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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 49

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 juin 1998
(Séance de 9 heures 00)

Présidence de M. Pierre Ducout, vice-président

SOMMAIRE

 

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– Audition dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation agricole (n° 977) :

 

M. Jean PINCHON, Président de l’Institut national des appellations d’origine (INAO).

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La commission a entendu, dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, M. Jean Pinchon, Président de l’Institut national des appellations d’origine (INAO).

M. Pierre Ducout a indiqué qu’après l’audition de M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la pêche, sur le projet de loi d’orientation agricole, la commission entamait une série d’auditions pour approfondir sa réflexion sur ce texte. Il a rappelé que le ministre avait insisté sur le principe de qualité qui devrait régir l’ensemble des produits agricoles et pas seulement les produits bénéficiant des premières appellations d’origine contrôlées. Il a souhaité avoir des informations sur le rôle de l’INAO et connaître sa position sur le projet de loi.

M. Jean Pinchon a rappelé que l’INAO, établissement public fondé en 1935, et chargé jusqu’en 1990 des seuls secteurs du vin et des eaux-de-vie, s’était révélé un outil particulièrement efficace.

Alors qu’en 1970, au moment de la signature du premier règlement communautaire sur le vin, 15 % de la superficie du vignoble français étaient constitués d’appellations d’origine contrôlées, cette superficie est aujourd’hui de 55 %, sans qu’il y ait eu accroissement des appellations, mais par le seul fait du développement des superficies à l’intérieur des aires d’appellation. La situation économique des aires d’appellations contrôlées est très bonne, l’année 1997 ayant été particulièrement remarquable.

Ce système extrêmement performant permet à 100 000 vignerons français de continuer à faire leur vin, alors que dans les autres pays producteurs comme l’Italie et l’Espagne, les vendanges sont transférées à des opérateurs. Cette spécificité française de production vinicole individuelle est une chance pour l’équilibre du territoire français et pour l’environnement.

En 1990, l’INAO a été chargé de s’occuper d’autres produits que le vin.

S’agissant des produits laitiers qui bénéficiaient déjà d’appellations d’origine contrôlées (AOC) gérées par le ministère de l’agriculture, une dérive s’est peu à peu instaurée qui a conduit à transformer l’appellation en marque et, de ce fait, à oublier le producteur au profit de l’industriel. L’INAO mène donc un combat pour déterminer quelles sont les vraies appellations fromagères et a entamé des discussions pour une réduction des aires de production. Cela n’est évidemment pas facile à réaliser car l’on se heurte aux habitudes et aux organisations interprofessionnelles agricoles. Néanmoins, une ou deux appellations laitières devraient se transformer en indications géographiques de provenance.

S’agissant des autres produits qui bénéficiaient d’appellations d’origine contrôlées (foin de la Crau, poularde de Bresse...), ceux-ci ont dû repasser en 1990 un examen pour déterminer si c’est à juste titre qu’ils étaient des AOC ; ils l’ont réussi, ce qui a conforté leur appellation. La procédure d’homologation est assez longue car elle prend la forme d’une commission d’enquête avec des professionnels pour s’assurer qu’il y a bien une véritable demande et un consensus de la part des producteurs en faveur d’une appellation. En effet, la demande d’appellation doit venir de la base et celle-ci doit déterminer les contraintes qu’elle est en mesure d’accepter. La dernière AOC homologuée concerne les pommes de terre de l’Ile-de-Ré.

L’INAO fonctionne bien dans un cadre de droit public. C’est en effet par décret contresigné par cinq ministres qu’un produit obtient la reconnaissance officielle. N’importe quel citoyen et non seulement un syndicat peut d’ailleurs y prétendre. Quant aux contrôles, ils sont exercés par l’INAO, par la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture et de la pêche, par les services vétérinaires et par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Ce système de surveillance par l’Etat des appellations d’origine surprend le monde anglo-saxon qui est habitué à un mode de contrôle par des organismes privés, système qui s’applique également en France en matière de labels et de certifications de conformité.

En ce qui concerne le projet de loi d’orientation agricole, il convient en premier lieu de rappeler qu’il ne doit pas y avoir d’interventions économiques à l’intérieur des aires d’appellation, car celles-ci ont leur marché, permettant à l’agriculteur de réaliser une plus-value. Le système fonctionne bien grâce à la protection des appellations par les services de contrôle de l’Etat et grâce à la définition des délimitations d’aires et de modes de production par l’INAO. Sur les 35 recours introduits par les producteurs devant le Conseil d’Etat, en matière de délimitation, l’INAO n’en a perdu que trois, ce qui prouve la qualité du travail réalisé.

Est-il possible de faire plus pour protéger les appellations ?

En raison de l’évolution économique, certaines appellations ont besoin d’une protection complémentaire. Ainsi, certaines appellations demandent-elles que toutes les manipulations sur les produits bénéficiant d’une appellation se fassent dans l’aire de production, à l’exemple de l’appellation Roquefort qui a obtenu que ce fromage ne soit découpé qu’à Roquefort. Il ne peut y avoir de règle absolue, mais cette protection doit être obtenue par les appellations qui le demandent, quitte à permettre des dérogations, car il s’agit d’une protection utile. Ainsi, les Portugais ont-il décidé que le porto ne pourrait pas quitter le Portugal sans être mis en bouteille, ce qui est contraire au droit européen actuel et aux décisions de la Cour de Justice des Communautés européennes. Il semble cependant que la Commission ait changé d’avis et qu’elle serait prête à admettre qu’il y a des raisons qui justifient que des manipulations sur les appellations ne puissent avoir lieu que dans les aires de production.

Une autre demande de l’INAO porte sur les marques de distributeurs qui comportent aujourd’hui de plus en plus souvent des noms géographiques. On a en effet noté que cette indication géographique avait tendance à attirer ou rassurer le consommateur. L’idéal pour l’INAO serait de réserver l’emploi des noms de lieux géographiques aux appellations d’origine et aux indications géographiques de provenance, sous réserve de l’exception des dénominations génériques. En tous les cas, lorsqu’un nom géographique serait utilisé pour identifier un produit, il conviendrait de préciser la raison pour laquelle le lieu géographique est mentionné. Par exemple, le « poulet de Paris » devrait plutôt s’appeler le « poulet plumé à Paris », ou le « cidre du Mont-Saint-Michel » devrait être dénommé « cidre pressé au Mont–Saint–Michel », si tel est le cas.

La grande distribution mêle de plus en plus souvent les noms d’AOC à ses marques propres. M. Jean Pinchon a cité le cas du « Roquefort Casino ». En raison de la réglementation de l’AOC Roquefort, il n’est pas possible à une chaîne de distribution de s’approprier la production du Roquefort puisqu’il doit être découpé dans la zone d’appellation de la ville de Roquefort. En fait, dans le cas du « Roquefort Casino », l’enseigne Casino a fait appel à un petit fabricant de Roquefort agissant pour son compte.

Pour lutter contre cette dérive, M. Jean Pinchon a proposé trois solutions :

– ou bien interdire de manière absolue l’usage de noms d’AOC dans les marques ;

– ou bien permettre de faire figurer dans les cahiers des charges des AOC qui le souhaitent l’interdiction d’utiliser leur nom dans une marque de distributeur ;

M. Jean Pinchon a fait observer que ces deux propositions n’étaient pas sans poser des difficultés au regard du droit européen et du droit de la concurrence ; elles ne doivent pas, en outre, être comprises comme une manifestation d’hostilité à l’égard de la grande distribution qui rend de nombreux services aux producteurs d’AOC, comme dans le cas des foires au vin ;

– ou bien obliger les marques de distributeurs utilisant le nom d’une AOC à mentionner sur leurs produits le nom du fabricant.

En dernier lieu, afin de mieux défendre les AOC, un sigle spécifique devrait être imposé afin de permettre aux consommateurs de mieux les repérer. Un tel dispositif a été proposé au ministre de l’agriculture, qui en a accepté le principe, mais a dû soumettre le projet à la Commission européenne. Si ce sigle n’était pas mis en place par le biais de la loi, il devrait être déposé en tant que marque collective, ce qui poserait problème du fait que les AOC ne sont pas des marques collectives.

M. François Patriat a fait part à M. Jean Pinchon du grand intérêt qu’avait pour les membres de la commission l’audition du Président de l’Institut national des appellations d’origine. Il a estimé que les dispositions retenues en matière de qualité et d’identification des produits par le projet de loi d’orientation, qui doit aider à clarifier et harmoniser les règles applicables donneraient très probablement lieu à de nombreux débats. Il a estimé également que la Commission européenne aurait peut être aimé « faire l’économie » du système des appellations d’origine contrôlées, mais que le droit français avait été constitué sur ce point en temps utile, notamment au travers de la loi n° 90-558 du 2 juillet 1990 relative aux appellations d’origine contrôlées des produits agricoles ou alimentaires, bruts ou transformés, dont il fut rapporteur, M. Jean Pinchon en étant un des inspirateurs. M. François Patriat a noté également qu’il était aujourd’hui particulièrement difficile de promouvoir les productions ne bénéficiant pas de signes de qualité en dehors des pays de la Communauté européenne.

Il a ensuite interrogé M. Jean Pinchon sur le contenu même du projet de loi d’orientation agricole : le fait que l’Institut national des appellations d’origine soit appelé à traiter des demandes d’appellations d’origine protégées comme de celles qui visent les indications géographiques protégées devrait contribuer à améliorer la lisibilité de notre système de signes de qualité et d’identification. Il a souhaité savoir néanmoins quelle hiérarchie M. Jean Pinchon établissait entre appellations d’origine protégées (AOP) et indications géographiques protégées (IGP), sachant que les IGP subissent parfois peu de contraintes.

M. François Patriat tout en admettant l’intérêt de constituer, comme le prévoit le projet de loi, des interprofessions spécifiques pour les produits sous signe de qualité dans le secteur des fromages, a estimé que ce dispositif ne devait pas s’appliquer à la viticulture, étant donné qu’on risque de voir s’y développer des interprofessions à caractère régional, modifiant les équilibres existants.

Il a souhaité avoir des précisions également sur le suivi de la qualité des produits en aval, observant que l’existence d’une appellation d’origine contrôlée n’était pas une garantie de qualité en bout de chaîne et qu’il était nécessaire qu’existe également une auto-discipline des intervenants.

Répondant à M. François Patriat, M. Jean Pinchon, a donné les précisions suivantes :

– la demande de constitution d’interprofessions spécifiques à un produit est essentiellement motivée par la situation des interprofessions laitières dont la création est antérieure à 1975 et dont le fonctionnement n’est pas satisfaisant. Les trois quarts du lait produit en France sont travaillés par les industriels, or, l’INAO, dont les interlocuteurs traditionnels sont les producteurs, a besoin de partenaires en mesure de contrôler la production, à l’instar des syndicats de viticulteurs. La création d’interprofessions spécifiques à des produits laitiers – proposition qui peut être également appliquée à l’huile d’olive – permettrait de répondre à ce besoin ;

– les interprofessions spécifiques à un produit ne doivent pas toucher le secteur du vin. Il n’existe plus un besoin d’interprofessions spécifiques nouvelles en matière viticole ;

– les producteurs détiennent la majorité au sein des comités de l’INAO ; leur présidence leur est toujours confiée. Le cas du lait pose problème du fait que l’INAO a hérité d’une situation caractérisée par l’absence des producteurs dans de nombreux syndicats de fabricants de produits laitiers, comme le syndicat des fabricants de camembert de Normandie au sein duquel les producteurs ne sont présents que depuis quelques mois ;

– le mot qualité est employé de façon anormale par le projet de loi car celui-ci se réfère plutôt à l’identification des produits et non à leur qualité. D’un côté, il existe des règlements sanitaires et des corps de fonctionnaires chargés du contrôle de leur respect. Cette réglementation de la qualité est réclamée par les consommateurs ; pour répondre à leurs inquiétudes justifiées face à l’accroissement des accidents sanitaires, il convient de renforcer les contrôles. En tous les cas, il faut s’attendre à des accidents de ce type en raison de l’industrialisation de la production des denrées alimentaires. D’un autre côté, l’INAO ne garantit pas la bonne qualité ou la qualité supérieure d’un produit, mais le respect d’une origine reconnue et de règles de fabrication figurant dans un cahier des charges définissant la spécificité du produit ;

– une fois le produit identifié par une AOC, l’INAO n’intervient pas dans le contrôle de sa filière de commercialisation. Les interprofessions réfléchissent actuellement aux modalités possibles d’un tel contrôle. Si, par exemple,le comité interprofessionnel des vins de Bordeaux repérait des bouteilles bénéficiant d’une AOC chez un détaillant étranger qui, pour des raisons diverses comme une exposition prolongée au soleil pendant le transport ou le stockage en magasin, seraient d’une qualité douteuse, il devrait lui être possible de les racheter et d’adresser au négociant chargé de la commercialisation de ces bouteilles un avertissement. En effet, le consommateur est en droit d’attendre d’une AOC un produit conforme à son image et si les modalités de sa commercialisation le dénaturent et ne permettent plus de répondre aux attentes légitimes du consommateur, on pourrait envisager d’infliger des sanctions au distributeur. L’INAO approuve cette démarche des interprofessions. Il ne réclame pas, pour lui, cette fonction de contrôle car dès lors qu’il a délivré son agrément, c’est à l’utilisateur de la marque d’assumer la responsabilité de la mise sur le marché. En Bourgogne, les négociants se sont d’ailleurs mis d’accord sur les modalités de contrôle des exportations des vins AOC et leur mise en vente.

M. Jean-Claude Lemoine, observant que M. Jean Pinchon avait souhaité que certaines manipulations ne puissent intervenir que dans les zones d’appellation contrôlée et que, par ailleurs, il était nécessaire d’éviter une utilisation abusive des noms géographiques, a interrogé M. Jean Pinchon sur la production de camembert réalisée de plus en plus souvent en dehors de la Normandie.

M. Yves Coussain a abordé la question de la maîtrise des quantités produites ; observant qu’il y avait parfois de nombreux intervenants dans le secteur des appellations d’origine contrôlée, en particulier pour les fromages, il a insisté sur les risques de voir se produire alors des déséquilibres de marché, entraînant des baisses de prix nuisant à la logique même de qualité.

M. Joseph Parrenin a demandé à M. Jean Pinchon quelle image il avait de l’ensemble des produits de qualité et comment il fallait, selon lui, situer ces produits par rapport à la politique d’orientation de l’agriculture.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean Pinchon a apporté les précisions suivantes :

– l’appellation « camembert » est tombée aujourd’hui dans le domaine commun, ce fromage étant produit aujourd’hui sous cette appellation même au Danemark et aux Etats-Unis ; cette situation ne peut d’ailleurs plus être modifiée. A l’heure actuelle, sont commercialisés en France le « camembert de Normandie », qui, bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée, est fabriqué à partir de lait cru et sur une aire de production qui correspond à l’ensemble de la Normandie et le « camembert fabriqué en Normandie », qui n’est pas une AOC mais un produit dont on atteste seulement qu’il est fabriqué en Normandie ;

– il est essentiel de noter que la fabrication du véritable et du bon camembert nécessite un lait spécifique ; la difficulté pour ce produit, à la différence du « livarot » dont l’aire de production est très réduite, vient du fait que la zone de production délimitée correspond à l’ensemble de la Normandie. Un autre type de camembert est aujourd’hui commercialisé, sous la marque « Reflet de France » sans aucune autre indication d’origine, mais avec l’indication « Promodès » ;

– une évolution profonde s’est produite au cours des dernières décennies en agriculture, conduisant à distinguer de plus en plus deux grands secteurs ; le premier vise avant tout à nourrir la population aux prix les plus bas. Une véritable révolution de la productivité s’est produite ainsi touchant particulièrement les activités céréalières et laitières dont les prix sont de moins en moins élevés ; la contrepartie de cette évolution des prix a été l’uniformisation et la banalisation des produits commercialisés. Un nouveau marché agricole s’est dès lors développé, qui insiste sur la convivialité et la qualité de la nourriture. Celle-ci ne peut toutefois être commercialisée aux mêmes prix, étant donné qu’elle repose sur des efforts accomplis par les producteurs, qui doivent en être récompensés. D’une certaine façon, ce type de produits, comme dans le secteur industriel du luxe, est destiné, par son originalité et ses caractéristiques gustatives, à « vendre du rêve » ;

– il est vrai que les quantités produites doivent être contrôlées pour les produits de qualité. Le premier moyen utilisable est la délimitation des zones de production, sachant que des différences sensibles existent entre le secteur des vins, où la totalité de la production sous AOC provient de la zone concernée et celui des produits laitiers où la proportion n’est souvent que de 40 à 50 % parfois même beaucoup moins (3 % dans la zone de la fourme d’Ambert par exemple). Il est possible également de limiter les rendements annuels, comme cela a été fait récemment pour les vins de Champagne ; mais, cette solution semble mal convenir aux produits de qualité. S’agissant des produits laitiers, il est possible aussi de n’attribuer les appellations d’origine qu’au lait produit par certaines races de vaches ou bénéficiant d’un certain type d’alimentation. En toute hypothèse, les produits viticoles ou laitiers de qualité ne peuvent qu’être payés plus cher que les produits banalisés ;

– l’évolution de l’agriculture, qui conduit à distinguer un secteur qui cherche à nourrir le moins cher possible et à gagner des parts de marché à l’international grâce à des progrès techniques, génétiques et à l’augmentation des surfaces cultivées est appelée à se poursuivre. Elle se traduira par une concentration croissante des exploitations, dont le nombre à l’horizon 2010 pourrait s’élever à 250 000 ou 300 000. Face à cette agriculture, il existe des marges de progrès pour une production visant l’originalité et la qualité et évitant la banalisation des productions et donc de l’alimentation. Ces marges de progrès sont d’autant plus importantes, que les consommateurs sont de plus en plus désireux de connaître l’origine des produits alimentaires et que va se développer un mouvement déjà existant de retour des populations en zone rurale, susceptible de recréer une demande de produits de qualité. Les appellations d’origine peuvent précisément répondre à cette demande. La consommation de vin offre à cet égard un bon exemple, car elle s’est profondément modifiée depuis 1965 où étaient principalement commercialisés des vins de consommation courante souvent issus d’assemblages. Actuellement, 100 000 producteurs répondent à une partie très importante de la demande, éprouvant d’ailleurs une réelle fierté à voir figurer leur nom sur leur produit, phénomène qui se produira sans doute demain aussi pour les fromages. La technique des appellations d’origine pourrait permettre de sauvegarder 250 000 à 300 000 exploitations, de maintenir demain à 2 000 le nombre des producteurs de Roquefort actuellement de 3 000, de conserver largement les fruitières dans le secteur du fromage de comté.

Plutôt que d’une production « de qualité », il vaudrait mieux parler d’une production « personnalisée », « originale », « identifiée » ou encore « qui a du goût », la « qualité » étant une notion en définitive très subjective. Il importe d’ailleurs de ne pas confondre les notions de qualité et de sécurité alimentaire. En tout état de cause, la notoriété des produits est construite par les consommateurs, contrairement à ce qu’affirment parfois les dirigeants de la grande distribution, qui, observant que leurs marges ont diminué de 50 % entre 1980 et 1995 sur le secteur alimentaire, s’érigent parfois abusivement pour mieux commercialiser leurs produits, en « porte paroles des consommateurs ». La loi d’orientation agricole aura le mérite de préciser que l’agriculture remplit deux grandes fonctions, l’une d’entre elles étant la production de qualité, au sein de laquelle les appellations d’origine contrôlées représentent les produits les plus nobles.

M. Pierre Ducout a remercié M. Jean Pinchon pour ses propos, notant que l’ampleur des dispositions consacrées par la loi d’orientation agricole à « la qualité et à l’identification » qui font l’objet dans ce texte d’un titre entier, en révélait clairement l’importance.


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