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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 28

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 janvier 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pierre Ducout, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de résolution de M. François Guillaume, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation des marchés dans le secteur du sucre (COM [2000] 604 final/n° E 1585) (n° 2817)

 

(M. Jean-Claude  DANIEL, rapporteur).

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- Examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi modifiée par le Sénat modifiant les dispositions du code de l'environnement relatives à la répression des rejets polluants des navires (2859)

 

(M. Gilbert  LE BRIS, rapporteur).

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- Informations relatives à la commission :

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La commission a d'abord examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Daniel, la proposition de résolution de M. François Guillaume (n° 2817), rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation des marchés dans le secteur du sucre (COM [2000] final/n° E 1585).

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur, a tout d'abord présenté le contexte dans lequel s'inscrivait ce projet de réforme.

Il a rappelé que la Commission européenne avait présenté, le 4 octobre dernier, un projet de réforme du règlement sucrier européen, le régime actuel de l'organisation commune de marché (OCM) n'étant applicable que jusqu'au 1er juillet 2001.

Mais, a-t-il observé, au lieu de proposer la reconduction jusqu'en 2006 du système actuel de régulation du marché du sucre, la Commission a présenté une réforme de l'OCM en deux temps : une première série de modifications substantielles s'appliquerait dès le 1er juillet 2001 avec notamment la suppression des frais de stockage et des aides au raffinage pour les producteurs ainsi que la réduction des quotas de production ; puis, à compter de 2003, une réforme d'ensemble de l'OCM serait proposée à partir d'études d'impact approfondies. Il semble cependant d'ores et déjà acquis que le système des quotas et des prix garantis serait remis en cause.

Ce régime transitoire applicable jusqu'en 2003, loin d'être un simple réaménagement technique de l'OCM, affecterait l'équilibre global de la filière sucrière et nuirait gravement à la visibilité économique de ce secteur économique où la forte intensité des investissements suppose une stabilité à moyen terme des conditions de production pour permettre un amortissement des investissements.

Le rapporteur a souligné que la Commission européenne n'apportait aucune justification économique crédible pour modifier dans la précipitation les données de base de l'OCM et qu'elle n'avait d'ailleurs réalisé aucune étude d'impact préalable pour démontrer la nécessité de ce régime transitoire.

Il a ensuite précisé que des négociations à l'échelon européen étaient en cours et que le 19 décembre 2000 une majorité qualifiée d'États membres avait rejeté la proposition de la Commission européenne et avait demandé la reconduction du régime actuel de l'OCM sucre jusqu'en 2006. Le rapporteur a estimé que ce compromis politique restait cependant fragile, notamment en raison de la présidence suédoise de l'Union européenne, la Suède étant clairement favorable à une libéralisation du marché du sucre. L'annonce d'une réforme profonde de l'OCM sucre dès 2003 pourrait être « un ballon d'essai » en vue de réformes touchant d'autres aspects de la politique agricole commune.

Il a conclu cette présentation en soulignant qu'injustifiée sur le plan économique et précipitée pour des raisons largement inavouables, cette réforme de l'OCM sucre devait être fermement rejetée.

Il a ensuite tenu à attirer l'attention des membres de la commission sur les enjeux importants de cette réforme :

- cette proposition de réforme est prématurée alors que dans le même temps la Commission propose un accès en franchise sur le marché européen des produits des pays les moins avancés (PMA), notamment du sucre. Il ne peut être question de réformer l'OCM du sucre sans connaître au préalable l'impact économique que pourrait avoir pour la filière sucrière européenne l'arrivée sur le marché européen d'importations massives de sucre en provenance des PMA en franchise de tout droit de douane et sans contingentement ;

- les accords de Berlin relatifs à la politique agricole commune prévoyaient un maintien du dispositif actuel de régulation des marchés agricoles jusqu'en 2006 ; il ne paraît donc pas cohérent de modifier l'OCM sucre avant cette échéance ;

- la proposition de réforme proposée par la Commission européenne résulte d'un intense lobbying auprès des instances communautaires des multinationales de l'agroalimentaire qui réaliseraient des économies substantielles si le prix du sucre était libéré et s'alignait sur le cours mondial actuel ;

- pour le consommateur final une forte baisse de prix du sucre serait sans conséquence, le prix de détail des produits sucrés étant beaucoup plus déterminé par les coûts de marketing et de distribution que par le coût de la matière première ;

- l'OCM sucre actuelle est d'une importance primordiale pour la stabilité de l'économie des départements d'outre-mer et toute remise en cause de l'organisation actuelle supposera des mesures compensatoires pour les départements d'outre mer.

M. François Guillaume, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, a approuvé les propos du rapporteur sur l'importance des enjeux nationaux, européens et mondiaux de la réforme de l'OCM sucre. Cette organisation du marché existe depuis 1967 à la satisfaction générale. Le système des quotas a conduit les producteurs à installer les plantations autour des usines de transformation, ce qui a permis de rationaliser la chaîne de production et développer économiquement des territoires.

Cependant, il a fait observer que les grandes entreprises agro-alimentaires internationales avaient intérêt à la suppression du système actuel d'organisation du marché pour pouvoir s'approvisionner en sucre au prix mondial, alors que le consommateur est peu sensible au bas niveau de ce cours mondial compte tenu de la faiblesse de la part du sucre dans le budget alimentaire des ménages. Ces prix mondiaux sont en fait des prix résultant de l'équilibre économique de marchés résiduels. S'aligner sur eux risquerait de conduire à des dérives productivistes comparables à celles que l'on constate dans le secteur des céréales et des oléagineux avec les organismes génétiquement modifiés.

M. François Guillaume a ensuite rappelé que la Commission européenne avait présenté une première proposition de règlement portant organisation des marchés dans le secteur du sucre, qui a été rejetée. La présidence française de l'Union européenne n'a pas pu parvenir à un accord sur la seconde proposition, dont l'Assemblée nationale est saisie, en raison des perturbations provoquées par le rejet de la première proposition. M. François Guillaume a exprimé des inquiétudes quant au devenir de ce texte sous la présidence suédoise.

Il a enfin commenté le dernier alinéa de la proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l'Union européenne qui demande au Gouvernement de tenir compte de la volonté de l'Union européenne d'ouvrir son marché intérieur aux produits des pays les moins avancés. Il a jugé qu'il s'agissait là d'une idée généreuse mais qui résistait mal à l'analyse en raison des effets pervers qu'elle induisait. En effet, la Communauté européenne achète, au prix communautaire, 1,3 million de tonnes de sucre aux pays Afrique-Caraïbes-Pacifique, ce qui correspond à 10  % du volume de la production communautaire. Ce système a rendu florissante l'économie de l'île Maurice qui vend à la Communauté européenne 600 000 tonnes de sucre par an. L'ouverture de ce système aux pays les moins avancés, qui est demandée, risque d'avoir des retombées négatives sur les achats de la Communauté européenne dans les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique. Ainsi, le Soudan, qui produit annuellement 700 000 tonnes de sucre, soit une quantité inférieure à sa consommation, sera tenté d'acheter au Brésil du sucre au prix mondial pour le réexporter vers la Communauté européenne en le présentant comme du sucre soudanais.

Rappelant que sur le marché de la banane, la Communauté européenne cherchait à éviter d'augmenter le contingent des bananes dollar, M. François Guillaume a fait valoir qu'elle devait adopter la même attitude pour le sucre. C'est pourquoi il aurait été préférable de ne pas citer les pays les moins avancés dans le dispositif de la proposition de résolution, mais d'évoquer le problème dans les considérants.

M. Léonce Deprez a jugé que l'OCM sucre était un système qui fonctionnait bien et permettait de vendre ce produit à un prix raisonnable. Evoquant le rapport spécial de la Cour des comptes sur ce sujet, il a estimé qu'il n'appartenait pas à cette instance de porter des appréciations de nature politique sur l'évolution de l'OCM sucre ; l'opportunité politique relève des seuls gouvernements et parlements et non de cours administratives ou de justice. Il a conclu que, selon lui, le système des quotas permettait d'avoir une organisation efficace du marché.

M. Pierre Micaux a fait un parallèle entre la négociation de l'OCM sucre et celle relative au marché de la banane. Il a jugé que, comme dans cette dernière, la Communauté européenne devait affronter les pressions américaines relayées par la Grande-Bretagne et qu'on pouvait se demander dans quel camp se trouvait réellement ce dernier pays.

Pour répondre à certains points évoqués par les précédents intervenants, M. Jean-Claude Daniel a tout d'abord indiqué qu'il partageait l'appréciation de M. François Guillaume sur la mention faite dans le dernier alinéa de la résolution sur l'ouverture du marché européen aux PMA.

Cette mention, qui résulte d'un amendement voté par la délégation pour l'Union européenne, attire l'attention sur l'importance de l'axe nord-sud mais elle pourrait être mal interprétée. Compte tenu de la complexité de cette question il n'a pas semblé possible d'amender le texte voté par la délégation et il a invité les membres de la commission à se référer à son rapport pour disposer d'une analyse sur la difficulté de concilier la reconduction de l'OCM sucre et l'ouverture aux importations de sucre des PMA sans droit de douane ni contingentement tarifaire.

Il a indiqué que, compte tenu de la difficulté à évaluer l'impact que pourrait avoir cette mesure en faveur des PMA pour les productions agricoles de l'Union européenne telles que la banane, le riz et le sucre, le commissaire européen Pascal Lamy avait annoncé le 17 janvier 2001 un report à 2006-2008 de l'entrée en franchise des produits agricoles sensibles, alors qu'initialement une période transitoire de trois ans seulement avait été envisagée pour ces trois produits.

Concernant le bon fonctionnement du système de l'OCM actuel souligné par M. Léonce Deprez, le rapporteur a tenu à nuancer cette appréciation. Certaines critiques justifiées ont été adressées à l'OCM notamment un manque de transparence de la formation des coûts qui a conduit à une fixation des prix garantis sans appréciation objective de l'évolution des conditions de production.

Il a aussi souligné les risques d'abus de position dominante, la moitié des quotas de l'Union européenne étant détenue par cinq producteurs de sucre.

Si l'OCM comporte des aspects contestables, ils ne justifient pas une réforme précipitée, de nouveaux mécanismes de régulation étant très complexes à définir et nécessitant des études d'impact préalables qui pourront être menées d'ici 2006.

Le rapporteur a conclu son intervention en insistant sur la nécessité de reconduire l'OCM actuel jusqu'en 2006 et a proposé d'amender le texte de la résolution pour souligner l'importance de la régulation du marché du sucre pour les départements d'outre mer.

La commission a ensuite procédé à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

Après le sixième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur soulignant l'importance de l'OCM sucre, dans sa forme actuelle, pour l'économie des départements d'outre mer.

Après le onzième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur indiquant que toute modification de l'OCM sucre, dans sa forme actuelle, entraînerait des mesures compensatoires spécifiques aux départements d'outre-mer français, financées sur les fonds communautaires pour tenir compte des handicaps structurels de la filière de la canne à sucre dans ces départements.

Puis la commission a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

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La commission a ensuite examiné en deuxième lecture, sur le rapport de M. Gilbert Le Bris, suppléé par M. Yvon Abiven, la proposition de loi modifiée par le Sénat, modifiant les dispositions du code de l'environnement relatives à la répression des rejets polluants des navires (n° 2859).

M. Yvon Abiven, suppléant M. Gilbert Le Bris, rapporteur, a rappelé qu'en première lecture, les sénateurs avaient durci le dispositif réprimant les rejets polluants des navires.

Puis, la commission est passée à l'examen des articles.

· Article 1er (article L. 218-10 du code de l'environnement) : Sanctions à l'encontre des capitaines des navires de gros tonnage

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 2  (article L. 218-11 du code de l'environnement)  : Sanctions à l'encontre des capitaines des navires de faible tonnage

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 3  (article L. 218-13 du code de l'environnement)  : Sanctions à l'encontre des capitaines des autres navires

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 4  (article L. 218-19 du code de l'environnement)  : Sanctions du non-respect de l'obligation d'établir un rapport sur certains événements

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 4  bis (nouveau) (article L. 218-20 du code de l'environnement)  : Responsabilité du propriétaire ou de l'exploitant

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 5 (article L. 218-29 du code de l'environnement) : Compétence juridictionnelle

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à préciser que les tribunaux de grande instance du littoral maritime sont exclusivement compétents pour juger des infractions commises dans les eaux territoriales. Après que M. Yvon Abiven eut indiqué qu'il s'agissait d'éviter tout conflit de compétence entre ces juridictions et le tribunal de grande instance de Paris, la commission a adopté cet amendement.

Puis, elle a adopté cet article ainsi modifié.

· Article 6 (nouveau)  (article L. 218-25 du code de l'environnement) : Extension de la responsabilité pénale des personnes morales

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 7 (nouveau)  (article L. 218-30 du code de l'environnement)  : Prise en charge, par l'armateur, de l'immobilisation du navire ayant servi à commettre des infractions

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 8 (nouveau) (article L. 218-31-1 [nouveau] du code de l'environnement) : Sanctions à l'encontre des capitaines de navires coupables de déversements de déchets ou résidus

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à supprimer cet article. M. Yvon Abiven a indiqué que le dispositif prévu à cet article et visant à réprimer les déversements d'ordures autres que des hydrocarbures, des plastiques ou des polluants marins non biodégradables était inutile, car la répression de tels actes est déjà prévue par l'article L. 218-18 du code de l'environnement.

En conséquence, la commission a adopté l'amendement portant suppression de l'article 8.

· Article additionnel après l'article 8 (article 62 du code des douanes) : Extension des possibilités de contrôle des navires par les agents des douanes dans la zone contiguë

La commission a adopté un amendement du rapporteur insérant un article additionnel visant à supprimer, dans l'article 62 du code des douanes, l'impossibilité, pour les agents des douanes, de contrôler les navires de plus de 1 000 tonneaux de jauge brute dans la zone contiguë comprise entre 12 et 24 milles.

· Titre

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur. Puis, elle a adopté le titre de la proposition de loi ainsi modifié.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi (n° 2859) ainsi modifiée et intitulée.

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Informations relatives à la commission

_  La commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Ont été désignés :

- M. Jean-Jacques Filleul pour les propositions de résolution de MM. Laurent Dominati (n° 2820) et Yves Cochet (n° 2852) visant à la création d'une commission d'enquête sur la pollution générée par les motrices diesel de la SNCF ;

- M. Elie Hoarau pour la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer (n° 2328).

_  Elle a ensuite procédé à la désignation de M. Jean Launay comme candidat au Conseil national du tourisme en remplacement de M. André Capet.

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