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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 45

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 juin 1998
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

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– Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux dates d’ouverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs (n° 638) – (M. Ladislas Poniatowski, rapporteur) 



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– Informations relatives à la commission

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Ladislas Poniatowski, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux dates d’ouverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs (n° 638).

Le rapporteur, a exposé les raisons pour lesquelles le Sénat avait adopté cette proposition de loi en rappelant que le contentieux juridique sur les périodes de chasse trouvait son origine dans la difficulté d’appliquer la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. Ce texte, dont l’objectif est de protéger les espèces, admet la pratique de la chasse tout en la limitant à certaines périodes de l’année. Ainsi l’article 7 de la directive prescrit que les espèces reconnues comme gibier ne doivent pas être chassées « pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance ». Pour les espèces migratrices, la chasse est interdite « pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification ». La directive ne fixe donc pas de dates d’ouverture et de fermeture de la chasse uniformes pour le territoire européen et laisse aux Etats membres le soin de déterminer les moyens d’atteindre ses objectifs.

Ceux-ci ont plus ou moins bien appliqué les dispositions de la directive, chacun adaptant sa réglementation en tenant compte de ses traditions. Il est vrai que la France a été le pays non pas le plus laxiste, mais celui où traditionnellement les périodes de chasse sont les plus longues et qui compte un nombre de chasseurs plus important que ses partenaires européens. La France a donc conservé sa réglementation et ses traditions en matière d’ouverture et de fermeture de la chasse. De nombreux recours furent introduits devant les tribunaux administratifs à l’encontre des arrêtés ministériels fixant les dates d’ouverture et des arrêtés préfectoraux fixant les dates de clôture de la chasse au gibier d’eau. Contrairement à ce qu’affirment certains, les jugements intervenus ne vont pas tous dans le sens de l’annulation de ces arrêtés, les avis étant partagés en raison de l’imprécision des termes de la directive. Saisie à titre préjudiciel par le tribunal administratif de Nantes, la Cour de justice des Communautés européennes a donné une interprétation extensive de l’article 7, puisqu’elle exige une protection complète des espèces, dans son arrêt du 19 janvier 1994.

C’est à partir de cette date qu’une double démarche fut entreprise. D’une part, la Commission européenne a proposé une modification de la directive dans un souci de clarté juridique et dans le sens d’une meilleure application du principe de subsidiarité. Dans le texte qu’elle a transmis au Conseil le 1er mars 1994, elle reconnaît le principe d’un échelonnement des dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs par espèce et par pays, en fonction de deux critères : l’état de conservation de l’espèce et le caractère plus ou moins précoce du début de la migration. Cette proposition se rapprochait du système pratiqué en France mais le Parlement européen l’a rejetée en janvier 1996 et souhaité que la clôture annuelle de la chasse aux oiseaux migrateurs intervienne au plus tard le 31 janvier dans tous les Etats membres, sans possibilité de dérogations.

D’autre part, l’Assemblée nationale a pris l’initiative en 1994, sur la proposition de M. Pierre Lang alors soutenue par le Gouvernement et le Sénat, de fixer les dates de clôture par la voie législative. La loi n° 94-591 du 15 juillet 1994, issue de ces travaux, établit un calendrier de fermeture échelonée selon les espèces en tenant compte des critères proposés par la Commission européenne et reposant sur les données scientifiques les plus récentes.

Malheureusement, ce texte ne concerne que les dates de clôture de la chasse et comprend une disposition qui permet au préfet de déroger aux dates fixées par la loi en raison de circonstances particulières. Introduite pour conserver un élément de souplesse, cette disposition, inscrite dans le dernier alinéa de l’article L. 224-2 du code rural, est devenue un nouveau nid de contentieux.

Aujourd’hui, la situation est complètement bloquée. La France a été mise en demeure en novembre 1997 de mettre sa réglementation en conformité avec la directive 79/409/CEE. La Commission européenne est ouverte à la discussion et serait prête à certaines adaptations mais, il ne faut pas se faire d’illusions, ce processus sera long ; avant que de nouvelles propositions soient formalisées et soumises au Parlement européen, il se passera plusieurs années. Notre pays reste confronté au double problème de la multiplication des recours contentieux et de l’absence de fixation des dates d’ouverture pour la prochaine saison de la chasse au gibier d’eau qui devrait commencer dans un mois et demi environ, alors que les chasseurs ont exprimé en de nombreuses occasions leur inquiétude, parfois même leur irritation face à cette situation de blocage.

C’est pourquoi le Sénat a adopté la proposition de loi dont nous sommes saisis. Celle-ci résulte d’un travail consensuel réalisé à partir de trois propositions de loi déposées par M. Roland du Luart, M. Michel Charasse et M. Pierre Lefebvre. Cinq propositions de loi ayant le même objet ont également été déposées à l’Assemblée nationale par des députés issus de différents groupes politiques mais, dans un souci d’efficacité, il paraît préférable d’examiner le texte adopté par le Sénat le 15 janvier 1998.

Celui-ci propose, en premier lieu, de fixer par voie législative les dates d’ouverture anticipée de la chasse au gibier d’eau. Le tableau précisant ces dates tient compte des observations scientifiques de l’évolution des espèces d’oiseaux ; il prévoit une ouverture de la chasse variable selon les départements et des dates spécifiques pour certaines espèces.

En second lieu, la proposition de loi modifie l’article L. 224-2 du code rural, tel qu’il est issu de la loi du 15 janvier 1994. En effet, pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, l’échelonnement des dates de clôture est révisé pour quatre espèces. En outre, le dernier alinéa de cet article est supprimé pour mettre fin au contentieux qu’il a engendré ; les associations de protection de l’environnement attaquant régulièrement la décision de refus de modifier les dates fixées par la loi, il est apparu nécessaire de supprimer cette faculté laissée au préfet.

Enfin, la proposition de loi prévoit la mise en place de plans de gestion pour les espèces ne bénéficiant pas d’un état de conservation favorable, qui s’inspire des plans de chasse en vigueur pour le grand gibier. Ces plans de gestion pourront prévoir une protection totale pour les espèces menacées, fixer des heures de chasse ou instituer des quotas de prélèvement comme l’ont déjà fait les fédérations de chasseurs dans une trentaine de départements pour la grive et la bécasse.

Après avoir indiqué que ce texte ne permettrait probablement pas de régler tous les problèmes et qu’il s’agissait d’une solution d’attente par rapport à la modification éventuelle de la directive européenne, le rapporteur a proposé à la commission d’adopter sans modification la proposition de loi votée par le Sénat pour éviter que la situation ne devienne explosive.

Après l’exposé du rapporteur, la commission a examiné l’exception d’irrecevabilité n° 1 de Mme Marie-Hélène Aubert.

M. Guy Hascoët a indiqué que cette motion de procédure, dont il est cosignataire, était justifiée par le souci d’éviter à la France de se placer en infraction par rapport à la directive européenne en adoptant cette proposition de loi.

M. Patrick Ollier a jugé que cette argumentation était insuffisante pour démontrer que la proposition de loi était contraire à la Constitution et que, faute de précisions supplémentaires, il voterait contre l’exception d’irrecevabilité.

M. Patrick Rimbert s’est étonné de ce que la proposition de loi supprime la possibilité pour le préfet d’avancer les dates de fermeture de la chasse si une espèce s’avérait menacée.

M. Jean-Claude Lemoine a indiqué que la proposition de loi prévoyait la mise en place de plans de gestion qui permettraient de limiter les inconvénients liés à la suppression du dernier alinéa de l’article L. 224-2.

Le rapporteur a souscrit à cette remarque en soulignant que la suppression de la souplesse introduite par cet alinéa était regrettable mais s’expliquait par le souci de mettre un terme à l’abondant contentieux qui s’est développé sur son application. Soulignant que les chasseurs avaient tout intérêt à organiser la conservation des espèces, il a indiqué que l’expérience positive des plans de chasse, qui avaient permis d’accroître la population du grand gibier en France, permettait d’être optimiste quant aux résultats des plans de gestion prévus par la proposition de loi pour le gibier d’eau.

A l’issue de ce débat, la commission a rejeté l’exception d’irrecevabilité.

La commission a ensuite examiné la question préalable n° 1 de M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët a souligné que ce débat avait une dimension historique car depuis près de vingt ans la France n’a jamais pu adopter une position claire quant à l’application de la directive de 1979 ; notre pays a, en effet, recherché tous les moyens de ne pas appliquer véritablement ce texte européen, s’appropriant en quelque sorte un patrimoine commun, et les ministres de l’environnement successifs ont demandé avec constance des conditions de mise en oeuvre dérogatoires qu’ils se sont régulièrement vu refuser. Quand on parle de l’attitude ouverte de la Commission européenne, il faut aussi prendre en compte le fait que douze des quinze Etats membres respectent la directive et que la France est mise en demeure de trouver une solution pour mettre son droit interne en conformité avec ce texte. Dans ces conditions, l’on peut s’interroger sur l’opportunité de ce débat et la volonté de conserver cette spécificité française à tout prix.

M. Patrick Ollier a rappelé que l’objet d’une question préalable était de décider s’il y avait lieu ou non de débattre. Il a considéré que la réponse à cette question ne faisait pas de doute car le principe de subsidiarité, qui s’impose aux institutions européennes, signifie que, dans le cadre des principes généraux fixés par une directive, il revient aux Etats membres d’en arrêter les modalités concrètes de mise en oeuvre et que tel était bien l’objet de la proposition de loi adoptée par le Sénat. Il a également estimé qu’il convenait de ne pas préjuger des propositions futures de la Commission européenne. Il a conclu en appelant au rejet de cette motion de procédure.

M. Guy Hascoët a jugé qu’une argumentation de ce type pourrait être retenue si les recours introduits contre les arrêtés visant à appliquer la réglementation actuelle n’étaient pas systématiquement acceptés par les tribunaux administratifs. Il a, pour illustrer son propos, indiqué qu’un préfet avait récemment été condamné à payer des dommages et intérêts, à la suite d’une de ses décisions portant sur les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d’eau.

Le rapporteur a souligné que les décisions de justice relatives à la réglementation de la chasse au gibier d’eau n’allaient pas toutes dans le même sens et qu’il convenait de distinguer plusieurs situations. S’agissant tout d’abord des arrêtés ministériels fixant les dates d’ouverture, il est exact que le Conseil d’Etat les a annulés au motif qu’ils étaient contraires à la directive européenne. Concernant la détermination des dates de fermeture, les recours directs contre les arrêtés préfectoraux se bornant à recopier sur ce point les dispositions de la loi du 15 juillet 1994 ont, dans la grande majorité des cas, été considérés comme irrecevables. Quant aux arrêtés préfectoraux pris en application du dernier alinéa de l’article L. 224-2 du code rural, qui reconnaît aux préfets la faculté d’avancer les dates de fermeture, il est bien évident qu’ils n’ont pas été attaqués directement par les associations de défense de l’environnement. Ce que ces dernières ont attaqué, c’est la décision explicite ou implicite du préfet de rejet des demandes tendant à modifier un arrêté recopiant les dates fixées par la loi et, sur ce point, les jugements sont très variés : certains tribunaux annulent, d’autres pas ; il serait donc abusif de dire, en l’état actuel de la jurisprudence, que cette question a été définitivement tranchée par le juge administratif.

En tout état de cause, la proposition de loi propose de supprimer cet alinéa, pourtant justifié sur le fond puisqu’il permet aux préfets, en fonction des situations constatées localement, d’avancer les dates de fermeture de la chasse afin d’assurer une meilleure protection des espèces concernées, en raison de l’utilisation qu’en ont faite les associations et de l’important contentieux qui en a résulté.

La commission a alors rejeté la question préalable.

Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus dans la discussion générale.

M. Jacques Fleury a indiqué en préambule qu’en raison des tensions très vives existant sur ce sujet, il était nécessaire de légiférer rapidement sur les périodes de chasse au gibier d’eau. Après avoir rappelé qu’un important contentieux s’était développé du fait de l’interprétation de la directive par la Cour de justice des Communautés européennes et qu’une loi avait été adoptée en 1994, dans un souci de pacification, pour fixer les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, il a souligné l’urgence de stabiliser également les dates d’ouverture de cette chasse. Il a souligné que ce sujet faisait l’objet d’un large accord entre les différents groupes politiques, rappelant que cette proposition de loi avait été votée à l’unanimité par le Sénat et que plusieurs députés du groupe socialiste à l’Assemblée nationale avaient déposé une proposition de loi très proche de l’esprit du texte soumis à la commission.

Il a ensuite considéré que la directive de 1979 ne se prononçait pas sur le calendrier d’ouverture et de fermeture de la chasse et qu’elle autorisait la mise en oeuvre de modalités d’application différentes selon les pays puisqu’elle prévoit la possibilité de prendre en compte les exigences « économiques et récréationnelles » comme les exigences écologiques pour maintenir la population des oiseaux migrateurs. Ces deux précisions sont essentielles. Sur la première d’entre elles, l’importance économique de la chasse est une réalité dans de nombreuses zones comme, par exemple, en baie de Somme où la chasse constitue une activité touristique majeure, notamment en été, et représente donc un support important pour l’économie locale. Concernant la seconde précision, il faut se souvenir que la chasse au gibier d’eau, à la différence d’autres types de chasse, est une chasse populaire pratiquée par des gens qui sont souvent d’origine modeste.

Pour l’ensemble de ces raisons, il aurait fallu tenir davantage compte du principe de subsidiarité et les députés socialistes, signataires de la proposition de loi déposée par M. Henri Sicre, approuvent les conclusions du rapporteur.

M. Daniel Paul, tout en soulignant qu’il n’était pas lui même chasseur, a rappelé qu’il était élu d’une région très concernée par ces problèmes comme en témoignaient les manifestations de chasseurs organisées à l’occasion d’une récente visite du Premier ministre à Rouen.

Il a indiqué que le droit de chasse était ancien, pouvant même être considéré comme une conquête révolutionnaire, et que tout ce qui tendait à le remettre en cause était très mal perçu dans notre pays. Il a également observé que la perpétuation du système actuel ne pourrait qu’aggraver une situation déjà difficile, avant de rappeler les trois principales exigences du groupe communiste en cette matière, à savoir :

– la reconnaissance du fait qu’au sein de l’Union européenne, la chasse, tant en ce qui concerne les méthodes utilisées que le droit de chasser, doit pouvoir s’exercer de façon différente selon les pays ;

– la prise en compte des spécificités de chaque pays et de chaque région, ces spécificités pouvant être très marquées dans certaines zones, comme les estuaires ;

– la mise en place de plans de gestion tenant compte des réalités locales et arrêtés après une large concertation, en vue de préserver les espèces car leur extinction signifierait la fin de l’exercice de la chasse.

Après avoir rappelé que le groupe communiste avait déposé une proposition de loi en ce sens le 7 janvier 1998, il a indiqué que celui-ci se ralliait au texte voté par le Sénat le 15 janvier dernier car il faut chercher à apaiser une situation qui pourrait devenir dangereuse, tout en espérant encore pouvoir trouver un accord au niveau européen sur cette question. En conclusion, et prenant l’exemple de la baie de Seine, il a souligné l’importance de l’action des chasseurs en matière d’entretien de la nature, en liaison avec les collectivités territoriales et approuvé la solution proposée par le rapporteur.

M. Pierre Micaux, après s’être déclaré en accord avec les conclusions du rapporteur, a indiqué qu’il n’était pas lui-même chasseur mais soutenait le monde de la chasse et qu’il savait, à l’occasion, apprécier les vertus gustatives du gibier.

Il s’est par ailleurs déclaré « fatigué » des incursions incessantes des institutions communautaires dans des domaines où la liberté des Etats membres et le respect des traditions nationales devraient être la règle.

Usant de la faculté offerte par l’article 38, alinéa premier du Règlement, M. René André a tout d’abord fait part de la très grande émotion des chasseurs dans les régions concernées par la chasse au gibier d’eau, qui explique à la fois l’intérêt et l’urgence de cette proposition de loi. La chasse est une conquête républicaine contre un privilège auparavant réservé à l’aristocratie et, comme l’a rappelé un intervenant précédent, tout ce qui tend à remettre en cause ses conditions d’exercice est très mal vécu. Les nouveaux aristocrates, ce sont les technocrates de Bruxelles, du moins sont-ils perçus comme tels. La proposition de loi, en soulignant que la chasse doit être gérée au niveau national, participe donc à la tradition républicaine de notre pays.

Il convient, en outre, d’être conscient de deux réalités :

– les espèces d’oiseaux migrateurs ne sont pas en danger, il n’y a jamais eu autant de canards colverts et de sarcelles pour ne prendre que ces deux exemples ;

– certains pays européens, qui veulent nous donner des leçons, pratiquent des modes de chasse beaucoup plus destructeurs que les nôtres.

Il a conclu son propos en appelant à voter en faveur de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

M. Jean-Claude Lemoine s’est déclaré en accord avec la majorité des orateurs précédents. Il a estimé que l’adoption de cette proposition de loi était urgente et que cette adoption ne contribuerait en rien à « durcir » la position de Bruxelles puisque ce texte est compatible avec la directive de 1979. Ainsi la mise en place de plans de gestion correspond aux objectifs d’utilisation raisonnée et de régulation équilibrée des espèces inscrits dans le texte européen. En outre, les périodes d’ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d’eau proposées ne gêneront ni la nidification, ni la reproduction, ni l’indépendance des espèces concernées. Il a indiqué que le groupe RPR voterait le texte tel qu’il a été adopté par le Sénat.

M. Léonce Deprez a souligné que le débat sur le projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier avait permis la manifestation d’un large accord politique sur le contenu de cette proposition de loi, ce qui avait incité le groupe UDF à en demander l’inscription à l’occasion de la séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l’Assemblée nationale.

Il a demandé que, dans ce domaine, le principe de subsidiarité soit respecté, faute de quoi l’Europe se rendrait très impopulaire. Il a enfin estimé qu’après l’adoption du texte, il serait possible de rechercher un accord au niveau européen et souhaité que le Gouvernement renonce à s’opposer à cette proposition de loi.

M. Pierre Cohen, évoquant l’opposition exprimée par certains de ses collègues à l’encontre des dispositions de la directive de 1979, a considéré que leur engagement à défendre la spécificité française serait plus utilement employé à propos de dossiers plus importants, comme la défense des services publics.

Partageant l’attachement des chasseurs au maintien de traditions et à la défense d’un loisir populaire, il a indiqué que ceux qui s’interrogeaient sur l’opportunité de la proposition de loi n’étaient pas pour autant opposés à la chasse. Il a considéré que la fixation d’une date unique pour l’ouverture et la clôture de la chasse au gibier d’eau sur l’ensemble du territoire éviterait les excès de certains groupes de pression, pesant abusivement sur les décisions des préfets. En outre, l’existence de périodes différentes de chasse selon les espèces entraîne un risque de confusion, pouvant créer des dérives en l’absence de contrôle efficace, les espèces n’étant pas toujours reconnaissables par les chasseurs. Il s’est déclaré opposé à l’adoption de la proposition de loi pour ces raisons.

M. Jean-Paul Charié a souligné la qualité du débat de la commission sur un sujet aussi délicat, bien plus important qu’il n’y paraît. La chasse revêt en effet une dimension culturelle, républicaine et populaire qu’il convient de préserver, au moment où la société perd ses racines et ses repères.

Il a précisé que le risque de confusion était faible, les chasseurs ayant une expérience suffisante pour reconnaître et distinguer les espèces ; en outre, les sanctions à l’encontre des contrevenants sont suffisamment dissuasives pour assurer le respect de la préservation des espèces menacées.

M. Pierre Ducout a rappelé la place de la chasse dans la culture populaire en Gironde, où la tolérance et le respect des espèces constituent une longue tradition. Il a témoigné du sérieux de l’immense majorité des chasseurs, qui ne tirent pas « n’importe quoi », et souligné que l’échelonnement des périodes de chasse selon les espèces ne posait pas de problème. Il a également observé que la protection de certaines espèces, telles que le héron ou le cormoran, avait conduit à leur prolifération.

Après avoir observé à son tour que la directive de 1979 ne fixait pas de dates d’ouverture et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, il a souligné l’intérêt des plans de gestion en insistant sur l’importance d’un comptage plus précis du gibier et la possibilité de prévoir des quotas, par pays ou par région, pour limiter les prélèvements de certaines espèces d’oiseaux migrateurs qui, par définition, n’appartiennent à aucun pays.

Puis, il a rappelé que plusieurs membres du groupe socialiste avaient déposé une proposition de loi, dont l’objet était plus large puisqu’elle prévoyait également la poursuite de certaines chasses traditionnelles au-delà du mois de février, par exemple la chasse aux tourterelles dans le Médoc.

Après avoir observé que le vote de la proposition de loi adoptée par le Sénat ne gênerait en rien les négociations sur la modification de la directive de 1979, il a indiqué que la position majoritaire du Parlement en faveur de ce texte démontrait l’attachement au respect d’un certain mode de vie dans notre pays.

En réponse aux intervenants, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a mis l’accent sur l’importance de la discussion du texte en séance publique et précisé que si la proposition de loi ne visait pas à régler l’ensemble des questions relatives à la chasse, elle était en revanche d’une très grande précision s’agissant des espèces d’oiseaux migrateurs.

Il a également souligné la nécessité d’obtenir une modification de la directive de 1979, indiquant que le dégagement d’un large consensus sur la proposition de loi contribuerait à renforcer la position de la France dans les discussions à venir. C’est pourquoi il était préférable, même si d’autres propositions de loi relatives à la chasse contenaient des propositions intéressantes, de privilégier l’accord très large qui se dégage sur le texte déjà adopté par le Sénat.

M. André Lajoinie, président, a précisé que le rapport pourrait faire utilement référence aux autres propositions de loi déposées.

La commission a ensuite examiné l’article unique de la proposition de loi.

Suivant l’avis du rapporteur, elle a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand proposant une nouvelle rédaction globale de cet article et visant à fixer des dates uniques d’ouverture et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, la clôture annuelle intervenant au plus tard le 31 janvier.

Puis elle a adopté, conformément à l’avis du rapporteur, l’article unique de la proposition de loi (n° 638) dans le texte du Sénat.

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M. Jean-Paul Charié, évoquant le conflit social à Air France entre la direction et les syndicats des pilotes, a souhaité que la commission procède à des auditions sur la situation de cette entreprise.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La commission a désigné M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux dates d’ouverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs (n° 638).

Elle a ensuite nommé M. Jacques Rebillard, président, et M. Gabriel Montcharmont, rapporteur, MM. Jacques Bascou, Jean Besson, François Brottes, Jean-Paul Charié, Yves Coussain, Jean-Claude Daniel, Claude Gaillard, Alain Gouriou, Claude Hoarau, Félix Leyzour, membres d’une mission d’information sur l’application de la loi de réglementation des télécommunications.


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