permettre de protéger les personnes les plus faibles et rappelant que la commission d'enquête sur les sectes et l'argent avait souhaité un débat approfondi sur ce point.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Avant l'article 1er : Insertion d'une division et d'un intitulé :

La Commission a adopté un amendement, présenté par la rapporteuse, insérant une division et un intitulé nouveaux : « Chapitre premier : Dissolution civile de certaines personnes morales ».

Article 1er : Dissolution des groupements à caractère sectaire :

La Commission a examiné un amendement présenté par la rapporteuse, substituant à la procédure de dissolution administrative, par décret du Président de la République en Conseil des ministres, des groupements sectaires ayant fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, proposée par le Sénat, une procédure de dissolution civile devant le tribunal de grande instance. Considérant que la mise en place d'une procédure de ce type était effectivement souhaitable, la rapporteuse a cependant estimé que l'utilisation, à cet effet, de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privés, n'était pas opportune. Elle a jugé préférable d'avoir recours à la voie judiciaire, qui présente toutes les garanties nécessaires en termes de respect des droits de la défense et de débat contradictoire. La Commission a adopté cet amendement, puis l'article 1er ainsi modifié.

Après l'article 1er : Insertion d'une division et d'un intitulé :

La Commission a adopté un amendement, présenté par la rapporteuse, insérant une division et un intitulé nouveaux : « Chapitre II : Extension de la responsabilité pénale des personnes morales à certaines infractions ».

Article 2 (art. L. 376 et L. 517 du code de la santé publique) : Extension de la responsabilité pénale des personnes morales à l'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie :

La Commission a examiné un amendement n° 1 présenté par M. Jean-Pierre Brard tendant à améliorer le dispositif proposé par le Sénat pour étendre la responsabilité pénale des personnes morales à l'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie et à compléter cette mesure en aggravant les sanctions encourues par une personne physique qui se rendrait coupable de cette infraction. La rapporteuse a rappelé que le discours des groupements sectaires est souvent dominé par les approches de la maladie, du soin et de la guérison, et a donc jugé qu'il convenait effectivement de réprimer plus sévèrement les infractions commises dans ce domaine. La Commission a adopté cet amendement, puis l'article 2 ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 2 (Art. L. 213-6 du code de la consommation, 131-39, 132-12, 221-5-1, 222-6-1, 222-16-1, 222-18-1, 222-33-1, 223-7-1, 223-15-1, 225-18-1, 227-4-1 et 227-17-2 du code pénal) : Extension de la responsabilité pénale des personnes morales :

La Commission a adopté onze amendements tendant à étendre le champ de la responsabilité pénale des personnes morales : aux délits de publicité mensongère et de fraudes, aux menaces et aux atteintes au respect dû aux morts (amendements nos 2, 3 et 4 du Gouvernement) ; aux atteintes volontaires à la vie, aux tortures et actes de barbarie, aux violences, aux viols et autres agressions sexuelles, à l'entrave aux mesures d'assistance et l'omission de porter secours, à la provocation au suicide, à l'abandon de famille et aux infractions de mise en péril des mineurs (amendements de la rapporteuse).

Elle a ensuite adopté deux amendements, nos 5 et 6, présentés par le Gouvernement, tendant à faciliter le prononcé, par le juge répressif, à l'encontre d'une personne morale déclarée coupable d'un crime ou d'un délit, d'une peine de dissolution.

Avant l'article 3 : Insertion d'une division et d'un intitulé :

La Commission a adopté un amendement, présenté par la rapporteuse, insérant une division et un intitulé nouveaux : « Chapitre III : Dispositions concernant la peine de dissolution encourue par les personnes morales pénalement responsables ».

Article 3 (art. 8 de la loi du 1er juillet 1901) : Sanctions en cas de reconstitution d'une association dissoute :

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Articles additionnels après l'article 3 (art. 434-43 et 434-47 du code pénal) : Sanctions en cas de reconstitution d'une personne morale dissoute :

La Commission a adopté deux amendements présentés par la rapporteuse prévoyant des sanctions pénales en cas de reconstitution d'une personne morale ayant fait l'objet d'une procédure de dissolution.

Elle a ensuite adopté un amendement, présenté par la rapporteuse, insérant une division et un intitulé nouveaux : « Chapitre IV : Dispositions limitant l'installation ou la publicité des groupements sectaires ».

Puis elle a examiné un amendement présenté par la rapporteuse tendant à permettre aux maires d'interdire l'installation des groupements sectaires qui ont fait l'objet de condamnations pénales dans un périmètre situé à cent mètres de certains établissements, scolaires et hospitaliers notamment. M. Dominique Perben s'est interrogé sur le caractère opératoire de cette disposition, dont il a craint qu'elle n'entraîne de nombreux contentieux. Mme Martine David à également émis des doutes sur l'applicabilité du dispositif proposé, tout en considérant qu'il était nécessaire de combler une lacune de la législation en vigueur, qui ne permet pas de préserver les mineurs et les personnes fragiles de l'influence de certains groupements sectaires. M. Jean-Yves Caullet, après avoir lui aussi approuvé l'orientation de cette mesure, s'est demandé s'il ne serait pas préférable de viser les activités des groupement sectaires, plutôt que leur installation. M. Jean-Pierre Brard a souhaité savoir si cet article permettrait aux maires de refuser un permis de construire à des associations à caractère sectaire. Il a jugé, toutefois, que cette disposition serait, en tout état de cause, particulièrement utile aux élus, qui pourraient, sur son fondement, s'opposer à l'installation des groupements sectaires à proximité des établissements visés ; il a cependant souhaité que le périmètre de cent mètres proposé par l'amendement soit porté à 300 mètres. La rapporteuse a observé qu'une mesure semblable figurait déjà dans notre législation à l'encontre des établissements dont l'activité principale est la vente ou la mise à disposition au public de publications interdites aux mineurs de dix-huit ans. Elle a ajouté qu'une interdiction des activités sectaires elles-mêmes supposerait au préalable qu'elles puissent être définies en droit, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui, bien qu'une réflexion soit engagée dans ce sens. Le Président a considéré que cette disposition ne permettrait pas de refuser l'octroi d'un permis de construire, ajoutant qu'un maire pourrait, en revanche, s'opposer à l'installation effective d'un groupement sectaire. Il a toutefois souhaité que la réflexion se poursuive d'ici à la prochaine réunion de la Commission afin d'améliorer le dispositif proposé. Il a suggéré de réfléchir, en particulier, à la taille du « périmètre de sécurité », qui semble avoir été déterminé en référence à des milieux urbains, à la portée de la mesure à l'encontre des groupements déjà installés, et au fait déclencheur de l'interdiction. Sous ces réserves, la Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement de la rapporteuse tendant à sanctionner la diffusion par des groupements sectaires ayant fait l'objet de condamnations pénales définitives, de messages à destination de la jeunesse.

Elle a également adopté trois amendements de la rapporteuse ayant respectivement pour objet d'insérer une division et un intitulé nouveaux : « Chapitre V : Dispositions instituant un délit de manipulation mentale », de définir ce délit et de lui rendre applicable les peines complémentaires prévues par l'article 225-19 du code pénal, la rapporteuse ayant rappelé que la commission d'enquête sur les sectes et l'argent avait souhaité que soit engagée une concertation sur la possibilité de définir un délit de cette nature partant du constat que de telles dispositions seraient de nature à faciliter la défense des victimes, les dispositions du code pénal relatives à l'abus de faiblesse se limitant actuellement à sanctionner les préjudices matériels subis par des personnes dont la faiblesse est objective.

Après avoir adopté un amendement de la rapporteuse insérant dans la proposition de loi une division et un intitulé nouveaux : « Chapitre VI : Dispositions diverses », elle a adopté l'amendement n° 7 du Gouvernement précisant dans l'article 2-17 du code de procédure pénale, introduit par la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, adoptée définitivement le 30 mai 2000, que seules les associations de lutte contre les sectes reconnues d'utilité publique peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, ainsi qu'un amendement de la rapporteuse modifiant la rédaction de cet article afin d'assurer sa coordination avec les dispositions de la présente proposition de loi. Puis la Commission a adopté l'amendement n° 8 du Gouvernement étendant l'application de la loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna ainsi qu'à Mayotte.

Titre :

La Commission a été saisie d'un amendement de la rapporteuse modifiant le titre de la proposition de loi pour préciser qu'elle tend « à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire », M. Jean-Pierre Brard a souligné l'importance de cet amendement, qu'il a jugé conforme aux démarches des précédentes commissions d'enquêtes sur les sectes, faisant observer que, sans qu'il soit encore question de définir les sectes, pour la première fois, un texte législatif employait l'adjectif « sectaire ». M. Bernard Roman a précisé que des circulaires avaient déjà eu recours à cette qualification, tandis que M. Dominique Bussereau exprimait des réserves sur l'emploi du terme « répression ». Puis la Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

* *

Après avoir désigné M. Jean-Yves Caullet comme rapporteur des propositions de loi organique n° 1448 de M. Emile Vernaudon destinée à améliorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynésie française et n° 2410 de MM. Michel Buillard et Dominique Perben tendant à modifier la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française, la Commission a procédé, sur son rapport, à leur examen ainsi qu'à celui de la proposition de loi n° 2329 de M. Emile Vernaudon relative à l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française.

Au préalable, M. Dominique Bussereau s'est élevé contre le fait qu'au cours d'une même réunion, un rapporteur soit désigné puis présente le texte aux membres de la Commission. Il a indiqué que son groupe saisirait la Conférence des Présidents de ces nouvelles modalités de travail qui semblent se généraliser, cette méthode critiquable ayant déjà été utilisée la semaine précédente pour le projet de loi constitutionnelle sur le quinquennat.

Après avoir observé que cette question avait déjà été évoquée en Conférence des Présidents, M. Bernard Roman, président, a rappelé que M. Jean-Yves Caullet avait été désigné, il y a plusieurs semaines, pour rapporter la proposition de loi organique de M. Emile Vernaudon relative à l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française, avant que cette proposition de loi ne soit retirée de l'ordre du jour à quarante-huit heures de la réunion de la Commission. Observant qu'il ne s'agissait, ce matin, que de le désigner également comme rapporteur des propositions de loi organique n° 1448 de M. Emile Vernaudon et n° 2410 de MM. Michel Buillard et Dominique Perben, afin que leur examen puisse être joint, il a estimé que, dans ces conditions, la désignation de M. Jean-Yves Caullet pouvait être considérée comme une simple confirmation, et jugé logique que le rapporteur ait commencé à travailler sur ces questions bien avant la réunion de la Commission. Il a néanmoins indiqué qu'il prenait acte des objections de M. Dominique Bussereau.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur, a tout d'abord constaté qu'il existait un accord entre les différentes parties prenantes sur la nécessité de prendre en compte l'évolution démographique en Polynésie française pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée territoriale. Après avoir noté que l'écart de représentation entre l'archipel le moins peuplé et les Iles-du-Vent était aujourd'hui de 3,4 alors qu'en 1985, date de la dernière réforme, il s'élevait à 2,6, il a observé que les différentes formations politiques et institutions polynésiennes, y compris le Président du gouvernement, M. Gaston Flosse, s'étaient penchées sur la question de la représentativité des membres de l'assemblée territoriale. Il a rappelé qu'à cet effet, le sénateur Flosse avait présenté une proposition de loi, adoptée par la seconde chambre, dont la constitutionnalité était cependant incertaine puisque l'Assemblée de la Polynésie française n'avait rendu son avis sur cette proposition qu'après son examen par le Sénat. Le rapporteur a considéré que trois solutions étaient envisageables pour améliorer la représentativité des conseillers territoriaux, tout en maintenant la représentation des archipels les moins peuplés. Evoquant tout d'abord la solution qui consisterait à augmenter le nombre de sièges dévolus aux Iles-du-Vent sans toucher à la représentation des autres archipels, il a constaté que, pour atteindre alors une égalité parfaite, il faudrait porter l'effectif de l'assemblée territoriale à près de cent membres, ce qui ne constitue pas une issue raisonnable. Puis, examinant la proposition qui consisterait à supprimer les cinq circonscriptions actuelles pour élire les membres de l'assemblée territoriale, à la représentation proportionnelle intégrale, dans le cadre d'une circonscription unique, il a observé que cette solution, qui répondrait le mieux au principe d'équité, ne permettrait pas de tenir compte de la particularité de la Polynésie française, dont le territoire est aussi vaste que celui du continent européen. Il a enfin mentionné la solution qui consisterait à opérer une nouvelle répartition des sièges de conseillers au sein de l'effectif actuel.

Après avoir décrit les trois principes qui pouvaient présider à la réforme, il a présenté la proposition n° 2410 de MM. Michel Buillard et Dominique Perben tendant à augmenter le nombre de conseillers pour atteindre un effectif de quarante-neuf sièges, cette mesure permettant de réduire l'écart entre l'archipel le moins peuplé et les Iles-du-Vent à 2,6, ce qui est la situation qui prévalait en 1985. Il a considéré qu'il s'agissait là d'un progrès insuffisant pour ce qui est de la situation actuelle et à venir, les évolutions démographiques pouvant atténuer très rapidement la portée de cette réforme. Concernant la circonscription unique proposée par M. Emile Vernaudon (proposition n° 2329), le rapporteur a observé que, même si elle constituait un idéal démocratique, elle ne répondait pas à la question de la représentation territoriale des archipels, à laquelle tous les élus sont sensibles. Observant que, pour remédier à cet inconvénient, l'on aurait pu envisager un mécanisme contraignant les formations politiques à présenter sur leurs listes des habitants des différents archipels, il a noté qu'un tel dispositif se heurterait au principe constitutionnel qui interdit toute distinction entre différentes catégories d'électeurs. Présentant enfin la proposition n° 1448 de M. Emile Vernaudon, déposée le 9 mars 1999, qui tend à opérer une nouvelle répartition des sièges dans le cadre de l'effectif actuel de l'assemblée territoriale, il a estimé qu'elle reposait sur une approche simple et pragmatique assurant une représentation correcte des archipels -  puisque les Iles Australes et les Iles Marquises disposeraient de deux représentants, alors que l'application d'un critère purement démographique ne leur en donnerait qu'un  - tout en rééquilibrant la répartition des sièges au bénéfice des Iles-du-Vent. Considérant que cette solution offrait une garantie pour l'avenir, qui devrait permettre de ne pas revenir trop souvent sur la répartition des sièges, il a, en conséquence, proposé à la Commission d'adopter la proposition n° 1448 de M. Emile Vernaudon.

Soulignant que la modification des modalités d'élection des membres de l'Assemblée territoriale de la Polynésie ne présentait pas seulement un caractère technique, M. Dominique Perben a souhaité qu'elle ne remette pas en cause le « pacte de vivre ensemble » des Polynésiens, alors même que ce territoire connaît de fortes tensions et qu'il est entouré de pays en situation de crise. Jugeant que la mise en place d'une circonscription unique risquait de compromettre la dynamique économique enclenchée sur l'ensemble du territoire, il a indiqué que cette réforme aboutirait à l'embrasement de certains archipels comme celui des Marquises. Tout en considérant que le souci d'améliorer l'équité de la représentation électorale était louable, il a estimé préférable de s'en tenir à la proposition de loi qu'il a présentée avec M. Michel Buillard, constatant qu'elle recueillait un large consensus en Polynésie, tant au sein de la majorité gouvernementale, que du comité économique, social et culturel, ainsi qu'auprès des élus des Marquises, seuls M. Emile Vernaudon et les indépendantistes s'opposant à cette réforme raisonnable. Il s'est interrogé sur la volonté de la majorité d'appliquer le nouveau mode de scrutin pour les prochaines échéances. Il a insisté sur les inconvénients qu'il y aurait à réduire le nombre des représentants de certaines circonscriptions, observant que, en métropole, une telle pratique ne manquerait pas de susciter des réactions. Il s'est enfin interrogé sur les conséquences de l'application d'un scrutin proportionnel dans des circonscriptions ne comptant que deux sièges, soulignant qu'il entraînerait une forte iniquité en termes de représentation.

Réagissant à ce propos, M. Bernard Roman, président, a estimé qu'à cet égard l'application du scrutin majoritaire pour pourvoir plusieurs sièges était bien plus inéquitable.

M. Dominique Bussereau a, pour sa part, rappelé qu'il convenait de préserver l'équilibre politique et social de la Polynésie française, alors même que ce territoire se trouve dans une zone connaissant de fortes tensions. Il a, par ailleurs, estimé que la majorité transgressait le principe qui interdit une modification du mode de scrutin dans le délai d'un an précédant l'élection concernée. Soulignant, en outre, que le consensus qui se dégageait en Polynésie autour de la proposition de loi de MM. Michel Buillard et Dominique Perben dépassait largement le cercle des partisans du président du gouvernement, il a indiqué que le groupe DL soutenait cette réforme raisonnable.

Après avoir noté avec satisfaction que le rapporteur avait tenu compte du principe d'équité pour élaborer ses propositions, M. Emile Vernaudon a, néanmoins, regretté que le principe d'une circonscription unique et de l'élection des membres de l'Assemblée de la Polynésie française au scrutin de liste à un tour et à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ne soit pas retenu. Se rangeant aux arguments avancés par le rapporteur sur les risques d'inconstitutionnalité que contiendrait sa proposition de loi si l'on souhaitait assurer la représentation des archipels les moins peuplés, il a déclaré se rallier au maintien de cinq circonscriptions, correspondant aux cinq archipels, mais avec une répartition différente du nombre de sièges afin de garantir une représentation plus juste de la population, certains membres de l'assemblée territoriale étant aujourd'hui élus par trois fois plus d'électeurs que d'autres. Après avoir rappelé que certains conseillers territoriaux n'avaient pas actuellement d'implantation locale réelle et que l'opposition des maires, qui doit être très fortement relativisée, tenait à la demande d'une plus grande justice dans la représentation des circonscriptions, il a indiqué qu'il se prononcerait en faveur des propositions formulées par le rapporteur.

M. Michel Buillard a noté avec satisfaction que le rapporteur avait tenu compte de la nécessité de réduire les écarts dans la représentation de la population des cinq archipels, tout en regrettant qu'il se soit finalement contenté de faire un « panaché » entre les différentes propositions de loi présentées pour rééquilibrer la répartition des sièges. Il a jugé indispensable de porter de 41 à 49 le nombre de conseillers élus pour siéger à l'Assemblée de la Polynésie française, rappelant que les deux archipels qui ont connu la plus forte croissance sont les Tuamotu et les Iles-sous-le-Vent. Après avoir souligné que les maires, les conseillers territoriaux ainsi que la société civile - par la voix du président du Conseil économique, social et culturel - étaient hostiles aux propositions formulées par le rapporteur, il a estimé que les élus concernés par la réduction du nombre de sièges auraient le sentiment d'être sanctionnés, alors même qu'ils se sont consacrés avec la plus grande énergie à leur mandat, ajoutant qu'il faudrait, en outre, tenir compte pour les futures élections de l'application du principe de parité.

En conclusion, M. Bernard Roman, président, a rappelé que le rapporteur avait été à l'écoute de toutes les formations politiques et s'était prononcé en faveur du maintien des cinq circonscriptions actuelles comme le souhaitaient la plupart d'entre elles. Il a constaté que le seul différend portait sur le nombre de conseillers et estimé que le texte pourrait être amélioré au fil des lectures, tout en soulignant les contraintes de temps, le renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française devant, en effet, avoir lieu en mai 2001.

En réponse, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  Il est nécessaire de parvenir à l'adoption d'un texte dans les meilleurs délais afin d'éviter de modifier les conditions du scrutin trop peu de temps avant les élections territoriales.

-  Dans le cadre de l'examen de cette réforme par le rapporteur, toutes les parties prenantes ont été entendues ; il ressort de ces auditions que le débat s'est focalisé autour du projet de circonscription unique, alors que la proposition n° 1448 de M. Emile Vernaudon n'a nullement suscité les manifestations dont M. Michel Buillard s'est fait l'écho.

-  La proposition n° 1448 présente quatre vertus : elle n'est pas au c_ur de la polémique actuelle et permet donc de raisonner dans un cadre apaisé ; elle assure manifestement une plus grande équité dans la représentation de la population polynésienne ; elle garantit clairement la représentation des plus petits archipels au-delà même de ce que l'application stricte du principe démographique autoriserait ; elle institue enfin un mode de répartition des sièges qui pourrait faire figure de précédent.

Suivant les conclusions de son rapporteur, la Commission a adopté un texte reprenant la rédaction de la proposition n° 1448 de M. Emile Vernaudon.

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Informations relatives à la Commission

1. La Commission a désigné M. Jean-Yves Caullet, rapporteur, pour les propositions de loi organique de M. Emile Vernaudon destinée à améliorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynésie française (n° 1448) et de MM. Michel Buillard et Dominique Perben tendant à modifier la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française (n° 2410).

2. La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2001. Ont été nommés :

Justice :

· Administration centrale et services judiciaires M. Jacques Floch

· Services pénitentiaires et protection judiciaire de la jeunesse... M. André Gerin

Intérieur :

· Police M. Louis Mermaz

· Sécurité civile M. Jean-Antoine Léonetti

· Administration générale et collectivités locales M. René Dosière

Fonction publique M. Alain Tourret

Outre-mer :

· Départements d'outre-mer M. Jérôme Lambert

· Territoires d'outre-mer M. Jean-Yves Caullet

3. La Commission a désigné M. Bernard Derosier, en qualité de titulaire et M. René Dosière, en qualité de suppléant, pour siéger au Comité des finances locales.

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