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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 043

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 27 mai 1998
(Séance de 09 heures 30)

Présidence de M. Pierre Ducout, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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– Examen de la proposition de résolution de Mme Béatrice MARRE (n° 742) sur la proposition de directive du Conseil instituant un cadre pour l’action communautaire dans le domaine de l’eau (COM [97] 49 final/n° E 838) – (M. Daniel MARCOVITCH, rapporteur) 

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– Examen en deuxième lecture du projet de loi (n° 864), relatif à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural – (M. Bernard NAYRAL, rapporteur)

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– Informations relatives à la commission

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La commission a d’abord examiné, sur le rapport de M. Daniel Marcovitch, la proposition de résolution de Mme Béatrice Marre (n° 742) sur la proposition de directive du Conseil instituant un cadre pour l’action communautaire dans le domaine de l’eau (COM [97] 49 final/n° E 838).

M. Daniel Marcovitch, rapporteur, a souligné en préambule que l’on pouvait a priori s’étonner du fait que la Commission européenne fasse une nouvelle proposition de directive sur l’eau ; en effet, près de trente directives ont été adoptées dans ce domaine depuis 1975, par strates successives. C’est précisément à cause de cette réglementation foisonnante, sans vision d’ensemble, que la Commission a souhaité une mise en cohérence et une simplification en proposant un nouveau cadre général pour la politique européenne de l’eau.

Cette initiative apparaît utile, d’autant plus que le dispositif envisagé s’inspire largement du système français de gestion de l’eau. La proposition de directive prévoit, en effet, la mise en place d’institutions et de plans de gestion intégrée de la ressource en eau par bassins hydrographiques. Elle tend ainsi à généraliser à l’échelle européenne le système des agences de l’eau, dont l’aire d’intervention correspond aux six grands bassins de notre territoire et qui repose sur le principe pollueur-payeur. Ce système a, certes, fait l’objet de critiques, de la part du Commissariat général du Plan et de la Cour des comptes notamment ; s’il convient de corriger certains dysfonctionnements comme s’y est engagé le Gouvernement, les principes fondateurs ne sont pas remis en cause.

Quant aux plans de gestion intégrée, ils correspondent également à l’approche guidant notre politique de l’eau, inscrite dans les documents de planification institués par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau : les six SDAGE (schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux), élaborés au niveau des bassins, sont approuvés ; les SAGE (schémas d’aménagement et de gestion des eaux), établis au niveau de chaque sous-bassin correspondant à une unité hydrographique, sont en cours d’élaboration, un seul ayant été approuvé.

Sur le plan des principes, la proposition de directive ne pose donc pas de problème ; en revanche, les modalités initialement proposées par la Commission européenne suscitent des réserves, fort bien exposées dans la proposition de résolution présentée par Mme Béatrice Marre. Depuis lors, les travaux du Conseil ont permis des évolutions intéressantes mais les discussions n’étant pas achevées, il paraît préférable de maintenir pour l’essentiel les positions exprimées dans le texte qui nous est soumis.

Ainsi, la notion de “ bon état ” écologique reste très floue, même si la Commission européenne a modifié sa proposition initiale en ce qui concerne l’annexe V, document fondamental puisqu’il contient les critères que l’on retiendra pour atteindre cet objectif. En outre, le délai fixé est beaucoup trop court, donc irréaliste. Comment peut-on, du reste, fixer une telle échéance avant de choisir les critères applicables et de savoir clairement si l’on vise une obligation de résultat ou une simple obligation de moyens ?

De même, s’agissant de la tarification de l’eau, la proposition de la Commission européenne en faveur d’une récupération intégrale des coûts par catégories d’usagers (ménages, industrie, agriculture) est totalement inacceptable car elle mettrait fin à tout mécanisme de péréquation et de solidarité. Les travaux du Conseil ont permis une évolution significative sur ce point, la quasi-unanimité des Etats membres étant hostiles au texte de la Commission. En dépit de ces signes positifs, il convient de faire respecter le principe de subsidiarité et d’affirmer clairement que les Etats membres gardent toute liberté pour définir les mécanismes de péréquation qu’ils jugent nécessaires, la directive se limitant à poser le principe de la récupération des coûts afférents à l’usage de l’eau.

Le problème soulevé dans la proposition de résolution sur la possibilité pour les “ autorités compétentes ” de faire directement rapport à la Commission européenne semble, lui aussi, en voie de règlement puisque l’on s’oriente vers un texte réservant cette faculté aux Etats membres, qui seraient donc les seuls interlocuteurs de la Commission en cas de difficulté de gestion des eaux concernant plusieurs bassins hydrographiques.

Quant aux plans de gestion, il paraît nécessaire d’assurer une meilleure association des usagers, dès leur phase d’élaboration, à l’instar des commissions locales de l’eau pour les SAGE, plutôt que de demander un allongement des délais d’information et de consultation du public prévus dans la proposition de directive.

Enfin, il est indispensable de réaliser une étude coûts-bénéfices sur la mise en oeuvre de la directive-cadre, comme le souligne à juste titre la proposition de résolution, mais aussi sur les propositions qui la compléteront et la préciseront.

Mme Béatrice Marre, rapporteur de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, a indiqué qu’elle était en accord avec les propositions du rapporteur et a précisé que, bien que sachant au mois de février dernier que la proposition initiale de directive allait évoluer dans la bonne direction, il lui avait paru nécessaire de maintenir dans la proposition de résolution certaines demandes fortes, comme la réaffirmation du principe de subsidiarité qui conduit à laisser aux Etats membres la détermination des modalités d’application du principe de récupération des coûts des services afférents à l’usage de l’eau et à faire des Etats les “ autorités compétentes ” prévues à l’article 15.

S’agissant du point 8 de la proposition de résolution sur les délais d’information et de consultation du public et sur les procédures de représentation et de concertation des usagers au cours de la phase d’élaboration des plans de gestion, il lui a paru important que les usagers, mais également les collectivités territoriales, comme le suggère un amendement de M. Michel Vaxès, soient consultés le plus en amont possible de l’élaboration de ces plans.

M. Michel Vaxès a déclaré qu’il partageait les objectifs de la proposition de directive parce qu’elle prévoit un découpage spatial pertinent et s’inscrit dans une perspective de meilleure gestion de la ressource mais qu’il n’était pas convaincu que les instruments proposés permettront de les atteindre. Après avoir indiqué qu’il souscrivait aux réserves émises dans la proposition de résolution, il a précisé qu’il avait déposé plusieurs amendements visant à renforcer et préciser certains points.

Il n’est pas, en effet, acceptable que l’échelon national soit évincé et que la Commission européenne traite directement avec les “ autorités compétentes ” en cas de problème. Le principe de la récupération des coûts des services afférents à l’usage de l’eau pose également un vrai problème dans la mesure où les choix environnementaux sont bien souvent dictés par des choix économiques. Ainsi, les agriculteurs sont-ils contraints à une utilisation intensive de l’eau, d’engrais et de pesticides pour rester compétitifs en raison des choix économiques décidés dans le cadre de la politique agricole commune, et il serait anormal de leur faire payer au prix fort la résultante de cette politique. Par ailleurs, la proposition de directive implique la disparition des aides directes de l’Etat et des collectivités locales aux projets d’infrastructures dans le domaine de l’eau et la fin des mécanismes de péréquation nationale, ce qui conduirait à une explosion du prix de l’eau.

M. Michel Vaxès a donc regretté que l’on ne relève pas dans les instruments proposés une quelconque perspective de modification des choix économiques. Il a également estimé que la prévention à la source des pollutions était insuffisamment abordée. Enfin, outre le délai de 2010 qui lui paraît irréaliste pour un retour à un “ bon état ” écologique, il lui a semblé nécessaire de repousser l’ensemble des échéances figurant dans la proposition de directive.

M. Patrick Ollier a relevé deux points importants, déjà analysés par les orateurs précédents, qui sont sources d’inquiétude pour le groupe RPR : l’affaiblissement du rôle des Etats membres et le non-respect du principe de subsidiarité. Il a indiqué que pour ces deux raisons, sans parler du problème des coûts des services afférents à l’usage de l’eau qui pèseront sur le monde agricole, son groupe était contre la proposition de directive et souligné que les réserves émises par le rapporteur lui paraissaient trop timides.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a rappelé que les travaux du Conseil avaient permis de premières améliorations de la proposition de directive, en particulier sur le respect du principe de subsidiarité. Le rôle des Etats membres devrait donc être renforcé dans la mise en oeuvre de la directive-cadre. Il est fondamental de préserver leur marge de manoeuvre concernant la récupération des coûts de l’usage de l’eau afin de ne pas pénaliser certains secteurs d’activité, comme l’agriculture, mais aussi de maintenir ou de mettre en place des mécanismes de péréquation au sein des bassins hydrographiques comme à l’échelle nationale. La politique de tarification doit rester entre les mains des Etats membres qui choisiront de quelle façon ils mettront en oeuvre le principe de la récupération des coûts auprès des différentes catégories d’usagers.

Puis la commission a examiné l’article unique de la proposition de résolution.

Elle a tout d’abord adopté un amendement du rapporteur actualisant les références aux propositions de directives instaurant un cadre pour l’action communautaire dans le domaine de l’eau, ainsi qu’un amendement rédactionnel du même auteur au point 1 de la proposition de résolution afin de tenir compte des critiques formulées à l’encontre des agences de l’eau et de la gestion actuelle des bassins en France.

Puis elle a adopté un amendement de M. Michel Vaxès insérant dans la proposition de résolution un alinéa supplémentaire en vue de préciser que la politique européenne de l’eau ne devait pas se contenter d’actions curatives mais aussi favoriser la prévention des pollutions.

Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur relatif au point 4 de la proposition de résolution et précisant que l’échéance prévue pour un retour à un “ bon état ” écologique ne devrait être fixée qu’après la définition des critères de l’annexe V de la proposition de directive. Le rapporteur ayant souligné qu’il lui paraissait indispensable de préciser ces critères avant d’arrêter une date-butoir, M. Michel Vaxès a fait observer que la proposition de directive prévoyait d’autres échéances intermédiaires apparaissant tout aussi irréalistes.

Mme Béatrice Marre s’est déclarée en accord avec M. Michel Vaxès tout en soulignant que l’échéance de 2010 pour un retour au “ bon état ” écologique était la plus importante. Elle a également souligné que la rédaction proposée ne devait pas être interprétée comme repoussant indéfiniment cette échéance et suggéré que celle-ci fasse mention d’un “ délai raisonnable ”. M. Roger Meï a estimé à son tour qu’il fallait maintenir la référence à la date-butoir pour le retour au “ bon état ” écologique de l’eau.

A l’issue de cette discussion, la commission a décidé d’étendre l’amendement du rapporteur à l’ensemble des échéances de la proposition de directive et de préciser que celles-ci devaient être fixées dans un délai raisonnable. Elle a, par conséquent, adopté l’amendement proposé par le rapporteur ainsi sous-amendé.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Michel Vaxès visant, d’une part, à préciser que le principe de la récupération des coûts afférents à l’usage de l’eau ne devait pas s’appliquer aux subventions de l’Etat et des collectivités territoriales et, d’autre part, à mettre l’accent sur la nécessité de maintenir les solidarités financières entre les bassins hydrographiques à l’intérieur d’un Etat. M. Michel Vaxès a indiqué qu’il lui paraissait sage de réaffirmer ces principes, après avoir rappelé que la proposition de directive limitait les possibilités de mutualisation des coûts entre les différents usagers et se plaçait dans une logique de disparition des subventions publiques.

Le rapporteur a fait observer que le point 5 de la proposition de résolution, par sa rédaction large, répondait au souci de l’auteur de l’amendement. Il a souligné qu’il ne fallait pas se placer dans la logique de la proposition de directive mais affirmer clairement le principe de la liberté des Etats membres de maintenir ou de réviser les mécanismes de péréquation lorsqu’ils le jugent nécessaire.

M. Michel Vaxès s’est déclaré en accord avec le rapporteur tout en se demandant s’il ne convenait pas de préciser la proposition de résolution sur ce point. Mme Béatrice Marre, soulignant qu’il n’y avait pas d’opposition de fond, a estimé, à son tour, que l’amendement de M. Michel Vaxès était satisfait par la rédaction du point 5 de la proposition de résolution. Elle a jugé préférable de refuser globalement d’entrer dans la logique de la Commission européenne et donc de se limiter à poser le principe de la liberté des Etats membres dans ce domaine. M. Michel Vaxès a alors retiré son amendement.

Puis la commission a adopté un amendement du rapporteur au point 6 de la proposition de résolution afin de tenir compte de l’évolution favorable des travaux du Conseil, le dernier état des discussions ne faisant plus référence aux “ autorités compétentes ” mais aux Etats membres.

Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction du point 8 de la proposition de résolution afin de prévoir l’information et la consultation du public dès la phase d’élaboration des projets de plans de gestion. M. Michel Vaxès s’est déclaré favorable à cette proposition et a souhaité que les collectivités territoriales soient, au même titre que les usagers, associées à cette concertation préalable. La commission a adopté l’amendement du rapporteur ainsi sous-amendé.

Elle a adopté un amendement du rapporteur au point 11 de la proposition de résolution en vue de préciser que des études “ coûts-bénéfices ” devront être réalisées aussi pour les textes qui compléteront la directive-cadre.

Puis la commission a adopté l’ensemble de la proposition de résolution ainsi amendée.

——fpfp——

La commission a ensuite examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Bernard Nayral, le projet de loi adopté avec modifications par le Sénat (n° 864), relatif à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural.

M. Bernard Nayral, rapporteur, a rappelé qu’en première lecture le Sénat avait adopté 125 amendements et l’Assemblée nationale 70. En seconde lecture, le Sénat a adopté quatre nouveaux amendements modifiant l’article 4 du projet de loi et les articles L. 641-15 et L. 641-24 du code annexé.

· Article premier : Livre VI (nouveau) du code rural (partie législative)

La commission a adopté cet article sans modification, sous réserve de l’adoption des amendements au livre VI (nouveau) placé en annexe du projet de loi.

LIVRE VI (NOUVEAU) DU CODE RURAL (PARTIE LÉGISLATIVE) : PRODUCTION ET MARCHÉS

– Article L.641-15 : Délimitation des aires de production donnant droit à appellation d’origine et détermination des conditions de production

Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement supprimant la référence devenue inutile à la loi du 22 juillet 1927 modifiant la loi du 6 mai 1919 relative aux appellations d’origine.

– Article L. 641-23 : Dérogations prévues par la réglementation communautaire en matière d’indication géographique

Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement substituant à la référence à l’article 2-2°, i du règlement (CEE) n° 2392/89 du Conseil du 24 juillet 1989 une référence à l’article 72, paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 822/87 du Conseil du 16 mars 1987 portant organisation commune du marché viti-vinicole.

– Article L. 641-24 : Vins bénéficiant d’une appellation d’origine non contrôlée

Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement substituant à la référence aux lois des 6 mai 1919 et 22 juillet 1927 précitées une référence aux articles L. 115-8 à L. 115-15 du code de la consommation.

· Article 4 : Transformation de certains articles du code de la consommation en dispositions de code suiveur

La commission a adopté cet article sans modification.

Puis, elle a adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Informations relatives à la Commission

La commission a procédé à la nomination d’un rapporteur. A été désigné M. Philippe Duron pour :

– la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard (n° 870) tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’impact réel en France de l’accident de la centrale atomique de Tchernobyl le 26 avril 1986 ;

– la proposition de résolution de M. Christian Estrosi (n° 883) tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conséquences des retombées radioactives de la catastrophe de Tchernobyl en France.

——fpfp——


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