ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DE DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES
COMPTE RENDU N° 52
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 24 juin 1998
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de M. André Lajoinie, Président
SOMMAIRE
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Suite des auditions dans le cadre de lexamen du projet de loi dorientation agricole (n° 977) :
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· M. Raymond GIRARDI, secrétaire général de la Confédération nationale des syndicats dexploitants familiaux (MODEF) ;
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· M. Dominique CHARDON, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA);
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· M. Pascal COSTE, président du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) ;
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· M. Jacques LAIGNEAU, président de la Coordination rurale.
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La commission a poursuivi ses auditions dans le cadre de lexamen du projet de loi dorientation agricole (n° 977) et a entendu tout dabord une délégation de la Confédération nationale des syndicats dexploitants familiaux (MODEF), composée de MM. Raymond Girardi, secrétaire général, Alain Gaignerot, directeur, Xavier Compain, responsable des jeunes et René Calamel, trésorier.
M. Xavier Compain a tout dabord souligné que cette loi dorientation agricole doit véritablement orienter autrement lagriculture. En effet, aujourdhui de lourdes menaces pèsent sur lagriculture française, car l« Agenda 2000 » présenté par la Commission européenne sinscrit dans une perspective ultralibérale et de concurrence, fondée sur le seul élément des prix.
Le projet de loi dorientation agricole doit ouvrir de réelles perspectives pour lagriculture française, prenant en compte ses fonctions économiques, environnementales et sociales. Il a souhaité que cette loi constitue un acte novateur pour notre agriculture et, en aucun cas, une adaptation à la réforme de la politique agricole commune, afin de favoriser lemploi à travers linstallation de jeunes exploitants et améliorer la rémunération du travail paysan.
Il a relevé par ailleurs que lintégration au sein de lUnion européenne des pays dEurope centrale et orientale risquait dentraîner une baisse des cours des denrées agricoles.
Lagriculture française est à la croisée des chemins. Elle peut, soit poursuivre une dérive industrielle et capitalistique, soit évoluer vers le renforcement dune agriculture de type familial à dimension humaine, soucieuse de la qualité des produits, procurant des revenus décents, respectueuse de lenvironnement, favorable à lemploi et dynamisant la vie rurale et préservée de la suprématie de lindustrie agro-alimentaire, des centrales de distribution et des banques.
Il a ensuite abordé les objectifs prioritaires assignés à la politique agricole par le projet de loi. Rappelant quun jeune agriculteur sur deux sinstallait aujourdhui sans aide et quun agriculteur sur quatre seulement trouvait un repreneur à lâge de la retraite, il a considéré que la loi devrait permettre de reconquérir les 2,5 millions demplois perdus en 25 ans, garantir la pérennité des exploitations, assurer leur transmission et développer lemploi en milieu rural.
Le MODEF demande une amélioration du revenu des agriculteurs afin de les mettre à parité avec les autres catégories sociales. En effet, 54 % des exploitants dégagent un revenu par actif inférieur au SMIC et, parmi ceux-ci, un tiers un revenu inférieur au RMI. La parité et laugmentation des revenus agricoles doivent être dabord assurées par des prix rémunérateurs. Laugmentation des prix pourrait être supportée par laval et les centrales de distribution.
Sagissant des moyens financiers à engager pour favoriser la réalisation des objectifs du projet de loi dorientation, une simple redistribution des aides nationales existantes serait insuffisante, il faut en effet favoriser des choix budgétaires nouveaux. La volonté politique du Gouvernement se traduira par les sommes quil entend mettre à la disposition des agriculteurs. Ces dotations doivent être réorientées en faveur de lagriculture de type familial, au détriment des aides aux grandes exploitations de type industriel.
M. Xavier Compain sest déclaré favorable à la mise en place des contrats territoriaux dexploitation, contrat passé entre lagriculteur et la Nation et reconnaissant lensemble des fonctions quassurent les exploitants familiaux. Les cahiers des charges, qui devront être définis en consultation avec lensemble des organisations agricoles, auront pour but de rompre tant avec les objectifs productivistes aveugles quavec lintégrisme anti-producteur, pour favoriser une agriculture raisonnée, humaine, économe et rémunératrice. Sans être obligatoire le contrat territorial dexploitation devra être suffisamment attrayant pour que les jeunes exploitants sy engagent. Ceci devrait permettre de prendre en considération les installations « hors dotation aux jeunes agriculteurs » qui bénéficieraient à titre incitatif de la part de lEtat de subventions exceptionnelles de 50 000 francs et de prêts superbonifiés plafonnés à 150 000 francs par exploitant.
Sagissant de la reconnaissance des différentes fonctions de lagriculteur, le MODEF demande que la notion dexploitant soit mieux définie. Les pseudo-exploitants qui, au travers de sociétés ou dentreprises agricoles, détournent des primes et des aides européennes, ne devraient pas pouvoir prétendre au statut dexploitant agricole. Au contraire, une personne qui cultive une petite exploitation par ailleurs pluriactive, agricole ou non, doit être exploitant agricole selon son choix, par déclaration volontaire au registre de lagriculture. Ce registre devrait dailleurs être tenu par les directions départementales de lagriculture et de la forêt plutôt que par les chambres dagriculture.
Il a précisé que la politique dinstallation souhaitée par le MODEF visait à une large ouverture de la profession dagriculteur aux jeunes dorigine agricole, mais aussi rurale ou citadine. Les critères dunité de référence devraient être davantage déterminés en fonction des hommes et des projets dinstallation. Lunité de référence devrait être plus souple, afin daider à sinstaller tous ceux qui le souhaitent, même en-dessous du seuil (jeunes hors dotation aux jeunes agriculteurs). En même temps, lunité de référence devrait être plafonnée au-dessus de certains seuils.
Le MODEF se réjouit du renforcement du contrôle des structures, qui permettra de limiter les agrandissements. Laction conjuguée du contrôle des structures, lobligation de demande dautorisation dexploiter au-delà du seuil de référence, ainsi que le plafonnement des aides, sont essentiels pour freiner la politique de concentration qui a pénalisé les exploitants familiaux jusquà aujourdhui. Pour être cohérente, cette politique de limitation des agrandissements doit être complétée par une revalorisation des retraites, afin de faciliter la transmission. Par ailleurs, une publicité des surfaces libérées supérieures à un hectare est souhaitable.
Abordant la question du statut des conjoints, M. Xavier Compain a estimé nécessaire que la loi dorientation permette une avancée sociale, non seulement pour ceux-ci, mais aussi pour les aides-familiaux. La loi devrait offrir aux agricultrices un véritable statut leur accordant des droits identiques à ceux des autres catégories sociales, notamment pour le congé de maternité, les allocations à 100 %, ou encore la couverture des frais de remplacement. Elle doit en outre contribuer au développement de lemploi salarié et à la revitalisation du milieu rural.
Il a ensuite rappelé lattachement du MODEF au système coopératif, dont les atouts doivent être renforcés. De nouvelles règles de gestion et de fonctionnement doivent être mises en place afin dy parvenir, les coopératives pouvant alors devenir les partenaires fondant le nouveau type de développement agricole que la loi dorientation doit impulser.
Il a estimé quil était nécessaire dinstaurer la représentation des organisations par des élections à la proportionnelle dans les interprofessions, afin que celles-ci jouent un rôle moteur au sein des filières. Il a souhaité que soit introduite dans le projet de loi la possibilité pour une interprofession de fixer les prix dun produit sous label officiel de qualité. Il a également souhaité que la loi dorientation encadre les relations entre la distribution et les producteurs, en réduisant les marges des centrales dachat dans lintérêt commun des producteurs et des consommateurs. Il a enfin demandé que les exploitants familiaux soient représentés au sein du Conseil supérieur dorientation et de coordination de léconomie agricole et alimentaire.
Abordant la question de la qualité et de lidentification, il a regretté la prévalence dune stricte logique financière au détriment des éleveurs et des consommateurs, dont la crise de lencéphalite spongiforme bovine constitue un exemple. Produire et garantir des produits de qualité identifiables, en assurant une transparence et une traçabilité pour chaque produit et chaque filière constitue aujourdhui la seule solution. Cette qualité minimale doit devenir pour lagriculteur une source de revenu.
Il faut également adapter la formation initiale aux attentes dune agriculture raisonnée et durable et mener une plus large information sur les nouvelles pratiques agricoles en direction des exploitants. La recherche doit sabstraire de la logique de compétitivité et de rentabilité que les choix financiers ont jusquici guidée.
En conclusion, M. Xavier Compain a souhaité que la représentativité de toutes les organisations syndicales soit reconnue, le respect du pluralisme syndical nécessitant linstauration dun scrutin proportionnel dans tous les organismes professionnels. Il a également rappelé que lagriculture a souvent servi dexemple dans le domaine de la politique européenne ; elle peut aujourdhui être le précurseur de nouveaux rapports entre les hommes.
M. François Patriat, rapporteur du projet de loi dorientation agricole, a dabord observé quil partageait lanalyse du MODEF selon laquelle le projet de loi ne doit pas être un projet de loi dadaptation agricole, mais bien un projet de loi dorientation agricole, ce terme dorientation étant le mot clé du texte.
Relevant que le MODEF dans son désir de rupture avec la logique productiviste qui a caractérisé le développement agricole souhaitait aller au delà des dispositions du projet de loi, il a estimé que le texte ouvrait pourtant de réelles perspectives en tentant de mettre fin à une concurrence sans limites.
Considérant que lobjectif de reconquête des emplois dans lagriculture était unanimement partagé car il est noble et ambitieux, il sest interrogé sur la manière de le mettre en uvre dans la pratique.
Sagissant de la définition de lexploitant qui, selon les critères retenus par le MODEF, conduirait à exclure certains agriculteurs de ce statut, il a indiqué sa préférence pour une définition qui sapplique au maximum dagriculteurs, ceux-ci pouvant alors bénéficier de certaines primes. Concernant le plafonnement des aides par actif, il a relevé la difficulté de définir aujourdhui la notion dactif agricole, très différente suivant les pays de lUnion européenne. Il a observé que lon pourrait être tenté de demander plus de subsidiarité en la matière, mais il a alors mis en garde contre une renationalisation de la PAC.
Sagissant des coopératives agricoles pour lesquelles le MODEF souhaite la relance dune coopération à taille humaine, M. François Patriat a considéré quon ne pouvait ignorer la mondialisation et quil fallait donc que ces coopératives aient une taille critique.
Il a estimé nécessaire de trouver une voie qui permette de maintenir une structure proche des producteurs de façon à ce que leurs voix soient entendues et justement représentées.
En ce qui concerne les structures, il a souhaité quil soit mis fin « aux délits dinitiés », et a déclaré ne pas partager lavis du MODEF sur la taille des exploitations. Il a observé que le projet de loi devrait permettre louverture des commissions départementales dorientation de lagriculture (CDOA) et donc une plus juste représentativité. Enfin, il sest déclaré daccord pour quen cas de faillite, une part du capital soit déclarée insaisissable et il a indiqué quil déposerait en ce sens un amendement au projet de loi de manière à ce que le logement et une quote-part de la récolte de lagriculteur ne soit pas saisie.
M. Jacques Rebillard a observé que le projet de loi dorientation agricole ne faisait pas lapologie de l« agriculture de papa » mais au contraire essayait dadapter lagriculture à un contexte nouveau. Il a estimé nécessaire une formation plus poussée des agriculteurs de manière à ce quils soient conscients des effets positifs de leurs actions sur leur production mais aussi de leurs effets négatifs dans le domaine de lenvironnement. Considérant que lagriculture doit être tournée vers la production de produits de qualité, mais quil fallait également quelle souvre à dautres débouchés (produits pharmaceutiques et industriels) dans le respect de lenvironnement, il a insisté sur lapport lessentiel de la recherche en ce domaine.
M. Félix Leyzour a déclaré partager lidée selon laquelle laugmentation des revenus agricoles pourrait être supportée par laval et la distribution ; considérant que les aides accordées aux agriculteurs dans le cadre des contrats territoriaux dexploitation ne sont quune compensation des contraintes quils acceptent mais quelles ne sont pas une garantie de revenu, il a observé que lidée développée par le MODEF pourrait les faire bénéficier de prix rémunérateurs.
En réponse aux intervenants :
M. Raymond Girardi, secrétaire général, a relevé que les contrats territoriaux dexploitation étaient un élément essentiel du projet, mais quils pouvaient être soit une très bonne soit une très mauvaise chose. Etant fondés sur la rémunération des fonctions de lagriculteur autres quéconomiques, ils nassurent pas des prix rémunérateurs aux agriculteurs ; or la fonction économique des agriculteurs doit être préservée, sinon le risque est grand de les voir disparaître. Lactivité économique de lagriculture doit être viable pour que le nombre dagriculteurs puisse être maintenu ou même développé. Le contrat territorial dexploitation pourra avoir cet objectif, à condition que des moyens financiers suffisants lui soient affectés.
Sagissant de la distribution des revenus, le MODEF a soutenu depuis 1986 lidée dun coefficient multiplicateur qui permettrait des prix supérieurs pour les agriculteurs et qui freinerait les prix pour les consommateurs. Lessentiel des plus-values créées par lagriculture est en effet ponctionné ; or les centrales dachat pourraient réduire substantiellement leurs marges.
M. Alain Gaignerot, directeur, a estimé quil ne fallait pas caricaturer leur vision de lagriculture familiale qui nest en rien une « agriculture de papa ». Lexploitation familiale peut être un concept moderne tout en ayant une taille raisonnable et sans pratiquer le productivisme à outrance ; elle constitue une structure davenir en termes demploi et de qualité de produit.
M. François Patriat, rapporteur, a estimé que ce type dexploitation menait un combat contre la course à lagrandissement.
M. Xavier Compain, responsable des jeunes, a également souligné quelle permettait de freiner un productivisme irraisonné.
Le président André Lajoinie a estimé que les deux notions de lagrandissement et du productivisme étaient liées.
M. Alain Gaignerot a observé que le critère traditionnel dune demi SMI était seulement un critère daccès à la protection sociale. Il a estimé nécessaire de différencier la coopération à grande échelle et les petites coopératives quil faut aider à évoluer.
M. Félix Leyzour a estimé que productivisme et agrandissement étaient deux notions liées, puisque le développement dune agriculture productiviste amène à rechercher des terres supplémentaires destinées aux épandages et quil fallait donc réfléchir aux limites à apporter à un tel développement.
M. Jean Proriol a posé le problème de la difficulté des épandages pour les élus locaux, ceux-ci ne pouvant se faire quavec laccord des agriculteurs.
M. Raymond Girardi a estimé que cétait effectivement un problème à régler, qui navait pas de solution à lheure actuelle, car les épandages doivent nécessairement se faire sur les terres agricoles, mais quil serait peut être résolu par la recherche.
M. René Calamel, trésorier, a souligné lintérêt du coefficient multiplicateur et exposé le scandale que constitue selon lui la différence de prix observée entre le prix payé à lagriculteur dans la région de production et celui payé par le consommateur.
fpfp
La commission a ensuite procédé à laudition de M. Dominique Chardon, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA).
M. Dominique Chardon a indiqué en préambule que le projet de loi dorientation ne manquait pas dambition : il propose de redonner un sens et une cohérence au métier dagriculteur en replaçant le territoire au coeur de la politique agricole, en resserrant les liens entre lagriculteur et ses produits et en favorisant le développement durable des exploitations.
Sous la double poussée de la concentration et de la spécialisation, lagriculture a trop privilégié la filière contre le territoire. Les conséquences en sont connues : friches dun côté, pollutions de lautre, déséquilibres économiques, atteintes au paysage... Cest du reste parce que la FNSEA partage lambition du projet de loi quelle regrette que le texte ne soit pas toujours à la hauteur de ses objectifs. Si le projet de loi comporte des aspects positifs quil ne faut pas sous-estimer, il est souhaitable cependant que les travaux parlementaires permettent de combler des lacunes et de lever des ambiguïtés, afin que le texte puisse vraiment constituer lacte fondateur dune nouvelle politique agricole.
Puis, M. Dominique Chardon a fait observer que le contrat territorial dexploitation (CTE) constituait lépine dorsale du projet de loi. Il devrait être loutil privilégié de la nécessaire mutation de lagriculture, en favorisant la conquête de la valeur ajoutée, ladaptation aux marchés, la préservation des ressources naturelles, le maintien ou la création demplois, la production de services collectifs.
Le contrat territorial dexploitation peut être un bon outil, sil repose sur une vision dynamique de lagriculture, si sa finalité est de mettre en cohérence un projet dentreprise avec son environnement économique, écologique et territorial. Son objectif prioritaire ne doit pas être de parvenir à un rééquilibrage des soutiens, qui ressort en premier lieu de la politique communautaire. Toutefois, il doit contribuer au maintien dexploitations viables sur tout le territoire, ce qui implique un certain volontarisme dans lorientation des crédits qui lui seront affectés. Il doit sinscrire dans une démarche ascendante, fondée sur les capacités dinitiative et de créativité des agriculteurs comme des autres acteurs du milieu rural et intégrer la dimension économique de lactivité productive. Constituant un outil de synthèse, il doit favoriser la synergie dun certain nombre daides existantes.
Enfin, le contrat territorial dexploitation ne doit pas sajouter aux autres politiques contractuelles, ni enfermer les agriculteurs dans un carcan bureaucratique. Sa mise en uvre doit être simple, souple, respectueuse de la diversité des situations locales. A cet égard, la FNSEA estime que la diffusion des contrats territoriaux dexploitation auprès des agriculteurs procédera plus dune démarche militante que dune démarche administrative. Le choix du ou des organismes chargés de leur instruction et de leur suivi sera donc une des conditions de leur succès.
Abordant ensuite la réforme du contrôle des structures, M. Dominique Chardon a souligné quelle était nécessaire, en raison des dérives constatées ces dernières années qui justifient que lon veuille appréhender de façon plus équitable toutes les exploitations, quelles soient individuelles ou sociétaires, et que lon vise à améliorer lefficacité des sanctions. Pour autant, le contrôle des structures ne rencontrera, sur le terrain, une adhésion active des professionnels que dans la mesure où il sinscrira dans le cadre plus général dune politique des structures complétant les mesures coercitives par des mesures incitatives. A cet égard, il convient au moins de proroger la préretraite sociale et laide à la libération des terres qui viennent à expiration fin 1998.
M. Dominique Chardon a également relevé, parmi les mesures positives du projet de loi, linstauration dun nouveau statut pour les conjoints, la reconnaissance dinterprofessions spécifiques pour les produits sous signe de qualité et lengagement dune réflexion sur un système dassurance récolte. Il a, entre outre, mis laccent sur la nécessité dintroduire dans le texte par voie damendements certaines dispositions transmises à la Commission européenne, en particulier celles relatives au fonds de promotion et de valorisation des produits alimentaires.
Puis, M. Dominique Chardon a insisté sur les lacunes du projet de loi. Soulignant quune réforme des prélèvements fiscaux relevait dun projet de loi de finances, il a cependant estimé que la loi dorientation pourrait fixer le cadre général dune modernisation de la fiscalité agricole, en vue de mettre en place une véritable fiscalité dentreprise et de faciliter la transmission progressive des exploitations. Sur ce plan, lexposé des motifs du projet de loi est un peu plus précis que les versions précédentes, en particulier lorsquil indique que « la fiscalité et le régime social des exploitations agricoles devront prendre en compte la nouvelle définition de lactivité agricole » ; il a toutefois jugé que cette précision était insuffisante pour définir une véritable orientation.
Sagissant des droits à produire, il a reconnu que la définition de règles claires de gestion était un exercice difficile, du fait quil sagissait dune réglementation communautaire, tout en considérant quune loi dorientation ne pourrait pas éluder ce problème, sous peine dêtre taxée de « velléitaire ». Il faudrait au moins fixer un cadre général servant de base à la position que la France essaiera de faire prévaloir au plan européen.
M. Dominique Chardon a également regretté labsence de définition de lexploitant agricole dans le projet de loi. Outre son intérêt pour létablissement du registre de lagriculture, une telle définition semble indispensable en matière de politique des structures : dans létat actuel du texte, sur quels critères faudra-t-il se fonder pour distinguer, au sein dune société, les associés exploitants dont le départ peut déclencher un contrôle et les apporteurs de capitaux dont le départ, de ce point de vue, nemporte pas de conséquence ? La FNSEA propose une définition fondée sur trois critères : lexercice dune activité agricole, la participation aux actes nécessaires à lexploitation et le fait dassumer le risque économique. Cette définition large prend en compte la pluriactivité et reflète une conception ouverte du métier dagriculteur.
Abordant ensuite la question des retraites, M. Dominique Chardon a indiqué que lexposé des motifs du projet de loi marquait un certain progrès en précisant que « les mesures législatives nécessaires à la revalorisation par étapes progressives des pensions de retraites les plus faibles seront proposées dici la fin de la législature ». Il a souligné que, sans sous-estimer la portée de cet engagement, un calendrier plus précis et plus contraignant serait cependant le bienvenu.
Quant à lorganisation économique, il a fait observer que le chapitre du projet de loi relatif à ce sujet manquait encore de consistance, même si la possibilité daffecter le contrat territorial dexploitation au « développement de projets collectifs de production ou daménagement » ouvre une piste intéressante, dans la mesure où elle pourrait permettre de croiser une démarche de développement et un effort dorganisation.
La FNSEA considère cependant quil faut avancer sur dautres points essentiels :
le développement de lintégration transforme un nombre croissant dagriculteurs en de simples exécutants qui nont pas les prérogatives dun chef dentreprise, ni les garanties dun salarié. Il faudrait donc revoir le champ dapplication de la loi sur lintégration et les conditions délaboration des contrats types qui devraient être soumis à lagrément du Conseil supérieur dorientation et de coordination de léconomie agricole et alimentaire (CSO) ;
il convient également de définir une politique de soutien aux entreprises coopératives, qui serait modulée selon leur degré de multifonctionnalité (création demplois locaux, bien sûr, mais aussi valorisation des productions de leurs adhérents, promotion de spécificités territoriales de produits) et selon les démarches participatives proposées à leurs adhérents ;
il est enfin souhaitable de pérenniser les outils coopératifs, notamment par la constitution dun fonds pour la restructuration des coopératives, afin dassurer leur ancrage sur lensemble du territoire et déviter leur délocalisation ou leur prise de contrôle par des capitaux internationaux.
M. François Patriat, rapporteur, a salué lanalyse du projet de loi dorientation agricole faite par la FNSEA et estimé fondées la plupart des demandes formulées. Cependant, il a déclaré ne pas partager la vision selon laquelle le contrat territorial dexploitation peut constituer un facteur dentrave. Jugeant que ce nouveau contrat devait contribuer à laménagement du territoire, il a souhaité savoir si la FNSEA faisait, comme lui, le constat que lagriculture française noccupait plus aujourdhui systématiquement le territoire.
Concernant les remarques de M. Dominique Chardon sur labsence de dispositions fiscales dans le projet de loi, il a fait remarquer que personne ne pouvait être hostile à une réforme fiscale de grande ampleur, mais il a constaté quune telle réforme créait toujours beaucoup de déçus. Cependant, les assiettes actuelles de calcul des charges sociales conduisent à des situations économiquement difficilement supportables par de nombreuses exploitations. Par ailleurs, linclusion dune réforme du statut des droits à produire dans le projet de loi, en plus dune réforme fiscale, naurait pas permis de déposer un texte avant longtemps.
M. François Patriat sest ensuite déclaré intéressé par la proposition dautoriser la création de groupements agricoles dexploitation en commun entre un père et son fils sans imposer son agrandissement.
En matière de retraite, il a fait valoir que le projet de loi entendait seulement réparer une injustice criante vis-à-vis des conjoints dexploitants. Un autre projet de loi de grande ampleur serait nécessaire pour éliminer toutes les injustices en matière de retraite.
Il a ensuite souligné lapproche positive de la FNSEA faisant ressortir le caractère primordial de la fonction de production de lagriculture. Il a estimé que si les Français attendent de leurs exploitants agricoles quils soient compétitifs, ils ne cherchent pas à avoir une agriculture axée sur les quantités mais plutôt sur la qualité, la sécurité sanitaire et la traçabilité des produits.
M. Léonce Deprez a tout dabord demandé comment pourrait être garantie la primauté de la fonction économique au sein des contrats territoriaux dexploitation. Il a ensuite fait remarquer que les différentes auditions réalisées par la commission montraient la nécessité dune meilleure organisation de la production et de producteurs agricoles plus forts face à la distribution. Au delà des contraintes juridiques du droit de la concurrence, il a demandé quelles étaient les propositions de la FNSEA en la matière et comment elles sarticulaient avec linterdiction des ententes anticoncurrentielles.
Il sest enfin interrogé sur la portée de la proposition de la FNSEA consistant à demander de procéder à une réforme densemble de la politique des filières et de lorganisation économique des producteurs dans les douze mois suivant la publication de la loi dorientation agricole.
M. Christian Jacob a souhaité savoir, en premier lieu, si la FNSEA était favorable aux contrats territoriaux dexploitation dans la mesure où ils seraient financés par une modulation de la part nationale des aides communautaires et quils nauraient donc pas de financement national propre.
En second lieu, il a fait observer que le contrat territorial dexploitation sajouterait à dautres formes de contractualisation et a demandé quels contrats existants devraient être supprimés si lon voulait éviter une superposition des interventions contractualisées. Il a ensuite demandé si la FNSEA était favorable à linstitution dune autorisation provisoire dexploiter destinée aux jeunes. Il a estimé que cette proposition posait en fait un problème de pérennité de lexploitation bénéficiant de lautorisation provisoire.
En dernier lieu, il a souhaité savoir si la FNSEA était favorable à la création dun fonds dentreprise qui comprendrait les biens fonciers, le capital dexploitation et les droits à produire. Cette proposition permettrait déviter de donner une valeur aux droits à produire car leur transformation en valeur marchande pourrait menacer la survie dune exploitation qui en aurait acheté beaucoup au cas où ces droits seraient supprimés à lavenir.
M. Jacques Rebillard a fait remarquer que chacun se plaisait à affirmer en commentant le contrat territorial dexploitation que la fonction première de lagriculture était la production, mais il a fait observer que la notion de travail était fortement ancrée dans lesprit des agriculteurs et quelle était même poussée à lextrême par certains. Il sest donc déclaré assuré que la fonction de production ne sera jamais oubliée par lagriculteur titulaire dun contrat territorial dexploitation, même si certains abus pourront être commis. En conclusion, il a souhaité savoir comment la FNSEA envisageait la mise en uvre sur le terrain des contrats territoriaux dexploitation.
En réponse aux différents intervenants, M. Joseph Giroud, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a apporté les éléments dinformation suivants :
la FNSEA attend du Gouvernement un engagement clair sur la fiscalité agricole. Les gouvernements successifs ont tous déclaré partager les souhaits de la FNSEA en matière de réforme fiscale, mais ces souhaits ne se sont jamais traduits par des mesures. La FNSEA souhaite un aménagement des régimes dimposition, une réforme de la transmission dentreprises et une réforme inspirée par le souci de disjoindre au regard de leur taxation le revenu disponible et le revenu réinvesti, qui supportent les mêmes charges sociales et fiscales ;
les exploitants agricoles ont tenté de se grouper par le biais de coopératives, de groupements de producteurs et de relations contractualisées. Cependant, depuis la libération totale des prix en 1986, la grande distribution a pu continuer son mouvement de concentration, ce qui a conduit à placer les producteurs agricoles dans la situation du « pot de terre contre le pot de fer ». La loi empêche les agriculteurs de sentendre alors quelle tolère la concentration des distributeurs. Il faut cependant reconnaître que des accords ont pu être conclus dans un sens favorable, notamment celui sur les fruits en 1996 et sur le lait en 1997, qui ont été mis au point sous les patronages respectifs de MM. Philippe Vasseur et Louis Le Pensec, ministres de lagriculture ;
le contrat territorial dexploitation permettra dassurer un équilibre entre les dimensions humaine, territoriale et de production de lagriculture française. La fonction économique de production doit rester primordiale si lon souhaite maintenir la motivation des agriculteurs ;
le contrat territorial dexploitation devra être coordonné avec les autres contractualisations existantes. La cohérence de la politique contractuelle devra toutefois être renforcée, en regroupant certaines formules contractuelles comme les opérations groupées daménagement foncier (OGAF) et celles utilisées pour mettre en uvre des politiques régionales, lorsquun contrat territorial dexploitation trouvera à sappliquer ;
linstruction des demandes de contrat territorial dexploitation doit être confiée aux organisations professionnelles qui ont lhabitude de négocier des opérations analogues, telles les dotations dinstallation et les opérations groupées daménagement foncier (OGAF).
M. Pierre Degregori, directeur général adjoint de la FNSEA, a ensuite fourni les éléments dinformation suivants :
linstitution dun fonds dentreprise permettrait de donner une réalité juridique à lentreprise agricole, mais elle risque aussi de se traduire par une valeur supplémentaire que le jeune exploitant devra acquitter au moment de son installation. Elle risque donc de constituer une barrière financière supplémentaire à linstallation. Mais ce débat reste ouvert au sein de la FNSEA ;
le contrôle des structures constitue une réglementation coercitive nécessaire. Linstitution dautorisations conditionnelles dexploiter doit permettre de contrôler un certain nombre de montages visant à contourner la réglementation.
M. Dominique Chardon, secrétaire général de la FNSEA, a en dernier lieu fourni les éléments dinformation suivants :
si on nest pas en mesure dapporter une réponse immédiate à un problème fondamental, une loi complémentaire à la loi dorientation peut savérer indispensable. Cette méthode a déjà été utilisée ; elle pourrait sappliquer à la réforme de la politique des filières. Tel est le sens de la proposition présentée par la FNSEA ;
les services fournis par les exploitants agricoles relèvent de la production. Mais il est indispensable de faire ressortir le sens du métier dagriculteur, à savoir nourrir les hommes et occuper le territoire. La fonction économique de lagriculture est essentielle mais elle nest pas unique, cest ce que le contrat territorial dexploitation met en valeur ;
les entreprises de distribution ne doivent pas avoir pour premier objectif de vendre au plus bas prix ; elles doivent prendre en compte la dimension qualitative des denrées alimentaires. Cette approche doit conduire à segmenter les marchés considérés jusquà présent comme uniques. Lexemple des farines peut illustrer cette idée car, en fait, il existe plusieurs variétés de farines de qualités différentes selon les céréales dont elles sont issues, ce qui doit conduire à rémunérer de manière différente les producteurs de céréales selon les qualités de ces dernières. Le contrat territorial dexploitation peut être un outil permettant à lagriculteur de sadapter à une démarche de qualité. Il doit avoir un caractère dynamique pour lexploitant ;
le financement du contrat territorial dexploitation doit laisser une place à une part de financement communautaire, correspondant aux fonds sociaux structurels et à lapplication du principe de subsidiarité.
fpfp
La commission a ensuite entendu M. Pascal Coste, président du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA).
Le président André Lajoinie a félicité le président Pascal Coste pour sa récente élection à la tête du CNJA et lui a demandé dexposer lopinion de son organisation sur le projet de loi dorientation agricole.
M. Pascal Coste a souligné que la nouvelle équipe à la tête du CNJA entendait inscrire son action dans la continuité de celle de Mme Christiane Lambert.
Sagissant du projet de loi dorientation agricole, il a relevé que ce texte était la première réforme globale depuis les lois dorientation de 1960 et 1962 qui avaient permis à lagriculture de sortir de son ghetto et qui lavaient amené aux performances que lon constate aujourdhui. Il sest félicité que le Président Jacques Chirac ait initié cette réforme qui est souhaitée par le CNJA pour permettre à lagriculture daccompagner lévolution du monde actuel.
Il a indiqué que plusieurs échéances importantes avaient été à lorigine de la préparation de ce projet de loi dorientation : la prochaine réunion de lOMC, la mondialisation de léconomie, le renouvellement de la PAC et les propositions de la Commission européenne « Agenda 2000 » qui sinscrivent dans le cadre de lélargissement de lUnion européenne aux pays dEurope centrale et orientale, pays producteurs de matières premières à bas prix, qui risquent de bouleverser lordre établi. Il a observé que ce texte entendait cerner le nouveau contexte de notre société et répondre à ses attentes qualitatives, à ses préoccupations demploi, daménagement du territoire et denvironnement ainsi quà ses préoccupations de bien être des hommes et des animaux. Il a relevé que le Gouvernement souhaitait faire de ce texte un contrat entre la Nation et son agriculture et il a exposé les trois objectifs qui fondent ce texte : le renforcement de la compétitivité des exploitations, laugmentation de leur nombre et leur multifonctionnalité.
Sagissant du renforcement de la compétitivité des exploitations, il sest félicité de la baisse des charges et de ladaptation des politiques de marchés mais a estimé que le problème de la répartition des marges constituait une des faiblesses du projet de loi.
Sagissant de lévolution du nombre des exploitations, il a relevé que linstallation des jeunes agriculteurs était devenue une priorité et a souligné la nécessité dune réforme de la transmission des exploitations qui mettra fin à un système particulièrement archaïque et de celle de la politique des structures.
En ce qui concerne la multifonctionnalité de lagriculture qui est véritablement prise en compte par le texte, il a souligné que cette approche permettait de croiser les logiques verticales avec des approches horizontales (environnementales, sociales, territoriales) et de faire des hommes la préoccupation majeure de la politique agricole.
Il a observé que lagriculture était confrontée à une diminution de sa valeur ajoutée en raison de la politique internationale et de la politique de guichet qui a prévalu ces dernières années ainsi quà une diminution régulière de ses actifs. Cela a certes permis de préserver le revenu des agriculteurs, mais ce nest pas une solution satisfaisante. Il faut arriver à recréer de la richesse en mettant les agriculteurs en situation de projet par des politiques incitatives comme les contrats territoriaux dexploitation.
Il est extrêmement difficile de faire reconnaître le caractère multifonctionnel de lagriculture, au delà de sa fonction première qui est nourricière, car la société composée à 80 % de citoyens habitant les villes et à 70 % de personnes ayant des activités de service ne le comprend plus. Il faut procéder à des explications et à un rapprochement entre ces deux mondes. Deux manières de faire sont possibles : soit associer de façon équilibrée les dimensions économiques, sociales et territoriales, soit, ce que propose le projet de loi, parvenir à un équilibre en mettant plus fortement laccent sur les aspects territoriaux et sociaux.
M. Pascal Coste a estimé pour sa part que cette vision nétait pas durable et quelle manquait dharmonie.
Il a souligné son accord avec le principe du contrat territorial dexploitation mais a regretté que le texte se limite au seul concept sans aborder les missions de ce contrat, laissant ce soin à des décrets ultérieurs. Il a exprimé son accord sur le volet du texte concernant le contrôle des structures, même si son organisation est favorable à quelques modifications.
En priorité, il faut compléter trois axes majeurs :
le caractère incitatif de la politique des structures : il faut une politique plus large quune politique de contrôle. La définition de lexploitant et un volet juridique et fiscal de la transmission dexploitations agricoles devront être introduits ;
la compétitivité des exploitations : une distinction entre le revenu du capital et le revenu du travail doit permettre de parvenir à un allégement des charges sociales. Les cessions de parts de sociétés sont trop lourdement taxées. Il ny a pas de dispositions réelles sur la politique daide à linvestissement.
permettre aux agriculteurs de sorganiser : il faut redéfinir le cadre des groupements de production, de manière à ce que les groupements dune taille critique reçoivent les aides en priorité ; il faut étendre les déductions fiscales pour investissements aux parts sociales pour les coopératives.
En ce qui concerne la politique de qualité, alors quil faut faire en sorte que cette politique soit mieux comprise par le consommateur, M. Pascal Coste a estimé que le texte allait la complexifier, voire même la rendre inopérante alors que, pour le moment, elle fonctionne correctement.
En conclusion, il a observé que le texte comportait de bonnes orientations sagissant des politiques territoriales et sociales, des contrats territoriaux dexploitation et du contrôle des structures, mais quil serait à compléter sur le problème de la compétitivité des exploitations et sur la politique des structures.
M. François Patriat, rapporteur, déclarant partager certaines des remarques exposées par le CNJA à propos du projet de loi, a néanmoins rappelé que la loi dorientation ne pouvait avoir pour ambition de contenir la solution à toutes les demandes formulées par les différentes représentations dagriculteurs.
Soulignant que plusieurs suggestions du CNJA étaient semblables à celles dautres organisations, sagissant notamment du volet économique du projet ou du statut de lexploitant, il a remarqué quelles aboutissaient à remettre en cause le concept dinstallation progressive.
Il a relevé que, si les dispositions du projet relatives aux identifications géographiques protégées faisaient presque lunanimité contre elles parmi les organisations professionnelles, le retrait de lindication géographique protégée du projet de loi nétait pas fondé. Ce signe vise à clarifier les règles applicables pour le consommateur, aujourdhui mal informé. Le fait de confier à lInstitut national des appellations dorigine le contrôle des indications géographiques protégées permettra de reprendre une procédure qui a déjà fait ses preuves.
M. Joseph Parrenin sest réjoui du caractère constructif des propositions du CNJA relatives au projet de loi dorientation. Il a relevé que, si une majorité sélevait contre le système des indications géographiques protégées, il nen allait pas de même des producteurs concernés par ce signe didentification. Il a rappelé quil ne sagissait nullement dune certification au rabais, certaines indications géographiques protégées étant même plus strictes que des AOC ; dès lors il convient de clarifier cette identification et non la rejeter.
Rappelant le contenu et les objectifs des contrats territoriaux dexploitation, il a indiqué que le Gouvernement entendait assurer leur financement en revendiquant le principe de subsidiarité dans lattribution de dotations communautaires. Il a estimé quil sagit dun choix politique important visant à rééquilibrer les attributions daides publiques.
Il a ensuite demandé des précisions quant à la position du CNJA vis-à-vis de linstallation progressive.
M. Léonce Deprez a demandé si la loi dorientation agricole pouvait influer sur la réforme de la politique agricole commune et sil était en même temps possible de concilier les objectifs de deux projets, lun national et lautre communautaire.
Il sest ensuite interrogé sur la possibilité dinsérer dans le projet de loi un dispositif encourageant les organisations économiques de producteurs.
M. Christian Jacob, abordant la question de la patrimonialisation des droits de production, a estimé que le prix dune entreprise agricole valait par sa capacité à obtenir des résultats et non par les droits à produire qui lui étaient attachés. Estimant quil convenait en conséquence davoir une approche globale de la valeur dune exploitation, il a demandé si le CNJA avait des propositions à présenter sur ce point.
Il a ensuite indiqué que le financement du contrat territorial dexploitation dans le cadre communautaire pourrait se faire de deux manières, soit par la modulation des aides compensatoires, soit par les fonds structurels dont la réforme est en cours mais dont les aides ont jusquà présent peu bénéficié aux agriculteurs français. Il a réaffirmé son opposition à la modulation des aides qui pourrait aboutir à ce que, par exemple, un producteur de céréales cultivant 100 hectares en Marne voie ses revenus chuter et que le différentiel soit reversé à un producteur de champagne qui planterait des rosiers devant ses vignes pour attirer les insectes.
Le président André Lajoinie a indiqué quune démarche analogue à celle du contrat territorial dexploitation était entreprise aux Etats-Unis en vue des négociations sur lOrganisation mondiale du commerce (OMC), ainsi quil avait pu le constater lors dune rencontre récente avec une délégation parlementaire américaine.
En réponse aux intervenants, M. Pascal Coste, président du CNJA, a apporté les précisions suivantes :
la possibilité dintégrer un dispositif économique et financier complet dans le projet de loi dépend de la vigueur de la volonté politique. Une ambition modérée sur un volet fiscal devrait tout de même conduire au minimum à afficher les ambitions, renvoyant la définition des mesures techniques pour les atteindre à une loi de finances ultérieure ;
lidentité de vue entre de nombreuses organisations agricoles sur les améliorations à apporter au texte du projet de loi, découle naturellement de leur objectif commun de défendre les agriculteurs ;
la possibilité de recourir à la procédure de linstallation progressive constitue une priorité pour le CNJA. Il convient toutefois de clarifier les définitions de lexploitant et de modifier la consistance du dispositif ;
le CNJA est favorable à la tutelle de lINAO sur les indications géographiques protégées dès lors que celles-ci ne constituent pas un nouveau signe de qualité, comme tend à le disposer le projet de loi. Il faut que loctroi dune indication géographique protégée reste lié à la détention dun label agricole ou dune certification de conformité. La multiplication des signes de qualité finit par créer une confusion dans lesprit des consommateurs, dautant plus que tous les producteurs agricoles cherchent à obtenir un signe de qualité. Il existe ainsi une tendance à la banalisation du label agricole et de la certification de conformité, qui, en raison de leur multiplication, finissent par apparaître au consommateur comme un signe de qualité de produits de base. Il faut donc à tout prix éviter de créer un cinquième signe de qualité et maintenir, à titre exclusif, la procédure de reconnaissance des indications géographiques protégées, qui doivent rester un moyen de protection des véritables signes de qualité que sont les labels agricoles et les certifications de conformité ;
le financement du contrat territorial dexploitation est une question essentielle qui dépasse cependant le cadre du projet de loi. Pour le CNJA, le contrat territorial dexploitation ne doit pas être un outil de redistribution et de rééquilibrage des aides. Ce rééquilibrage doit se faire dans un cadre économique. Le contrat territorial dexploitation rémunérera des missions assurées par les agriculteurs. Cela doit se faire dans le cadre communautaire ; la multifonctionnalité de lagriculture doit être reconnue au niveau européen, autrement quau travers des seules aides au développement rural et encore faudrait-il que les exploitants en bénéficient. Il faut, bien sûr, rester très vigilants sur les critères de redistribution qui seront proposés afin quils ne se limitent pas à laspect agri-environnemental et veiller en particulier à ce quil naboutissent pas à la remise en cause de léquilibre des exploitations ;
le projet de loi dorientation agricole devrait être adopté avant la réforme de la PAC qui pourrait aboutir en mars 1999. Il est préférable danticiper sur les propositions contenues dans l« Agenda 2000 » en choisissant une stratégie offensive, quitte à compléter les dispositions législatives par la suite. Il est important de faire de la multifonctionnalité un objectif régional, inclus dans les futurs contrats de plan Etat-régions, mais aussi européen et international dans le cadre des négociations de lOMC, notamment sur les clauses de sauvegarde environnementales et sociales ;
il est souhaitable que le projet de loi dorientation agricole redéfinisse précisément les missions des organisations de producteurs et quil prévoie une priorité dans lattribution des soutiens publics à ceux qui ont choisi dintégrer de telles organisations. Le CNJA a fait des propositions en ce sens pour mieux adapter la production à la demande des marchés, en établissant des relations contractuelles entre les producteurs et leurs partenaires de la filière, instaurer une transparence des transactions et régulariser les cours ;
la création dun fonds dentreprise nécessite une approche globale de lexploitation agricole ; elle pose le problème du statut juridique des droits à produire et du fermage. Le CNJA est ouvert à la discussion sur cette question mais na pas encore de réponse claire à y apporter.
fpfp
La commission a enfin entendu M. Jacques Laigneau, Président de la Coordination rurale.
M. Jacques Laigneau a tout dabord remercié le président André Lajoinie et les membres de la commission pour leur accueil. Il a estimé que le fait délaborer une loi dorientation agricole avant la fixation des orientations de la nouvelle politique agricole commune représentait sans doute une erreur stratégique, dans la mesure où lessentiel des orientations de la politique agricole était dès lors déterminée à Bruxelles et que la politique dorientation nationale ne pouvait être que de rattrapage. Il sest ensuite demandé quelles pouvaient être les finalités de la loi dorientation agricole tout en soulignant demblée les méfaits de la politique agricole commune mise en place en 1992 qui a introduit trois facteurs dagrandissement : la baisse des prix, les primes et les jachères qui ont entraîné la disparition de 50 000 agriculteurs par an. A lheure actuelle, lon compte de moins en moins dinstallations de jeunes, mais on constate une pollution due à lindustrialisation de la production et une diminution sensible de la qualité des produits. La situation de notre agriculture est ainsi dégradée, la politique agricole conduite entraînant un processus de désertification très grave pour léquilibre de la Nation. Une loi visant à contrecarrer cette évolution et à mettre en place une agriculture durable est, dès lors, indispensable. LEtat a la possibilité de sauver nos agriculteurs, de mettre un terme à lhémorragie des paysans et de favoriser la mise en place dune agriculture préservant lenvironnement et reposant sur des produits de qualité.
Le Gouvernement français peut exercer une influence sur les instances communautaires, étant observé que notre marché est, pour lessentiel, européen ; il a la possibilité également daccorder des primes supplémentaires, dalléger les charges, daider davantage les jeunes à sinstaller en agriculture et les agriculteurs en difficulté à réduire leur endettement.
Il doit également améliorer le niveau des retraites tout à fait insuffisant.
M. Jacques Laigneau a jugé que le projet de loi dorientation agricole comportait certaines orientations positives. Lon ne met plus en avant, pour la première fois depuis plus de trente ans, le productivisme et la volonté exportatrice qui sont les causes de la situation actuelle. La politique en faveur des produits de qualité et lamélioration du statut du conjoint peuvent être considérées également comme des mesures positives. En revanche, il apparaît que le contrat territorial dexploitation nest pas encore suffisamment précis ; les agriculteurs veulent bien être « des jardiniers » rémunérés pour la qualité de leur production, mais non « des cantonniers » fonctionnarisés. En outre, les mesures relatives au contrôle des structures sont perçues par la Coordination rurale comme portant atteinte au droit de propriété et ne semblent pas de nature à résoudre léquation insoluble entre les départs (40 000) et les installations (de 10 000 à 18 000). Il faudrait par ailleurs mener une politique dinstallation des jeunes beaucoup plus forte et prévoir un abaissement significatif des charges.
La Coordination rurale suggère, à cet égard, cinq grands types de mesures représentant 31 propositions afin de sauver les agriculteurs français.
Le premier groupe de mesures vise à améliorer la rentabilité des exploitations agricoles. Lagriculture souffre, en effet, beaucoup plus dun manque de revenus que dun excès de charges. Il est indispensable, à cet égard, de réfléchir aux conséquences négatives quont eues les accords du GATT qui menacent encore aujourdhui toutes nos productions. Cinq mesures pourraient être utilement prises : la promotion des produits français et lidentification des pays de provenance, afin de préserver lemploi, le développement de la traçabilité des produits, le contrôle des marges de la distribution par la mise en place, sur chaque catégorie de produit, dun coefficient multiplicateur maximum que les distributeurs nauraient pas le droit de dépasser, la promotion dune agriculture durable, encourageant notamment la protection de lenvironnement et la promotion de la qualité et enfin la liberté donnée à linsémination artificielle actuellement entravée par la situation de monopole prévue par la loi sur lélevage.
Lamélioration de la rentabilité des exploitations agricoles passe également par lallégement des charges, tout dabord fiscales : M. Jacques Laigneau a souhaité sur ce point une suppression de limpôt foncier, lallégement des droits de succession, lharmonisation de la TVA, la constitution de provisions pour risques, la distinction entre les revenus du travail et celui du capital et enfin la suppression des plus-values en cas de cessation dactivité.
Quant aux mesures sociales, elles doivent avoir pour objectif la parité avec les autres catégories socioprofessionnelles, ce qui suppose légalité des conjoints et la réversion intégrale pour lépouse dun conjoint décédé, la protection du patrimoine privé, la maison de lexploitant et quatre hectares de terre attenants devant être déclarés insaisissables. La mutualité sociale agricole doit par ailleurs être supprimée et remplacée par un système social unique pour tous les Français.
En matière de désendettement, plusieurs mesures doivent être retenues, telles que notamment la baisse substantielle des taux dintérêt, la suppression des indemnités de remboursement anticipé et la modification des assurances décès invalidité qui doivent couvrir toute la durée du prêt. Il convient également de retenir louverture dun compte bancaire insaisissable permettant dassurer le minimum vital de lagriculteur et de sa famille.
M. Jacques Laigneau a ensuite souligné lintérêt du versement daides aux agriculteurs des régions défavorisées et visant à compenser les handicaps et le maintien des services dans les zones rurales afin dempêcher la désertification du territoire. Il a enfin estimé que les agriculteurs avaient droit à un véritable pluralisme syndical, souhaité la mise en place dun financement des syndicats par analogie avec le fonctionnement des partis politiques et demandé une modification des conditions de la représentativité syndicale et des règles applicables en matière délection aux chambres dagriculture.
M. Jacques Laigneau a conclu son intervention en souhaitant que lon parvienne à un objectif de 20 000 installations de jeunes par an, ce qui suppose un allégement des conditions de formation pour les jeunes issus du milieu agricole, un effort de parrainage pour ceux qui nen sont pas issus et une fixation de la dotation aux jeunes agriculteurs à un niveau de 120 000 francs, accordée pour tous au moment de linstallation et versée en une seule fois.
M. François Patriat, rapporteur, tout en manifestant son accord avec M. Jacques Laigneau sur plusieurs points de son intervention, a souligné tout particulièrement le coût très élevé des mesures suggérées par la Coordination rurale. Il a insisté sur le fait que les progrès de la productivité en agriculture et que le développement dune production à haute valeur ajoutée sont à lorigine de succès pour notre agriculture, comme le prouve lexemple du secteur viticole. Sagissant des exigences de formation imposées aux candidats à linstallation, elles sont la contrepartie inévitable des aides accordées. En toute hypothèse, il est aujourdhui nécessaire que les agriculteurs disposent dun minimum de connaissances biologiques, comptables et économiques pour faire face aux défis du temps. M. François Patriat a exprimé, par ailleurs, son accord avec M. Jacques Laigneau sur le souhait de la Coordination rurale de prévoir linsaisissabilité du logement de lagriculteur.
M. Léonce Deprez a demandé à M. Jacques Laigneau combien dexploitants rassemblait son organisation. Il a souhaité savoir également si le fait que la loi dorientation agricole était discutée avant que ne soit fixée la nouvelle politique agricole commune pouvait poser problème.
M. Jacques Laigneau, président de la coordination rurale, a fait remarquer que le coût financier des mesures quil préconise, effectivement élevé, doit être mis en parallèle avec le coût social considérable de la politique agricole aujourdhui menée. Il a fait remarquer également quune réorientation de la politique agricole commune qui préserverait efficacement les intérêts nationaux, aurait un coût pratiquement nul. Dans la situation actuelle, les consommateurs sont profondément lésés par lévolution des prix alimentaires et, il faut le noter, paient deux fois, devant supporter en outre la charge des aides accordées aux paysans en tant que contribuables.
M. François Patriat, rapporteur, a indiqué que la France recevait 37 milliards de francs chaque année de crédits communautaires, alors que sa contribution à lEurope sélève à 28 milliards de francs. Observant lui aussi que chaque année 40 000 agriculteurs quittent la terre, il a estimé que cette évolution était due avant tout aux caractéristiques de la pyramide des âges et aux effets de la mécanisation. Il a jugé enfin que les conditions de la production agricole nétaient pas neutres à légard de lenvironnement.
M. François Lucas, vice-président de la Coordination rurale, a estimé que les stages imposés aux candidats à linstallation étaient souvent une formule trop lourde et quil importait, dans le contexte actuel, de ne pas exclure des aides prévues de nombreux jeunes désirant sinstaller en agriculture.
M. Jacques Laigneau, répondant sur le nombre des exploitants adhérents à son organisation, a indiqué que, lors des dernières élections aux chambres dagriculture, celle-ci avait présenté des candidats dans 54 départements et obtenu 22,6 % des voix, ce qui correspond à 12 % des voix sur lensemble du territoire.
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