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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 31 janvier 2001
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer (n° 2328)

 

(M. Elie  HOARAU, rapporteur).

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Elie Hoarau, la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer (n° 2328).

M. Elie Hoarau, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la proposition de loi soumise à l'examen de la commission de la production et des échanges résultait d'une initiative sénatoriale ayant fait l'objet d'un large consensus, puisqu'elle avait été cosignée par l'ensemble des sénateurs de l'outre-mer et par l'ensemble des groupes politiques du Sénat. Il a indiqué qu'elle visait d'une part, à conférer à la lutte contre l'effet de serre le caractère de priorité nationale et, d'autre part, à créer un Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer.

Le rapporteur a signalé qu'à titre personnel, il se félicitait que ce texte soit enfin inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, puisqu'il avait lui-même déposé, en février 2000, une proposition de loi, cosignée par les députés de l'outre-mer et qui poursuivait un objet similaire, bien que limité aux seuls départements et territoires d'outre-mer.

Puis, il a rappelé que si l'effet de serre était naturel à l'origine et permettait à notre planète d'avoir une température de surface moyenne d'environ 15 degrés, on constatait aujourd'hui une intensification de ce phénomène. Cette évolution est liée à la concentration croissante de gaz à effet de serre dans notre atmosphère, notamment de dioxyde de carbone. Aujourd'hui, l'ensemble des scientifiques s'accorde à penser que cette tendance n'est pas naturelle mais largement liée aux activités humaines et notamment à l'utilisation de combustibles fossiles.

Or, l'intensification de l'effet de serre pose un véritable problème environnemental, car elle devrait conduire, à terme, à un réchauffement climatique dont les conséquences pourraient être dramatiques. D'après les derniers travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), réalisés sous l'égide de l'Organisation des Nations-Unies, ce réchauffement pourrait se traduire, d'ici l'année 2100, par une augmentation de la température moyenne de notre planète de 1,4 à 5,8 degrés et par une élévation du niveau des océans de 9 à 88 centimètres.

Une telle évolution comporterait des risques importants : risque accru de phénomènes climatiques extrêmes comme les tempêtes et les cyclones, risque de submersion d'espaces côtiers densément peuplés et de pôles de développement économique, risque d'inondations importantes, risque enfin d'un déplacement des maladies tropicales comme la malaria vers des latitudes plus hautes.

L'effet de serre n'est donc pas simplement un sujet d'études scientifiques ; c'est également un problème politique qui a des répercussions en termes de santé publique, d'aménagement du territoire, de choix énergétiques. Il est donc nécessaire que la population et les élus locaux soient mieux informés des risques encourus, afin de faire des choix stratégiques pertinents sur le long terme.

M. Elie Hoarau, rapporteur, a observé que tel était l'objet de la proposition de loi soumise à l'examen de la commission de la production et des échanges. Indiquant qu'elle visait, dans son article premier, à conférer à la lutte contre l'effet de serre la qualité de priorité nationale, il a estimé que si ce dispositif était essentiellement déclaratoire, il avait un lourd poids symbolique et pourrait, à terme, avoir des conséquences pratiques. En outre, si la proposition de loi était adoptée par l'Assemblée nationale en des termes identiques à ceux votés par le Sénat, le Parlement français serait le premier parlement en Europe à afficher une telle priorité.

Puis, il a évoqué les articles suivants, qui visent à créer un Observatoire national du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer. Ils en définissent les missions et les prérogatives et renvoient à un décret le soin de fixer son siège, sa composition et ses règles de fonctionnement.

Le rapporteur a noté que l'observatoire aurait ainsi à jouer un rôle essentiel de centralisation et de diffusion des études et recherches touchant à l'effet de serre, ce qui permettrait d'atténuer la difficulté d'accès à ces données, liée à la dispersion des lieux de recherche. Il a indiqué que l'observatoire aurait pour mission d'informer à la fois la population et les collectivités territoriales, qui pourront ainsi élaborer, en connaissance de cause, des politiques d'adaptation et de prévention.

En outre, l'observatoire exercera sa mission en liaison avec les différents organismes et instituts de recherche existants et avec le GIEC, car il n'est pas question d'aboutir à un conflit de compétences des diverses structures. Enfin, il est également indispensable d'inscrire l'action de l'observatoire dans une perspective internationale, d'où la référence au GIEC. Il est par ailleurs prévu que l'observatoire établira un rapport annuel public, transmis au Premier ministre et au Parlement, qui pourra comprendre certaines recommandations.

Le rapporteur a estimé qu'il serait extrêmement souhaitable que l'observatoire, qui pourrait prendre la forme d'un groupement d'intérêt public, comprenne en son sein des représentants des collectivités territoriales, afin de mieux sensibiliser ces dernières à l'enjeu que constitue la lutte contre le réchauffement climatique. Il a également souhaité que cette structure permette de conforter la coopération Nord-Sud, notamment en diffusant des données aux pays membres de l'alliance des petits Etats insulaires (AOSIS), qui sont particulièrement vulnérables au risque du réchauffement climatique.

Puis, après avoir souligné que l'ensemble de la proposition de loi soumise à l'examen de la commission de la production et des échanges lui paraissait équilibré, le rapporteur a demandé que celle-ci soit adoptée sans modification.

M. André Lajoinie, président, a rappelé que la commission de la production et des échanges avait déjà abordé la question de l'intensification de l'effet de serre lors des auditions sur les transports et l'énergie qu'elle avait menées en 1999 et 2000. A cette occasion, les députés ont débattu des causes du réchauffement climatique, qui tiennent essentiellement aux émissions de gaz à effet de serre parmi lesquels le gaz carbonique est prépondérant. A l'issue de ces travaux, la commission de la production et des échanges a préconisé, en matière de transports, le transfert d'une partie du trafic routier, responsable des plus grosses émissions de gaz à effet de serre, vers le rail et, en matière de politique énergétique, la diversification de l'approvisionnement énergétique de la France et une utilisation accrue des sources d'énergie renouvelables, dont le nucléaire fait partie.

Il a ensuite fait observer que lors de la conférence de Kyoto, des engagements avaient été pris par les Etats membres, mais n'ont pas été respectés. Certes, la France figure parmi les Etats qui ont pris des mesures permettant d'atteindre les objectifs fixés par le protocole de Kyoto ; en cela elle se distingue des Etats comme les Etats-Unis et l'Allemagne qui sont d'importants émetteurs de gaz à effet de serre. M. André Lajoinie, président, a jugé que la proposition américaine d'instaurer des permis de polluer était humiliante pour les pays en voie de développement et ne permettait pas de résoudre le problème de l'intensification de l'effet de serre.

Il a conclu que si la portée de la proposition de loi soumise à l'Assemblée nationale est limitée au territoire national, il est positif que notre pays fasse preuve d'une initiative constructive contribuant à la réflexion sur ce sujet. Il a estimé en outre, que l'observatoire permettrait d'alimenter le débat international.

Mme Annette Peulvast-Bergeal s'est félicitée de la forte implication de la France sur le dossier de l'effet de serre et a noté avec satisfaction que notre Parlement était le premier à s'engager dans ce combat. Elle a souligné que, outre leur rôle d'information vis-à-vis de nos concitoyens, les travaux de l'observatoire que la proposition de loi tendait à créer permettraient de sensibiliser certains pays s'estimant peu concernés par ce problème, comme on a pu le constater à la Conférence de La Haye.

Elle s'est également déclarée particulièrement préoccupée par l'enjeu planétaire que constitue l'effet de serre et a souligné qu'en ce domaine, l'inaction pourrait conduire à des dysfonctionnements majeurs. Il s'agit d'un problème d'une gravité extrême qu'il est plus que temps de prendre à bras le corps.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles.

· Article 1er : Reconnaissance d'une priorité nationale

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 2 Création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 3 : Missions de l'observatoire

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 4 : Rapport annuel de l'observatoire

M. François Brottes a indiqué qu'il avait bien compris la préoccupation du rapporteur d'obtenir un vote conforme, par l'Assemblée nationale, de cette proposition de loi adoptée par le Sénat. Il a ensuite regretté que l'examen par le Sénat de la loi d'orientation sur la forêt, texte auquel il a rappelé son attachement, ait été reporté. Puis, M. François Brottes s'est déclaré choqué par la manière dont la forêt avait été évoquée lors de la Conférence de La Haye, déplorant qu'elle ait été en quelque sorte prise en otage, son rôle de puits de carbone, que certains invoquaient pour obtenir des droits à polluer, ayant été contesté.

Il a expliqué qu'il lui paraissait donc nécessaire de réaffirmer le rôle de la forêt et du bois, notamment utilisé comme matériau de construction, pour stocker le carbone et donc lutter contre l'effet de serre et que tel était l'objet de son amendement. Il a rappelé l'importance de la forêt sur notre territoire en métropole mais aussi outre-mer et notamment en Guyane. Il a conclu que si l'adoption de cet amendement empêchait le vote conforme de la proposition, ce qui était certes regrettable, le rôle des parlementaires était d'améliorer les textes.

M. Elie Hoarau, rapporteur, a estimé que la remarque de M. François Brottes était pertinente et qu'on ne pouvait pas sous-estimer le rôle de la forêt dans la lutte contre l'intensification de l'effet de serre. Toutefois, il a souligné qu'en y faisant ainsi explicitement référence, la rédaction proposée pour l'article 4 serait trop restrictive car elle ne mentionnerait pas les autres éléments permettant de lutter contre l'effet de serre.

Il a donc proposé de demander à Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, lors de l'examen de la proposition de loi en séance publique, que le décret d'application soit élaboré en concertation avec les organismes concernés, y compris l'Office national des forêts. Il a également souligné que l'adoption de cet amendement empêcherait le vote conforme de la proposition de loi par l'Assemblée nationale et donc la possibilité, pour le Parlement français, d'être le premier à déclarer la lutte contre l'effet de serre priorité nationale.

M. François Brottes a déclaré comprendre les observations du rapporteur mais a rappelé que la rédaction qu'il proposait n'impliquait nullement un rôle exclusif de la forêt pour lutter contre l'effet de serre. Si la nécessité de mettre celle-ci en avant s'impose, c'est en raison des controverses inacceptables dont elle a fait l'objet à la Conférence de La Haye.

M. Félix Leyzour a reconnu l'intérêt de la proposition de M. François Brottes mais a noté que d'autres moyens de lutter contre l'effet de serre devraient être mentionnés si la forêt l'était et que l'objet de l'observatoire était de fournir des analyses au vu desquelles des décisions seraient prises.

Le président, rappelant son attachement aux questions forestières, a néanmoins souligné l'intérêt d'une adoption conforme de la proposition de loi et a invité M. François Brottes à faire valoir sa préoccupation en séance publique, notant que les travaux préparatoires de la loi peuvent permettre d'en éclairer la portée.

M. François Brottes a accepté de retirer son amendement dans la mesure où le rapporteur relaierait sa préoccupation en séance publique, ce que M. Elie Hoarau s'est engagé à faire, en rappelant qu'il représentait l'Assemblée nationale au Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers.

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 5 : Composition et règles de fonctionnement de l'observatoire

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi (n° 2328), adoptée par le Sénat, sans modification.

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