Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la commission de la production et des échanges (2000-2001)

12/03/95

COMMISSION de la PRODUCTION
et des ÉCHANGES

COMMISSION des LOIS

COMPTE RENDU N° 43

COMPTE RENDU N° 47

Mardi 5 juin 2001
(Séance de 16 heures 15)12/03/95

Réunion conjointe du mardi 5 juin 2001

Présidence de M. André Lajoinie,

Président de la commission de la production et des échanges,

et de M. Bernard Roman,

Président de la commission des Lois.

SOMMAIRE

 

page

- Audition conjointe, avec la commission des lois, de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité


2

La commission des lois et la commission de la production et des échanges ont, au cours d'une réunion conjointe, entendu M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué que le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, constituait la première traduction législative de la nouvelle étape de la décentralisation, annoncée par le Premier ministre le 27 octobre 2001 à Lille.

Il a rappelé que les orientations de celle-ci avaient été précisées à plusieurs reprises et notamment lors du débat d'orientation générale sur la décentralisation, le 17 janvier 2001 à l'Assemblée nationale à l'occasion duquel nombre de députés se sont exprimés.

Indiquant qu'en octobre 1999, le Premier ministre avait confié à M. Pierre Mauroy, initiateur avec M. Gaston Defferre de la décentralisation, la présidence de la Commission pour l'avenir de la décentralisation, il a rappelé que cette commission avait remis, le 17 octobre dernier, son rapport qui contient 154 propositions visant à approfondir la décentralisation pour la rendre plus légitime, plus efficace, plus solidaire, en un mot, plus citoyenne.

Il a analysé les six priorités dégagées par le Gouvernement ; elles consistent à rénover et moderniser les institutions locales, notamment par le renforcement de la coopération entre collectivités et par la réforme de certains modes de scrutins ; à poursuivre la clarification de l'exercice de leurs compétences par les collectivités locales ; à moderniser les finances locales, ce point devant faire l'objet d'un premier rapport, analysant les voies et moyens d'une réforme des finances locales, qui sera remis au Parlement à la fin de l'année ; à répondre aux attentes des agents de la fonction publique territoriale ; à faire progresser la déconcentration, inséparable d'une décentralisation réussie ; enfin, à approfondir la démocratie locale et mettre en _uvre les mesures susceptibles d'une part, d'aider les citoyens qui le souhaitent à assumer des responsabilités locales et, d'autre part, de mieux les associer aux décisions locales en réponse à l'exigence croissante de proximité.

Il a indiqué que le projet de loi s'inspirait des conclusions de la Commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy et mettait également en _uvre la communication au Conseil des ministres du 27 septembre 2000 de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la réforme des enquêtes publiques.

Il a ajouté que le projet de loi prenait en outre en compte certaines des préoccupations exprimées par les principales associations d'élus locaux qui ont participé aux travaux de la Commission Mauroy, auxquelles un avant-projet de loi a été adressé il y a plusieurs semaines et qu'il s'inspirait également des échanges avec les députés engagés à l'occasion du débat sur la décentralisation et poursuivis depuis lors.

Notant que cette concertation n'était pas terminée, le ministre de l'intérieur s'est déclaré convaincu que le travail des rapporteurs, MM. Bernard Derosier et Pierre Cohen, et le débat parlementaire permettraient d'améliorer encore ce texte en conservant ses objectifs.

Il a indiqué avoir, en outre, déposé plusieurs amendements visant à transférer de nouvelles compétences aux régions, dans des domaines et selon des modalités inspirées à la fois du rapport Mauroy et du projet de loi relatif à la Corse comme il s'y était engagé lors de la discussion de ce texte.

Présentant le titre I qui organise la participation des habitants à l'action publique locale par la création de conseils de quartiers dans les communes de plus de 20 000 habitants, il a observé que ce titre comportait également un chapitre spécifique relatif au renforcement des droits des élus locaux au sein des assemblées délibérantes, et notamment de ceux n'appartenant pas à la majorité, ainsi qu'un article visant à améliorer la situation des membres des conseils économiques et sociaux régionaux.

S'agissant des conseils de quartier, instances consultatives permettant d'associer aux côtés des élus, des représentants d'habitants et d'associations pour traiter de toute question intéressant le quartier, le ministre a estimé qu'ils seraient complémentaires et non concurrents du conseil municipal, du fait même du mode de désignation de leurs membres comme de la définition de leurs missions, et indiqué qu'ils seraient dotés des moyens de fonctionnement nécessaires et seraient associés aux débats et aux choix budgétaires les concernant. Il a précisé que les conseillers municipaux, membres des conseils de quartiers, seront élus à la proportionnelle et qu'un conseil sera créé dans chaque quartier.

Il a souligné que ces règles de constitution et les missions dévolues aux conseils de quartiers permettraient de mettre en _uvre le dispositif le plus adapté aux spécificités locales sans remettre en cause les expériences déjà engagées dans certaines communes.

Le ministre de l'intérieur a en outre précisé qu'il ne s'agissait pas de contester la légitimité, née de l'élection au suffrage universel, du conseil municipal, mais bien de faire émerger les forces vives des quartiers et de s'appuyer sur cette participation des habitants en complément de l'action publique municipale. Il a ajouté que le lien fort et institutionnalisé entre les conseils de quartiers et le conseil municipal, n'avait pas non plus pour but de brider la créativité ou l'expression des habitants, mais bien de garantir la prise en compte effective de leurs souhaits et de leurs actions.

Abordant l'article 4 du projet de loi permettant aux conseils municipaux des communes concernées de créer des postes d'adjoints de quartier, le ministre a précisé qu'il s'agissait d'une possibilité et non d'une obligation et que ces postes spécifiques d'adjoints s'ajoutaient au nombre d'adjoints au maire plafonné à 30 % des effectifs du conseil municipal par la loi. Il a également indiqué que le conseil de quartier serait présidé par un adjoint spécifique ou par un membre du conseil municipal, les adjoints chargés d'une délégation générale pouvant également être chargés de suivre les affaires d'un quartier.

Il a par ailleurs déclaré que le projet de loi rendait obligatoire, pour les communes de plus de 100 000 habitants, la création dans les quartiers, d'annexes de la mairie offrant aux habitants des services publics de proximité et qu'il augmentait en outre considérablement le rôle et les compétences des commissions des services publics locaux, dont le statut actuel n'est pas satisfaisant.

Evoquant le chapitre II du titre I qui vise à renforcer les droits des minorités dans les assemblées élues afin de contribuer à l'expression du pluralisme des opinions et à l'information générale des habitants, il a souligné que des séances spécifiques seraient consacrées à l'examen des projets de délibération de l'opposition selon des modalités définies par le règlement intérieur adopté par le conseil municipal et indiqué que les procès-verbaux des délibérations des conseils municipaux des petites communes seraient complétés afin de faire apparaître le nom des intervenants et le contenu des interventions et qu'une place serait également réservée à l'opposition dans les documents d'information générale n'ayant pas un caractère purement descriptif ou pratique. Dans le même esprit, il a indiqué que des missions d'information et d'évaluation d'un projet ou du fonctionnement du service public pourront être constituées à la demande du cinquième des membres du conseil municipal dans les communes de plus de 20 000 habitants, les conseils généraux et les conseils régionaux.

A propos du chapitre III dont l'objet est d'améliorer les conditions d'exercice des fonctions des conseillers économiques et sociaux régionaux, notamment afin de faciliter la présence et la participation de leurs membres salariés, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a précisé que des amendements avaient été déposés par le Gouvernement à la suite de la concertation avec l'Assemblée des présidents des conseils économiques et sociaux régionaux et avec l'Assemblée des régions de France.

Abordant le titre II, il a indiqué qu'il visait à démocratiser l'accès de tous aux fonctions électives locales par des dispositions améliorant les conditions d'exercice de ces fonctions, notamment par des mesures assurant leur meilleure compatibilité tant avec l'activité professionnelle qu'avec la vie personnelle et familiale.

Parmi ces mesures, il a cité celle instituant le droit à un temps d'absence de dix jours par an pour participer aux élections locales, l'augmentation des possibilités de disposer de crédits d'heures et l'amélioration de la compensation des pertes de revenu pour les élus ne percevant pas d'indemnités de fonction, ainsi que la création d'une allocation différentielle de fin de mandat, versée pendant les six mois qui suivent celle-ci, qu'elle soit volontaire ou subie, et financée par une cotisation à la charge des collectivités concernées afin de permettre une mutualisation des coûts en résultant.

Le ministre a rappelé que le projet de loi améliorait également les dispositions relatives à la formation des élus en prévoyant une délibération systématique des conseils municipaux en la matière, le triplement de la durée du congé de formation de six à dix-huit jours et la mutualisation des dépenses de formation. Il a ensuite présenté les mesures revalorisant les indemnités de fonctions des élus, notamment des élus municipaux bénéficiant de délégations et celles améliorant la couverture sociale des élus.

Après avoir précisé que les dispositions des titres I et II avaient été adaptées pour pouvoir être mises en _uvre dans les établissements publics de coopération intercommunale ainsi qu'à Paris, Lyon et Marseille, le ministre de l'intérieur a rappelé que les dispositions du titre II reprenaient nombre de celles adoptées à l'Assemblée nationale, lors de l'examen en séance publique le 14 décembre 2001 de la proposition de loi déposée par le groupe communiste tendant à améliorer l'accès aux fonctions électives locales. Il a précisé être, sur ce sujet, comme sur les autres, ouvert à la discussion ou aux modifications qui ne remettraient pas en cause les objectifs du projet et l'équilibre général qui le sous tend.

Abordant le titre III qui vise à améliorer le fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) en s'inspirant des conclusions du rapport de M. Jacques Fleury, le ministre a annoncé qu'un projet de loi sur la sécurité civile serait élaboré dans les prochains mois. Il a rappelé que les dispositions du projet visaient à accroître le rôle des conseils généraux, assurés d'être majoritaires dans les conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours, à rationaliser les modalités du financement des services départementaux, par un gel partiel de l'évolution des contributions des communes et des groupements à leur budget. Notant que certains députés, dont M. Bernard Derosier, avaient émis le souhait de modifier le dispositif, le ministre de l'intérieur a jugé que ces propositions devraient être examinées dans le souci du respect de l'équilibre nouveau que créera ce projet de loi et dans celui des contraintes financières.

S'agissant du titre IV qui relève de la compétence du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, il a souligné qu'il permettait d'élargir de manière très significative le champ du débat public sur les grands projets par un accroissement des domaines d'intervention de la Commission nationale du débat public et clarifiait les modalités de la concertation entre l'Etat et les élus locaux tout en renforçant la responsabilité des collectivités locales dans les procédures d'enquête publique.

Enfin le ministre a indiqué que le titre V avait pour objet de réformer le recensement de la population en instaurant une procédure statistique actualisée chaque année et susceptible de donner une meilleure photographie de la France.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a conclu son intervention par la présentation des amendements traduisant les engagements pris lors de la discussion du projet de loi sur la Corse et proposant les transferts suivants :

- dans le domaine des interventions économiques, la possibilité sera donnée aux régions de créer par leurs délibérations, et dans le respect des engagements internationaux, leur propre régime d'aides directes aux entreprises, sous forme de subventions, de bonifications d'intérêts ou de prêts et avances remboursables. Les régions pourront également doter un fonds de capital-investissement géré par une société de capital investissement ;

- dans le domaine de la formation professionnelle, la région se voit transférer la pleine compétence en matière d'apprentissage et de formation professionnelle, des jeunes comme des adultes ; les régions arrêteront le schéma régional des formations de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes et se verront confier la gestion des primes incitant à l'embauche d'apprentis ;

- une expérimentation sera lancée pour définir les modalités d'un transfert, définitif au terme de l'expérience, de la gestion de certains ports et aéroports à l'ensemble des régions. Plusieurs d'entre elles pourront à leur demande procéder à cette expérimentation, en accord avec l'Etat ;

- les régions pourront organiser leurs propres actions complémentaires d'enseignement supérieur et de recherche et les conduire dans le cadre d'une convention avec des établissements d'enseignement supérieur et de recherche ;

- en matière d'environnement, les régions se verront transférer la compétence en matière de planification pour la qualité de l'air et celle relative aux déchets industriels spéciaux. Elles seront également compétentes pour le classement des réserves naturelles ainsi que pour l'élaboration des inventaires de la faune et de la flore.

Le ministre a ensuite précisé que d'autres transferts avaient été étudiés, mais qu'il n'avait pas paru possible, ni opportun de les inscrire dès maintenant dans ce projet, au regard de leurs incidences sur la situation des personnels concernés et sur les finances des collectivités. Il a également indiqué que les transferts aux autres niveaux de collectivités locales seraient examinés dans une prochaine étape et après les concertations nécessaires.

Notant que les transferts de nouvelles compétences confiées aux régions ne reprenaient pas l'ensemble des mesures retenues pour la Corse, le ministre a estimé que la spécificité de cette collectivité territoriale continuerait de justifier, quelles que soient les avancées de la décentralisation dans le reste du pays, un statut particulier.

M. Bernard Derosier, rapporteur, a tenu à féliciter M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, pour la qualité de son intervention qui a d'ailleurs répondu par anticipation à plusieurs de ses questions. Il a néanmoins souhaité faire quelques commentaires sur les propos du ministre pour préciser certains aspects de cette réforme qui doit permettre de mieux associer les citoyens aux différents degrés de la démocratie locale : gestion des affaires communales, départementales et régionales.

Concernant les conseils de quartier, il a regretté que le projet de loi ne tienne pas compte des expériences qui ont été menées avec succès dans de multiples communes et il a souhaité savoir si une certaine souplesse serait laissée aux communes pour tirer profit des expériences antérieures. Il a aussi suggéré de revoir le seuil à partir duquel ces conseils de quartier devenaient obligatoires, le seuil de 20 000 habitants lui paraissant trop bas.

Abordant le thème du statut des élus, il a regretté que le projet de loi ne reprenne pas une proposition présentée par la Commission présidée par M. Pierre Mauroy tendant à faire des élus locaux des agents civiques. Il a estimé que le projet de loi devrait être complété quant aux dispositions relatives aux indemnités versées aux élus siégeant dans les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Au sujet des services départementaux d'incendie et de secours il s'est félicité de l'annonce faite par le ministre de l'intérieur d'un projet de loi traitant de l'ensemble des questions relatives à la sécurité civile. Il a tenu à souligner que les dispositions de la loi du 3 mai 1996 relatives aux SDIS devaient être rationalisées et simplifiées afin de donner aux départements une réelle maîtrise de l'organisation de la lutte contre les incendies.

S'agissant des dispositions relatives à la participation du public à l'élaboration des grands projets, il s'est enquis des risques de ralentissement de tous les projets d'investissement liés au développement des procédures de concertation.

Il lui a paru prématuré de commenter les amendements présentés par le Gouvernement relatifs aux transferts de compétences aux régions mais il a souhaité savoir si le Gouvernement accepterait de revoir l'étendue de ces transferts.

M. Pierre Cohen, rapporteur pour avis, a, en introduction, rappelé que dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, M. Lionel Jospin, Premier ministre, avait annoncé sa volonté d'engager une réforme de la procédure de déclaration d'utilité publique. Soulignant la continuité entre le projet et les textes qui font référence en matière d'enquêtes publiques, comme la loi Bouchardeau du 12 juillet 1983 qui a démocratisé la procédure d'enquête publique sur les grandes infrastructures et la loi Barnier du 2 février 1995 qui a créé la Commission nationale du débat public et permis ainsi d'instaurer en amont des grands projets d'équipements un débat sur leur opportunité, il a indiqué que le projet du Gouvernement tendait à répondre aux attentes accrues des citoyens en matière de concertation et de participation aux choix d'aménagement et d'équipement.

Il a observé que les critiques ne cessaient en effet de s'élever à l'encontre des procédures de déclaration d'utilité publique et estimé que le processus actuel de la décision publique demeurait peu lisible, la consultation du public étant considérée comme trop tardive et sans effet et les différents enjeux des projets ne pouvant pas toujours être correctement appréciés dans le cadre de la procédure actuellement en vigueur. Soulignant que les questions liées à l'environnement préoccupaient de plus en plus les citoyens qui souhaitent prendre part aux grands débats qui les concernent et refusent à l'État de prendre unilatéralement des décisions au nom de l'intérêt général, il a jugé qu'une refonte des dispositifs s'imposait.

Le rapporteur pour avis a ensuite rappelé qu'en 1998, un rapport du Conseil d'État présenté par Mme Nicole Questiaux, répondant à une demande de M. Lionel Jospin, avait proposé d'élargir le champ de l'enquête publique, en se fondant sur le principe de la participation depuis les premiers documents de planification jusqu'à la réalisation des équipements, afin de permettre l'application de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.

Il a souligné que, reprenant les conclusions de ce rapport, le titre IV au projet de loi répondait aux objectifs suivants :

- appliquer le principe de la concertation tout au long de la vie d'un projet ;

- démocratiser et rendre plus transparent le processus d'élaboration des projets d'aménagement et d'équipement en favorisant la concertation aux différentes étapes de ces projets, le bon déroulement du débat public étant assuré par une autorité administrative indépendante, la Commission nationale du débat public, l'objectif étant que, chaque année, une vingtaine de projets d'intérêt général puissent être soumis à débat public ;

- susciter la concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales avant l'ouverture de l'enquête publique, limitant ainsi les risques de contentieux ;

- élargir la décentralisation et responsabiliser les maîtres d'ouvrages publics en leur demandant d'apprécier l'intérêt général que revêt leur projet, le maître d'ouvrage devant faire une « déclaration de projet » sur l'intérêt général de celui-ci et préciser les conditions de la poursuite de son projet à l'issue de l'enquête publique ;

- rationaliser les procédures, renforcer les pouvoirs du commissaire enquêteur et réévaluer sa fonction par une formation et une indemnisation adaptées.

Le rapporteur a ensuite indiqué qu'il proposerait des modifications visant à élargir les possibilités de soumettre des projets au débat public et à rendre ce dernier plus lisible. Il a conclu en soulignant que ce texte répondait non seulement aux attentes des citoyens concernant une plus large prise en compte de l'intérêt général par la participation et la concertation lors de l'élaboration des projets qui ont les incidences sur leur cadre de vie mais également à celles des maîtres d'ouvrage recherchant un cadre juridique plus précis.

M. Jacques Brunhes s'est étonné de la méthode utilisée par le Gouvernement, qui soumet ses amendements à l'Assemblée le jour même où la commission des lois se réunit pour examiner le projet de loi relatif à la démocratie de proximité. Il a regretté que cette nouvelle étape importante de la décentralisation soit abordée avec autant de précipitation.

Il a ensuite souligné qu'en dépit de la nécessité apparue dès 1982 lors du vote de la loi n° 82-213 du 2 mai 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, confirmée par la mission Debarge, d'une réflexion d'ensemble sur le statut de l'élu local, les textes disparates votés depuis ne pouvait constituer un statut au sens strict du terme. Il a indiqué qu'en tout état de cause, une réforme en profondeur de domaines aussi complexes ne pouvait être réalisée à budget constant et que la discussion sur les moyens d'approfondir la démocratie de proximité ne devait pas être détachée de celle sur les ressources affectées aux collectivités locales pour parvenir à ce but.

M. Patrick Ollier a indiqué qu'en dépit du titre ambitieux du projet de loi, le groupe RPR avait été très déçu par son contenu.

Il a observé, en premier lieu, que le projet proposait des dispositifs qui existent déjà, comme les conseils de quartier. Par ailleurs, il a estimé que le texte créait des confusions et des restrictions inutiles, notamment en ce qui concerne le plafond de 10 % des effectifs du conseil municipal pour le nombre de maires adjoints de quartier et le périmètre d'application de ce dispositif. Il a souhaité que le dispositif s'applique à toutes les communes et que le maire puisse décider du nombre de maires adjoints de quartier. Il a par ailleurs déploré que ce projet n'aborde pas la question de la participation des citoyens européens à la vie locale, estimant qu'ils devraient pouvoir participer à des comités consultatifs de résidents européens, notamment dans les grandes communes.

M. Patrick Ollier a ensuite souligné les insuffisances du projet concernant le statut des élus et le manque d'ambition des amendements déposés par le Gouvernement en matière de nouveaux transferts de compétences aux régions.

Il a par ailleurs insisté sur l'absence de transfert de crédits correspondant aux nouvelles responsabilités que le Gouvernement compte déléguer aux régions. Il a estimé que, peu novateur dans certains domaines (tels que la gestion des ports et aéroports), le projet laissait de côté des secteurs entiers intéressant les collectivités comme la formation, la santé, l'agriculture, les équipements et surtout l'aménagement du territoire, alors que la subsidiarité devrait conduire à accroître les interventions régionales dans ce domaine.

M. Patrick Ollier a enfin alerté le Gouvernement sur les conséquences d'un transfert de compétences trop important en matière environnementale, matière peu propice à une décentralisation efficace.

Il a indiqué son souhait de voir le texte renforcé et diversifié lors de son examen par l'Assemblée.

M. Jean-Marc Nudant a tout d'abord déploré que le ministre ait présenté très tardivement des amendements sur le transfert aux régions de nouvelles compétences, alors que les délais d'examen du projet de loi lui-même, comportant soixante articles, ont déjà été très brefs.

Il a souhaité savoir pourquoi les conseils de quartiers n'étaient rendus obligatoires que dans les communes de plus de 20 000 habitants et a demandé des précisions sur les modalités de désignation des membres des conseils de quartiers, l'exposé des motifs indiquant que la répartition à la proportionnelle permettrait de respecter la pluralité des opinions. Il s'est enfin interrogé sur la délimitation des quartiers qui revient aux conseils municipaux sans que le projet de loi ne fixe de critères pour la délimitation de ces périmètres et il a souhaité savoir comment seraient tranchés les litiges relatifs à ce découpage.

M. Jean-Michel Marchand s'est félicité de voir ce projet de loi traiter de thèmes chers aux Verts, tels que la participation des citoyens à la démocratie locale, l'institution de conseils de quartiers ou encore le statut des élus locaux, mais il a souligné que la question des moyens financiers nécessaires à la mise en _uvre des mesures proposées restait entière, particulièrement en ce qui concerne les dispositions relatives au statut des élus locaux.

Il a ensuite souhaité insister sur l'importance du titre IV de ce projet de loi relatif à la participation du public à l'élaboration des grands projets. Il a rappelé que cette réforme de la procédure des enquêtes publiques était attendue depuis le début de la législature et qu'elle permettrait à la France d'adapter sa législation aux exigences d'accès à l'information définies par la Convention d'Aarhus à laquelle la France a adhéré en 1998.

Il a estimé que cette réforme constituait un grand progrès pour la démocratie participative qui doit s'approprier les thèmes de l'environnement et de l'écologie. Mais il a tenu à appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de sauvegarder les ressources naturelles qui sont un patrimoine commun de la nation, l'attribution de nouvelles compétences aux régions ne devant pas conduire à sacrifier les exigences environnementales.

Il s'est ensuite félicité des moyens nouveaux attribués à la Commission nationale du débat public qui disposera d'un budget propre lui permettant de mener études et expertises, avec des moyens accrus en personnel. Il s'est réjoui de voir les attributions de la CNDP étoffées, ce qui lui permettra d'organiser désormais vingt débats par an alors que jusqu'à présent leur nombre était limité à un ou deux.

Il a néanmoins souhaité voir préciser certaines missions de la CNDP notamment pour les projets concernant l'aménagement du territoire et le développement durable. Il a émis le v_u que son rôle soit clairement défini dans le déroulement des enquêtes publiques, et qu'elle soit garante de la transparence dans l'organisation des référendums locaux.

Il a souligné que dorénavant le débat public devait être le principe et, à ce titre, il a estimé qu'un débat public devait être organisé au sujet de la liaison à grand gabarit entre Bordeaux et Toulouse pour le transport des pièces de l'avion A 380, le débat devant porter aussi bien sur le principe de cette liaison à grand gabarit que sur son tracé.

M. Richard Cazenave s'est dit étonné du peu de consistance du texte en comparaison de son titre ambitieux et des attentes suscitées par le rapport de M. Pierre Mauroy et le débat sur la Corse.

Il a souligné que ce projet n'apportait aucune avancée réelle en matière de décentralisation dans la mesure où des partenariats existent déjà dans les domaines de transfert de compétences évoqués dans les amendements du Gouvernement et où le projet ne s'attaque pas au problème central que représente le statut de l'élu.

Il a rappelé que le problème majeur relatif au statut des élus était d'égaliser l'accès aux fonctions électives afin qu'un équilibre soit assuré entre élus issus de la fonction publique et du secteur privé.

Il a estimé que certaines dispositions du texte étaient restrictives par rapport aux expériences locales de comités de quartier, mis en place par certaines communes. Il a jugé à cet égard contraire à la démocratie la désignation par le maire des membres des conseils de quartier.

M. François Fillon a reconnu les excellentes intentions de ce texte mais a fait part de ses craintes qu'il n'aboutisse à rigidifier des pratiques qui ont fait leur preuve.

En ce qui concerne les transferts de compétences, il a jugé décevants les amendements du Gouvernement. Timoré pour ce qui concerne, par exemple, le transfert de la gestion des ports et des aéroports limité aux infrastructures locales, alors que le développement économique des régions nécessiterait le transfert des ports autonomes et des aéroports de dimension nationale, le projet du Gouvernement lui paraît aussi manquer de clarté, s'agissant par exemple de la compétence offerte aux régions en matière d'enseignements complémentaires. Sur ce point, il a regretté que le projet d'amendement ne précise pas en quoi ces initiatives devaient être complémentaires des enseignements assurés par les Universités et ne fasse pas mention des contributions financières respectives de l'État et des régions en la matière.

Enfin, l'amendement permettant aux régions d'attribuer des aides directes aux entreprises, même s'il a le mérite de ne pas reprendre le projet de M. Emile Zuccarelli qui entendait supprimer aux régions toute possibilité d'intervention en faveur des entreprises, ne lui a pas semblé novateur car il se borne à légaliser une pratique largement répandue.

Concernant les compétences transférées en matière d'environnement, il lui a paru indispensable de prévoir des possibilités de contrats interrégionaux pour remplir ces nouvelles missions.

En conclusion il a souligné que ces amendements n'étaient qu'un coup politique sans réelle portée, la question du financement de ces nouvelles compétences étant soigneusement passée sous silence.

M. Marc-Philippe Daubresse a regretté que le Gouvernement s'entête à traiter de la décentralisation dans différentes lois, sans se préoccuper de la logique d'ensemble du système et déploré que le dispositif gouvernemental ne risque de mettre en péril certaines expériences locales.

Il a insisté pour que les comités de quartier existant et fonctionnant correctement ne soient pas remis en cause par le nouveau texte. Il a également regretté que le Gouvernement ne se décide pas à employer l'expression de « statut de l'élu », toujours tabou. Il a par ailleurs souligné les lacunes du projet concernant les dispositions applicables aux établissements publics de coopération intercommunale. S'agissant des transferts de compétences, il a suggéré que la méthode de l'expérimentation soit étendue à des domaines plus nombreux que ceux évoqués dans le projet.

M. René Dosière a salué le projet de loi qui reprend la démarche instituée par M. Gaston Defferre qui a permis à la France d'accomplir des progrès considérables en matière de décentralisation en traitant successivement des aspects particuliers de la vie locale. Répondant à ceux qui reprochent à ce texte de « saucissonner » les questions de la démocratie locale, il a rétorqué qu'aucun grand texte de décentralisation n'avait été voté à l'initiative de la droite. Il a estimé que cette politique des petits pas avait été payante et a souligné qu'après les textes sur la coopération intercommunale, sur le cumul des mandats et sur la parité, ce projet de loi marquait une nouvelle avancée.

Il a cependant regretté que le Parlement ne dispose pas de plus de temps pour examiner ce texte, craignant que son adoption dans la précipitation ne risque de passer inaperçue.

Il a estimé souhaitable de faire progresser « la dotation élu local » qui sert au financement des indemnités versées aux élus locaux, au même rythme que l'augmentation de ces indemnités, alors que jusqu'à présent cette dotation a connu une progression bien moindre, calquée sur celle de la DGF.

Il a aussi demandé au ministre si un bilan de l'existence, dans chaque collectivité locale, d'un recueil des actes administratifs avait été établi, afin de permettre à tout citoyen de connaître les textes réglementaires qui s'imposent à lui. Il a enfin émis le souhait que les préfets ne considèrent pas comme illégales toutes les initiatives locales qui mettent en _uvre des expériences innovantes de démocratie participative qui vont au-delà des obligations légales et dont il faudra préserver l'originalité après le vote de ce projet de loi.

M. Claude Goasguen a souligné les lacunes du texte présenté par le Gouvernement.

Il a plaidé pour un relèvement des seuils évoqués dans le projet pour la mise en place de conseils de quartier, de 20 000 à 50 000 voire 100 000 habitants, car seules ces dernières communes connaissent de réels problèmes de transmission d'informations et de démocratie locale.

Il a indiqué que la première partie du texte semblait davantage compliquer le dispositif que l'améliorer, en ajoutant de nouvelles institutions à d'autres, plus anciennes. Il a insisté sur les méfaits d'une désignation des membres des conseils de quartier par le maire en considérant que ceux-ci ne seraient alors que la courroie de transmission de l'exécutif local et non l'organe délibérant présenté par le projet de loi.

M. Claude Goasguen a ensuite souligné que les cas particuliers de Paris, Lyon et Marseille ne semblaient pas correctement pris en compte par le projet, notamment en ce qui concernait les pouvoirs respectifs des maires d'arrondissement et du maire.

Il a par ailleurs regretté l'absence d'ambition des amendements du Gouvernement relatifs aux nouveaux transferts de compétence aux régions, notamment en matière de formation professionnelle et d'apprentissage. Il a ensuite indiqué que son groupe s'opposerait à tout transfert aux régions de la gestion des subventions aux entreprises, car le rôle des régions n'est pas d'intervenir dans ce domaine.

Jugeant le projet de loi peu enthousiasmant et estimant qu'il appelait en conséquence des amendements, M. Gérard Gouzes a salué la volonté du Gouvernement de participer ainsi à la revalorisation de l'Assemblée nationale dont l'action sera nécessaire pour enrichir le texte. Il s'est ensuite interrogé sur l'intitulé du projet de loi.

S'agissant des dispositions relatives aux conseils de quartier, il a rappelé que des expériences, qui ont d'ailleurs fait l'objet de débats intenses, existent déjà en la matière. Il s'est interrogé sur la nécessité de légiférer, en estimant que cela ne pouvait être fait qu'à minima puisque la mise en place d'une démocratie de proximité d'avant-garde pourrait mettre en difficulté certaines municipalités.

Il a estimé que d'autres intitulés auraient été envisageables au regard du contenu du projet de loi qui comporte des dispositions relatives au statut des élus, aux enquêtes publiques ou au recensement.

Rappelant que, par voie d'amendements, le Gouvernement proposait en outre de décentraliser de nouvelles compétences aux régions, il a jugé qu'une réforme plus profonde, comportant des transferts de compétences plus importants, serait nécessaire pour permettre à l'ensemble de nos régions de faire face aux enjeux qui se posent au niveau européen.

Concernant l'intercommunalité, il a estimé que le projet de loi présentait des lacunes voire des contradictions : évoquant à cet égard la politique de la ville, il a noté que les conseils de quartier pouvaient être associés par le maire à l'élaboration, à la mise en _uvre et à l'évaluation des actions menées, mais que celles-ci pouvaient toutefois relever de la compétence d'établissements publics de coopération intercommunale. Il s'est en conséquence demandé comment ceux-ci pourraient agir si le maire est la seule autorité compétente pour engager un dialogue avec les habitants sur ces questions.

Faisant observer que l'expression de « statut de l'élu » n'était pas employée dans le projet, il s'est référé aux dispositions instituant une allocation différentielle de fin de mandat et il a estimé souhaitable que les mêmes garanties soient offertes aux élus qui n'exerçaient pas, avant leur élection, une activité salariée. Il a souligné qu'une démocratie dans laquelle seuls d'anciens fonctionnaires seraient élus susciterait des interrogations.

Enfin, il a jugé nécessaire de préciser la rédaction des dispositions relatives à l'expression de la minorité au sein des assemblées locales puisque sont évoqués successivement dans le projet de loi « les conseillers n'appartenant pas à la majorité » et les « groupes d'élus ».

Usant de la faculté offerte par l'article 38 alinéa 1 du Règlement, M. Christian Estrosi a indiqué que ce projet de loi lui rappelait étrangement celui pompeusement intitulé « projet de loi relatif à la sécurité quotidienne » discuté il y a quelques semaines jugeant que dans les deux cas, la même méthode a été mise en _uvre par l'exploitation d'un label ne correspondant pas au contenu réel du texte.

Rappelant que, derrière un intitulé évoquant la sécurité quotidienne, ce texte contenait des dispositions relatives à la fraude aux cartes bancaires et aux chiens dangereux mais aucune réponse aux vrais problèmes que rencontrent nos concitoyens, il a estimé qu'il en était de même avec ce projet de loi qui prétend traiter de la démocratie de proximité sans jamais aborder les difficultés réelles que pose la décentralisation.

Il a estimé qu'au moment même on l'on fête le centenaire de la loi du 1er juillet 1901 relative aux associations, les dispositions relatives aux conseils de quartier risquaient de remettre en cause le rôle des comités de quartier, constitués par les habitants à leur propre initiative sous la forme d'associations, au profit de conseils qui seront, dans les faits, sous la tutelle du maire.

S'agissant des mesures annoncées lors de la discussion du projet de loi relatif à la Corse qui devaient répondre à l'insatisfaction née du transfert à la seule collectivité territoriale de Corse de prérogatives nouvelles, il a indiqué qu'ils laissaient espérer une grande loi de décentralisation tirant sa cohérence d'une vision globale. Il a estimé que les amendements déposés par le Gouvernement ne permettaient que quelques transferts de compétence ponctuels dont certains sont opportuns, notamment en matière économique, mais ne présentaient pas une cohérence d'ensemble contrairement aux propositions présentées par la Commission présidée par M. Mauroy.

Il s'est également interrogé sur le transfert à titre expérimental de la gestion de certains ports et aéroports aux seules régions, estimant qu'une meilleure répartition des compétences en la matière entre régions et départements pourrait être plus opportune.

M. Christian Estrosi a conclu en regrettant que le projet de loi ne soit qu'un texte fourre-tout et en espérant que le débat parlementaire permettrait d'aller plus loin.

M. Charles de Courson, intervenant en application de l'article 38, alinéa 1 du Règlement, a souhaité poser des questions relatives aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Constatant que la réforme proposée n'apportait qu'une « semi-départementalisation » des SDIS, il a souhaité savoir si le Gouvernement accepterait de transférer réellement aux conseils généraux la charge des SDIS et de les faire figurer en budget annexe des départements. Il a demandé s'il était envisageable de fiscaliser le financement des SDIS, en application du principe de transparence du coût des services publics, et si les élus locaux pourraient se voir attribuer de nouvelles compétences en matière de sécurité civile, en dehors des plans rouges et des plans ORSEC.

M. Robert Pandraud a tout d'abord déploré que ce texte ne rende pas plus compréhensible au citoyen la démocratie locale. Prenant pour exemple l'enchevêtrement des compétences entre les DDASS, services de l'Etat, et les DDASS, services du département, il a souligné que ce texte contribuerait encore à compliquer la vie quotidienne de nos concitoyens car il ne définissait pas de blocs de compétences mais laissait subsister un chevauchement d'attributions concurrentes comme en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.

Concernant les conseils de quartiers, il s'est interrogé sur l'intérêt de multiplier les occasions de consultations et de concertations qui ne conduisent souvent qu'à différer la réalisation des travaux et à multiplier les recours contentieux.

Il a tenu à souligner que seuls les référendums consultatifs locaux sur les grands projets, permettraient à la démocratie locale de faire des progrès significatifs. Il a conclu son intervention en regrettant que ce texte contribue encore à accroître la complexité de l'administration et il a exhorté les auteurs d'amendements à simplifier ce projet de loi.

M. Bernard Birsinger, usant de la faculté offerte par l'article 38, alinéa 1 du Règlement, a tenu à rappeler que les taux d'abstention records aux élections municipales de cette année indiquaient clairement la désaffection des électeurs pour la chose publique. Dans ce contexte, il a estimé qu'il convenait de réfléchir aux voies d'amélioration de la démocratie citoyenne, notamment envers ceux qui en sont les plus éloignés : les quartiers populaires, les jeunes et les étrangers.

Il a souligné que le projet de loi allait dans le bon sens, mais que la notion de « démocratie de proximité » était trop restrictive, renvoyant à celle de quartier, certes importante, mais insuffisante dans le cadre d'une réflexion qui devait être plus globale. Il a fait observer qu'il ne fallait pas mettre en place une démocratie à deux vitesses : celle des citoyens dans les quartiers et celle des hommes politiques pour les projets de grande envergure.

Il a regretté qu'une des conclusions du rapport Mauroy concernant la nécessité de tenir compte des réflexions de l'ensemble des citoyens sur ce sujet n'ait pas été suivie d'effet et estimé que ce projet nécessitait certainement plus de débats et moins de précipitation. Il a émis des réserves sur la notion de quartier, trop restrictive selon lui, et souhaité des structures ouvertes à tous, dont les membres ne seraient pas désignés par l'autorité municipale.

Il a enfin insisté sur la nécessité de développer la démocratie participative mais également sur celle d'un statut de l'élu associatif, corollaire de la mise en place des conseils de quartier.

M. Léonce Deprez s'est félicité de la qualité de ce débat qui a été empreint de beaucoup de pondération et a considéré qu'un consensus s'était dégagé sur la nécessité de modifier le titre de ce projet de loi, le terme de « démocratie de proximité » étant inadapté et constituant même un aveu d'échec dans la gestion des affaires locales.

Reprenant une idée gaullienne, il a suggéré d'intituler le projet de loi « démocratie participative », l'objectif de ce texte étant de mieux associer les citoyens à la gestion des collectivités locales.

Il a ensuite fait part de son inquiétude sur cette volonté de légiférer à toute force alors que la démocratie locale fonctionne assez bien en France et il a souligné les risques de dirigisme que comportait ce texte.

Il a jugé que ce projet de loi aurait dû clarifier les compétences respectives des différentes collectivités locales et offrir des moyens pour stimuler la participation des citoyens en facilitant le recours aux référendums locaux.

Concernant les conseils de quartier, il a estimé qu'il ne fallait pas attiser les particularismes des quartiers et contribuer ainsi à porter atteinte à la cohésion des communes. Il a donc souhaité que ces conseils de quartiers ne fassent pas obstacle aux politiques locales tendant à renforcer la solidarité et la cohésion entre les parties hétérogènes des communes.

Il a enfin appelé l'attention sur la nécessité de conserver à l'Etat des prérogatives nécessaires à la sauvegarde de l'intérêt national, l'accumulation de compétences transférées aux régions sans clarification de leurs missions par rapport à celles de l'Etat risquant d'engendrer des féodalités régionales. Il a aussi appelé de ses v_ux une clarification des modes de financement des régions pour que ces collectivités disposent de moyens à la hauteur de leurs nouvelles attributions.

M. Bernard Roman, président, a jugé que ce projet de loi, malgré ses imperfections, offrait une opportunité de clarifier les conditions d'exercice des mandats locaux et de franchir une nouvelle étape de la décentralisation. Il a relevé, tout d'abord, qu'il permettrait au ministre de rappeler à l'ordre tous ceux qui s'opposent encore à l'octroi de délégations de pouvoirs à de simples membres des conseils municipaux. Constatant, de manière plus générale, que de nombreux parlementaires auraient souhaité que le Gouvernement engage une réforme de plus grande envergure, il a observé qu'il n'était jamais aisé pour un ministre de convaincre les administrations avec lesquelles il travaille de se dessaisir de leurs compétences. Il a donc estimé que les parlementaires aideraient le Gouvernement en approfondissant la démarche qu'il a eu le courage d'engager. Il a regretté, néanmoins, la prégnance des réflexes jacobins des administrations centrales, qui se sont particulièrement exercés sur les dispositions du projet de loi relatives aux conditions d'exercice des mandats locaux. Il a souhaité, à cet égard, que chacun prenne conscience que les élus locaux ne demandent pas la charité mais simplement la prise en compte des transformations fondamentales qui ont affecté les conditions d'exercice de leurs mandats depuis vingt ans. Il a considéré que les élus locaux étaient aujourd'hui de véritables acteurs de la République, qui exercent des compétences équivalentes à celles des chefs d'entreprise et engagent leur responsabilité personnelle quotidiennement, y compris sur le plan pénal. En ce qui concerne les conseils de quartier, il a souhaité que leur présidence soit bien confiée à des conseillers municipaux, cette règle constituant un gage de circulation de l'information, des élus vers les citoyens et réciproquement. Il s'est félicité des nouveaux transferts de compétences proposés par le Gouvernement, et a jugé essentiel que le principe de l'expérimentation figure dans ce projet de loi. Il a souhaité, néanmoins, que cette démarche soit élargie à d'autres domaines, citant, en particulier, le régime des aides au logement, qui pourrait être régionalisé à titre expérimental, ce qui permettrait vraisemblablement d'aboutir à un taux d'utilisation des crédits plus satisfaisant qu'à l'heure actuelle.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- la démarche qui a conduit au dépôt de ce projet de loi est emblématique de la méthode de travail de ce Gouvernement, qui privilégie la réflexion plutôt que les grandes déclarations et les avancées mesurées mais concrètes plutôt que les promesses sans lendemain. Après avoir confié à M. Pierre Mauroy, qui restera comme le père de la décentralisation, la présidence d'une commission chargée de réfléchir à l'avenir de la décentralisation, le Premier ministre s'était engagé, sitôt lesdites propositions rendues publiques, à procéder à des avancées dès la présente législature. Ce projet de loi concrétise cette promesse et engage une première étape. Le fait que le Gouvernement ait décidé de l'inscrire en priorité à l'ordre du jour des assemblées est un choix politique clair ;

- cette approche est également celle qui a conduit le Gouvernement à proposer au Parlement de procéder à de nouveaux transferts de compétences qui n'étaient pas prévus, initialement, dans le projet de loi. Il a ainsi souhaité répondre aux demandes diverses et convergentes qui ont été formulées par de nombreux et éminents parlementaires dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la Corse ;

- ces transferts de compétences s'inspirent d'ailleurs directement des dispositions qui étaient proposées pour la Corse, à l'exception des articles liés à la situation particulière de l'île. Au-delà des mesures prévues en matière d'environnement et de formation professionnelle, il est proposé que les régions soient totalement libres dans leurs décisions en matière d'aides aux entreprises, sous réserve du respect des engagements internationaux de la France. La gestion des infrastructures de transport et, notamment, des ports et des aéroports, soulève des questions très complexes ; c'est la raison pour laquelle il est suggéré de les aborder de façon expérimentale ;

- l'article 1er du projet de loi prévoit que les conseils de quartier comprendront des conseillers municipaux désignés par les conseils municipaux dans le respect du principe de la représentation proportionnelle. Cette disposition peut être assouplie, sous réserve que la présence d'élus dans ces conseils soit préservée et que les expériences en cours ne soient pas remises en cause. En revanche, le projet de loi écarte toute possibilité de litige en ce qui concerne le périmètre de ces quartiers, en confiant aux conseils municipaux le soin de le délimiter ;

- il est proposé que la création des conseils de quartier soit obligatoire dans les communes de 20 000 habitants et plus. Ce seuil pourrait être abaissé mais il représente un choix intermédiaire entre des propositions souvent divergentes. De plus, la notion de quartier n'a de sens qu'en milieu urbain ;

- il ne paraît pas opportun de prévoir dans la loi, auprès des conseils municipaux ou des conseils de quartiers, des structures consultatives propres aux ressortissants des pays membres de l'Union européenne. La création de nouveaux organes, dont l'utilité resterait d'ailleurs à démontrer, ne ferait qu'ajouter de la complexité à une réalité qui l'est déjà suffisamment. En revanche, le Gouvernement demeure favorable à la reconnaissance du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales. L'Assemblée nationale a voté, à cet effet, une proposition de loi constitutionnelle, qu'il soutient. Son adoption définitive dépend, néanmoins, d'un certain nombre de conditions politiques et institutionnelles qui ne sont pas réunies aujourd'hui ;

- le projet de loi ne prétend pas mettre en place un véritable « statut » de l'élu local et ne fait d'ailleurs pas référence à ce terme. Il procède, cependant, à des réformes importantes, dont le coût global est évalué à 1 milliard de francs ;

- en ce qui concerne les questions indemnitaires, la loi du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats a déjà procédé à des avancées au profit des maires. Il conviendra également d'aborder la situation des membres des exécutifs des établissements publics de coopération intercommunale. Toutefois, la réflexion peut se poursuivre sans précipitation, une réponse ne devant être apportée qu'en 2007, date prévue pour leur élection au suffrage universel ;

- une réflexion est également en cours à propos de la « dotation élu local ». Mais il s'agit d'un sujet complexe, aux implications financières très importantes. En conséquence, il convient de poursuivre ce travail préalable avant de procéder à des réformes partielles et précipitées ;

- la publicité des actes administratifs des collectivités locales mériterait d'être améliorée. Il pourrait être utilement proposé que ces actes soient disponibles directement sur Internet ;

- le titre III du projet de loi, qui reprend quelques propositions qui figuraient dans le rapport remis l'année dernière par M. Jacques Fleury au Premier ministre, ne fait effectivement qu'ajuster le mode de fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours. Les règles de leur financement sont clarifiées et les départements se voient confier la majorité des sièges de leur conseil d'administration. Une réforme de plus grande envergure est nécessaire, mais sa place se situe dans le cadre d'un grand projet de loi sur la sécurité civile que le Gouvernement présentera, à l'automne, au Parlement ;

- les dispositions relatives à la participation du public à l'élaboration des grands projets, qui sont réunies dans le titre IV du présent projet de loi, seront présentées et défendues en séance par la ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Elles vont dans le sens d'un accroissement de la responsabilité des collectivités locales et de la participation des habitants ;

- le titre du projet de loi résume bien le sens de la réforme souhaitée par le Gouvernement : il s'agit d'instiller davantage de démocratie à l'échelon de la proximité, afin de rapprocher les élus et les citoyens.

En conclusion, le ministre a considéré que l'Etat ne s'affaiblit pas en transférant des compétences. Il a jugé, au contraire, que c'est en se concentrant sur ses missions essentielles, grâce à une décentralisation pragmatique, qu'il renforce sa place et son rôle.


© Assemblée nationale