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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 47

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 16 juin 1998
(Séance de 10 heures 15)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

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– Audition de M. Louis LE PENSEC, ministre de l’agriculture et de la pêche, sur le projet de loi d’orientation agricole (n° 977)...................................................................................................


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La commission a poursuivi l’audition de M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la pêche, sur le projet de loi d’orientation agricole (n° 977).

Usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l’article 38 du Règlement, M. Marcel Rogemont a relevé les aspects novateurs du projet de loi d’orientation agricole et notamment les contrats territoriaux d’exploitation (CTE) qui, marqués par un souci de cohérence des interventions, font intervenir les différents acteurs territoriaux à leur conception et à leur financement. Il s’est demandé s’il ne convenait pas d’associer également ces collectivités au contrôle et à la gestion de ces contrats, et, dans cette perspective, il s’est interrogé sur leur place dans les commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA).

Il s’est également demandé si, en plus des départements pilotes qui expérimenteraient ces nouveaux contrats, il serait possible d’envisager une telle expérimentation dans d’autres départements, notamment sur les bassins versants, comme en Ille-et-Vilaine.

M. Jacques Rebillard a souhaité savoir qui serait chargé de la mise en place des contrats territoriaux d’exploitation et s’il serait fait appel à des moyens humains nouveaux ou à un redéploiement des moyens existants.

M. Yvon Montané a souhaité qu’il soit fait mention des retraités agricoles dans le projet de loi et qu’un échéancier de la revalorisation de leurs retraites soit prévu. Il s’est interrogé également sur l’utilité du registre de l’agriculture, créé par la loi pourtant depuis longtemps et jamais mis en place.

M. Patrick Ollier a estimé que le projet de loi d’orientation ne prenait pas en compte la spécificité des zones de montagne, notamment au plan des aides compensatoires des handicaps auxquels sont confrontés les agriculteurs qui souhaitent s’y installer. Il faut avoir à l’esprit que, dans ces régions, le maintien de l’agriculture est le seul rempart contre la désertification. C’est pourquoi il a demandé si le Gouvernement était disposé à accepter des améliorations à son projet de loi sur ce point.

Le président André Lajoinie a observé qu’il serait utile de connaître la date approximative à laquelle seraient prêts les décrets d’application du projet de loi d’orientation agricole et souhaité que le Parlement puisse avoir ces éléments en sa possession avant d’examiner ce texte.

M. Louis Le Pensec a déclaré comprendre le souci du président Lajoinie de disposer des textes précis d’application, car s’agissant d’un projet de loi d’orientation, comme l’a confirmé le Conseil d’Etat, il est important de connaître de telles mesures. Un groupe de travail associant les organisations professionnelles a été mis en place et travaille intensément sur les textes d’application. Tous ne seront malheureusement pas prêts au mois d’octobre, mais les textes déjà disponibles et les grandes lignes des textes en préparation seront transmis à l’Assemblée nationale.

En réponse aux différents intervenants, qui ont pratiquement tous abordé la question des contrats territoriaux d’exploitation, le ministre n’est pas revenu sur les objectifs ni sur les besoins auxquels entendent répondre ces contrats, points évoqués lors de l’audition précédente, mais il a apporté des précisions sur cette nouvelle procédure qui, de manière contractuelle permettra de réorienter les concours publics et de prendre en compte la multifonctionnalité de l’agriculture.

S’agissant de la mise en oeuvre des CTE, un contrat sera signé par l’agriculteur, en principe pour cinq ans, qui s’intégrera dans un dispositif qui est à la fois descendant et ascendant. Au plan national, des directives seront établies pour déterminer les objectifs opérationnels et constituer, en quelque sorte, des guides pour l’élaboration des CTE. Au plan régional, des orientations seront arrêtées en concertation avec les régions notamment dans le cadre de la préparation des contrats de Plan Etat-régions. Au plan départemental, sera élaborée la liste des contrats territoriaux d’exploitation types pouvant être proposés aux agriculteurs, et définis après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA).

A ce sujet, se pose effectivement la question de la composition de ces commissions, et notamment de la participation des collectivités territoriales. C’est pourquoi, il a été demandé aux préfets de prolonger d’un an le mandat des membres des CDOA, de manière à se donner le temps de revoir leur composition.

S’agissant du contenu des contrats territoriaux d’exploitation, ceux-ci s’organisent autour de deux grandes orientations, dans le cadre desquelles devra s’inscrire le projet présenté par l’agriculteur :

– la création de valeur ajoutée qui peut se décliner selon des objectifs socio-économiques, tels que la valorisation qualitative des produits, la diversification des activités agricoles, les préoccupations d’aménagement du territoire ou de maintien d’emploi ; l’agriculture biologique s’inscrit dans ce cadre ;

– la gestion du territoire dans lequel s’insère l’exploitation agricole ; les actions éligibles dans le cadre des CTE peuvent ainsi concerner la qualité de l’eau, les surfaces en herbe, la biodiversité, le paysage ou la prévention des risques naturels.

S’agissant du financement des contrats territoriaux d’exploitation, les aides seront regroupées sur une même ligne budgétaire pour assurer une meilleure information. Le fonds de financement des contrats territoriaux d’exploitation sera l’instrument financier qui accueillera en 1999 les crédits nationaux transférés. En l’an 2000, après la réforme de la PAC, ce fonds pourra recevoir une partie des aides versées dans le cadre des organisations communes de marché. Il ne s’agira pas d’une novation, mais simplement d’un élargissement des modulations nationales, puisqu’actuellement ces aides ne peuvent être affectées qu’à des mesures environnementales ou à l’emploi. Cette nouvelle affectation sera mise en oeuvre dans le cadre de la subsidiarité et ne servira pas de prétexte à une renationalisation de la PAC.

Un groupe de travail a été mis en place au sein du conseil supérieur d’orientation agricole, afin d’examiner le problème précis des mesures réglementaires nécessitées par les contrats territoriaux d’exploitation : il doit faire des propositions le 1er juillet prochain et définir exactement les responsabilités de chacun, chambres d’agriculture, coopératives ou agriculteurs organisés sur les bassins versants. Des expérimentations seront conduites dans certains départements, ceux-ci ayant été nombreux à faire des propositions.

Le ministre a également apporté les réponses suivantes :

– le projet de loi ne tourne pas le dos à la compétitivité de l’agriculture française ; bien au contraire, il vise à développer le savoir-faire, la maîtrise technologique et les capacités d’innovation afin d’encourager la mise sur le marché de produits transformés à haute valeur ajoutée, qui représentent d’ores et déjà 70 % des exportations françaises et permettent de dégager d’importants excédents commerciaux, sans aides à l’exportation, comme pour les vins et spiritueux ;

– de nombreuses dispositions du projet de loi concernent l’organisation économique du secteur en vue de la moderniser. Dans le domaine de la coopération, il est ainsi prévu de donner aux coopératives agricoles la possibilité d’accueillir en qualité d’associés des agriculteurs installés en zone frontalière dans d’autres Etats membres de l’Union européenne ; le projet de loi propose également de favoriser le fonctionnement des grands groupes coopératifs et d’accroître le rôle du conseil supérieur de la coopération agricole. Par ailleurs, les organisations interprofessionnelles de caractère général seront renforcées et des interprofessions spécifiques pourront être créées pour les produits bénéficiant d’un même signe de qualité, comme les AOC fromagères par exemple. Il n’est en revanche pas question de modifier les systèmes fonctionnant actuellement, comme en viticulture par exemple. En outre, le projet de loi prévoit la possibilité de conclure des accords entre producteurs, transformateurs et distributeurs en cas de crise conjoncturelle, de façon à éviter les faillites en chaîne dans certains secteurs sensibles comme celui des fruits et légumes.

– le contrôle des structures agricoles est un instrument complémentaire de la réorientation des aides publiques. Les mesures proposées en ce domaine bénéficient du soutien de l’ensemble des organisations professionnelles. Elles ont pour objectif de privilégier l’installation des jeunes agriculteurs sur des exploitations viables en limitant les agrandissements excessifs des unités existantes. A cet effet, le projet de loi instaure un seuil unique de contrôle, quelle que soit la forme juridique de l’exploitation, assurant l’égalité de traitement entre les agriculteurs individuels et ceux qui sont regroupés dans des sociétés ; en outre, toutes les exploitations seront soumises au régime d’autorisation préalable, selon une procédure déconcentrée dont la transparence sera améliorée ; enfin, les sanctions pénales, qui se sont révélées peu efficaces en pratique, seront remplacées par des sanctions administratives ;

– s’agissant de la transmission des entreprises dans le cadre familial, toutes les exonérations fiscales, telles que la suppression des droits de mutation en ligne directe, seront inefficaces si l’on continue à laisser les surfaces d’exploitation s’agrandir. Le meilleur moyen de favoriser cette transmission est de développer des modèles d’exploitation dont l’intensité capitalistique n’est pas trop forte et de s’opposer à la patrimonialisation des droits à prime et des droits à produire. Il faut, en outre, encourager l’installation progressive de jeunes agriculteurs, hors du cadre familial ; un groupe de travail sera mis en place prochainement dans ce but ;

– le projet de loi ne crée pas de statut de l’exploitant car il faut éviter d’inscrire les activités agricoles dans un cadre trop rigide. La nouvelle définition de ces activités est assez large pour ne pas empêcher les adaptations qui seront nécessaires en raison de l’évolution rapide des métiers et du caractère de plus en plus multifonctionnel de l’agriculture ; une définition plus restrictive pourrait, au contraire, constituer un frein à la politique d’installation ;

– quant à l’allégement des coûts de production pour les « nouveaux installés », deux voies sont ouvertes : la meilleure valorisation de la production que le projet de loi encourage ou la réduction des charges, effective depuis 1992 du fait de la baisse des prix. L’adoption de mesures spécifiques trouve ses limites dans l’obligation de respecter le principe de l’égalité de traitement entre l’agriculture et les autres secteurs d’activité. La mise en commun du matériel et des salariés et le développement d’une gestion plus rationnelle par le biais des contrats territoriaux d’exploitation participent à la réduction des coûts de production ; les dispositions sur les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) seront réintroduites dans le projet de loi dès que la Commission européenne les aura examinées ;

– l’installation de nouveaux agriculteurs, y compris en pluriactivité, doit être favorisée pour maintenir le nombre des exploitations. Dans ce but, l’assiette de leurs cotisations sociales sera déterminée au début de leur activité sur une base provisoire, à laquelle seront ensuite substitués les revenus professionnels des premières années de plein exercice. Dans le même esprit, le calcul des cotisations des conjoints sera assis sur leur quote-part dans l’activité de l’exploitation ;

– le ministre de l’économie et des finances s’est engagé l’année dernière à revaloriser, sur la durée de la législature, les retraites agricoles les plus faibles. Cet objectif pourra être réaffirmé dans la loi mais ne pourra être chiffré car il ne s’agit pas d’une loi de programmation. Les lois de finances successives pourront en revanche préciser le niveau de chaque revalorisation. Sur ce point, une deuxième mesure significative est en cours d’élaboration ;

– le projet de loi d’orientation vise à encourager le développement de la production de qualité et favorise un partage équitable de ses revenus entre les différents acteurs, du producteur au distributeur final. Afin de simplifier et rendre plus cohérentes les questions des différentes dénominations (appellation d’origine contrôlée et identification géographique protégée), la responsabilité de l’ensemble sera désormais confiée à l’INAO ;

– les organisations agricoles réclament la mise en place d’un registre agricole, instrument de connaissance générale du secteur agricole dans les départements et de connaissance de la consistance des exploitations. La tenue de ces registres sera confiée aux chambres d’agriculture ;

– le projet de loi d’orientation agricole ne tend pas à remettre en cause les orientations intangibles de la « loi montagne ». Le ministère de l’agriculture est très attaché à la défense d’une politique adaptée pour les zones à handicap et il oeuvrera à la revalorisation des indemnités compensatoires de handicaps naturels. En même temps, les contrats territoriaux d’exploitation paraissent être un instrument adapté à la revitalisation des zones de montagne.

——fpfp——


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