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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 47

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 27 juin 2001
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de résolution de M. Bernard Deflesselles (n° 3096) relative à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement et la gestion de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

 

(M. Maxime BONO, rapporteur) :

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- Information relative à la commission

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Maxime Bono, la proposition de résolution de M. Bernard Deflesselles (n° 3096) relative à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement et la gestion de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

M. André Lajoinie, président, a souhaité indiquer en introduction qu'il inviterait les rapporteurs de lois précédemment adoptées à élaborer des rapports de suivi de l'application de ces textes.

Puis, M. Maxime Bono, rapporteur, a rappelé que la proposition de résolution soumise à l'examen de la commission de la production et des échanges avait été déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 30 mai 2001 et qu'il convenait, en application de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale, d'en examiner la recevabilité avant de se prononcer sur son opportunité.

Il a indiqué que la recevabilité de la proposition de résolution pouvait être admise, Mme Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux, ministre de la justice, ayant confirmé par une lettre en date du 26 juin 2001, qu'aucune poursuite judiciaire n'était en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition.

Il a estimé qu'il était en revanche plus difficile d'admettre l'opportunité de créer une commission d'enquête et a rappelé que la proposition de résolution avait été déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale deux jours seulement après que Le Figaro eut, le 28 mai 2001, porté des accusations graves à l'encontre du fonctionnement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), ces accusations étant supposées s'inspirer largement d'un rapport d'audit de l'Agence, remis aux ministères de tutelle de cette dernière par l'Inspection générale des finances en juillet 2000.

Il s'est étonné que le rapport de l'Inspection générale des finances ait suscité des réactions si tardives - un an après sa remise.

Il a également observé que ce rapport avait été commandé par les ministères de tutelle (environnement, industrie, recherche) afin de guider l'Agence dans la mise en place des moyens nécessaires à sa réorganisation et à sa montée en puissance et que ce rapport, présenté au conseil d'administration de l'ADEME le 3 octobre 2000, était consultable sur le site Internet du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il a estimé qu'il convenait désormais de dépasser la polémique qui s'est développée dans la presse. Notant qu'aujourd'hui, l'Agence entreprend de réformer son fonctionnement pour tenir compte des observations qui lui ont été faites, il a jugé que les problèmes soulevés étaient certes réels mais, dans les faits, étaient pour la plupart en voie d'être résolus.

C'est pourquoi, il a estimé que s'il était aujourd'hui nécessaire de dresser un état des lieux objectif de la situation de l'Agence, cette tâche ne devait pas pour autant être assumée par une commission d'enquête.

Il a reconnu que des dysfonctionnements avaient été constatés par le rapport d'audit de l'Inspection générale des finances qui en dresse l'inventaire et insiste en particulier sur les imperfections du circuit de la dépense, l'absence de contrôle interne et d'une réelle conduite de projet. Il a rappelé que l'auteur de la proposition de résolution insiste, quant à lui, sur six points principaux : la sous-consommation avérée des crédits de l'Agence, le caractère opaque de sa gestion, la possibilité de prises illégales d'intérêt, l'insuffisance des pratiques concurrentielles, l'éventualité de comportements passibles de poursuites pénales et le caractère ambigu des relations entretenues par l'ADEME avec différents bureaux d'étude, ces cinq derniers griefs relevant davantage de la polémique ouverte entre Le Figaro et l'ADEME que du corps même du rapport de synthèse de l'Inspection générale des finances.

M. Maxime Bono, rapporteur, a indiqué qu'il n'entendait pas développer, pour chacun de ces points, une contre argumentation détaillée puisque tel a été l'objet du communiqué conjoint du 30 mai 2001 de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, de MM. Roger-Gérard Schwarzenberg, ministre de la recherche et Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, qui ont ainsi réaffirmé leur soutien et leur confiance à l'ADEME et donné des éléments de réponse.

Il a souligné les points particuliers suivants :

- l'auteur de la proposition de résolution évoque, dans l'exposé des motifs de cette dernière, la possibilité de comportements passibles de poursuites pénales. On doit observer que le principe de séparation des pouvoirs, fondamental dans notre démocratie, donne aux seuls juges judiciaires compétence pour se pencher sur cette question. Il est clair que tel n'est pas le rôle d'une commission d'enquête, dont la création serait d'ailleurs irrecevable à ce titre ;

- s'agissant de la gestion budgétaire de l'ADEME, il est vrai que l'établissement public a bénéficié d'un large excédent de trésorerie. D'après l'Inspection générale des finances, celui-ci s'élevait au 31 décembre 1999 à l'équivalent d'un an et demi d'autorisations de programme. Les causes de cette situation sont nombreuses. Paradoxalement, c'est surtout la crise budgétaire dont a été victime l'établissement public du fait du doublement de ses taux d'aide en matière de traitement des déchets, en 1997 et 1998, qui a conduit à cette accumulation de trésorerie.

La forte reprise des investissements a en effet conduit à une pénurie d'autorisations de programme pour les investissements escomptés pour la période 1999-2001. Cette situation a conduit les pouvoirs publics (le Gouvernement mais aussi le Parlement, par le vote de la loi de finances) à allouer à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie des dotations budgétaires selon une clé de répartition dérogatoire.

Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Cette « normalisation » devrait donc conduire, à terme, à une réduction sensible des excédents de trésorerie de l'Agence.

Au vu de ces éléments, il reviendra aux parlementaires et notamment aux rapporteurs budgétaires concernés de se montrer vigilants et d'exercer, s'ils l'estiment nécessaire, les contrôles qu'ils jugeront s'imposer, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2002 ;

- s'agissant des problèmes invoqués en matière de transparence de la gestion de l'ADEME, il est vrai que le rapport de synthèse de l'Inspection générale des finances fait état de dysfonctionnements tels que la qualité contestable des états comptables ou l'insuffisance du contrôle interne.

Ce constat a été établi en juillet 2000. A cette occasion, l'ADEME a proposé à l'Inspection générale des finances d'opérer un deuxième contrôle, un an après, afin de vérifier la mise en application des mesures correctrices qui s'imposaient.

Un train de mesures a en effet été décidé par le conseil d'administration de l'établissement public le 3 octobre 2000 et est actuellement mis en _uvre. Une réunion entre l'Inspection générale des finances et ce conseil d'administration est prévue pour le 5 juillet 2001, afin d'examiner les actions entreprises par l'ADEME pour répondre aux observations qui lui avaient été adressées un an plus tôt.

Ce contrôle de suivi donnera lieu à l'établissement d'une note complémentaire par l'Inspection générale des finances, adressée aux trois ministères de tutelle, et sera rendue publique. En outre, la présence de parlementaires au sein du conseil d'administration de l'Agence devrait permettre une information des assemblées sur cette synthèse complémentaire ;

- enfin, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ainsi que MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche et Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, ont signé mardi 19 juin 2001, avec M. Pierre Radanne, président de l'ADEME, un contrat de plan entre l'Etat et l'Agence, portant sur la période 2001-2006. Par ce contrat de plan, l'ADEME s'engage à atteindre, dans chacun de ses programmes d'intervention, un ensemble d'objectifs chiffrés et qualitatifs qui concernent notamment l'organisation et la gestion de l'établissement. Pour l'heure, cette mesure démontre la volonté de l'établissement public de réagir positivement aux critiques qui ont pu être adressées à son fonctionnement.

Compte tenu de l'existence d'un contrôle de suivi par l'Inspection générale des finances et des engagements pris par l'Agence de mener les réformes nécessaires, M. Maxime Bono, rapporteur, a invité la commission de la production et des échanges à rejeter la proposition de création d'une commission d'enquête.

M. Pierre Micaux a tenu à signaler aux membres de la commission de la production et des échanges un dysfonctionnement de l'ADEME dont il a été personnellement témoin. Alors que le président de l'ADEME s'était engagé à soutenir financièrement un syndicat départemental en matière de déchets, en voie de création, il est revenu ultérieurement sur cette décision, mettant ainsi en difficulté les élus locaux concernés. Constatant que cette attitude du président de l'ADEME, dans ce cas précis, reflétait l'existence de nombreuses défaillances dans la gestion de cet organisme, il a déclaré qu'à titre personnel il s'abstiendrait lors du vote de la proposition de résolution.

M. Jean Proriol a fait remarquer que la présentation faite par le rapporteur était un véritable plaidoyer en faveur de l'ADEME. Rejoignant les propos de M. Raymond Forni, président de l'Assemblée nationale, qui soulignait dans son bilan de l'année parlementaire le rôle très positif des commissions d'enquête, il a rappelé que les établissements publics étaient beaucoup plus efficacement contrôlés par des organes parlementaires que par l'Inspection générale des finances, ce contrôle fait par des hauts fonctionnaires sur d'autres hauts fonctionnaires étant bien souvent moins contraignant que celui exercé par une commission d'enquête parlementaire. Il a en outre douté que l'auteur de la proposition de résolution ait été inspiré par le Figaro et a souligné que les articles parus dans ce quotidien avaient eu le mérite de faire la lumière sur un rapport non public. Il a également observé que la gestion locale de l'ADEME n'était pas transparente, l'Agence n'intervenant pas alors qu'elle dispose de crédits. Constatant que les conditions pour constituer une commission d'enquête, tant du point de vue de la recevabilité que de l'opportunité, étaient réunies, il a annoncé qu'il voterait donc en faveur de l'adoption de la proposition de résolution.

M. André Lajoinie, président, a tenu à préciser en prolongement des propos qu'il tenait en début de séance sur le rôle des rapporteurs en matière de suivi de l'application des textes votés, que les rapporteurs budgétaires devaient avoir un rôle similaire pour révéler les dysfonctionnements les plus patents du département ministériel dont ils analysaient le budget. Il a ainsi invité les rapporteurs budgétaires à mener des investigations approfondies, lors de l'examen de la prochaine loi de finances, pour dénoncer certaines carences graves, les commissions d'enquête n'étant pas la seule procédure offerte aux parlementaires pour contrôler le fonctionnement des services publics.

M. Paul Patriarche s'est félicité, quant à lui, de la qualité de l'analyse présentée par M. Maxime Bono, rapporteur, qui démontre d'ailleurs que l'éventualité de la constitution d'une commission d'enquête est un moyen de pression efficace sur les responsables mis en cause, les incitant à répondre aux questions qui leur sont posées.

Il a déploré que le rapport de l'Inspection générale des finances n'ait été communiqué que par la voie d'une publication sur le site Internet du ministère de l'environnement, alors qu'il aurait dû être transmis à la commission de la production et des échanges, dès sa remise par l'Inspection générale des finances aux ministères de tutelles.

M. Patrick Rimbert s'est félicité des remarques formulées par M. André Lajoinie, président, au sujet du rôle des rapporteurs et il a proposé que la commission de la production et des échanges organise des auditions pour dresser un bilan de l'application des principales lois votées au cours de la législature et dont l'examen avait été confié à cette commission.

M. Paul Patriarche, en réponse aux propos de M. Patrick Rimbert, a donc demandé que soit organisée une audition du président de l'ADEME.

M. Félix Leyzour a estimé que l'examen du projet de loi de finances pour 2002 permettrait aux rapporteurs pour avis de mener des investigations approfondies, en particulier sur l'ADEME.

M. Jean-Pierre Pernot a exprimé sa confiance dans le contrôle exercé par l'Inspection des finances et, tout en reconnaissant que des problèmes locaux avaient pu apparaître lors des interventions de l'ADEME, a estimé que les dysfonctionnements constatés pourraient être maîtrisés et que la commission de la production et des échanges pourrait, notamment au moyen d'auditions, exercer un suivi du fonctionnement de cet établissement public.

Puis, M. Pierre Micaux a exprimé le souhait que la commission de la production et des échanges procède à l'audition du rapporteur de l'Inspection générale des finances.

En réponse aux différents intervenants, M. Maxime Bono, rapporteur, a souligné les points suivants :

- le rapport de synthèse a été remis par l'Inspection générale des finances aux ministères de tutelle en juillet 2000. Le conseil d'administration de l'ADEME, réuni le 3 octobre 2000, a alors décidé de prendre les mesures nécessaires, mais n'a pas rendu publique cette décision. Certes, c'est seulement après que le Figaro eut publié des articles dénonçant le fonctionnement de l'ADEME que les mesures envisagées ont été rendues publiques ; mais celles-ci ont été décidées bien avant ;

- s'agissant de l'activité de l'ADEME en matière de déchets, elle a été à l'origine de l'excès de trésorerie de l'Agence : le doublement des aides que celle-ci a proposées a conduit à une forte croissance des investissements prévus. Afin de les mener à bien, il a donc été décidé d'augmenter les dotations budgétaires de l'Agence, alors que de nombreux projets n'ont pu voir le jour. Cela explique la sous-consommation de ses crédits par l'Agence ;

- enfin, une réunion entre l'Inspection générale des finances et le conseil d'administration de l'ADEME est prévue pour le 5 juillet 2001. La présence de parlementaires au sein de ce conseil devrait permettre d'assurer l'information des assemblées.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution (n° 3096).

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Daniel Marcovitch, rapporteur pour le projet de loi sur l'eau (n° 3205).


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